Je crois à la résurrection
de la chair
et à la vie éternelle.
Amen.
et à la vie éternelle.
Amen.
Lectures du 6ème dimanche du temps ordinaire, année C
1re lecture : Psaume responsorial : 2e lecture : Evangile : Jr 9,8-15 Ps 1,1-2.3.4 et 6 1 Co 15,12.16-20
Le 6,17.20-26
Le texte est à lire comme homélie lors des célébrations du
samed et du dimanche, 16 et 17 février 2019, ou à diffuser d'une autre manière
appropriée.
Embargo jusque samedi, 16 février 2018, 10h00
Chers sœurs et frères en Jésus Christ,
Est-ce que vous aimez avoir le dernier mot ? Ou bien est-ce que vous vous énervez contre ceux qui veulent décider de l'issue d'une discussion ? Quoi que vous en pensiez, les dernières phrases d'une discussion ou d'un discours jouissent d'un statut particulier. Elles résument souvent ce qui a été dit jusque là et soulignent encore une fois l'essentiel de la pensée.
Notre profession de foi se termine ainsi : « Je crois à la
résurrection de la chair et à la vie éternelle. Amen. » Voilà des mots de poids
! Pas des détails ni des broutilles ! Ils nous parlent du tout, de la vie et de
la mort, de ce qu'on appelle les choses dernières, celles qui comptent
vraiment.
Ce qui est actuel et fondamental
Les choses dernières ? Le dernier mot ? A-t-il déjà été dit ? Si nous regardons les discussions actuelles dans notre Eglise, il est évident que le dernier mot n'a pas encore été prononcé. Où en sommes-nous avec les structures de décision dans l'Eglise ? Comment allons-nous garantir pour l'avenir que tout ce qui est humainement possible soit fait pour empêcher les abus et les agressions de toute sorte dans l'Eglise ? De quelle pastorale avons-nous besoin aujourd'hui et demain ? Et de quels agents pastoraux ? Comment notre foi en Dieu-Trinité peut-elle nous donner de la force pour relever les défis de chaque jour ? Et qui transmettra la foi aux prochaines générations ?
Ces questions nous pressent, et bien d'autres encore. C'est
pourquoi nous en débattons dans toute l'Eglise, en fonction des compétences,
des intérêts et de l'urgence. Parfois âprement. Cette passion montre qu'il s'agit
bien de questions d'importance. Elles touchent à l'avenir de l'Eglise et donc
de la foi que nous vivons et confessons. Oui, en fin de compte, c'est bien de
notre foi en Dieu-Trinité qu'il s'agit. Elle est le cœur de notre espérance, le
fondement qui unit et porte tous les chrétiennes et chrétiens. C'est notre
signe distinctif, notre caractère unique, notre identité. En effet, en Dieu, «
nous avons la vie, le mouvement et l'être ». Et même encore plus : « Nous sommes
de sa race » (Ac 17,28). Les réponses à ces questions pressantes puisent leur
force dans cette certitude : Nous sommes de sa race. Et « être de sa race »
nous pousse, nous chrétiennes et chrétiens, à confesser : « Je crois en la
résurrection des morts et à la vie éternelle. Amen ». Est-ce que nous le
croyons ? C'est précisément en des temps difficiles comme aujourd'hui qu'il
faut réfléchir à ce qui est fondamental.
Les paroles de la profession de foi nous glissent sur les
lèvres de manière tellement automatique, qu'il nous est d'autant plus difficile
de les interpréter. Qu'est-ce que nous nous représentons quand nous disons
résurrection des morts ? Qu'est-ce que la vie éternelle? Qui a le dernier mot ?
Dieu ou la mort ?
La raison seule ne nous permet pas de saisir ce qu'est la
mort. Elle est le seuil d'un domaine totalement inconnu. Tous, nous devrons tôt
ou tard franchir ce seuil. Qu'est-ce qui va nous arriver ? Qu'est-ce qui se
passe pour les personnes qui nous ont précédés ? Est-ce qu'il y a une vie après
la mort ou est-ce que tout s'arrête là ?
Beaucoup de gens ont des difficultés avec ces questions.
C'est que parler d'un au-delà possible dépasse tout ce que nous pouvons
imaginer. Pour certains, il semble plus judicieux et peut-être aussi plus
confortable de se taire. Pour Paul, ce serait catastrophique. Ce serait fatal
de détourner le regard de la mort et de toutes les questions qui s'y
rapportent. En effet, Paul est fermement convaincu que ce n'est qu'avec la foi
en la résurrection des corps que le sens de la vie chrétienne s'accomplit.
Aussi difficile soit-il de parler de la résurrection, si nous prenons au
sérieux les paroles de la lecture d'aujourd'hui, nous ne pouvons pas simplement
contourner les questions relatives à la résurrection ni bricoler des réponses
selon nos goûts personnels.
