« Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître encore, pour qu’ils aient en eux l’amour dont tu m’as aimé, et que moi aussi, je sois en eux. »
Il est un peu délicat pour moi de prêcher en cette fête de votre Père Jean de la Croix, votre et notre père, dont vous vous nourrissez constamment des écrits. Qu’a-t-il voulu vous faire connaître sinon le nom du Père. Connaître le nom veut dire dans la mentalité sémitique connaître la vérité de l’autre et cela permet de pouvoir le dominer. Est-ce possible de dominer Dieu ? Cela ne peut se comprendre que si l’on a part au cœur de Dieu. Il est donc question d’amour non seulement avant tout, mais surtout et même uniquement.
C’était me semble-t-il l’intention de votre Père lorsqu’il a écrit ses poèmes dans sa prison. Il y a parlé de l’amour, partageant ce qu’il vivait. Benoît XVI explique que dans ses Cantiques spirituels, il présente le chemin de purification de l’âme, c’est-à-dire la possession progressive et joyeuse de Dieu, jusqu’à ce que l’âme parvienne à sentir qu’elle aime Dieu avec le même amour dont Il l’aime. Le Seigneur veut venir habiter chez nous et Il nous procure la joie, comme Il l’a procurée à saint Jean dans sa prison. Comment peut-on être habité par la joie, être poète dans pareille situation, si celui qui en est la source n’habite pas en nous. Il lui disait « je suis le Seigneur ton Dieu, le Saint d’Israël, ton Sauveur. Parce que tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime. »
Dans cette obscurité, alors qu’il était emprisonné et que sa parole était empêchée, Il lui a fait la promesse de le libérer et de lui donner une descendance. Le psaume nous laisse entendre qu’Il l’a purifié, qu’Il lui a parlé au cœur, qu’Il l’a enseigné dans la nuit, thème cher au Carmel : «Les ténèbres m’écrasent !» mais la nuit devient lumière autour de moi. Même la ténèbre pour toi n’est pas ténèbre, et la nuit comme le jour est lumière ! »
Nous pouvons associer ténèbres et purification qui conduisent à voir Dieu dans la pleine lumière. Une union entamée dans les ténèbres en quelque sorte. La purification spirituelle ne peut être évitée : « La purification, qui pour parvenir à l’union d’amour avec Dieu doit être totale, commence par celle de la vie des sens et se poursuit par celle que l’on obtient au moyen des trois vertus théologales: foi, espérance et charité, qui purifient l’intention, la mémoire et la volonté. La nuit obscure décrit l’aspect «passif», c’est-à-dire l’intervention de Dieu dans ce processus de «purification» de l’âme. »
L’amour dit-on donne des ailes, et il en faut pour supporter toutes les épreuves de la vie. Mais nous portons en nous, une grande lumière : nous sommes aimés de Dieu et Il nous invite à nous laisser aimer par lui, en la personne de Jésus. C’est le chemin de la foi. Saint Jean-Paul II grand connaisseur de Jean de la Croix, avait relevé dans sa lettre pour le IVe centenaire de la mort de votre Père les différentes perspectives que le Saint souligne dans l’éducation de la foi. Et il avait voulu en détacher deux qui revêtent pour notre temps une importance particulière dans la vie des chrétiens: la relation entre raison naturelle et foi, et l’expérience de la foi que permet la prière intérieure. La première nous avait valu 8 ans après, une de ses encycliques Fides et Ratio. Il n’y mentionne pas Jean de la Croix, mais le mystère de la Croix est bien là avec saint Paul. Vous m’autorisez ce matin cette citation : « La raison ne peut pas vider le mystère d'amour que la Croix représente, tandis que la Croix peut donner à la raison la réponse ultime qu'elle cherche. Ce n'est pas la sagesse des paroles, mais la Parole de la Sagesse que saint Paul donne comme critère de Vérité et, en même temps, de salut. La sagesse de la Croix dépasse donc toutes les limites culturelles que l'on veut lui imposer et nous oblige à nous ouvrir à l'universalité de la vérité dont elle est porteuse. »
Saint Paul insiste sur l’importance de l’Esprit et de l’amour pour devenir fils dans le fils « Ceux qu’il connaissait par avance, Il les a aussi destinés à être l’image de son Fils, pour faire de ce Fils l’aîné d’une multitude de frères. »
Sans lui que pourrions-nous faire ? Nous sommes bien conscients au fil des années que si nous n’étions pas aimés, aidés, portés et assistés, nous serions bien vite handicapés par les pierres du chemin qui nous font tomber. Nous sommes aussi tous conscients que Dieu écrit droit avec des lignes courbes et qu’il utilise nos faiblesses pour parvenir à son but.
«Quand vous rencontrerez quelque déplaisir et contrariété, dit Jean de la Croix, souvenez-vous du Christ crucifié et gardez le silence. Vivez dans la foi et l’espérance, encore que ce soit dans l’obscurité, car dans ces ténèbres Dieu protège l’âme» [26]. La foi se transforme en flamme de charité, plus forte que la mort, semence et fruit de résurrection: «Ne pensez pas autre chose sinon que c’est Dieu qui ordonne tout; «et là où il n’y a pas d’amour, mettez l’amour, et vous obtiendrez l’amour» [27]. Car, en définitive: «Au soir, on t’examinera sur l’amour» [28].
Notre-Dame du Carmel priez pour nous. Amen.
https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20110216.html
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