dimanche 8 mars 2020

La Transfiguration, une clairière qui ouvre le ciel


8 mars 2020

dimanche, 2ème Semaine de Carême — Année A
Lectures de la messe

Longue introduction en raison de l'épidémie en cours.


Chers amis, chers Frères et Sœurs, Bienvenue à chacun et à chacune en ce 2e dimanche de carême un peu particulier. Nous pouvons commencer en souhaitant tout d’abord une bonne fête à toutes les femmes. D’Eve à Marie, l’autre moitié de l’humanité commence à comprendre, je crois, ce dont nous leur sommes redevables. Hélas, nous sommes en pénitence aujourd’hui, privé de bises… Nos habitudes de carême sont chahutées par des impératifs sanitaires provoqués par ce coronavirus qui inquiète les anciens plus spécialement et aussi les responsables économiques. Les effets indirects induits par ce  gros CoVid-19 de 0,15 micron, 400 fois plus petit que nos cellules selon ma source. Un malade en produit quelques milliards, richesse dont les personnes atteintes se passeraient bien.  Il nous reste à espérer que le soleil revienne assez vite pour le chasser.
En attendant, permettez-moi de vous rappeler les consignes qui ont été données. Si vous vous sentez fiévreux, il est impératif d’aller consulter votre médecin et d’éviter les contacts. Globalement, il est demandé par nos autorités aux plus anciens et aux personnes fragiles, d’éviter de fréquenter les lieux et transports publics aux heures d’affluence. Malheureusement, il est aussi conseillé aux petits enfants de laisser les grands-parents en paix. Ils sont tristes de ne pouvoir les voir, mais ce sont eux qui courent potentiellement le plus de risques. J’espère que vous leur aurez appris à utiliser les moyens modernes de communication, WhatsApp et autres.
Durant la liturgie nous sommes invités à ne pas nous serrer la main, une exception est tolérée entre époux, puisqu’ils partagent déjà tout. Il y a eu suffisamment d’autres options signalées sans avoir à en rajouter. Concernant la communion je vous serais reconnaissant de ne pas demander à la recevoir dans la bouche une expérience récente m’a confirmé que de la salive peut arriver sur mes doigts, ce qui est gênant pour moi et les suivants. Ce n’est pas un péché que de recevoir l’hostie dans la main qui devient le trône de Dieu : Fais de ta main gauche un trône pour ta main droite, puisque celle-ci doit recevoir le Roi, et dans le creux de ta main, reçois le corps du Christ, en disant « Amen » disait Saint Cyrille de Jérusalem au IVe siècle.
Les orthodoxes de Roumanie qui communient sous les deux espèces, tolèrent une cuillère en plastique privée et jetable, vu les circonstances, ce qui amènerait à des questions sur la purification de celles-ci, mais ce n’est pas le sujet. Les fidèles sont également dispensés chez eux de vénérer les icônes en les embrassant.
C’est aussi l’occasion de vous rappeler que toutes les sacristies sont munies d’un lavabo pour que le prêtre se lave les mains avant la messe et que nous avons une partie de la liturgie durant laquelle le prêtre se lave au moins le bout des doigts intitulée le lavabo… Il dit à ce moment : « Lave-moi de mes fautes, Seigneur et purifie-moi de mon péché. » Nous purifions également le calice et la patène à la fin de la messe, par respect pour le corps et le sang du Seigneur.
Je crois que cette introduction est suffisante et peut-être aurez-vous droit à une homélie brève.
Merci et préparons-nous à célébrer l’Eucharistie en reconnaissant que nous sommes pécheurs.


