dimanche 18 février 2018

Contribuons au changement! Lettre pastorale de Mgr Gmür


Porte de la Chapelle évidemment


Contribuons au changement!
Lettre pastorale
pour le premier dimanche de Carême 18 février 2018
Mgr Félix Gmür
Evêque de Bâle
Lectures du 1er  dimanche de Carême, année B
1re lecture : Psaume responsorial : 2e lecture : Evangile :   Gn 9,8-15 Ps 25 (24),4-5.6-7.8-9 1 P 3,18-22 Mc 1,12-15
Le texte est à lire comme homélie lors des célébrations du samedi et du dimanche, 17 et 18 février 2018, ou à diffuser d'une autre manière appropriée.

Chers frères et sœurs,
Quand est-ce que vous vous êtes perdus pour la dernière fois ? Quand est-ce que vous n'êtes pas arrivés à destination du premier coup ? De nos jours, ce n'est plus vraiment un problème : Quand je ne trouve pas mon chemin, je branche mon GPS. J'introduis la destination et le meilleur itinéraire apparaît aussitôt sur l'écran. Si l'on se trompe, on fait demi-tour et on évite ainsi la plupart du temps les détours pénibles.
I.
Les appareils techniques et numériques nous simplifient la vie dans de nombreux domaines. C'est agréable et cela nous permet de planifier beaucoup de choses bien mieux et plus efficacement. Même l'organisation de notre vie n'y échappe pas. On trouve maintenant d'innombrables
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applications qui donnent des conseils d'art de vivre. Il y a des propositions de loisirs et des suggestions pour choisir une profession. Elles fonctionnent selon les lois de la mode, du marché et des algorithmes. Quand une application ne nous plaît plus ou qu'elle se trompe, on la supprime et on en télécharge une autre. Nouvelle application, nouvelle destination, nouvel itinéraire. Bienvenue dans le monde numérique ! Il nous met face à des défis considérables de par sa complexité, avec ses interconnexions et dans ses automatismes dont on perd la vue d'ensemble.
En cette époque du numérique, nombreux sont ceux qui doivent changer de façon de penser. La consommation des médias migre vers de nouveaux canaux. Des applications déterminent de larges pans de notre quotidien. L'économie fait face au défi du changement extrêmement rapide de la production, du commerce, de la publicité,
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du débit de vente et de la consommation. Le pouvoir de la politique sur les informations est limité par les médias sociaux. Qui gouverne le monde ?
Les médias numériques produisent sans cesse de nouveaux messages. Quand ils veulent attirer des clientes et des clients, ils qualifient ces messages de « good news », de bonnes nouvelles. En grec, on les appellerait « évangiles ». Ici, une nouvelle étoile dans le ciel, là, une méga-fusion pleine de promesses. Ici, une nouvelle cuisine qui fait les achats et cuisine toute seule, là, une voiture qui roule toute seule. Des évangiles selon les lois de la mode, du marché et des algorithmes. Les nouveaux « évangiles »     influencent  notre
comportement. Ils veulent gouverner le marché. Ils guident les hommes et peuvent les induire en erreur.
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II.
Ce n'est pas nouveau. Dans la Rome antique déjà, un nouveau détenteur du pouvoir était annoncé par des « évangiles ». Les empereurs romains, mis au rang des dieux, prenaient possession du pouvoir et se faisaient connaître de cette manière. C'était un règne dont ils étaient les premiers bénéficiaires. Le peuple restait très majoritairement pauvre, privé de droits et de liberté. Les contradicteurs étaient écartés. Jean le Baptiste a d'abord été jeté en prison puis exécuté par les souverains locaux.
Les « évangiles » de ceux qui détiennent le pouvoir ont des accents trompeurs. Jésus en fait l'expérience dans sa chair. Il sait qu'ils suivent les lois de la domination du marché et de la conservation du pouvoir. Mais ce n'est pas sa loi à lui. C'est pourquoi Jésus annonce l'« Evangile de Dieu ». Pour les autorités, il s'agit d'une énorme
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provocation. Désormais, Dieu lui-même régnera et de manière visible. Mis en rapport avec Jésus, tout et tout le monde est relativisé et apparaît donc comme provisoire. Désormais, Dieu lui-même prend le pouvoir, un pouvoir protecteur, et ce de telle manière que tous les hommes puissent en faire l'expérience. Car il est grand temps : « Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche ». C'était vrai jadis. C'est vrai aujourd'hui. C'est vrai pour nous !
Comment le règne de Dieu peut-il devenir visible ? Quel est son but ? Quels sont les chemins qui y conduisent ?
Le royaume de Dieu n'est pas une destination qu'on peut introduire dans un GPS. La participation au royaume de Dieu est un événement dynamique. C'est un
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processus. L'évangile de Marc parle d'un chemin, un chemin qui commence par la conversion. L'appel de Jésus retentit : « Convertissez-vous ! ». Se convertir ne signifie pas regarder en arrière. Ce n'est pas une tentative de restaurer la situation soi-disant idéale du passé. Au contraire ! Se convertir signifie d'abord regarder. Celui qui se convertit réfléchit aux conditions de vie actuelles et les juge à l'horizon du règne de Dieu. Est-ce que les gens là où je vis perçoivent le royaume de Dieu ? Est-ce que, dans notre Eglise, nous remarquons comment Dieu s'adresse à nous ?
