17 juillet 2022
16ème dimanche du Temps Ordinaire — Année C
- Première lecture « Mon seigneur, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur » Gn 18, 1-10a
- Psaume Seigneur, qui séjournera sous ta tente ? Ps 14 (15), 2-3a, 3...
- Deuxième lecture « Le mystère qui était caché depuis toujours mais qui maintenant a été... Col 1, 24-28
- Évangile « Marthe le reçut. Marie a choisi la meilleure part » Lc
Chers frères et sœurs, chers amis,
Vous avez entendu des lectures qui vous ont certainement émus, en tout cas elles m’émeuvent pour divers motifs. L’Évangile est fréquemment et habituellement présenté comme une illustration de la primauté de la vie contemplative sur la vie active. Marthe rend service, elle se démène pour rendre service à Jésus, pour l’accueillir. Marthe fait comme nous le faisons en accueillant nos hôtes. Le jurassien étant habituellement de nature très accueillante, il perçoit immédiatement de quoi il s’agit pour se plier en quatre lorsqu’il reçoit un ami, un hôte et pas seulement un hôte de marque. Il met les petits plats dans les grands. Cette expression du XIXe siècle signifie que l'on engage des frais ou que l'on fait de gros efforts pour plaire à quelqu'un. Dans la langue française, un "petit plat" est en général de la nourriture cuisinée avec soin ; et les "grands plats" ne sont autres que de la vaisselle luxueuse. Très naturellement, en parlant de vaisselle luxueuse, nous pensons au calice et à la patène du prêtre et au ciboire. Nous voulons manifester ainsi notre désir de bien accueillir le Seigneur. Même François d’Assise voulait qu’il en soit ainsi par amour pour lui.
Les Franc-Montagnards sont paraît-il bien contents de recevoir plus d’hôtes depuis la problématique Covid, du côté de Saint-Ursanne c’est pareil, eh bien ! Tant mieux pour eux ! Ils offrent un bon service d’accueil.
Il s’agit tout de même du Seigneur qui vient chez Marthe, Marie et Lazare ! Dans quel contexte le fait-il ? Le Chapitre 10 de saint Luc est merveilleux, relisez-le si vous en avez le temps pendant ces vacances. Nous l’avons entendu cette semaine, avec la parabole du bon samaritain, mais aussi avec Jésus qui est navré de voir que tous les miracles qu’il a faits ne sont considérés que sous l’angle utilitaire. Les gens n’ont pas voulu aller jusqu’au bout alors qu’il fallait écouter la parole annoncée par les 72 disciples que Jésus a envoyé proclamer la Bonne Nouvelle, se laisser transformer par elle pour devenir semblables à Jésus. Ce nombre de 72 symbolisait des fils de Noé dont auraient été issues toutes les nations de la terre après le déluge. Quelles courageuses mères que celles-là ! Saint Augustin le mentionne. Mais on fait aussi un rapprochement avec les 72 savants qui avaient été rassemblés pour traduire de l’hébreu en grec, la célèbre Bible des septante. Elle avait servi ensuite aux Apôtres et aux premiers Pères de l’Église pour annoncer la Bonne Nouvelle aux nations.
Ce qui est toutefois éminemment intéressant, en tout cas pour moi, c’est que cette venue de Jésus chez ces hôtes survient à la fin d’un chapitre qui exprime l’importance de l’accueil, de la Bonne Nouvelle. C’est Jésus qui est annoncé aux nations, Jésus qui est reçu chez elles. Ne pas recevoir les pauvres, ne pas s’en occuper, et ne pas accueillir la Bonne Nouvelle, c’est ne pas recevoir Jésus et même devenir semblable à ces villes envers lesquelles il a prononcé une malédiction. Les gens ont voulu en quelque sorte bénéficier de ses miracles, en profiter, on le comprend sous un certain angle. Qui n’apprécie pas surtout d’être guéri, lorsqu’il a bien mal. Mais ils n’ont pas voulu l’accueillir, lui, et changer de vie. Que nous demande Jésus ? Il nous demande d’être comme lui, doux et humble de cœur, accueillants et miséricordieux attentifs envers ceux que nous trouvons sur le bord du chemin, comme le Bon Samaritain. Je me permets d’ajouter et aussi de croire que la vie éternelle existe ! N’est-ce pas un problème contemporain grave que celui de cet oubli?
