Saints Cyrille et Méthode co-patrons de l’Europe
Lettre apostolique « Egregiae Virtutis » (*)
Trad. La DOC n°1801 1er février 1981
1. En cette année où sont célébrés deux centenaires
particulièrement significatifs, les pensées et les coeurs se tournent vers les
figures des saints Cyrille et Méthode. Il y a en effet cent ans était publiée
la lettre encyclique Grande munus (30 septembre 1880) par laquelle le grand
pontife Léon XIII rappelait à toute l’Église la figure et l’activité apostolique
de ces deux saints et, en même temps, en introduisait la célébration liturgique
dans le calendrier de l’Église catholique (l). Cette année voyait aussi le XIe
centenaire de la lettre Industriae tuae (2), envoyée par mon prédécesseur Jean
VIII au prince Svatopluk en juin 880, lettre par laquelle est loué et
recommandé l’usage de la langue slave dans la liturgie, afin que « dans la même
langue soient proclamées les louanges et les oeuvres de Notre-Seigneur Jésus-Christ
(3). »
La vie de saint Cyrille et de saint Méthode
Les frères Cyrille et Méthode, Grecs natifs de Thessalonique,
la ville où a vécu et travaillé saint Paul, entrèrent, dès le début de leur
vocation, en étroit rapport avec l’Église patriarcale de Constantinople, alors
en pleine floraison culturelle et fertile en initiatives missionnaires, et
c’est dans son université qu’ils se formèrent (4). Tous deux avaient choisi
l’état religieux unissant les devoirs de la vie religieuse avec le service
missionnaire dont ils donnèrent un premier témoignage en se rendant chez les
Khazars de Crimée. Leur oeuvre évangélisatrice éminente fut toutefois la
mission en Grande Moravie parmi les peuples qui habitaient alors la péninsule
balkanique et les terres parcourues par le Danube. Elle fut entreprise à la
demande du prince de Moravie, Roscislaw, demande présentée à l’empereur et à l’Église
de Constantinople. Pour répondre aux nécessités de leur service apostolique
parmi les peuples slaves, ils traduisirent dans leur langue les livres sacrés,
en vue de la liturgie et de la catéchèse, jetant ainsi les bases de toute la
littérature que ces mêmes peuples devaient développer dans leur langue. C’est
justement pour cela qu’ils sont considérés non seulement comme les apôtres des
Slaves, mais aussi comme les pères de la culture de tous ces peuples et de
toutes ces nations, pour qui les premiers écrits dans la langue slave ne cessent
d’être, pour l’histoire de leur littérature, le point fondamental de référence.
Ils accomplirent leur service missionnaire en union tant avec l’Église de
Constantinople par laquelle ils avaient été envoyés qu’avec le Siège romain de
Pierre dont ils reçurent appui et soutien, manifestant ainsi l’unité de
l’Église qui, à l’époque où ils vécurent et où ils déployèrent leur activité, n’était
pas frappée du malheur de la division entre l’Orient et l’Occident, malgré les
graves tensions qui, en ce temps, marquèrent les relations entre Rome et
Constantinople. À Rome, Cyrille et Méthode furent accueillis par le Pape et
trouvèrent dans l’Église romaine une approbation et un appui pour toute leur
oeuvre apostolique, y compris pour leur innovation hardie à célébrer la
liturgie dans la langue slave, innovation combattue dans certains milieux
occidentaux. À Rome, le 14 février 869, Cyrille finit sa vie et fut enseveli dans
l’église de Saint-Clément, tandis que Méthode fut ordonné par le Pape
archevêque de l’antique siège de Sirmium et fut envoyé en Moravie continuer son
oeuvre apostolique providentielle, poursuivie avec zèle et courage, avec l’aide
de ses disciples au milieu de son peuple jusqu’au terme de sa vie (6 avril
885).
Co-patrons de l’Europe
2. Il y a cent ans, le Pape Léon XIII, avec l’encyclique Grande
munus, rappelait à toute l’Église les extraordinaires mérites des saints
Cyrille et Méthode pour leur oeuvre d’évangélisation des Slaves. Cependant,
étant donné que ce centième anniversaire advient en cette année, durant
laquelle l’Église commémore solennellement le 1500e anniversaire de la
naissance de saint Benoît, proclamé en 1964 par mon prédécesseur vénéré, Paul
VI, patron de l’Europe, il est apparu que cette protection vis-à-vis de toute
l’Europe serait mieux mise en relief si, à la grande oeuvre du saint patriarche
d’Occident, nous ajoutions les mérites particuliers des deux saints frères
Cyrille et Méthode. De multiples raisons de nature historique, tant du passé
que d’aujourd’hui, qui ont leur répondant soit théologique, soit ecclésial,
soit même culturel, dans l’histoire de notre continent européen, y incitent.
C’est pourquoi, avant même que ne se conclue cette année dédiée au souvenir
particulier de saint Benoît, je désire qu’à l’occasion du centenaire de
l’encyclique léonienne, toutes ces raisons soient mises en valeur par la
présente proclamation des saints Cyrille et Méthode comme co-patrons de
l’Europe.
Traits d’union entre l’Orient et l’Occident
3. L’Europe, en effet, dans son ensemble géographique, est,
pour ainsi dire, le fruit de l’union de deux courants de traditions chrétiennes
auxquelles s’ajoutent aussi deux formes de culture diverses, mais en même temps
profondément complémentaires. Saint Benoît, dont l’influence a embrassé non seulement
l’Europe, surtout occidentale et centrale, est arrivé aussi, à cause des
centres bénédictins, dans les autres continents et il se trouve au centre même
de ce courant qui part de Rome, du siège des successeurs de saint Pierre. Les saints
frères de Thessalonique mettent en relief d’abord la contribution de l’antique
culture grecque et, ensuite, l’étendue du rayonnement de l’Église de
Constantinople et de la tradition orientale qui est si profondément inscrite
dans la spiritualité et dans la culture de tant de peuples et de nations de la
partie orientale du continent européen. Puisque aujourd’hui, depuis le IIe
Concile du Vatican, après des siècles de division de l’Église entre Orient et
Occident, entre Rome et Constantinople, des pas décisifs ont été faits dans la
direction de la pleine communion, il semble que la proclamation des saints
Cyrille et Méthode comme co-patrons de l’Europe, à côté de saint Benoît, correspond
pleinement aux signes de notre temps. Et plus encore, si cela advient dans
l’année durant laquelle les deux Églises, catholique et orthodoxe, sont entrées
dans l’étape d’un dialogue décisif qui a commencé dans l’île-de Patmos, liée à
la tradition de saint Jean apôtre et évangéliste. En conséquence, par cet acte
j’entends aussi rendre mémorable une telle date. Cette proclamation veut en
même temps être un témoignage pour les hommes de notre temps de la priorité
donnée à l’annonce de l’Évangile, confiée par Jésus-Christ aux Églises et pour
laquelle ont travaillé les deux frères apôtres des Slaves. Une telle annonce a
été une voie et un moyen de connaissance réciproque et d’union entre les divers
peuples de l’Europe naissante et a assuré à l’Europe d’aujourd’hui un commun
patrimoine spirituel et culturel. Je souhaite donc que par la miséricorde de la
Très Sainte Trinité, par l’intercession de la Mère de Dieu et de tous les saints,
disparaisse ce qui divise les Églises, comme aussi ce qui divise les peuples et
les nations. Je souhaite que la diversité des traditions et des cultures montre
au contraire la réciproque complémentarité d’une commune richesse. Que la
conscience de cette richesse spirituelle, qui par des voies diverses est
devenue le patrimoine de chacune des sociétés du continent européen, aide les
générations contemporaines à persévérer dans le respect réciproque des justes
droits de chaque nation et dans la paix, ne cessant pas de rendre les services
nécessaires au bien commun de toute l’humanité et à l’avenir de l’homme sur
toute la terre. C’est pourquoi, de science certaine et après mûre délibération,
par la plénitude de notre pouvoir apostolique, nous constituons et déclarons,
par ces lettres et de manière perpétuelle, les saints Cyrille et Méthode
co-patrons célestes auprès de Dieu de toute l’Europe, avec tous les honneurs et
les privilèges liturgiques qui en découlent et qui appartiennent aux patrons
principaux d’une région. Paix aux hommes de bonne volonté.
31 décembre 1980. IOANNES PAULUS PP. II
(*) Texte latin darls l’Osservatore Romano du 1er janvier.
Traduction de la salle de presse du Saint-Siège. Sous-titres de la DC. (1) Léon
.XIII P. M. Acta, vol. II, p. 125-127. (2) Cf. Magnae Moraviae Fontes
Historici, t. III, Brno 1969, p. 197-208. (3) Op. cit. p. 207. (4) Cf. F.
Grivec Constantinus et Methodius Thessalonicenses Fontes, IV Zagabriae, 1960.
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