Homélie

Chers Frères et Sœurs,

Les lectures de ce matin viennent nous rappeler les promesses de Dieu et nous dire quelle est notre espérance. Dieu a fait une promesse à Abraham : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre. » Vous vous en réjouissez avec moi. Le salut et la bénédiction de Dieu, la vision de Dieu et la résurrection des morts ne sont pas réservées à un petit Peuple seul aimé de Dieu, d’un amour de prédilection, mais à tous les hommes.
Comment y croire ? Ce n’est pas une petite affaire… Les descendants d’Abraham selon la chair, ont eu bien des difficultés pour apprendre à vivre pour et avec Celui qui les appelait à la vie, à croire en Lui, à marcher avec Lui, à L’écouter et à faire passer la loi de vie qu’il leur donna au Sinaï, dans leur existence. Ce n’est pas non plus une petite affaire que de vivre avec Jésus aujourd’hui, tant nous sommes lents à entrer dans le mystère de Dieu incarné et miséricordieux.
Sur cette autre montagne qu’est le Thabor le Seigneur fut transfiguré devant Pierre, Jacques et Jean. Son visage n’était plus que lumière et son vêtement devint blanc comme la neige. Aux côtés de Jésus apparurent Moïse et Élie qui résumaient la loi et les prophètes. Sur les icônes, on représente Pierre, Jacques et Jean, comme renversés. Les pauvres n’y comprennent plus rien. On croirait que Pierre lui-même a pris une dose de ces produits qui font perdre la tête à certains. Apparemment, il ne sait plus ce qu’il dit. Mais il restera marqué à jamais par ce moment, il le dira lui-même. En parlant de tentes, il faisait référence à la fête des Tentes dans la liturgie juive à l’époque des Moissons. Il voulait dresser trois tentes, une pour Jésus, une pour Moïse et une pour Élie.  Jésus parlait donc avec les deux prophètes de sa montée à Jérusalem. Il parlait encore d’une autre montagne, celle du Golgotha. A ses côtés ce ne seront plus Moïse et Élie qui se trouveront, mais 2 pauvres, 2 pécheurs, le bon et le mauvais larron, selon la désignation commune.
Quels prophètes ! Mais au fait, ne sont-ils pas des signes pour nous ? Ne sont-ils pas pour nous une invitation à devenir prophètes ? Ils ne le sont pas par eux-mêmes, mais par ce qu’ils transmettent de la part de Dieu. L’invitation et l’accueil se réalisent non dans une tente confortable comme on les voit en Orient, avec tous les coussins et le confort souhaitable, mais sur des croix et Jésus est avec eux, au milieu d’eux.
Ceux qui se mettent à la suite de Jésus ne pourront suivre d’autres chemins que celui-là, celui de la croix de Jésus pour parvenir à la gloire. Jésus ne parle que de cela avec Moïse et Élie, de sa montée à Jérusalem. Inutile de nous raconter trop d’histoires, les difficultés par lesquels vous avez passé vous-mêmes ou que vous traversez ne sont pas des chemins aménagés avec de beaux tapis, et des coussins pour se reposer, ou des pétales de roses. Il peut y en avoir, mais pas tous les jours. Les malheureuses et tristes images que nous voyons dans nos actualités nous le rappellent, à commencer par ces réfugiés que l’on utilise comme armes ou boucliers humains. Nous en sommes tous profondément indignés. Que dire aussi au-delà des craintes qui peuvent nous habiter à propos de ce virus qui est venu troubler notre quotidien ? Nous sommes inquiets, mais tous les jours dans l’indifférence, 25.000 personnes meurent de faim, dont 6 à 7.00 enfants, sans compter ceux qui ne peuvent soigner pour autre chose. Aujourd’hui nous n’avons même pas une soupe de carême pour tranquilliser notre bonne conscience collective. Face à cet électrochoc, comment allons-nous réagir autrement ? Allons-nous trouver d’autres chemins pour manifester l’amour de Dieu aux hommes qui a besoin de nous ? Est-ce qu’une maladie est grave parce qu’elle dérange nos habitudes et nos thèmes de prédilection, bien cadrés? Nous faisons tout ce que nous pouvons, mais ne s’agit-il pas là d’une occasion de remises en question ?
Jésus apparaît avec un visage transfiguré sur lequel se manifeste la gloire de Dieu. Ce moment rappelle Moïse, lorsqu’il avait vu Dieu au Sinaï. Son visage était devenu si brillant que nul ne pouvait le regarder. Il devra le voiler.
Le visage de Jésus n’est plus voilé, mais il se cache et se manifeste en chacun de ceux qui souffrent. Sa gloire est manifestée aujourd’hui lorsque nous partageons son amour et sa miséricorde autour de nous. Il n’y a pas besoin de projecteurs ou de bruits médiatiques, parfois utiles, je le concède. Au Thabor, la nuée est obscure, mais la voix de Notre Père, la voix du Père va toucher les cœurs : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Notre témoignage de vie est la joie de Dieu, la joie du Père. Cela peut être très difficile. Faisant une recherche sur une lecture de Carême à propos d’une figure qui mérite d’être connue Etty Hillesum, je suis tombé sur les lignes qui suivent. Cette jeune fille d’origine juive est morte dans les camps et on lui doit curieusement, d’avoir mentionné le nom de sainte Édith Stein sur les listes des déportées, c’était une de ses tâches de prisonnière des démons nazis. « Tout comme dans les Évangiles, la Transfiguration, c’est-à-dire la joie du Fils en son Père, permet la traversée de la passion, la traversée d’une clairière,  et la contemplation du vaste ciel permettent à Etty de traverser le camp de triage de Westerbrok avant de finir à Auschwitz. Elle écrivit ceci : « En l’an de grâce 1942, la énième année de guerre, je trouve la vie belle et me sens libre. Je crois en Dieu et je crois en l’homme, j’ose le dire sans fausse honte. »
 Et ailleurs « Un puits très profond est en moi. Et Dieu est dans ce puits. Parfois, j’arrive à Le rejoindre, le plus souvent la pierre et le sable Le recouvrent : alors Dieu est enterré. Il faut à nouveau Le déterrer » 
Que la Transfiguration nous aide nous aussi à vivre notre carême et à parvenir à la résurrection de Jésus. Amen.

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