La clef du message est bien entendu celle de l’amour. Marie accueille avec tout son amour cette parole qui la transforme, et son messager ! Que ferons-nous dans le Royaume, sinon parler avec le Seigneur, l’aimer, l’écouter, admirer ce qui se passe en lui et peut-être participer à son action. Qui n’aimerait percevoir toute la création depuis le commencement, être champion en physique, chimie, connaître toutes les partitions des cœurs des anges. Quelle merveilles à Saint-Maurice hier soir pour le concert de clôture de la semaine romande de musique sacrée. Ce qui sera le plus important et le plus passionnant, sera de connaître le mystère de la vie divine, aimer le Seigneur et aimer comme Dieu aime.
La première lecture, nous avons présenté l’image de ces trois anges que reçoit Abraham aux chêne de Mambré : Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Dès qu’il les vit, il courut à leur rencontre depuis l’entrée de la tente et se prosterna jusqu’à terre.
Il fait préparer par Sara le veau gras, du fromage blanc, du lait, des galettes qui sont donc non levées et peuvent nous faire penser, pourquoi pas, à la sortie d’Égypte. C’est un accueil princier qu’il leur réserve. On dit fréquemment qu’il est de cette qualité chez les orientaux. Cet accueil a pour récompense une promesse faite à la vieille Sara, celle d’enfanter un fils. Elle commencera par rire. Comme on n’est apparemment pas toujours sympathique envers les dames dans la Bible, on a essayé d’expliquer qu’Abraham avait aussi ri, mais de joie, et qu’il avait cru, alors que Rebecca avait ri en public avec ses proches, mais n’avait pas cru et avait ri de moquerie. Mais c’était bien la naissance d’Isaac qui avait été annoncée.
Les trois messagers, les trois hommes ou les trois anges, si vous préférez, symbolisent la sainte Trinité pour l’Église ancienne. Nous sommes tous très fâchés par la conduite de la guerre en Ukraine et les dirigeants russes aujourd’hui. Pourtant, nous ne pouvons pas oublier l’icône de la sainte Trinité d’Andreï Roublev 142 cm sur 114 à la galerie Tretiakov. Je l’avais vue lorsque c’était encore possible, il y a une dizaine d’années. Comment tant de beauté peut-elle être ensevelie sous les horreurs d’aujourd’hui ? Comment la faire réapparaître et surtout redécouvrir ce mystère qui nous habite, Dieu en nous ? C’est par l’écoute de la parole et le don de l’Eucharistie, le Christ que nous écoutons, que nous recevons et qui nous transforme. Il est figuré sous la forme d’un agneau devant ces 3 personnages. Dieu se réjouit de notre retour comme le père du fils prodigue avec son veau gras, il veut nous accueillir comme Abraham et mieux encore.
Pourquoi accorder tant d’importance à ce mystère, sinon parce qu’il est central dans la connaissance de Dieu. Il est un constant mouvement d’amour et de don de soi à l’autre et aux autres. Dieu veut aussi se donner à nous. Si Dieu n’était pas don, il serait immobile, totalement distant de nous. « Il apparaît immédiatement que s’il n’était pas Trinité, Dieu serait impensable, dit Maurice Zundel, car s’il n’était pas d’une certaine manière une (pluralité relative), une pluralité de relations, celles du Père, du Fils et de l’Esprit, il n’y aurait pas en lui l’Autre à qui se donner. Il ne pourrait que tourner autour de soi, se repaître de lui-même, se louer lui-même, s’admirer lui-même dans un narcissisme épouvantable et monstrueux. Déjà sous cet aspect, la Trinité nous délivre d’un épouvantable cauchemar; car si Dieu n’était pas charité, il n’y aurait plus aucun rapport entre la sainteté humaine et la sainteté divine. » Il se donne en son Fils et nous invite à l’accueillir, à nous donner et à nous laisser transformer par lui.
Merveille aussi que l’épître de saint Paul : « Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons chacun en toute sagesse, afin de l’amener à sa perfection dans le Christ. »
Comment ne pas conclure avec Marie, qui non seulement n’a pas ri en entendant la Bonne Nouvelle de l’ange, mais l’a accueilli et a exulté de joie. Amen.
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