Vorbourg, le vendredi 16 septembre 2016
Homélie
Ep 2, 4-10 ; Mt 9, 9-13
Le passage de la Lettre de Saint Paul aux Ephésiens affirme
au début « Dieu est riche en miséricorde. » La richesse de Dieu n'est pas celle
de l'or ou de l'argent, elle n'est pas non plus l'expression d'une force qui
écrase et s'impose et devant laquelle on ne serait pas libre. La richesse de
Dieu, c'est sa miséricorde, c'est « la richesse surabondante de sa grâce. »
C'est une richesse qui est débordante et qui se répand. Et Paul indique les
expressions diverses de cette miséricorde.
Première expression de la miséricorde : la création : «
C'est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus en vue de la
réalisation d'œuvres bonnes. » La miséricorde de Dieu s'exprime dans le fait
que nous sommes ses créatures, nous, les hommes, et tout l'univers visible et invisible.
C'est par amour que nous sommes créés, afin que nous aussi nous fassions des
actions bonnes. Dieu créateur nous crée pour le bien. La création est don et
Dieu confie à l'homme cette création pour que, par son travail et son art, il
contribue au perfectionnement du monde créé. La création est un événement
toujours actuel. Cet acte se renouvelle à chaque instant pour que le monde
existe. C'est pourquoi, la création fait naître la louange et l'action de
grâce, comme le chantent les psaumes : « Bénis le Seigneur, ô mon âme, n'oublie
aucun de ses bienfaits », et le cantique des créatures de Saint François
d'Assise : « Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures [...] Louez
et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâces et servez-le en toute humilité. »
C'est pourquoi, nous sommes appelés à mettre en valeur cette création, à
l'entretenir, et surtout, à promouvoir la vie, surtout celle de l'homme, créé à
l'image et à la ressemblance de Dieu.
Deuxième expression de cette miséricorde : la vie. « Il nous
a donné la vie avec le Christ. » La vie est un bien précieux, un don de la miséricorde
de Dieu, qui ne doit pas être galvaudée. La vie est un cadeau de Dieu. Dès la
conception jusqu'à la mort, la vie humaine doit être entretenue. Si l'Eglise
est opposée à toute forme d'atteinte à la vie, dont le meurtre, l'avortement,
l'euthanasie, si elle lutte aux côtés des hommes de bonne volonté et d'autres
organismes contre la faim et pour le développement, c'est parce que la vie doit
toujours triompher. Lorsque Jésus guérit les malades, lorsqu'il remet debout
les paralysés, redonne la vue aux aveugles et l'ouïe aux sourds, lorsqu'il
donne en exemple, dans une parabole, le Samaritain qui prend soin de l'homme
blessé au bord du chemin, c'est parce qu'il est le défenseur et le promoteur de
la vie.