Jésus ressuscité comme personnage-clé
Les textes bibliques de ce dimanche nous offrent une clé
pour réfléchir à la résurrection. Cette clé n'est autre que Jésus Christ
ressuscité lui-même. Il nous ouvre un horizon qui va au-delà de la vie
terrestre. Nous pouvons entrevoir ainsi ce qui nous est promis avec la vie
éternelle. Poser notre regard sur Jésus-Christ nous ouvre les yeux et nous
montre pourquoi le message de la résurrection des morts est si important pour
notre vie, ici et maintenant. On peut dire que la rencontre avec le Ressuscité
nous donne déjà ici-bas le goût de la vie éternelle.
Deux éléments centraux de la foi en la résurrection
Paul met en évidence la signification de la résurrection pour nous tous. Il pose deux accents : l'espérance et la totalité.
L'espérance signifie ceci : Si notre regard n'est fixé que
sur le présent, sans la foi en la résurrection, nous restons inéluctablement en
deçà du salut qui nous est promis. La vie chrétienne n'accomplit son sens que
si nous mettons en lien nos espérances et nos efforts en ce monde avec
l'espérance d'un salut parfait au-delà de la mort. Ainsi, la foi en la
résurrection élargit notre horizon. Elle nous fait grandir au-delà de
nous-mêmes, parce qu'elle mène à contempler l'incommensurable.
Et pour le deuxième point: La résurrection concerne la
totalité de l'être humain. La résurrection n'est pas uniquement un événement
spirituel. En posant notre regard sur Jésus Christ ressuscité, comme Paul nous
le suggère, nous le constatons : La résurrection
englobe toute notre existence, notre vie, notre histoire, notre relation à
Dieu, aux autres et même à toute la création. Dans la résurrection, nous
conservons totalement notre identité personnelle. Rien de ce qui nous
caractérise aujourd'hui ne disparaît.
La résurrection est espérance en une vie en plénitude
Sans espérance en la résurrection, la vie chrétienne mène finalement dans le vide. Paul va même encore plus loin : Si en tant que chrétiennes et chrétiens, nous ne croyons pas à une résurrection après la mort, si nous ne mettons notre espérance que dans cette vie ici-bas, alors « nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes » (1 Co 15,19).
Nous pouvons mesurer pourquoi Paul développe une pensée si
radicale en mettant ses déclarations en lien avec les paroles de Jésus dans
l'Evangile d'aujourd'hui : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu
est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés.
Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez » (Le 6,20 s.).
Jésus s'adresse directement à ses auditeurs. Il ne fait pas
de grandes théories mais parle de leur vie concrète. Beaucoup de ceux et celles
qui le cherchent sont touchés par la maladie et la misère, par l'oppression et
la faim. Et que fait Jésus ? Il les déclare heureux !
Il y a de quoi objecter : Est-ce que ça ne semble pas
cynique ? Est-ce que ce ne sont pas là les paroles d'un idéaliste coupé du
monde face à la détresse souvent persistante des personnes qui le suivent ? Où
restent donc la consolation promise et le royaume de Dieu pour toutes ces
personnes qui, autrefois, depuis cette époque et aujourd'hui encore souffrent
de leurs conditions de vie ? Aujourd'hui comme autrefois, des hommes meurent de
faim. N'y a-t-il pas jusqu'à aujourd'hui dans le monde entier des personnes qui
pleurent sur leur malheur, sans trouver la consolation promise par Jésus ? La
souffrance continue à se propager. Les paroles de Jésus, et même sa vie
entière, tout comme sa mort sur la croix ressemblent à une farce si leur sens
ne doit s'accomplir que dans le présent.
Quelle que soit la peine que nous nous donnons, il est
impossible de trouver le sens de l'histoire et de notre vie personnelle exclusivement
dans le présent de ce monde. Naturellement, nous pouvons promouvoir le bien
dans notre entourage concret par nos paroles et nos actes, nous pouvons
contribuer au bonheur et nous engager pour la justice. C'est même notre devoir
! Jésus lui-même nous encourage et nous invite avec insistance à coopérer au
royaume de Dieu qui a commencé avec lui, et qui continue à se réaliser par nous
pour s'achever dans l'au-delà. La résurrection comme promesse de salut commence
déjà maintenant. Elle commence là où des gens ne restent pas à terre, mais se
lèvent ; là où des gens sont consolés ; là où on leur donne du courage et où
s'ouvrent de nouvelles perspectives pour une vie meilleure. Ressusciter
commence avec se lever. Nous avons la mission de nous lever et de nous engager
pour que ce bonheur devienne toujours plus réalité dans notre vie et dans celle
de nos frères et sœurs en humanité. En fin de compte, c'est Dieu qui accomplit.
Partout où nous ne reconnaissons pas cela et où la vie
terrestre devient la mesure de toutes choses, là où nous nous contentons de ses
lois et en attendons le salut, nous ne pouvons qu'échouer. Cet échec, l'Eglise
en fait actuellement l'expérience très douloureuse. Là où elle ne s'appuie que
sur les structures de ce monde, où elle se suffit à elle-même et fait croire
aux gens que seule sa structure de ce monde ou ses représentants terrestres
décident du salut des destinées particulières, elle renverse l'Evangile en son
contraire et se rend coupable face aux hommes de la manière la plus honteuse.
