Si nous nous transportons en esprit sur le lieu de torture,
de cette grande juive et martyre chrétienne, sur le lieu de ce terrible
événement aujourd’hui appelé « Shoah », nous entendons en même temps la voix du
Christ, du Messie et du Fils de l’homme, du Seigneur et du Rédempteur. En
messager de l’insondable mystère du salut divin, il s’adresse à la Samaritaine
sur la margelle du puits de Jacob : « Le salut vient des juifs. Mais l’heure
vient — et c’est maintenant — où les véritables adorateurs adoreront le Père en
esprit et en vérité. Car tels sont les adorateurs que cherche le Père. Dieu est
esprit et ceux qui adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent adorer.
» (Jn 4, 22-24.) Ainsi concluait saint Jean-Paul II son homélie de
béatification de sainte Thérèse Bénédicte de la croix.
Pour approcher de sainte Edith Stein, ce n’est pas
l’humilité qui doit nous manquer devant son parcours, ses compétences
philosophiques, mais surtout son sacrifice. Tant de chemin parcouru avec tant
d’ardeur, de labeur et d’abnégation, pour aboutir à Auschwitz. Le nom seul fait
frémir. Il suffit d’avoir vu le modèle réduit du Strutthof près du Mont saint
Odile, ses fours, ses crochets etc… pour d’abord se taire, sidéré et ensuite ne
plus vouloir le faire lorsqu’on touche à ce sujet. On ne peut pas se taire
devant la volonté scientifique d’anéantissement d’un peuple, et aussi de la
Révélation.
Sainte Edith Stein nous le savons avait été accompagnée par
un abbé bénédictin ce qui l’avait rendue sympathique au novice que j’étais
lorsque je l’ai découverte… Mais s’agissant d’une Archi-abbaye avec un
important Archi-abbé allemand, cela impressionne, et invite le pauvre à se
montrer encore plus humble. Comment aborder Edith l'inaccessible ? Il faut commencer par la fin, son sacrifice, le carmel et sa conversion... comme pour la citation de l'homélie de saint Jean-Paul II. Tout doit être mis à l'envers. La simplicité du carmel et de la vie au carmel… quel changement!
J’ose encore mettre en avant un passage de sa vie, avant
tout cela, alors qu’elle était athée, une athée très sérieuse et savante.
Certains parlent plutôt d’agnostique, mais pas simplement par léthargie, un ou
une agnostique de canapé pour employer une expression du pape François aux
jeunes en Pologne. Cette agnostique avait
tout de même une sorte de faiblesse dans sa cuirasse, elle recherchait la
vérité. Ce fut elle qui la trouva et l’amena à une conversion qui ne fut pas
une affaire simple. Elle fut touchée dans ses pérégrinations, elle la grande
philosophe, celle qui avait le mieux compris Husserl le phénoménologue, elle
fut touchée par une humble femme. Elle raconte dans son livre, « Vie d’une
famille juive », qu’elle avait été mise en présence de l’eucharistie à
travers l’attitude d’une croyante vivant manifestement de l'invisible, à
l’occasion d’un voyage chez une amie à Francfort. « Nous avons eu
beaucoup à nous dire en flânant à travers la vieille ville, qui m’était si
familière à cause de Goethe. Mais ce ne
furent pas la grande place et la
maison de Goethe qui me firent le plus impression. Nous sommes
entrées pour quelques minutes dans la cathédrale et, pendant que nous nous
tenions là dans un silence respectueux, une femme est entrée avec son panier à
provisions et s’est agenouillée sur un banc pour une courte prière. C’était
pour moi quelque chose de tout à fait nouveau. Dans les synagogues et les
temples protestants que j’avais fréquentés, on ne venait que pour les services
divins. Mais là, quelqu’un venait, au beau milieu de ses occupations
quotidiennes, dans l’église déserte comme pour un entretien intime. Je n’ai
jamais pu l’oublier. » (E. Stein, Vie d'une famille juive, Freiburg/Paris,
Ad Solem/Cerf, 2001, 470)
Cela devrait suffire pour nous inciter à vivre ce que le
Seigneur nous demande de faire et de l’aimer dans la simplicité du quotidien. Il
peut accomplir des merveilles simplement par ce que nous sommes.
Elisabeth avait deux lignes fortes qui lui étaient
particulièrement chères, la première était la condition de la femme. Elle doit veiller disait-elle à conserver « une éthique féminine » dans sa profession, lorsqu’elle en a une, ce
qui est important à son avis, en prenant la Vierge Marie comme modèle. Saint
Jean-Paul II dit-on s’est laissé inspirer par elle lorsqu’il avait composé
« mulieris dignitatem ». Elle est un modèle de conversion, un "docteur" aussi en cette matière. Prendre Marie comme modèle, reconnaissons que c'est une position audacieuse face au féminisme militant. Une "Frau Doctor", avec toute son autorité ose l'affirmer.
Quant à l’attachement à son peuple, il est une leçon
continuelle pour nous et pour cette Europe où nous demeurons. Elle qui avait du se réapproprier ses racines
juives. Elle ne les a pas reniées en devenant chrétienne. Saint Jean-Paul II
qui ne l’appréciait pas seulement en tant que philosophe mais pour toute son
histoire, mettra dans sa bouche lors de sa béatification les paroles mêmes de la reine Esther
pour que Dieu sauve son peuple. Alors qu’elles quittaient le couvent, Edith
prit la main de sa soeur et lui dit : « Viens, nous partons pour notre peuple.
» « Thérèse, bénie de la Croix»
Thérèse Bénédicte de la croix. « Il y eut un homme de sainte vie, Benoît,
béni par la grâce et par le nom. » « Il y eut une fille de Sainte
Thérèse bénie par la croix. ». Amen.
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