Bien plus, Dieu a souci de la vie spirituelle de l'homme : «
Nous qui étions morts par suite de nos fautes », nous avons été sauvés par la
grâce, la miséricorde du Père, par le pardon. Le péché et la mort sont vaincus
par la miséricorde de Dieu : « Avec lui (le Christ), il nous a ressuscités et
il nous a fait siéger aux cieux, dans le Christ Jésus. » Par lui, nous avons en
héritage la vie éternelle. La résurrection est l'expression la plus remarquable
de la miséricorde de Dieu et le sommet du « grand amour dont il nous a aimés. »
Dans l'évangile de ce jour, la miséricorde de Jésus
s'exprime dans l'appel de Lévi. Jésus est bref : deux mots : « Suis-moi. » Cet
appel n'est accompagné d'aucune promesse, ni d'aucune condition, comme on le
verra avec l'appel du jeune homme riche : « Si tu veux être parfait vends ce
que tu possèdes [...] puis viens et suis-moi. » Il n'y a pas de trésor à
gagner. La parole de Jésus est efficace par elle-même, comme la parole
créatrice de Dieu, comme la parole de guérison de Jésus. « L'homme se leva et
le suivit. » Se lever, un verbe qui est celui de la résurrection. L'appel de
Jésus est la parole de Dieu qui appelle à la vie et crée l'homme en le recréant
de façon admirable. C'est une parole qui éveille en ne tenant pas compte du
passé, du péché antérieur, peut-être des malversations commises par le
collecteur d'impôts assis à son bureau. C'est une parole qui touche le cœur,
qui convertit et qui unit à Dieu. Ce qui fait dire à Maître Eckhart : « Quand
l'homme se relève complètement de ses péchés [...], le Dieu fidèle fait comme
si l'homme n'était jamais tombé dans le péché et il ne veut pas un seul instant
lui tenir rigueur de tous ses péchés [...] Dieu est le Dieu du présent. Tel il
te trouve, tel il te prend et t'accueille, non pas ce que tu as été, mais ce
que tu es maintenant. » (Instructions spirituelles, n.12)
Puis, Jésus qui est à table avec les publicains et les
pécheurs, va, devant les remarques des pharisiens, exprimer le sens de ses actes
et en prenant appui sur le prophète Osée, manifester le lien qui existe entre
la Loi et la miséricorde de Dieu. « Allez apprendre ce que signifie : Je veux
la miséricorde, non le sacrifice. » Et pour que ceux qui l'écoutent comprennent
bien qu'en fréquentant les pécheurs, il ne pactise pas avec le péché, ni ne
l'approuve, il précise : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin
du médecin, mais les malades [...] Je ne suis pas venu appeler des justes, mais
des pécheurs. » Pourquoi Matthieu, pécheur, refuserait-il, alors qu'il connaît
ses faiblesses, le regard et l'appel aimant de Jésus qui vient lui faire
entrevoir un autre horizon et lui dire qu'il a du prix aux yeux de Dieu ?
Matthieu croit rapidement à l'abondance de la miséricorde et de l'humilité de
celui qui l'appelle, et qui n'est pas rebuté par le péché de l'homme, parce qu'il
le portera sur la croix.
Suivons Saint Paul dans son action de grâce et sa gratitude
envers le Dieu des miséricordes. Suivons-le dans sa foi solide, une foi qui
fait une confiance totale en la force de salut de Dieu et en la promesse de
Dieu, une foi par laquelle nous sommes branchés sur le Christ, une foi
missionnaire, qui n'a pas peur de dire ce que Dieu a fait pour lui et pour tous
les hommes, une foi qui nous pousse à aller à la rencontre des personnes pour
leur parler de Dieu et de Jésus. Levons-nous, sans poser trop de questions,
comme Matthieu, à la suite des appels du Christ qui nous offre son pardon et
nous redit : « Suis-moi. » Soyons attentifs aux appels de l'Eglise, afin
d'offrir au monde dans lequel nous sommes maintenant la miséricorde et le
pardon de Dieu, sachant « qu'il y aura de la joie dans le ciel pour un seul
pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont
pas besoin de conversion. » (Lc, 15,7) En particulier, j'invite les familles à vivre
le pardon, la patience et la paix, à vivre de l'amour du Père qui soutient.
Chaque famille devrait pouvoir dire : « Nous avons vu la miséricorde du Père
qu'il a pour chacun. » Que chaque famille soit évangélisatrice par la qualité
des relations entre enfants et parents et entre en relation avec les gens de
l'extérieur avec compréhension, écoute, dialogue et en pratiquant les oeuvres
de miséricorde corporelle et spirituelle!! « Toute la vie de famille est un «
mener paître » miséricordieux, écrit le pape François [...] Chacun est un «
pêcheur d'hommes », qui au nom de Jésus jette les filets dans les autres, ou un
laboureur qui travaille cette terre fraîche que sont ses proches, en stimulant
le meilleur en eux. »(La joie de l'Amour, n.322) Dieu a semé beaucoup de choses
dans les autres et nous avons à contribuer à les faire grandir.
Mgr Philippe GUENELEY
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