8 mars 2020
dimanche, 2ème Semaine de Carême — Année A
- Première lecture Vocation d’Abraham, père du peuple de Dieu Gn 12, 1-4a
-
Psaume
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous,
comme notre espoir est en toi ! Ps 32 (33), 4-5, 18-... - Deuxième lecture Dieu nous appelle et nous éclaire 2 Tm 1, 8b-10
- Évangile « Son visage devint brillant comme le soleil »
Longue introduction en raison de l'épidémie en cours.
Chers amis, chers Frères et Sœurs, Bienvenue à chacun et à
chacune en ce 2e dimanche de carême un peu particulier. Nous pouvons
commencer en souhaitant tout d’abord une bonne fête à toutes les femmes. D’Eve à
Marie, l’autre moitié de l’humanité commence à comprendre, je crois, ce dont
nous leur sommes redevables. Hélas, nous sommes en pénitence aujourd’hui, privé
de bises… Nos habitudes de carême sont chahutées par des impératifs sanitaires provoqués
par ce coronavirus qui inquiète les anciens plus spécialement et aussi les
responsables économiques. Les effets indirects induits par ce gros CoVid-19
de 0,15 micron, 400 fois plus petit que nos cellules selon ma source. Un
malade en produit quelques milliards, richesse dont les personnes atteintes se
passeraient bien. Il nous reste à
espérer que le soleil revienne assez vite pour le chasser.
En attendant, permettez-moi de vous rappeler les consignes
qui ont été données. Si vous vous sentez fiévreux, il est impératif d’aller
consulter votre médecin et d’éviter les contacts. Globalement, il est demandé par
nos autorités aux plus anciens et aux personnes fragiles, d’éviter de
fréquenter les lieux et transports publics aux heures d’affluence.
Malheureusement, il est aussi conseillé aux petits enfants de laisser les
grands-parents en paix. Ils sont tristes de ne pouvoir les voir, mais ce sont
eux qui courent potentiellement le plus de risques. J’espère que vous leur
aurez appris à utiliser les moyens modernes de communication, WhatsApp et
autres.
Durant la liturgie nous sommes invités à ne pas nous serrer
la main, une exception est tolérée entre époux, puisqu’ils partagent déjà tout.
Il y a eu suffisamment d’autres options signalées sans avoir à en rajouter. Concernant
la communion je vous serais reconnaissant de ne pas demander à la recevoir dans
la bouche une expérience récente m’a confirmé que de la salive peut arriver sur
mes doigts, ce qui est gênant pour moi et les suivants. Ce n’est pas un péché
que de recevoir l’hostie dans la main qui devient le trône de Dieu : Fais
de ta main gauche un trône pour ta main droite, puisque celle-ci doit recevoir
le Roi, et dans le creux de ta main, reçois le corps du Christ, en disant «
Amen » disait Saint Cyrille de Jérusalem au IVe siècle.
Les orthodoxes de Roumanie qui communient sous les deux
espèces, tolèrent une cuillère en plastique privée et jetable, vu les
circonstances, ce qui amènerait à des questions sur la purification de
celles-ci, mais ce n’est pas le sujet. Les fidèles sont également dispensés chez
eux de vénérer les icônes en les embrassant.
C’est aussi l’occasion de vous rappeler que toutes les
sacristies sont munies d’un lavabo pour que le prêtre se lave les mains avant
la messe et que nous avons une partie de la liturgie durant laquelle le prêtre
se lave au moins le bout des doigts intitulée le lavabo… Il dit à ce
moment : « Lave-moi de mes fautes, Seigneur et purifie-moi de mon
péché. » Nous purifions également le calice et la patène à la fin de la
messe, par respect pour le corps et le sang du Seigneur.
Je crois que cette introduction est suffisante et peut-être aurez-vous
droit à une homélie brève.
Merci et préparons-nous à célébrer l’Eucharistie en
reconnaissant que nous sommes pécheurs.
Homélie
Chers Frères et Sœurs,
Les lectures de ce matin viennent nous rappeler les
promesses de Dieu et nous dire quelle est notre espérance. Dieu a fait une
promesse à Abraham : « En toi seront bénies toutes les familles de la
terre. » Vous vous en réjouissez avec moi. Le salut et la bénédiction de
Dieu, la vision de Dieu et la résurrection des morts ne sont pas réservées à un
petit Peuple seul aimé de Dieu, d’un amour de prédilection, mais à tous les
hommes.
Comment y croire ? Ce n’est pas une petite affaire… Les
descendants d’Abraham selon la chair, ont eu bien des difficultés pour
apprendre à vivre pour et avec Celui qui les appelait à la vie, à croire en
Lui, à marcher avec Lui, à L’écouter et à faire passer la loi de vie qu’il leur
donna au Sinaï, dans leur existence. Ce n’est pas non plus une petite affaire
que de vivre avec Jésus aujourd’hui, tant nous sommes lents à entrer dans le
mystère de Dieu incarné et miséricordieux.
