2 octobre 2022 - dimanche, 27ème Semaine du Temps Ordinaire — Année C
Lectures de la messe
Première lecture « Le juste vivra par sa fidélité » Ha 1, 2-3 ; 2, 2-4
Psaume Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur,
mais écoutez la voix du Seigneur ! Ps 94 (95), 1-2, 6-7...
Deuxième lecture « N’aie pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur » 2 Tm 1, 6-8.13-14
Évangile « Si vous aviez de la foi ! » Lc 17, 5-10
« Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir. »
Chers frères et sœurs,
Le Seigneur monte à Jérusalem dans notre Évangile. Il arrive au terme de son enseignement et va entamer sa dernière étape. Le chapitre 17 avait commencé par des passages toujours d’actualité sur le scandale et le pardon des offenses. C’est une sorte de revue des difficultés communautaires. Viennent aujourd’hui le manque de foi et d’humilité. Après tout ce qu’a déjà accompli le Seigneur, après avoir donné des signes et son enseignement en paraboles pour se montrer accessible, les Apôtres lui demandent d’augmenter encore en eux la foi. La réponse du Seigneur paraît plutôt ironique. Il estime la leur inférieure à la plus petite de toutes les graines. La Tob nous dit d’ailleurs qu’il s’agirait plus de mûrier que de moutarde. Si vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, vous pourriez réaliser des exploits. Les plus jeunes, et les jeunes anciens ne peuvent retenir un sourire, et dans la conclusion du Seigneur voient un célèbre personnage de bandes dessinées lançant une série de chênes déracinés par les airs avec sous sans druide ou romain.
L’analogie est à portée de main, la foi serait-elle une potion magique ? Un commentaire nous dit que le Seigneur s’adresse dans ce chapitre 17 à la communauté et à ceux qui devront la conduire. Il s’agira pour elle de transmettre son enseignement et la foi et donc de les vivre. Il ne s’agit pas d’illumination personnelle ou d’une idéologie construite par la pensée humaine. La parole de Dieu n'en est pas une, elle est proposée. Comme à l’annonciation pour Marie, elle attend notre oui pour donner son fruit. « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. » Le Verbe de Dieu se fait chair après un dialogue et un oui, donné. La foi ne s’impose pas de manière abrupte, ou comme un système d’exploitation informatique qui se déploie automatiquement. Vous appuyez sur un bouton et tout se met en place. Mais elle implique de la fidélité, de l’attention et des efforts : « Tiens-toi au modèle donné par les paroles solides que tu m’as entendu prononcer dans la foi et dans l’amour qui est dans le Christ Jésus. »
De toute évidence, il manque encore aux apôtres quelque chose et quelqu’un, sans parler d’un détachement nécessaire pour accomplir leur ministère. La conviction n’est pas là et cependant : « C’est moi qui vous ai choisis », dit le Seigneur. Il en faut de la conviction et une conviction qui soit habitée, entourée. Nous ne pouvons que conclure en entendant la deuxième partie de l’Évangile que Jésus sait ce qui va se passer et engage déjà ses Apôtres sur le chemin de l’humilité dans leur fonction : « Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir ». L’absence d’humilité, c’est le manque de confiance en Dieu, le manque de foi. Peut-on suivre seul le Seigneur, se fier à ses seules forces ? Plus encore le connaître par soi-même ? La conséquence de cette attitude est de se mettre à la place de Dieu, de se prendre pour lui… Quelque chose du côté de l’hypertrophie du moi ou en langage commun être vraiment gonflé, mais pas rempli ni habité par l’Esprit-Saint qui donne la vie et construit le temple de Dieu dans un dialogue permanent. Ce que nous connaissons de la vie de Marie est un exemple constant de questions, de réponses, de oui… Jusqu’à ce qu’elle devienne la Mère de l’Église. Ce dialogue, nous le savons, doit avoir lieu dans nos communautés pour les construire, à l’écoute de l’Esprit. Il est parfois difficile de porter les interrogations de l’autre, d’accompagner, mais nous ne pouvons grandir que dans la fidélité au Christ et le respect du cheminement de chacun.
Toutefois nos lectures nous donnent des exemples de la souffrance que peut engendrer l’attente de l’action de Dieu, une forme et un tempo difficiles à vivre, avec des temps, des contre-temps et des silences qui durent. « Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir. » N’est-il pas difficile de rester serviteur dans un temps d’obscurité et d’attente ? Cette formule revient fréquemment dans les séries tv et la bouche de héros qui ont accompli un exploit, sous la forme : « Je n’ai fait que mon travail ». Elle agace un peu lorsqu’elle est comprise comme réductrice de la valeur de ce qui a été accompli, en termes d’investissement personne et humain. Nous penserions à de la fausse modestie… Il ne faut pas oublier de dire merci et en plus de rendre grâce à Dieu. Dans son Magnificat, Marie l’a fait, pourquoi pas nous ? Pourquoi ne pas être en dialogue permanent avec le Seigneur, acceptant de recevoir tout de lui et de rendre grâce pour ce qu’il a réalisé en nous. Nous le lui redonnons dans un constant échange. Il se donne à nous et nous redonnons à lui.
Mais attendre que c’est long ! Pourquoi donc ? D’abord en raison de nos limites, de notre expérience de la vie, de nos habitudes, et de notre connaissance du cours ordinaire des choses selon la formule.
« Combien de temps vais-je attendre sans que tu entendes. » dit Habacuc. Le temps de Dieu paraît devoir durer une éternité, pour nous. Il est vrai que nous mesurons souvent nos limites. Il suffit d’un retard dans un courrier pour nous montrer impatients. Ne serait-ce qu’avec les messages instantanés et nos habitudes actuelles de communiquer. Le Seigneur paraît se fâcher en répondant au prophète. Il lui répond : « C’est encore une vision pour le temps fixé ; elle tendra vers son accomplissement, et ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la : elle viendra certainement, sans retard. » La réponse est ambigüe pour nous qui interprétons le message et oublions que nous ne sommes que messagers, des anges qui gardent une copie du message dans leur poche avec un mode d’emploi très personnel.
Nous devrions surtout nous interroger sur ce qu’est l’éternité de Dieu face à notre temps. Comment il voit dans un seul regard le commencement et la fin du monde créé, comment il nous voit déjà auprès de lui, images vivantes de ce qu’Il est et de son Fils. Tout se réalise par lui, avec lui et en lui. Notre manière de donner notre oui et de lui répondre est de vivre avec lui et comme lui aujourd’hui. Le cardinal Schönborn concluait son commentaire de cet évangile en disant : Rien n’augmente plus notre foi, que de remercier Dieu tous les jours. Avec Marie, nous pouvons redire, « Je suis la servante du Seigneur ». Amen.
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