samedi 11 juillet 2015

Saint Benoît patron de l'Europe : Du travail manuel de chaque jour


L'encyclique du pape François "Loué sois-tu" mentionne saint Benoît une fois, mais au final ce nombre s'élève en y joignant notre ancien pape Benoît XVI. Voici ce passage :
126. Recueillons aussi quelque chose de la longue tradition du monachisme. Au commencement, il favorisait, d’une certaine manière, la fuite du monde, essayant d’échapper à la décadence urbaine. Voilà pourquoi les moines cherchaient le désert, convaincus que c’était le lieu propice pour reconnaître  la présence de Dieu. Plus tard, saint Benoît de Nurcie a proposé que ses moines vivent en communauté, alliant la prière et la lecture au travail manuel (‘‘Ora et labora’’). Cette introduction du travail manuel, imprégné de sens spirituel, était révolutionnaire. On a appris à chercher la maturation et la sanctification dans la compénétration du recueillement et du travail. Cette manière de vivre le travail nous rend plus attentifs et plus respectueux de l’environnement, elle imprègne de saine sobriété notre relation au monde.

Le monachisme ayant contribué de manière notable au maintien de la culture, nous pourrions nous demander si cette présentation est tout à fait adéquate, à moins de classer parmi les travaux manuels, le travail des copistes et les écoles monastiques. A Berne une blague disait que les publications sur l’agriculture se trouvaient à la rubrique culture, dans le fichier de la bibliothèque cantonale. Le sujet mérite un approfondissement.

Premier point, le « travail manuel, imprégné de sens spirituel, était révolutionnaire. », nous dit l’encyclique. Cette appréciation est au plus haut point douteuse, le Seigneur ayant lui-même sanctifié le travail humain. Saint Paul rapporte qu’il exerçait aussi son métier de tisseur de tentes (occasionnellement). De plus, saint Benoît mentionne explicitement l’exemple de nos Pères et des saints Apôtres ( RSB ch. 48) . Ajoutons que la Sainte Règle elle-même est élaborée à partir de la fameuse Règle du Maître, plus ancienne.
La Révolution est donc toute relative, à moins qu’un théologien de la libération n’ait fait une découverte fortuite.

Deuxième point : Faut-il nécessairement exercer un travail manuel harassant pour être vraiment moine ? Un monastère est une famille, et il y a un partage des activités très fréquemment. Le travail manuel pouvant passer de la séance de pluches à l’époussetage de couloirs jusqu’aux travaux demandant un plus grand effort physique. Dans quelle rubrique d’ailleurs fallait-il classer le travail des copistes ? Dans celle de la culture au sens bernois du terme, très certainement, mais ce travail était laborieux. Une industrie monastique va de l’imprimerie, à certaines fabrications qui sont d’ailleurs déléguées lorsqu’elles deviennent astreignantes, comme dans le cas des récoltes. Et le travail de bureau ? Et les séances de conseils du cellérier ? Etc…
Quia tunc vere monachi sunt si labore manuum suarum vivunt, sicut et patres nostri et apostoli.  , dit la Règle au chapitre XLVIII. Un de nos Pères fondateurs le Père Bonaventure Sodar traduisait ainsi : car c'est encore être vraiment moine que de vivre du travail de ses mains, à l'exemple de nos Pères et des saints Apôtres. Subtiles nuances avec la traduction plus récente d’autres confrères : (Qu’ils ne s’en affligent pas,) puisque c’est l’occasion de se montrer vraiment moines, vivant du travail des mains, à l’exemple de nos Pères et des Apôtres.
Il est vrai que dans aucun monastère les moines ne chôment, l’oisiveté dit saint Benoît est l’ennemie de l’âme. Dans les monastères, la loi du travail pour le travail ne doit pas primer, mais nous sommes souvent fatigués, tant il y a à faire et nous essayons de gagner notre vie par le travail accompli. Il est vrai aussi que le système monastique a modelé l’Europe à une certaine époque. Actuellement, cette fonction est occupée par les médias qui sont des portes très utiles souvent mais qui tout aussi fréquemment se comportent en rouleau compresseur de la pensée unique. Le système d’enseignement est aussi bien présent ainsi que l’industrie dans ce créneau. Cette dernière touche autant l’agriculture que les autres secteurs. Nous sommes bien loin de la culture vivrière de l’époque de Saint Benoît et plus tard du Moyen-Age. Est-il possible de vivre en autarcie comme à cette l’époque ?

Troisième point que voulait saint Benoît ?
« Ecoute, mon fils, les préceptes de ton Maître, prête-moi l'oreille de ton cœur : accueille les avis d'un tendre Père afin de les accomplir efficacement et de revenir par le labeur de l'obéissance à Celui dont t'éloignait la lâcheté de la désobéissance. » (Prologue) Il paraît parler d’un travail, mais d’un travail global qui nous ramène au Père ! Dieu cherche un ouvrier de ses volontés. « Dans cette vue nous allons fonder une école où l'on apprenne à servir le Seigneur. Et nous espérons l'établir sans y instituer rien de pénible, rien d'accablant. » (Prologue)
Relevons que dans sa Règle il veut instaurer une société monastique équilibrée : Prière – Travail – Culture spirituelle. La vie au monastère doit nous conduire à connaître Dieu. Elle est une aide pour entrer dans cette obéissance du Fils. Dans la manière de vivre, il s’agit avant tout d’un équilibre qui respecte autant le spirituel que le matériel, l’esprit que le corps dont nous sommes faits.
N’est-ce pas cet équilibre qui doit être recherché avant tout ? Notre société n’en a-t-elle pas besoin. N’est-ce pas de ce déséquilibre de l’homme dont souffre aussi la nature ? L’indispensable harmonie entre les hommes, avec Dieu et la nature créée ne doit-elle pas être recherchée avant tout?

Voici la traduction d’un de nos fondateurs le Père Bonaventure.

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