Jésus nous motive à faire face aux défis ici et maintenant, avec l'aide de Dieu. C'est justement ce à quoi nous invite le carême. Car jeûner, c'est créer un espace qui me permet de laisser de côté ce qui est secondaire, de regarder et d'écouter avec attention, d'ouvrir tous mes sens à la présence de Dieu dans ma vie et dans ce
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monde. Regarder, réfléchir. Le mot grec pour « se convertir » peut aussi être traduit par « changer de façon de penser ». Celui qui regarde et réfléchit est poussé à changer sa façon de penser. Jésus non seulement exige de nous ce changement de perspective, mais il nous en croit capables. Le changement de perspective est un encouragement et une stimulation divine qui nous pousse à agir en conséquence.
IV.
La foi vient s'associer à la conversion : « Croyez à l'Evangile ! » Naturellement, la foi ne se commande pas. Mais Jésus donne le courage de faire confiance. C'est ce que signifie ici le mot « croire ». Une chrétienne et un chrétien ont confiance dans le fait que le royaume de Dieu gagne du terrain, même si c'est parfois laborieux et que ça va lentement. Tout comme la conversion, la foi est aussi un processus et non pas un
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programme établi. Par conséquent, l'évangile de Marc n'est pas un manuel qui éclaire dans les moindres détails ce que contiennent le royaume de Dieu et la Bonne Nouvelle, ni ce que je dois observer pour y croire. Ce qu'est la Bonne Nouvelle se révèle plutôt aux disciples dans leur cheminement avec Jésus. La foi se développe au fil du chemin. Ce que Jésus entend en disant que le royaume de Dieu est là, c'est pas à pas que les disciples, dans leur rencontre avec lui, apprennent à le reconnaître. Et il en va de même pour nous. C'est très complexe. Des personnes qui subissent des coups du sort particulièrement pénibles ou qui sont opprimées, sont libérées par Jésus. Jésus accueille tout le monde, et plus particulièrement les oubliés et les exclus. La Bonne Nouvelle s'accomplit dans la relation avec lui, dans ses actes, dans sa vie entière jusqu'à sa mort sur la croix et dans sa résurrection. Elle annonce que Dieu conduit
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les hommes vers cette liberté dans laquelle ils peuvent réaliser ce à quoi il les appelle et déployer leurs talents pour le bien de tous. Le royaume de Dieu est la communauté accomplie entre ce Dieu infiniment aimant et les hommes. La conversion dans la foi ne se révèle pas comme une exigence pénible. Elle est beaucoup plus un chemin vers la liberté. Au long de ce chemin, nous faisons l'expérience de la grandeur de l'amour de Dieu pour nous et nous reconnaissons en quoi s'accomplit notre être le plus profondément intime.
V.
Le carême ouvre un espace qui ne se limite pas à un échange entre une seule personne et Dieu. Car la communauté avec Dieu est toujours aussi communauté avec les êtres humains et toute la création. Avoir part à la réalisation du royaume de Dieu signifie donc aussi porter une responsabilité pour
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autrui. Cela signifie s'engager comme Jésus pour les plus pauvres et les plus faibles de notre temps. La campagne œcuménique d'« Action de Carême » et de « Pain pour le prochain » de cette année éclaire très bien cet aspect essentiel. « Prenons part au changement, créons ensemble le monde de demain ». L'« Action de Carême » rend le début de l'Evangile selon saint Marc tout à fait concret pour nous. La conversion et le changement ne vont pas l'un sans l'autre, car la conversion provoque un changement de façon de penser et changer sa façon de penser entraîne une nouvelle manière d'agir. La route est encore longue jusqu'à ce que tout le monde ait assez pour vivre. Il vaut la peine de nous approprier cette nouvelle perspective et de nous y engager !
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VI.
Chers sœurs et frères, les parcours de vie peuvent être tortueux, éprouvants, exigeants et nous pousser jusqu'à nos limites. Jésus nous demande de changer de perspective. Mais il nous en croit aussi capables ! Quelle magnifique marque de confiance ! Jésus sait que nous avons le potentiel pour vivre ensemble en comptant les uns sur les autres. Sa confiance est si grande qu'il nous confie sa création.
Il nous a aussi montré par son exemple que nous pouvions mettre notre confiance en Dieu. Dieu ne nous laisse pas tomber. Nous l'avons entendu dans la première lecture : Sa fidélité éternelle qu'il a promise à Noé, à tous les êtres humains et à la création tout entière reste valable aujourd'hui. Dieu a conclu une alliance éternelle avec nous, une alliance qu'il a renouvelée et accomplie en Jésus Christ. Il n'est pas un Dieu assis sur un nuage qui regarde de haut comment
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nous parvenons à nous en sortir dans la vie. Il est le « Je suis là » qui agit dans notre vie et à travers nous. Dans la confiance que le Dieu fait homme et aimant nous accompagne et nous aide, nous pouvons, avec ou sans GPS, avancer avec assurance, prendre des décisions, nous convertir si nécessaire et relever les défis que nous lance la vie. Participons au changement à la suite de Jésus Christ ! Que Dieu se fasse proche de vous par sa bénédiction !
Bien à vous,
+Félix Gmür Évêque de Bâle
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