L'encyclique du pape François "Loué sois-tu"
mentionne saint Benoît une fois, mais au final ce nombre s'élève en y joignant notre
ancien pape Benoît XVI. Voici ce passage :
126. Recueillons aussi
quelque chose de la longue tradition du monachisme. Au commencement, il
favorisait, d’une certaine manière, la fuite du monde, essayant d’échapper à la
décadence urbaine. Voilà pourquoi les moines cherchaient le désert, convaincus
que c’était le lieu propice pour reconnaître la présence de Dieu. Plus tard, saint Benoît
de Nurcie a proposé que ses moines vivent en communauté, alliant la prière et
la lecture au travail manuel (‘‘Ora et labora’’). Cette introduction du travail
manuel, imprégné de sens spirituel, était révolutionnaire. On a appris à
chercher la maturation et la sanctification dans la compénétration du recueillement
et du travail. Cette manière de vivre le travail nous rend plus attentifs et
plus respectueux de l’environnement, elle imprègne de saine sobriété notre
relation au monde.
Le monachisme ayant contribué de manière notable au maintien
de la culture, nous pourrions nous demander si cette présentation est tout à
fait adéquate, à moins de classer parmi les travaux manuels, le travail des
copistes et les écoles monastiques. A Berne une blague disait que les publications
sur l’agriculture se trouvaient à la rubrique culture, dans le fichier de la
bibliothèque cantonale. Le sujet mérite un approfondissement.
Premier point, le « travail manuel, imprégné de sens spirituel,
était révolutionnaire. », nous dit l’encyclique. Cette
appréciation est au plus haut point douteuse, le Seigneur ayant lui-même
sanctifié le travail humain. Saint Paul rapporte qu’il exerçait aussi son
métier de tisseur de tentes (occasionnellement). De plus, saint Benoît
mentionne explicitement l’exemple de nos
Pères et des saints Apôtres ( RSB ch. 48) . Ajoutons que la Sainte Règle elle-même est
élaborée à partir de la fameuse Règle du Maître, plus ancienne.
La Révolution est donc toute relative, à moins qu’un
théologien de la libération n’ait fait une découverte fortuite.
Deuxième point :
Faut-il nécessairement exercer un travail manuel harassant pour être vraiment
moine ? Un monastère est une famille, et il y a un partage des
activités très fréquemment. Le travail manuel pouvant passer de la séance de
pluches à l’époussetage de couloirs jusqu’aux travaux demandant un plus grand
effort physique. Dans quelle rubrique d’ailleurs fallait-il classer le travail
des copistes ? Dans celle de la culture au sens bernois du terme, très
certainement, mais ce travail était laborieux. Une industrie monastique va de l’imprimerie,
à certaines fabrications qui sont d’ailleurs déléguées lorsqu’elles deviennent
astreignantes, comme dans le cas des récoltes. Et le travail de bureau ? Et
les séances de conseils du cellérier ? Etc…
Quia tunc vere
monachi sunt si labore manuum suarum vivunt, sicut et patres nostri et apostoli.
, dit la Règle au chapitre XLVIII. Un de
nos Pères fondateurs le Père Bonaventure Sodar traduisait ainsi : car c'est encore être vraiment moine que
de vivre du travail de ses mains, à l'exemple de nos Pères et des saints
Apôtres. Subtiles nuances avec la traduction plus récente d’autres confrères :
(Qu’ils ne s’en affligent pas,) puisque
c’est l’occasion de se montrer vraiment moines, vivant du travail des mains,
à l’exemple de nos Pères et des Apôtres.
Il est vrai que dans aucun monastère les moines ne chôment,
l’oisiveté dit saint Benoît est l’ennemie de l’âme. Dans les monastères, la loi
du travail pour le travail ne doit pas primer, mais nous sommes souvent fatigués,
tant il y a à faire et nous essayons de gagner notre vie par le travail
accompli. Il est vrai aussi que le système monastique a modelé l’Europe à une
certaine époque. Actuellement, cette fonction est occupée par les médias qui sont
des portes très utiles souvent mais qui tout aussi fréquemment se comportent en
rouleau compresseur de la pensée unique. Le système d’enseignement est aussi
bien présent ainsi que l’industrie dans ce créneau. Cette dernière touche
autant l’agriculture que les autres secteurs. Nous sommes bien loin de la
culture vivrière de l’époque de Saint Benoît et plus tard du Moyen-Age. Est-il
possible de vivre en autarcie comme à cette l’époque ?
Troisième point que
voulait saint Benoît ?
« Ecoute, mon
fils, les préceptes de ton Maître, prête-moi l'oreille de ton cœur : accueille
les avis d'un tendre Père afin de les accomplir efficacement et de revenir par
le labeur de l'obéissance à Celui dont t'éloignait la lâcheté de la
désobéissance. » (Prologue) Il paraît parler d’un travail, mais d’un
travail global qui nous ramène au Père ! Dieu cherche un ouvrier de ses
volontés. « Dans cette vue nous
allons fonder une école où l'on apprenne à servir le Seigneur. Et nous espérons
l'établir sans y instituer rien de pénible, rien d'accablant. » (Prologue)
Relevons que dans sa Règle il veut instaurer une société
monastique équilibrée : Prière – Travail – Culture spirituelle. La vie au
monastère doit nous conduire à connaître Dieu. Elle est une aide pour entrer
dans cette obéissance du Fils. Dans la manière de vivre, il s’agit avant tout d’un
équilibre qui respecte autant le spirituel que le matériel, l’esprit que le
corps dont nous sommes faits.
N’est-ce pas cet équilibre qui doit être recherché avant
tout ? Notre société n’en a-t-elle pas besoin. N’est-ce pas de ce
déséquilibre de l’homme dont souffre aussi la nature ? L’indispensable
harmonie entre les hommes, avec Dieu et la nature créée ne doit-elle pas être
recherchée avant tout?
Voici la traduction d’un de nos fondateurs le Père
Bonaventure.
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