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jeudi 26 avril 2018

Notre-Dame du Bon Conseil


Une messe figurant dans le Missel des Messes en l'honneur de la Vierge Marie, porte le titre de Notre-Dame du Bon Conseil.
C'est la fête de cette image aujourd'hui et de son sancutaire qui a fêté ses 150 ans. L'invocation dans les litanies de Lorette a été ajoutée en 1903.

L'ensemble ci-dessous fleure bon le 19ème siècle, comme le nôtre ne s'est pas encore détaché du 20ème.



http://leblogdumesnil.unblog.fr/…/92-de-limage-miraculeuse…/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Notre_Dame_du_Bon_Conseil https://ia802701.us.archive.org/7/…/cihm_714…/cihm_71475.pdf

Le Sanctuaire de Genazzano

Notice sur l’Image miraculeuse de la Sainte Vierge à Genazzano

Par le R. P. Frédéric de Ghyvelde, O. F. M.
Commissaire de Terre-Sainte
IMPRIMATUR
C.A. Marojs, V. G.
Quebeci, die 21 juni 1903
Ex parte nostri nihil obstat,

Fr. Columbanus Maria, O. F. M.
Comm. prov.
Marianopoli die 19 Julii 1903,

AVANT-PROPOS

La publication du récent Décret par lequel
S. S. Léon XIII Ordonne l’insertion, dans les litanies, de l’invocation de Mater Boni Consilii, O. P. N. » — Mère du Bon-Conseil, P. P. N. — nous a donné la pensée d’offrir au public pieux, dans une humble brochure, l’admirable histoire de l’Image miraculeuse de Genazzano (1). Image, qui, au témoignage même de la sainte Eglise, occupe un rang unique, parmi toutes les images existantes de la Mère de Dieu. Nous  avons choisi, entre les différentes relations, toutes également intéressantes, celle qui se trouve dans le bel ouvrage de Mgr Dillon, publiée, il y a quelques années, par la « Société de Saint-Augustin. » Nous la donnons presque textuellement, après en avoir coordonné les différents matériaux ; et nous y avons ajouté, en appendice, quelques documents liturgiques, sur la dévotion à Notre-Dame du Bon-Conseil.
Puisse la lecture pieuse de cette brochure servir à augmenter encore dans les cœurs l’amour déjà si grand de nos bonnes populations canadiennes envers l’auguste Reine du Ciel « La Mère du Bon Conseil. »

1 Genazzano, petite ville d’Italie, dans le diocèse de Palestrina.



L’APPARITION MIRACULEUSE

C’était en l’année 1647 vers 4 heures de l’après-midi, le 25 avril, en même temps jour de foire pour les habitants de Genazzano, la foule compacte réunie dans la piazza de Santa Maria fut bien surprise d’entendre, dans les hauteurs de l’atmosphère si pure de leur pays, des flots d’harmonie céleste. Jamais auparavant, ces gens n’aient entendu de tels sons. On eût dit que les portes du paradis s’étaient ouvertes tout d’un coup et que Dieu avait permis aux choeurs angéliques de donner aux mortels quelque .Révélation des joies des bienheureux. Les yeux élevés, les poitrines haletantes et ravis d’une si délicieuse mélodie, tous cherchaient avec anxiété à trouver d’où venaient ces sons. Bientôt, au-dessus des plus hautes maisons, au-dessus des clochers des églises, et des tours des manoirs les plus élevés, ils virent un beau nuage blanc envoyant dans toutes les directions de vifs rayons de lumière, au milieu de la musique céleste et d’une splendeur qui obscurcissait le soleil. Il descendit graduellement, et, à leur grand étonnement, se posa enfin sur la partie la plus reculée du mur inachevé de la chapelle de Saint-Biagio (1).
Tout-à-coup les cloches du haut campanile qui était sous leurs commencèrent à s’ébranler, quoiqu’ils puissent voir et savoir qu’aucune main humaine» ne les touchât ensuite, toutes les cloches des églises de la ville commencèrent à l’unisson à répondre et à sonner à grande volée. La foule était sous le charme, ravie et pourtant remplie de sentiments pieux. Elle remplit, avec la plus grande rapidité, l’enceinte clôturée et se groupa autour de l’endroit où le nuage restait posé. Peu à peu, les rayons de lumière cessèrent de briller, le nuage commença à s’éclaircir .doucement, et un objet de toute beauté se découvrit à leurs regards émerveillés. C’était une Image de Notre-Dame, tenant le divin Enfant-Jésus dans ses bras : elle

