Rechercher dans ce blog

dimanche 12 février 2017

500 ans de la Réforme : Une raison de célébrer ?



En excellent français, il faut le souligner :

Lettre Pastorale de Mgr Gmür

 12 février 2017 6 B dimanche du temps ordinaire, année A

Chères sœurs et chers frères,

« La Réforme fête ses 500 ans. Les réformés suisses sont de la partie ! » Cette citation est tirée d'un site internet que j'ai visité récemment. Et nous, catholiques, devons-nous aussi participer à cette célébration ?
Toute personne qui célèbre la Réforme veut mettre en évidence les développements et les acquis positifs du processus de réformation qui a débuté il y a 500 ans. Ce qu'il y a eu de nouveau et de novateur pour les contours de la foi et de la vie chrétienne est reconnu. Des réformes et un renouveau étaient nécessaires, en ce temps-là comme ils le sont aujourd'hui. Sinon, c'est la stagnation ou l'égarement qui nous menacent. La stagnation signifie que l'Eglise cesse de se purifier. Elle s'éloigne alors de son origine et des gens. Elle devient une étrangère.
La personne croyante peut rencontrer Dieu directement et librement. Les réformateurs ont fortement insisté sur ce point, car l'Eglise catholique prenait la direction de la déchéance spirituelle et morale ; elle avait effectivement besoin d'une purification. C'est Dieu qui est au centre et non les détenteurs d'un pouvoir séculier, et surtout pas ceux qui portent l'habit ecclésiastique. Cette revendication des réformateurs va tout à fait dans le sens de la 1re lettre aux Corinthiens que nous avons entendue aujourd'hui. La première place revient à Dieu avec sa sagesse (cf. 1 Co 2,7). La source de cette sagesse est le Christ lui-même. C'est pourquoi il faut évaluer tous les efforts de réforme en se demandant s'ils conduisent au Christ ou non. « Solus Christus », « le Christ seul » est un maître mot de la Réforme qui est toujours valable aujourd'hui et pour lequel nous pouvons être reconnaissants.
Les changements font partie de la vie. Les processus de réforme qui veulent revenir au Christ contiennent des correctifs nécessaires. Ils nous préservent des égarements et apportent à l'Eglise fraîcheur et vitalité. Il y a toujours eu et il y aura toujours des réformes dans l'histoire de l'Eglise. Là où elles offrent de l'espace à l'action de l'Esprit Saint en opérant un discernement intelligent et mesuré, elles purifient la communauté ecclésiale. Elles fortifient l'annonce de l'Evangile en parole et en acte. Toutefois, lorsque les fronts se durcissent, quand apparaissent des conflits qui semblent insurmontables, lorsque des partenaires de dialogue deviennent des ennemis, la lutte pour la vérité de la foi et pour la juste forme à donner à l'Eglise peut déboucher sur une division.
Les 500 ans de la Réforme représentent-ils donc une bonne raison de célébrer ? Finalement, la Réforme a tout de même conduit à une division de l'Eglise qui n'est pas encore surmontée jusqu'ici. Le deuxième Concile du Vatican porte lui-même un jugement relativement dur sur cette situation : « Il est certain qu'une telle division s'oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l'Evangile à toute créature» (UR1). Ces mots on ne peut plus clairs me donnent à réfléchir.
On ne peut pas refaire le passé. Plusieurs divisions dans l'Eglise ont eu lieu. Devons-nous pour autant simplement en accepter les conséquences négatives, le scandale et l'obstacle qu'elles représentent pour la prédication de l'Evangile ? Non, bien au contraire. Au lieu de séparation, l'Eglise a besoin de réconciliation, elle a besoin d'unité au lieu de division. Agir en faveur de l'unité de la chrétienté est notre mission à tous. C'est un grand défi. L'accepter nous rend, à la suite du Christ, crédibles.
Il est évident qu'on ne peut pas simplement balayer les différences entre les confessions en les cachant sous le tapis. Cependant, cela ne nous avance pas non plus de cimenter les différences, de les reconnaître réciproquement et avec amitié, tout en estimant avoir ainsi déjà atteint l'unité. Qu'est-ce que je veux dire quand je parle d'unité ? Qu'est-ce que mon interlocuteur comprend par là ? Il est nécessaire de clarifier ce que signifie l'unité. L'objectif de l'œcuménisme n'en sera que plus clair lui aussi. C'est une mission qui s'adresse à la recherche en théologie et aux directions des Eglises. Mais c'est en même temps une mission qui revient à chaque baptisé, en dialogue avec les autres baptisés. L'entente dans la foi est, selon moi, un moment décisif. C'est le réformateur Martin Luther qui a dit que c'est seule la foi qui sauve. Or cela implique une même confession de foi, qui fasse autorité pour tous. On peut s'en étonner, mais ce n'est pas encore le