Il nous faut donc d'urgence porter notre regard sur Jésus-Christ
! C'est d'une toute autre manière qu'il se tourne vers les hommes. Jésus n'est
ni un cynique ni un idéaliste coupé du monde. Il prend les gens au sérieux. Il
en est capable parce qu'il les aime. Leurs soucis deviennent ses propres
soucis. Il aime les hommes de manière concrète, justement lorsqu'ils ont
particulièrement besoin d'amour, quand ils risquent d'être étouffés par leurs
soucis. Par Jésus ressuscité, ce qui était vrai autrefois et reste vrai
aujourd'hui, c'est que personne n'est seul, personne n'est abandonné par Dieu.
Surtout pas les pauvres, les affamés, ni ceux qui pleurent. Voilà pourquoi
Jésus peut les appeler heureux. Dieu est là, Dieu est proche, Dieu aime. Jésus
fait ainsi le lien entre la vie présente et une espérance de salut à venir. La
vie heureuse n'est pas une utopie, elle commence ici et maintenant, et son
accomplissement se produit au-delà de la mort.
Résurrection signifie relation vivante à jamais
La résurrection concerne l'être humain dans son entier. A Corinthe, à l'époque de Paul, certains se représentaient la résurrection avant tout comme un événement spirituel. Selon l'opinion qui se répandait, seul l'esprit devait avoir part à la vie éternelle. Mais si seul l'esprit ou, pour le dire autrement, si l'âme seule était transformée et passait à la vie éternelle, cela impliquerait un total dénigrement du corps humain. Durant notre vie terrestre déjà, le corps n'aurait alors plus qu'une fonction subordonnée à l'esprit.
Paul conteste cette pensée dualiste. Pour l'apôtre, Jésus est
aussi le point de repère essentiel dans ce cas-là. Et, selon ce que nous
rapportent les évangélistes, ce Jésus est ressuscité corporellement. Cela
signifie qu'il n'est pas apparu aux disciples comme un fantôme, mais comme un
vis-à-vis perceptible par les sens, reconnaissable. Au matin de Pâques, le
tombeau est vide. Manifestement, le corps terrestre de Jésus participe à la
transformation qui se produit avec la résurrection. Jésus est apparu plusieurs
fois à ses disciples après sa résurrection, il a parlé avec eux, ils pouvaient
le voir, ils ont cheminé avec lui. Jésus est même allé jusqu'à demander à
Thomas de toucher ses blessures. En même temps, ces rencontres sensibles avec
le Ressuscité vont au-delà de tout ce que peut saisir notre raison. Jésus apparaît
soudainement dans des locaux fermés et disparaît ensuite tout aussi
soudainement.
Lorsque Paul souligne que la résurrection est corporelle,
c'est la perspective globale qui est déterminante : Notre vie entière, notre
histoire, notre relation à Dieu participent à la résurrection qui nous est
promise. Le Ressuscité en est le garant. Les relations qui marquent notre vie
terrestre ne sont pas déchirées par la mort. Jésus ressuscité rencontre les
femmes, les disciples. Il leur promet d'avoir part à sa vie en plénitude. La
foi en la résurrection englobe donc bien plus que notre seul esprit. La
résurrection nous concerne corps et âme, et concerne même toute la création. La
résurrection est un événement relationnel.
Dieu a le dernier mot
« Je crois à la résurrection de la chair et à la vie
éternelle. Amen. » Ces derniers mots de la profession de foi affirment que
Jésus vit vraiment et réellement, parce qu'il a été ressuscité par Dieu. Grâce
à Jésus-Christ, nous pouvons entrevoir ce qui nous est promis avec la
résurrection, même si elle dépasse tout ce que nous pouvons imaginer.
La vie triomphe de la mort. La résurrection signifie qu'on
peut mettre sa confiance en Dieu jusqu'à la mort et au-delà de la mort. La
résurrection signifie que nous sommes toujours portés par lui, quelle que soit
la situation fâcheuse que nous traversons, même si nous ne le ressentons pas ou
ne pouvons plus y croire nous-mêmes.
Portés par l'espérance en la résurrection, nous devenons
capables d'affronter directement et sans perdre pied les nombreuses petites et
grandes morts de notre vie. Nous pouvons leur faire face sans les minimiser et
sans nous y briser. Paul le souligne avec insistance : C'est dans la
résurrection de Jésus Christ que se trouve le fondement de notre espérance de
chrétiennes et de chrétiens. La misère et la souffrance et la mort n'ont pas le
dernier mot. La résurrection signifie que c'est Dieu qui a le dernier mot. Il a
le dernier mot, non pas comme un donneur de leçons imbu de lui-même, mais comme
celui qui aime, qui s'intéresse à nous. C'est Dieu qui aime infiniment tout
homme et sa création. C'est cela que je crois, chères sœurs et chers frères, et
c'est pour cela que je le confesse : Je crois à la résurrection de la chair et
à la vie éternelle. Amen.
Et vous ?
Bien à vous
+Félix Gmür Evêque de Bâle
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