(1) Voir pour l’histoire de cette Chapelle et sa restauration commencée par la B. Petruccia, Tertiaire de l’Ordre des Ermites de Saint-Augustin, le même ouvrage de Mgr Dillon. C. IV. ET V.

semblait leur sourire et leur dire : « Ne craignez pas, je suis votre Mère, et vous serez mes enfants bien-aimés.» Il est plus facile de s’imaginer que de décrire la commotion produite par cet événement, sur un tel peuple, ainsi placé et dans un tel moment. Les affaires de la foire furent abandonnées ; on ne pensa plus aux amusements. D’une seule voix, tous les spectateurs s’écrièrent comme leurs descendants s’écrient aujourd’hui, lorsque revient l’anniversaire de l’apparition « Evviva Maria / Evviva Maria ! »
Cependant par un instinct de parfaite confiance provenant du prodigieux événement, les malades, les aveugles, les boiteux et les affligés de toute condition, se réunirent de toutes les parties de la ville et de localités bien au-delà de ses limites, pour obtenir de Notre-Dame, des grâces de salut, grâces qui étaient accordées avec une abondance qui n’a jamais cessé jusqu’à nos jours.

L’IMAGE VENAIT-ELLE DU PARADIS

D’abord, nous pouvons constater que d’après le témoignage de l’Eglise, elle occupe un rang unique et suprême parmi toutes les Images existantes de Notre-Dame, et qu’elle a été honorée par cette même Eglise, avec un soin merveilleux qui n’est pas inférieur à celui qu’on a de la sainte Maison de Nazareth. Dans l’Office propre de la fête — celui de Notre-Dame du Bon-Conseil — nous lisons la notice suivante sur l’Image et sa prodigieuse apparition : « Et comme rien qui ne fût sublime ne devait se rapporter à la très sainte Vierge, que l’ange avait saluée pleine de grâces, ce n’est pas sans un conseil divin que même ses Images ont été tenues en très grand honneur et ont été rendues plus resplendissantes par les prodiges et les miracles. Parmi celles-ci, celle qui, il y a trois siècles, sous le pontificat de Paul II, apparut miraculeusement sur les murs de l’église des Pères de l’Ordre des Ermites de Saint-Augustin, dans la ville de Genazzano, au diocèse de Palestrina, a été toujoururs vénérée avec un honneur spécial, cornue il ressort des diplômes pontificaux et des monuments contemporains. Mû par ces choses, le • Pape Pie VI concéda aux cénobites de la dite ville, un Office propre à être récité le 7 des calendes de mai, c’est-à-dire au jour même de l’apparition ; et ensuite, ayant assigné pour sa récitation perpétuelle, le jour qui suit immédiatement, il a étendu cette fête sous le rite double majeur à tout l’Ordre précité.
Contemplons donc maintenant la prodigieuse Image. Comme elle apparaît dans le Sanctuaire, elle n’a pas plus de dix-huit pouces carrés. De plus, ceux qui l’approchent de plus près, peuvent voir que c’est une fresque peinte — si jamais main humaine l’a peinte — il y a de longs siècles : quand et dans quel pays ? les meilleurs juges ne peuvent le dire. Le seul support d’un tel trésor, est une mince croûte de plâtre commun, pas beaucoup plus épais qu’un fort papier. Cependant, elle est restée dans ce lieu où on la voit encore aujourd’hui, quatre cent et dix-sept ans (1), et combien de siècles d’existence comptait-elle avant cela? Personne ne pourrait le dire. Cependant les couleurs et les lignes sont aussi fraîches que jamais. Depuis qu’elle demeure là, si fragile et cependant si bien assurée, les grands murs de l’église qui l’entourent ont dû être renouvelés trois fois. Les couleurs jetées sur le canevas par les grands maîtres ont pâli, quoique gardées avec jalousie dans des lieux bien abrités ou peintes sur des murs aussi forts que

(1) Ceci était écrit en 1884.

l’art pouvait les faire. La seule existence de cette fragile Image semble un miracle ; la conservation des couleurs en paraît un autre. Mais il y en a un troisième le plus grand de tous. Elle reste comme elle était, lorsqu’elle arriva d’abord, non contre le mur, ou rattachée à celui-ci, mais-à une certaine distance, sans avoir par derrière, aucun support matériel, quel qu’il soit. Quant à l’Image même, il est bien certain qu’aucune main humaine n’a jamais été capable de la copier. De belles images ayant quelque degré de ressemblance ont été produites par les artistes de douze générations. Quelques-unes de ces copies se sont montrées miraculeuses, mais aucune n’a été une reproduction parfaite de l’origine.
La fresque consiste en une représentation de la jeune Vierge-Mère, tenant dans ses bras l’Enfant-Jésus qui l’embrasse avec une sorte d’amour anxieux. Un de ses petits bras entoure le cou de sa Mère ; et ses doigts enfantins apparaissent de l’autre côté. L’autre petite main est placée sur le bord brodé de la modeste robe de traditionnelle couleur verte. L’enfant est habillé en rouge et l’une et l’autre sont couverts d’un manteau bleu.

Le divin Enfant paraît précisément tel que nous nous le représentons et tel qu’on se l’imagine, avoir été petit enfant, lorsqu’on voit son portrait à l’église de Saint-Sylvestre, à Rome. N’ayant ici-bas qu’une Mère, il apparaît dans chacun de ses traits le vrai Fils de Marie, tout en lui respire une douceur humaine pleine d’amabilité et d’attraits, et avec une dignité inexprimable. Il se montre réellement Fils de Dieu dans la nature humaine. Nulle part ailleurs, pas même dans la Ville éternelle, la métropole des arts, l’adorable Enfant n’est représenté aussi parfaitement non seulement désireux, mais anxieux d’adoucir le chagrin que sa Mère endura à cause de lui, et de le lui prouver, en exauçant chacune des prières qu’elle peut lui offrir. Ailleurs Marie nous est .montrée plaidant notre cause auprès de Jésus de mille manières admirables. Ici, Jésus se montre comme cherchant quelque occasion de faire miséricorde aux pauvres enfants d’Eve, pour lesquels il sait que sa Mère intercède continuellement afin qu’il n’ait souffert en vain pour aucun d’eux. Et qui pourrait décrire l’immaculée Vierge-Mère telle qu’elle est révélée ici ? Les traits sont précisément ceux que nous prêterions à Marie et, chose singulière, ils se rapprochent tout à fait de ce que nous en disent les meilleures autorités qui ont écrit sur son extérieur. La couleur de la chevelure, les sourcils bien arqués, le front majestueux, plein d’intelligence, la couleur et les proportions des yeux, les joues, la coupe exquise, les lèvres vermeilles, la robe et ses contours, tout s’y retrouve. Quant à l’expression nul n’en peut donner une idée ; car, cette expression change, et ces changements que beaucoup voient et que tous ceux qui ont écrit sur le Sanctuaire ont soin de noter, sont de perpétuels miracles qui se rattachent à cette Image vraiment prodigieuse.
Néanmoins, il y a une expression générale qui ne disparaît jamais, qui ravit celui qui la considère et le tient dans une espèce de contemplation. Cette expression est si ineffablement douce, si triste, si suave, si remplie de céleste beauté, si puissante à attirer tous les cœurs par l’alliance indéfinissable de tout ce que l’esprit peut concevoir de plus parfait dans un amour, jeune, virginal, innocent et pur, et cependant maternel, avec tout ce qu’il y a de plus élevé et de plus pur dans la perfection spirituelle — perfection que l'humanité seule de son Fils à pu surpasser — que c’est pour le chrétien le véritable idéal qu’il se fait de Marie après la Présentation de Jésus au Temple. En ce moment, si tristement intéressant, après avoir présenté son Fils au Grand Prêtre et avoir entendu les terribles paroles de Siméon, nous la voyons revenir seule et silencieuse à sa demeure ; elle conserve ses paroles, les méditant avec douleur, et cependant, créature la plus parfaite, entièrement résignée dans son cœur. De longues années plus tard, elle révéla à sainte Gertrude que dans ces moments, lorsqu’elle tenait son innocent Enfant contre son sein immaculé, entrevoyant le terrible avenir et considérant la fin — les fouets, les épines, la croix, la mort — un torrent de larmes s’échappait de ses yeux et tombait sur la divine face de Jésus, tandis que lui qui connaissait la triste cause de tant de pleurs, voulait essayer de la consoler. Il semble que ce soit l’instant saisi par l’artiste, naturel ou surnaturel, qui a peint la fresque de la Vierge de Bon-Conseil, pour la représenter avec son Enfant.
Et qui peut concevoir un moment plus propice pour porter Jésus à lui accorder tout ce qu’elle peut demander, en un moment qui puisse faire un appel plus tendre au cœur de celui qui se prosterne à ses pieds ? Sur cette peinture, la tête de la Vierge-Mère s'incline amoureusement, mais tristement vers le visage de son Enfant ; et les yeux qui sont surtout rapprochés de Jésus et tournés vers lui sont pleins de ces larmes qui montent involontairement de son cœur, oppressé par le chagrin. C’est là certainement un moment où ni le pécheur ni le Dieu des miséricordes ne peuvent résister à la douce influence de Marie.
Peut-être est-ce là une des raisons du merveilleux pouvoir de cette Image !
Les Pères de l’Eglise, les Docteurs, les Saints ont dit des choses merveilleuses, en parlant de la beauté incomparable de la Vierge-Mère : mais jamais, ni la plume de l’écrivain, ni le crayon du peintre ne pourront la représenter telle qu’elle est. Depuis son assomption dans le Ciel, il a été donné à quelques-uns de ses serviteurs privilégiés de la voir, probablement, telle qu’elle était sur la terre. Mais, sauf en ces circonstances, où elle-même était vue réellement, nous croyons que rien ne peut donner à ses dévots une connaissance aussi intime de ce qu’elle était et de ce qu’elle est réellement que l’Image qu’elle-même voulut donner si miraculeusement à Genazzano. Là, elle ne semble pas être représentée extérieurement, mais même vivre et se mouvoir et répondre avec une intelligence céleste à chaque prière,
à chaque désir de ceux qui viennent à elle pleins d’amour et de foi pour l’honorer et chercher à ses pieds le Conseil et d’autres faveurs. C’est beaucoup dire, mais ce n'est pas trop. Tous ceux qui depuis quatre cents ans ont visité dévotement le Sanctuaire où repose la miraculeuse Image sont témoins du fait, et c’est une des raisons pour lesquelles on l’appelle « La Madone du Paradis. » Les pèlerins au Sanctuaire en sont tellement impressionnés qu’un grand nombre d’entre eux s’adressent à Marie comme s’ils la voyaient personnellement ; et, après quelques instants, tous ceux qui viennent pour implorer sérieusement quelques faveurs, se trouvent comme s’ils étaient en la présence visible de la Reine des Anges ; et ainsi, tandis que leur ferveur augmente, ils sont ravis par l’indescriptible beauté céleste de l’Image dont tous les traits semblent répondre à la prière et à l’affectueux épanchement du suppliant. Mais la plus étonnante manifestation de ce pouvoir est le changement positif, et, par conséquent miraculeux, qui semble s’opérer, quant à la couleur et à l’aspect, dans les traits de Notre-Dame. Et cependant, dans tout ce qui se rattache à cette Image la plus miraculeuse de toutes celles de Notre-Dame, il n’y a pas un fait qu’on expérimente plus souvent que celui-là. Tous ceux qui ont obtenu quelque secours surnaturel miraculeux en parlent. C’est un fait vraiment étonnant, mais il est parfaitement établi.


HISTOIRE DE LA MIRACULEUSE TRANSLATION DE L’IMAGE

L’histoire de la miraculeuse translation de l'Image à Genazzano fut connue par l’apparition de deux étrangers qui n’appartenaient pas à la race italienne, parmi cette multitude accourant en nombre toujours croissant pour être témoin du prodige, et demander des faveurs aux pieds de Marie. Dès que ces étrangers virent l’Image, ils furent remplis d’une joie indescriptible et ravis comme en extase pouvant à peine se décider à quitter sa sainte présence. Ils déclarèrent qu’ils ne l’abandonneraient jamais ; qu’ils voulaient travailler, vivre et mourir sous ses yeux. Et, comme nous le verrons, ils tinrent fidèlement leur promesse.
Ils étaient tous deux de la ville de Scutari, en Albanie, à l’autre côté de la mer Adriatique, en face de la côte d’Italie et à la même latitude, à peu près que Rome. L’un, un véritable Albanais, était un jeune homme nommé Georgio, et l’autre, plus avancé en âge, quoique né probablement à Scuta, était de la race des Slavons ou Esclavons et s’appelait De Sclavis. Ils donnèrent l’histoire de la prodigieuse arrivée de la sainte Image d’une manière bien différente de ce que l’on supposait et de ce que le peuple de Genazzano eût voulu croire. Mais toutes les circonstances qui arrivèrent ensuite, tendirent d’autant plus à confirmer leur histoire que voici :
Environ trois mois auparavant, en janvier 1467, dirent-ils, le dernier grand monarque d’Albanie mourut, et les Turcs que sa valeur arrêtait depuis plus de vingt ans, avançaient avec une puissance irrésistible sur leur infortunée patrie. L’ennemi en avait déjà occupé toutes les forteresses ; et si Scutari, la ville des étrangers, ne partageait pas encore le sort des autres villes du pays, c’est qu’elle était gardée par une garnison vénitienne que Scanderberg y avait appelée. On pouvait cependant prévoir le moment où, elle aussi, tomberait entre les mains des Turcs, comme cela arriva, en effet, peu de temps après. Dans ces conjonctures, tous ceux  qui désiraient conserver leur foi et leur liberté tâchèrent d’émigrer dans les pays chrétiens voisins du lepr : et parmi le grand nombre de ceux qui délibéraient sur cette tentative, figuraient Georgio et De Sclavis.
Ils avaient de plus, paraît-il, la garde d’une belle petite église située au pied de la montagne sur laquelle s’élevait la forteresse de Scutari, et près de la jonction des deux rivières, la Bojana et la Drina sur lesquelles la ville est bâtie, ou, du moins, ils avaient une grande dévotion à cette petite église qui était dédiée à la Mère de Dieu, sous le titre de son Annonciation. C’était le principal Sanctuaire de Marie dans les domaines de leur ancien monarque et, non seulement le peuple de Scutari y affluait pour satisfaire sa dévotion et obtenir des grâces et des faveurs, mais on y venait de Croja, la capitale de l’Epire et de toute l’Albanie et la Slavonie. La raison de cette grande dévotion, disaient-ils, c’était que, environ deux siècles auparavant, et exactement à l’époque où la Dalmatie et l’Italie retentissaient de la miraculeuse Translation de la Sainte-Maison de Nazareth à Lorette, une Image de Notre-Dame fut apportée miraculeusement à la petite église de l’Annonciation et était supposée venir de l’Orient. Elle remplit l’Albanie de dévotion à la Mère de Dieu ; et, en vérité, c’est bien celle qui se trouvait là, exposée aux regards de tout le peuple de Genazzano.
La petite église des faubourgs de Scutari était donc chère à tout le pays et à toutes les populations des provinces chrétiennes situées entre les eaux de l’Adriatique et celles de la mer Noire. Mais hélas ! on devait admettre que la dévotion se refroidissait. Le schisme faisait son triste chemin en Albanie. Les mœurs du peuple s’abaissaient avec la pureté de sa religion. La dévotion envers Notre-Dame languissait même à Scutari. L’invasion turque, punition visible du ciel, ne put appeler au repentir la masse de la population. Comme un écrivain, se plaignant à ce sujet, dit avec émotion « les jeunes gens et les jeunes filles ne se plaisaient plus à orner l’autel de Marie à Scutari ; et, à cause de cela, le châtiment ne pouvait pas être éloigné. » Néanmoins plusieurs étaient restés fidèles ; et parmi eux, le héros que les Albanais aiment encore à appeler à présent « le fulminant lion de la guerre » le grand roi Georgio Castriota ou Scanderbeg. Il aimait le Sanctuaire de Marie d’un amour dévoué et enthousiaste ; et Marie, en retour, ne fit pas seulement de lui un modèle de perfection chrétienne, mais lui donna aussi un pouvoir invincible, qui sauva non seulement l’Albanie, mais aussi la chrétienté durant son règne. Lorsqu’il mourut, Notre Dame parut n’avoir plus, rien à aimer dans ce pays et ainsi, quoiqu’elle fût venue à lui pour le bénir, elle résolut de l’abandonner à son destin, et c’est ce qu’elle fit dans les circonstances suivantes :
Tandis que Georgio et de Sclavis considérant les infortunes de leur patrie, projetaient de la quitter pour toujours, ils eurent d’abord recours au cher Sanctuaire pour demander à Marie lumière et direction. Là prosternés devant la sainte Image, ils implorèrent son assistance. Ils souffraient cruellement à la pensée d’abandonner leurs amis et leur pays et ils ne savaient vers quelle contrée porter leurs pas. Mais ce qui leur était plus sensible que tout cela, c’était la perspective d’abandonner pour toujours leur bien-aimée Madone, la sainte Image qu’ils avaient vénérée si tendrement depuis leur enfance. Ceci les fit même hésiter sur le parti à prendre : ils ne savaient s’ils devaient partir ou rester. En versant d’abondantes larmes, ils allèrent donc conjurer Notre-Dame de leur venir en aide ; et ce secours ils l’obtinrent d’une manière bien inattendue, mais avec la plus vive reconnaissance. Ils devaient partir, mais ils ne perdraient pas leur précieux trésor.
Il est une chose très digne de remarque, c’est que ceux qui visitent la Madone de Genazzano lorsqu’ils sont dans l’affliction et le doute et qui dans leur détresse, font ce que firent ces dévots serviteurs de Marie, aux pieds de sa sainte Image, à Scutari, constatent qu’ils sentent, par quelque admirable inspiration surnaturelle ce qu’ils ont à faire. La direction est souvent aussi claire que si elle était exprimée verbalement. C’est sans doute une inspiration de ce genre que reçurent Gorgio et De Sclavis. Tous deux éprouvèrent quelque chose, comme si Marie leur eut parlé. Outre cela, ils eurent un songe de la même importance. Marie leur dit de préparer toutes les choses nécessaires pour leur voyage et de fuir pour jamais ce malheureux pays, et elle ajouta qu’elle allait elle-même, dans la sainte Image qu’ils aimaient tant, s’err aller de Scutari, échapper à la profanation des Turcs qui allaient bientôt s’en emparer, et se rendre dans une autre contrée pour répandre là ses grâces et ses bénédictions dont l’Albanie s’était rendue indigne.
Enfin, elle leur ordonna de la suivre dans son Image, partout où elle irait.
Ceux qui sont conduits par la main de la Mère de Dieu ne sont jamais dans le doute ni dans des troubles d’esprit sous sa direction. Ils croient, et en réalité, ils connaissent le pouvoir de Marie sur son Fils ; ils connaissent sa tendresse, sa charité, ses soins pour eux, et les manifestations de sa miraculée miséricorde ne les surprennent jamais.
Les heureux émigrants retournèrent donc le lendemain matin à l’église, tout prêts à quitter l’Albanie. Ils entrèrent dans le petit Sanctuaire, et voilà que, s’agenouillant pour la dernière fois à Scutari devant l’Image bien-aimée, soudain celle-ci commence à se détacher du mur. De la même manière qu’elle était venue deux siècles auparavant, elle laissa la niche qu’elle avait si longtemps occupée ; elle s’arrêta au milieu de l’air et un nuage blanc l’enveloppa tout-à-coup. A travers ce nuage, cependant, elle restait visible à leurs veux. Elle se dirigea vers la porte de l’église, la franchit et alors, s'élevant légèrement, elle voyagea doucement, ne s’avançant pas plus vite qu’ils ne pouvaient marcher, et alla vers la mer, à une distance de vingt-quatre milles environ de Scutari.
Là, le nuage blanc ne continua pas sa course à travers les airs, mais il passa sur les eaux. Les deux pèlerins, conduits par l’esprit de Dieu, savaient que l’assistance divine ne leur manquerait pas ; et, plus fermes que les anciens Israélites, se confiant en la protection de Marie, ils ne marchèrent pas seulement entre les eaux mais sur les flots. Les vagues leur paraissaient aussi dures que le sol sous leurs pieds, et ils suivirent l’Image jusqu’à ce qu’elle atteignît les rivages opposés de l’Italie. Les eaux étaient devenues pour eux comme le diamant. Quand vint la nuit, le nuage blanc qui les préservait de la chaleur du jour, s’illumina et devint pour eux comme la colonne de feu des Hébreux dans le désert. Ils franchirent ainsi montagnes et rivières, mers et vallées, jusqu’à ce qu’enfin, la large plaine de la campagne du Latium s’ouvrit devant eux et qu’ils virent à une certaine distance, les tours et les dômes de Rome.
Là, le nuage avança jusqu’à ce qu’il eût atteint les portes de la ville ; puis, tout-à-coup, à leur inexprimable chagrin, il disparut à leur vue, absolument comme l’étoile de Bethléem avait disparu pour les Mages. Ils cherchèrent dans toutes les églises de Rome avec l’espoir de la trouver dans quelqu’une d’elles. Ils visitèrent toutes les rues de la grande ville. A cette époque, un grand nombre de leurs compatriotes se trouvaient dans toute l’Italie, forcés par la même raison qu’eux à quitter la terre de leurs aïeux. Mais aucun ne put leur donner le moindre renseignement. Peut-être aucun ne pouvait-il comprendre, ou au moins croire leur étrange histoire. Ainsi affligés, comme Marie quand elle-même perdit autrefois son Fils et son Dieu à Jérusalem, ils continuèrent comme des hommes inconsolables, ou peut-être, comme le pensaient ceux qui qui entendaient raconter leur histoire, comme des cerveaux dérangés, à chercher ce nuage blanc et la belle Image qu’ils avaient perdue.
Mais bientôt arriva à Rome la nouvelle de l’étonnante apparition d’une Image de Marie, absolument telle qu’ils la décrivaient, reposant sur les murs non achevés d’une église commencée mais abandonnée, à Genazzano. On parlait aussi d’un nuage blanc répandant des rayons de lumière et qui avait accompagné sa venue, au milieu des concerts d’une musique angélique, de l’Image restant suspendue en l’air, des innombrables guérisons miraculeuses obtenues à ses pieds et des multitudes accourant à son Sanctuaire.
Le peuple de Rome commença à suivre l’exemple de ces derniers et se rendit en pèlerinage à Genazzano. Ceux qui avaient regardé les deux Albanais comme fous, commencèrent alors à les considérer comme de vrais serviteurs de Marie, et à croire que l’Image perdue était celle qu’ils avaient suivie, comme ils l’attestaient, par terre et par mer. A peine la nouvelle était-elle arrivée aux pèlerins qu’ils se hâtèrent de partir pour Genazzano. Là, à leur grande joie, ils virent par-dessus les milliers de têtes de ceux qui étaient prosternés, au milieu de fleurs et de lumières innombrables, tandis que des ouvriers construisaient au-dessus d’elle un magnifique dais en marbre, l’Image bien-aimée qu’ils n’avaient perdue que pour un temps. Les habitants de Rome qui avaient vu leur détresse après l’avoir perdue, comprenaient alors leur joie.
Les pèlerins étaient bien déterminés à ne plus quitter leur Image bien-aimée. Tous deux se fixèrent à Genazzano où ils se marièrent et laissèrent leur famille après eux. La famille De Sclavis ne s’éteignît en ligne directe que pendant le siècle dernier. Celle de Georgio existe jusqu’aujourd’hui ; elle est une des plus nombreuses et des plus respectables de Genazzano.

APPENDICE

SOMMAIRE DES INDULGENCES ATTACHÉES AU SCAPULAIRE de la Bse Vierge Marie, Mère du Bon-Conseil (Décret de la S. C. des Rites 19 déc. 1893.)


INDULGENCES PLÉNIÈRES

Tous les fidèles de l’un et de l’autre sexe, moyennant la confession et la communion, peuvent gagner une Indulgence Plénière, applicable aux âmes du purgatoire, aux jours suivants :
1. — Le jour où ils reçoivent le scapulaire de la Bse Vierge Marie, Mère du Bon-Conseil, ou le dimanche, ou un jour de fête qui suit immédiatement.
2. — Le 26 avril, fête ce N.-D. du Bon-Conseil, ou un jour dans l’octave.
3. — À l’article de la mort, si confessés et ayant reçu la sainte Eucharistie, ils invoquent, au moins de cœur, s’ils ne le peuvent de bouche, le très saint Nom de Jésus.
4. — Aux fêtes de l’immaculée Conception, de la Nativité, de l’Annonciation, de la Purification et de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie : de même, à la fête de saint Augustin évêque, confesseur et docteur de l’Eglise.

INDULGENCES PARTIELLES

1 — Une indulgence de sept ans et de sept quarantaines, également applicable aux âmes du purgatoire, aux fêtes de la Présentation et de la Visitation de fa Bienheureuse Vierge Marie, pourvu qu’avec un cœur contrit, ils visitent une Eglise ou un Oratoire public, et qu’ils y prient quelque temps, aux intentions du Souverain Pontife.
2. — Cent jours d’indulgence, toutes les fois que de cœur ou de bouche, ils invoqueront le Conseil de la Vierge, Mère de Dieu.
3. — De même, cent jours d’indulgence, toutes les fois que, d’un cœur contrit et pour la conversion des pécheurs, ils accompliront quelque bonne œuvre.

NATURE ET FORME DU SCAPULAIRE

Le scapulaire de N.-D. du Bon-Conseil est en étoffe de laine blanche, de la grandeur des autres scapulaires ordinaires.
Il porte à la partie antérieure l’image de N.-D. du Bon-Conseil, copie de l'image miraculeuse de Genazzano.
A l’autre partie, il porte la triple Tiare avec les clefs et les paroles suivantes : « Filit acquiesce consiliis ejus » tirées, mais non textuellement de la sainte Ecriture, et placées là par Sa Sainteté Léon XIII, lui-même.

PRIÈRE A N.-D. DU BON-CONSEIL
O très-glorieuse Vierge, choisie par le Conseil éternel pour être la Mère du Verbe Incarné, la Trésorière des grâces divines et l’Avocate' des pécheurs, moi, le plus indigne de vos serviteurs, j’ai recours à Vous, afin que Vous daigniez être mon guide et mon conseil dans cette vallée de larmes. Obtenez-moi, par le très précieux sang de votre divin Fils, le pardon de mes péchés, le salut de mon âme, et les moyens nécessaires pour y parvenir* Obtenez à la sainte Eglise le triomphe sur ses ennemis et la propagation du règne de Jésus-Christ par toute la terre.
Ainsi soit-il.
Indulgence : Cent jours, une fois le jour, quand on récite cette prière d’un cœur contrit et avec dévotion (Léon XIII, 23 nov. 1880.}

DECRET


Traduction du Décret (Decretum Urbis et Orbis) par lequel N. S. P. le Pape ordonne l’insertion, dans les Litanies de la Sainte Vierge, de l’invocation : « Mère du Bon-Conseil, P. P. N. » (1).
Depuis que la Bienheureuse Vierge Marie, remplie des grâces de l’Esprit-Saint et resplendissante de ses lumières, accepta les desseins éternels de Dieu et le mystère de l’Incarnation du Verbe, avec la soumission et l’amour de son cœur, et qu’elle devint Mère de Dieu, elle mérita d’être appelée aussi Mère du Bon-Conseil. Instruite, en outre, des enseignements de la divine sagesse, elle se plaisait à répandre sur ses proches les paroles de vie qu’elle avait apprises de son Fils et qu’elle conservait dans son cœur.
Ce ne fut pas seulement aux noces de Cana en Galilée que les serviteurs obéirent aux conseils de cette nouvelle Rébecca ; il est permis de

(1) La Semaine religieuse de Québec, 13 juin 1903.

croire que les âmes pieuses, les autres disciples du Seigneur et les saints Apôtres reçurent ses conseils et son aide. Cette prérogative a été reconnue et confirmée par Jésus-Christ lui-même, lorsque, à sa mort, près de la croix où se trouvait sa Mère et le disciple bien-aimé, il dit à sa Mère : « Femme, voilà votre Fils. » Puis s’adressant à saint Jean : « Voilà votre Mère. » Et dès ce moment, Jean la reconnut comme telle.
La tradition des Pères de l'Eglise déclare que Jean représentait alors tous les chrétiens. De même, avec l’approbation du Saint-Siège, dès les temps les plus reculés, la bienheureuse Vierge Marie fut saluée du titre glorieux de Mère du Bon-Conseil par le clergé et le peuple chrétien qui imploraient à l’envi son secours. Aussi N. S. P. le Pape Léon XIII, à cause de la dévotion particulière des fidèles envers la Mère du Bon Conseil et de la grande vénération dont son image est l’objet au Sanctuaire de Genazzano, après avoir approuvé, par Décret de la Sacrée Congrégation des Rites (1884) un nouvel Office, avec messe pour le jour de la fête, et concédé en 1893, son scapulaire avec indulgence, vient d’élever cette année 1903 son Sanctuaire, embelli déjà à ses frais devant le nouvel hospice, au titre et à la dignité tous les droits et privilèges par des lettres apostoliques en forme de Bref …, pour étendre davantage l’honneur et de le culte de la sainte  Vierge sous lettre ci-dessus…, Sa Sainteté par un Décret de la Sacrée Congrégation des Rites, signé du cardinal préfet, rapporteur a décidé et décrété qu’aux Litanies de Lorette, après cette invocation : Mère admirable, soit ajoutée cette autre : Mère du Bon Conseil priez pour nous ; espérant fermement que, au milieu de tant de calamités et de ténèbres, cette pieuse Mère, appelée par les saints Pères, trésorière des grâces célestes, et conseillère universelle, se montrera à tous la Mère du Bon Conseil si elle est invoquée partout sous ce titre, et qu’elle nous obtiendra cette grâce du Saint-Esprit qui illumine les cœurs et les âmes, à savoir le don de Bon Conseil.

S. Card. Cretoni, préfet
Diomède Panici, secrétaire.
22 avril 1903,

FIN

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