Sur cette autre montagne qu’est le Thabor le Seigneur fut
transfiguré devant Pierre, Jacques et Jean. Son visage n’était plus que lumière
et son vêtement devint blanc comme la neige. Aux côtés de Jésus apparurent
Moïse et Élie qui résumaient la loi et les prophètes. Sur les icônes, on
représente Pierre, Jacques et Jean, comme renversés. Les pauvres n’y
comprennent plus rien. On croirait que Pierre lui-même a pris une dose de ces
produits qui font perdre la tête à certains. Apparemment, il ne sait plus ce
qu’il dit. Mais il restera marqué à jamais par ce moment, il le dira lui-même. En
parlant de tentes, il faisait référence à la fête des Tentes dans la liturgie
juive à l’époque des Moissons. Il voulait dresser trois tentes, une pour Jésus,
une pour Moïse et une pour Élie. Jésus
parlait donc avec les deux prophètes de sa montée à Jérusalem. Il parlait encore
d’une autre montagne, celle du Golgotha. A ses côtés ce ne seront plus Moïse et
Élie qui se trouveront, mais 2 pauvres, 2 pécheurs, le bon et le mauvais
larron, selon la désignation commune.
Quels prophètes ! Mais au fait, ne sont-ils pas des
signes pour nous ? Ne sont-ils pas pour nous une invitation à devenir
prophètes ? Ils ne le sont pas par eux-mêmes, mais par ce qu’ils
transmettent de la part de Dieu. L’invitation et l’accueil se réalisent non
dans une tente confortable comme on les voit en Orient, avec tous les coussins
et le confort souhaitable, mais sur des croix et Jésus est avec eux, au milieu
d’eux.
Ceux qui se mettent à la suite de Jésus ne pourront suivre
d’autres chemins que celui-là, celui de la croix de Jésus pour parvenir à la
gloire. Jésus ne parle que de cela avec Moïse et Élie, de sa montée à Jérusalem.
Inutile de nous raconter trop d’histoires, les difficultés par lesquels vous
avez passé vous-mêmes ou que vous traversez ne sont pas des chemins aménagés
avec de beaux tapis, et des coussins pour se reposer, ou des pétales de roses.
Il peut y en avoir, mais pas tous les jours. Les malheureuses et tristes images
que nous voyons dans nos actualités nous le rappellent, à commencer par ces
réfugiés que l’on utilise comme armes ou boucliers humains. Nous en sommes tous
profondément indignés. Que dire aussi au-delà des craintes qui peuvent nous
habiter à propos de ce virus qui est venu troubler notre quotidien ? Nous sommes
inquiets, mais tous les jours dans l’indifférence, 25.000 personnes meurent de
faim, dont 6 à 7.00 enfants, sans compter ceux qui ne peuvent soigner pour autre
chose. Aujourd’hui nous n’avons même pas une soupe de carême pour tranquilliser
notre bonne conscience collective. Face à cet électrochoc, comment allons-nous
réagir autrement ? Allons-nous trouver d’autres chemins pour manifester
l’amour de Dieu aux hommes qui a besoin de nous ? Est-ce qu’une maladie
est grave parce qu’elle dérange nos habitudes et nos thèmes de
prédilection, bien cadrés? Nous faisons tout ce que nous pouvons, mais ne
s’agit-il pas là d’une occasion de remises en question ?
Jésus apparaît avec un visage transfiguré sur lequel se
manifeste la gloire de Dieu. Ce moment rappelle Moïse, lorsqu’il avait vu Dieu
au Sinaï. Son visage était devenu si brillant que nul ne pouvait le regarder.
Il devra le voiler.
Le visage de Jésus n’est plus voilé, mais il se cache et se
manifeste en chacun de ceux qui souffrent. Sa gloire est manifestée aujourd’hui
lorsque nous partageons son amour et sa miséricorde autour de nous. Il n’y a
pas besoin de projecteurs ou de bruits médiatiques, parfois utiles, je le
concède. Au Thabor, la nuée est obscure, mais la voix de Notre Père, la voix du
Père va toucher les cœurs : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je
trouve ma joie : écoutez-le ! » Notre témoignage de vie est la joie de Dieu, la
joie du Père. Cela peut être très difficile. Faisant une recherche sur une
lecture de Carême à propos d’une figure qui mérite d’être connue Etty Hillesum,
je suis tombé sur les lignes qui suivent. Cette jeune fille d’origine juive est
morte dans les camps et on lui doit curieusement, d’avoir mentionné le nom de
sainte Édith Stein sur les listes des déportées, c’était une de ses tâches de
prisonnière des démons nazis. « Tout comme dans les Évangiles, la
Transfiguration, c’est-à-dire la joie du Fils en son Père, permet la traversée
de la passion, la traversée d’une clairière,
et la contemplation du vaste ciel permettent à Etty de traverser le camp
de triage de Westerbrok avant de finir à Auschwitz. Elle écrivit ceci : « En
l’an de grâce 1942, la énième année de guerre, je trouve la vie belle et me
sens libre. Je crois en Dieu et je crois en l’homme, j’ose le dire sans fausse
honte. »
Et ailleurs « Un
puits très profond est en moi. Et Dieu est dans ce puits. Parfois, j’arrive à
Le rejoindre, le plus souvent la pierre et le sable Le recouvrent : alors
Dieu est enterré. Il faut à nouveau Le déterrer »
Que la Transfiguration nous aide nous aussi à vivre notre
carême et à parvenir à la résurrection de Jésus. Amen.
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