cas partout aujourd'hui. La confession de l'Eglise comme Corps du Christ fait également partie de la confession de foi. Les Eglises catholique et orthodoxe sont fermement convaincues que l'unité doit prendre une forme visible : visible dans la confession de foi, visible dans les célébrations des sacrements, visible dans l'action caritative, visible dans les ministères et les structures de l'Eglise. Dans l'Evangile selon saint Jean, Jésus prie le Père avec ces mots : « Qu'ils parviennent à l'unité parfaite et qu'ainsi le monde puisse connaître que c'est toi qui m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé » (Jn 17,23). C'est précisément pour que le monde puisse connaître cela que la visibilité est nécessaire. Pour que l'Eglise une puisse accomplir sa mission, elle doit être visible, reconnaissable comme une seule « marque », saisissable comme une seule chrétienté.
J'ai parfois l'impression que nous nous sommes bien, et même beaucoup trop bien accommodés de nos différences. La coexistence bienveillante est devenue la règle. Nous nous arrangeons bien entre nous et nous qualifions le résultat de diversité, de pluralité, de variété, d'Eglises multicolores. Cependant, nous risquons de nous obstiner dans la multiplicité et de nous y perdre. Ensuite, nous oublions que dans le concret, multiplicité signifie souvent division, et nous oublions que la division est un scandale. C'est pourquoi l'accent doit être mis sur ce qui unit vraiment. En restant dans nos différences, nous nous entendons bien, mais l'unité réconciliée fait encore défaut. Nous ne sommes pas réconciliés, parce que l'unité dans les sacrements et les ministères fait défaut. L'intégration de la diversité dans l'unique Eglise Corps du Christ est nécessaire. L'unité n'entraîne pas la restriction mais l'enrichissement, parce que ce n'est que dans l'unité que la diversité porte véritablement ses fruits. Le chemin vers cette unité est une lutte à mener, et je suis fermement convaincu que cette lutte en vaut la peine.
Qu'est-ce que cela signifie alors pour nous qui sommes catholiques ? Ben Sira nous exhorte aujourd'hui dans la première lecture à être responsables de nos actes. Dieu nous a donné à tous la liberté de participer à construire le cours de l'histoire. Tous et toutes, nous devons et nous pouvons participer activement à tracer le chemin que prend l'Eglise, en étant conscients de notre responsabilité au lieu d'être indifférents. Aucun de nous ne peut rester indifférent lorsque des chrétiens se querellent. Aucun de nous ne peut rester insensible au fait que des communautés chrétiennes différentes prient séparément et se tiennent à l'écart de leurs frères et sœurs qui appartiennent à une autre confession. Et surtout, nous ne pouvons vraiment pas rester indifférents quand, aujourd'hui encore, des chrétiennes et des chrétiens sont persécutés dans de nombreux pays. Être tous prêts à agir en communauté est le premier pas pour surmonter les différences. Que nous soyons engagés professionnellement au service de l'Eglise ou bénévoles, nous pouvons tous nous engager dans des manifestations ou des projets interconfessionnels.
La prière de Taizé est un bon exemple. Dans la louange commune de Dieu, notre centre commun devient perceptible. C'est le Christ qui nous unit les uns aux autres. Il n'est pas divisé (cf. 1 Co 1,13). A la fin de cette année, la rencontre européenne des jeunes organisée par Taizé aura lieu à Bâle. Des jeunes chrétiennes et chrétiens de différentes confessions prieront ensemble. C'est par de tels événements que nous pouvons particulièrement ressentir que nous faisons route ensemble sur de nombreux chemins. Le travail des œuvres d'entraide chrétiennes peut aussi être cité en exemple dans ce domaine. « Action de Carême » et « Pain pour le prochain » en donnent un témoignage crédible depuis des décennies.
Comment commémorer la Réforme en tant que catholiques ? Nous sommes reconnaissants pour la nouvelle impulsion qui souligne que le Christ seul signifie notre salut. Nous remercions Dieu pour les multiples témoignages de foi des chrétiennes et chrétiens réformés. Nous nous réjouissons de l'orientation radicale sur la Parole de Dieu et de la nouvelle valeur accordée au peuple de Dieu. Nous commémorons la Réforme en agissant ensemble en faveur de l'unité. Nous croyons et nous confessons notre foi ensemble. Nous souffrons aussi ensemble, parce que tout n'est pas encore possible. Et surtout, nous prions ensemble. La prière est la célébration de la miséricorde de Dieu. Dans cette perspective, non seulement nous pouvons, mais nous devons célébrer ensemble !
Bien à vous ! +Félix Gmür Evêque de Bâle

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire