Intro
Chers frères et sœurs, la salutation de la messe de ce
matin, « Que Dieu notre Père et Jésus-Christ notre Seigneur vous donnent
la grâce et la paix », nous allons l’entendre chez saint Paul tout à
l’heure. Il nous encouragera à vivre dans la joie, à chercher la perfection.
« Encouragez-vous, soyez d’accord entre vous, vivez en paix, et le Dieu
d’amour et de paix sera avec vous. Saluez-vous les uns les autres par un baiser
de paix. » poursuit l’Apôtre. Ce dernier point que nous appelions en
langage monastique, la pax, la paix n’est pas au rendez-vous pour la liturgie d’aujourd’hui,
malgré le retour à une vie plus normale. Mais c’est bien à la paix en Dieu,
Père Fils et Esprit-Saint que nous sommes invités par notre retour en grâce,
pour reprendre une ancienne formule.
Nous fêtons Saint Ursanne et les moines irlandais cette
année. En ce temps pluvieux qui permet à l’animal fétiche de Develier de
vagabonder, je me suis rappelé que saint Patrick, l’évangélisateur de l’Irlande,
avait utilisé pour présenter la Sainte Trinité, la symbolique du trèfle à trois
feuilles. En ayant récupéré quelques-uns qui avaient échappés à la tondeuse et
aux gastéropodes, j’en ai cueilli aussi, égarés, dans un pot de fleur. Ces
derniers appartenaient à une autre variété et avait une forme de cœur. Le symbole
nous parle, une feuille à trois lobes pour la trinité et le mystère de l’amour
trinitaire et les cœurs nous parlent de l’amour habitant la Très Très Très
Sainte Trinité, expliquant sa cohérence. Il y a encore un autre mystère, celui
du champ de Dieu, de la Trinité, présente en chacun de nous. On raconte que le Père d’Origène embrassait le
cœur de son fils et adorait Dieu en lui… Cela nous fait un immense champ où la
trinité demeure, bien que cachée.
Chers Frères et Sœurs,
S’il est un sujet très délicat,
insondable surtout, mais pourtant mystère fondamental vers lequel approcher,
c’est bien celui de la Sainte Trinité. Dans notre imaginaire, nous nous
réfèrerions certainement en premier lieu au Sinaï et à sa nuée, tant elle nous
paraît obscur, une sorte de brouillard lumineux dans lequel Dieu est présent. Retenons
un concile le premier qui en avait traité, celui de Nicée. Les Pères ont
longuement essayé d’approcher de ce mystère par leurs réflexions, des
analogies, avec l’aide du Saint-Esprit. Ils ont beaucoup écrit sur elle. A
titre anecdotique, vous avez peut-être remarqué en parcourant l’Ecriture et la
première lecture, que Moïse a écrit lui-même les commandements sur les tables
de pierre qu’il avait apportées. Il avait détruit celles que Dieu avait
rédigées lui-même. Nous ne sommes pas une religion du livre. Lorsque Dieu
écrit, cela est détruit, et même Jésus écrit sur le sable. Dieu écrit dans les
cœurs, dans le cœur de l’homme, le lieu préférentiel qui lui est réservé, il
passe aussi par l’homme pour écrire.
Saint Augustin concluant son
ouvrage sur la Trinité, dit ceci : « Quand donc nous serons parvenus
jusqu’à toi, « ces paroles que nous multiplions sans aboutir », cesseront, et tu
seras seul à jamais tout en tous (I Cor., XV, 28 ) ; et nous tiendrons sans fin
un seul langage, te louant tous ensemble, et unis tous en toi. Seigneur Dieu
un, Dieu Trinité, que tes fidèles admettent tout ce qui m’est venu de toi dans
ces livres; et, s’il y a quelque chose de mon propre fond, pardonne-le-moi, toi
et les tiens. »
Nous comprenons qu’il faut
avancer dans l’obscurité avec l’aide de l’Écriture insipirée et de la foi, en
nous aidant d’images. Faut-il s’en attrister ? Nous pouvons aspirer de
toutes nos forces à contempler enfin Dieu dans son mystère, mais arrivés au but
nous ne pourrons plus grandir. Or, le Seigneur a fait de la terre dont nous
sommes formés et en lui insufflant son souffle de vie, un chemin pour le
connaître et l’aimer, à un tel point que le Christ s’est incarné, est mort,
ressuscité et siège à la droite du Père. Dieu habite déjà en nous, maintenant,
dans l’obscurité, mais il est bien là. Il veut nous voir avancer vers lui par
notre chemin de terre.
L’obscurité de la foi est bien
réelle, elle aussi. Nous lisions cependant à l’office des lectures d’hier, dans
le livre de Job, comment Dieu l’avait défendu face à trois de ses visiteurs.
Après son épreuve c’est lui Job qui est devenu leur intercesseur, comme Moïse
sur la Montagne pour le peuple. Les amoureux du nombre trois auront remarqué
qu’il s’agissait de trois hommes, et que si Dieu lui donnera sept fils, il lui
donnera trois filles, qui à lire leur nom seront sa consolation : la
première Colombe, la deuxième Fleur-de-Laurier, et la troisième Ombre-du-regard.
Elles reçoivent même une part d’héritage avec leurs frères, ce qui ouvre une
batterie de questions.
La représentation de la Trinité
dans l’art est un sujet qui ne manque pas d’intérêt. Le Père est parfois
représenté par une main, le Fils dans son humanité, et l’Esprit par une
colombe. Le Père est figuré de manière anthropomorphique sous les traits d’un
vieillard bénissant, mais cela est très discuté. Il existe également, des
groupes de trois avec Sainte Anne, la Vierge et le Christ. Ce type de
reproduction avait presque disparu après la réforme. Il y en a notamment une au
Vorbourg. Mais ce nombre symbolique est aussi représenté par la Sainte Famille.
« Parmi les diverses
analogies du mystère ineffable de Dieu Un et Trine que les croyants sont en
mesure d'entrevoir, disait l’ancien Pape Benoît, je voudrais citer celle de la
famille. Celle-ci est appelée à être une communauté d'amour et de vie, dans
laquelle les diversités doivent concourir à former une "parabole de
communion". »
Le chiffre 3 se réfère à la
sainteté de Dieu. Un bon nombre d’autres analogies tirées de l’Écriture vous
viennent certainement à l’esprit, les trois mages, les visiteurs d’Abraham, la
Transfiguration et son contraire, les 3 reniements de Pierre, puis ses trois « Tu
sais bien que je t’aime » et son relèvement.
Il est un point sur lequel nous
pouvons nous arrêter encore brièvement, celui de la personne humaine. Saint
Augustin s’est attaché à expliquer qu’une image de la Trinité se trouve en nous
avec nos trois facultés que sont la mémoire, l’intelligence et l’amour.
« Tous les êtres sont
ordonnés selon un dynamisme harmonieux que nous pouvons appeler
"amour". Mais ce n'est que dans la personne humaine, libre
et douée de raison, que ce dynamisme devient spirituel, amour responsable,
comme réponse à Dieu et au prochain, dans un don de soi sincère. Dans cet
amour, l'être humain trouve sa vérité et son bonheur. » L’amour est la
porte de la communion avec Dieu et de la vie en Dieu lui-même dans son mystère
trinitaire. Comment peut-on vivre ensemble de toute éternité, et nous-même
entrer dans cette communion si on ne s’aime pas ? Cet amour qui habite la
Trinité, notre mission est de le transmettre. Le message est simple :
« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que
quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. »
« Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion
du Saint-Esprit soient avec vous tous. » En effet, explique Athanase à
l’office des lectures de ce matin, « La grâce et le don accordés dans la
Trinité sont donnés de la part du Père, par le Fils, dans l'Esprit Saint. De
même que la grâce accordée vient du Père par le Fils, ainsi la communion au don
ne peut se faire en nous sinon dans l'Esprit Saint. » Peut-on souhaiter
autre chose ? Les fruits visibles sur notre chemin de terre, seront la
joie et la paix. Et si tout cela est déjà trop compliqué, retenons surtout le
symbole de notre trèfle de saint Patrick.
Nous pouvons conclure en priant avec
François d’Assise celle qui est la pleine de grâce, Mère du Fils, Fille du
Père, Épouse de l’Esprit : « Salut, Dame, reine, mère de Dieu, Marie, qui
es vierge faite église et choisie par le Père très saint du ciel, toi qu'il
consacra avec son très saint Fils bien-aimé et l'Esprit-Saint Paraclet, toi en
qui furent et sont toute plénitude de grâce et tout bien. » Amen.
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