ÉLOGE DE SAINTE AGNÈS PAR SAINT AMBROISE.
(tiré des Martyrs de de dom Jean Leclercq)
Ste Agnès
Le nom d'Agnès est un titre de pureté : j'ai donc à
la célébrer et comme martyre et comme vierge. C'est une louange abondante que
celle que l'on n'a pas besoin de chercher et qui subsiste par elle-même.
Arrière le rhéteur, arrière l'éloquence ; un seul mot, son seul nom, loue
Agnès. Que les vieillards, que les jeunes gens, que les enfants la chantent.
Tous les hommes la célèbrent, ils ne peuvent dire son nom sans la louer.
On rapporte qu'elle avait treize ans quand elle
souffrit. Cruauté détestable du tyran, qui n'épargna pas. un âge si tendre;
mais plus encore, merveilleuse puissance de la foi, qui trouve des témoins de
cet âge ! Y avait-il place en un si petit corps pour les blessures ? A peine
l'épée trouvait-elle sur cette enfant un lieu où frapper ; et cependant Agnès
avait en elle de quoi vaincre l’épée.
A cet âge, la jeune fille tremble au regard irrité
de sa mère ; une piqûre d'aiguille la fait pleurer, comme ferait une blessure.
Agnès, intrépide entre les mains sanglantes des bourreaux, se tient immobile
sous le fracas des lourdes chaînes qui l'écrasent ; ignorante encore de la
mort, mais prête à mourir, elle présente tout son corps à la pointe du glaive
d'un soldat furieux. La traîne-t-on, malgré elle, aux autels, elle tend les
bras au Christ à travers les feux du sacrifice, et sa main forme jusque sur les
flammes sacrilèges ce signe qui est le trophée du Seigneur victorieux. Son cou,
ses deux mains, elle les passe dans les fers qu'on lui présente ; mais on n'en
trouve pas qui puissent serrer des membres encore si petits.
Nouveau genre de martyre ! La vierge n'a pas l'âge
du supplice, et déjà elle est mûre pour la victoire ; elle n'est pas mûre pour
le combat, et déjà elle est maîtresse en fait de courage. L'épouse ne marche
pas vers le lit nuptial avec autant d'empressement que cette vierge qui
s'avance, pleine de joie, d'un pas dégagé, vers le lieu de son supplice, parée,
non d'une chevelure artificieusement disposée, mais du Christ, couronnée non de
fleurs, mais de pureté.
Tous pleuraient ; elle seule ne pleurait pas. On
s'étonne qu'elle prodigue si volontiers une vie qu'elle n'a pas encore goûtée ;
qu'elle la sacrifie, comme si elle l'eût épuisée. Tous admirent qu'elle soit
déjà le témoin de la Divinité, à un âge où elle ne pourrait encore disposer
d'elle-même. Sa parole n'aurait pas de valeur dans la cause d'un mortel: on la
croit aujourd'hui dans le témoignage qu'elle rend à Dieu. Et en effet, une
force qui est au-dessus de la nature ne saurait venir que de l'Auteur de la
nature.
Quelles terreurs n'employa pas le juge pour
l'intimider ! que de caresses pour la gagner! Combien d'hommes la demandèrent
pour épouse ! Elle s'écrie : La fiancée fait injure à l'époux, si elle se fait attendre. Celui-là m'aura seul, qui le
premier m'a choisie. Que tardes-tu, bourreau? Périsse ce corps que peuvent
aimer des yeux que je n'agrée pas ! »
Elle se présente, elle prie, elle courbe la tête.
Vous eussiez vu trembler le bourreau, comme si lui-même eût été condamné; sa
main était agitée, son visage était blême sur le danger d'un autre, pendant que
la jeune fille voyait sans crainte son propre péril. Voici donc dans une seule
victime un double martyre : l'un de chasteté, l'autre de religion. Agnès;
demeura vierge, et elle obtint le martyre.
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