Le Mont de la Tentation
10 mars 2019 - 1er Dimanche de Carême — Année C
Première lecture La profession de foi du peuple élu Dt 26, 4-10
Psaume Sois avec moi, Seigneur,
dans mon épreuve. Ps 90 (91), 1-2, 10-...
Deuxième lecture La profession de foi en Jésus Christ Rm 10, 8-13
Évangile « Dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où il fut tenté »
Frères et Sœurs,
Qu’est-ce que le désert
évoque pour nous ? Nous vient d’abord à l’esprit, le désert biblique, tout ce qu’il y a de plus
classique, de grandes chaleurs, des pierres, du sable, des montagnes
décharnées, quelques animaux plus ou moins sympathiques, des serpents aux
scorpions, peut-être quelques lions ou gazelles. Nous avons les déserts du
grand nord et ceux d’altitude, le désert d’une mer pour un naufragé, etc… Ce
sont des lieux inhospitaliers ou l’homme se retrouve seul avec lui-même, si
bien qu’à la limite nous pouvons même avoir des déserts dans les villes.
Après son baptême, Jésus,
rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain. Jésus se rend au désert pour y faire deux rencontres,
celle du Tentateur, le diable et son Père. Pourquoi y aller ? Il va
revivre ce qu’a vécu Israël lors de sa sortie d’Egypte. Saint Luc et saint
Matthieu parlent de quarante jours de Jésus au désert, un chiffre qui fait
référence aux quarante ans qu’y a passé Israël. La traversée du désert a été
une épreuve qui a permis à Israël de rencontrer Dieu, de l’entendre et de le
choisir, c’est le lieu de l’Alliance. Partir au désert c’est répondre à un
appel à la sainteté, à nouer une alliance avec Dieu. Comme pour préparer un
mariage, il y a une sorte de parcours et de mise à l’épreuve, pour vérifier et
consolider un véritable amour. Le serpent au paradis vient tenter Adam et Eve,
en succombant, ils partent dans une sorte de désert sans Dieu. Jésus se met dans
une situation spirituelle où il va résister au tentateur et le vaincre par son
attachement à son Père. Le désert spirituellement refleurira, il le fera
totalement à la résurrection. « Là où le péché est vaincu, là où
l'harmonie de l'homme avec Dieu est rétablie, il s'ensuit la réconciliation de
la création. » (Benoît XVI Jésus de Nazareth)
Jésus ne va pas dans le
désert élaborer un montage intellectuel, il va mener un combat qui décidera de
tout son ministère et de notre avenir à nous. Avec son humanité, il y dit
définitivement oui à sa mission et à son Père. Ce qu’il réalise pour nous va
nous amener à devenir un peuple de saints, d’amis de Dieu.
Il ne s’agit pas que d’une
bonne image donnée par une propagande médiatique. Jésus va critiquer avec
virulence les pharisiens comme étant ceux qui veulent surtout présenter une
belle image de piété extérieure. Il ne s’agit pas d’auréoles médiatiques. Je me
suis un peu amusé vendredi soir en voyant sur une chaîne française un club de commentateurs
qui avaient tous une auréole bleue. Ce n’était qu’un problème d’électronique dû
à un arrière-plan qui avait une influence sur leurs cheveux. Dieu veut que nous
devenions tous des saints, mais pas simplement dans un cadre ou sur une icône
avec un arrière-plan doré. Dieu veut nous entraîner au désert pour renouer une
alliance avec nous, ou la rafraîchir, bien qu’il y fasse très chaud
paradoxalement. Il a un but transmettre sa sainteté.
Le pape dans son exhortation
apostolique « Gaudete et Exsultate », « Soyez dans la joie et
l’allégresse » a essayé de nous expliquer ce que sont des saints et ce
qu’est la sainteté aujourd’hui et pour aujourd’hui. C’est le sujet de l’abbé
Bernard cet après-midi à 16h00.
Les trois tentations de Jésus
au désert ont été souvent et très bien commentées. On pourrait résumer la
présentation de Saint Luc: le pain, le pouvoir et les jeux. Avec Jésus, il n’y
a pas de grand cirque, pas d’autre prise de pouvoir que par l’amour de son Père.
Il veut des saints.
La première tentation se
présente avec la prétention du vrai réalisme. Le réel est ce qui se constate :
le pouvoir et le pain. Il y a une incitation à mettre la main sur Dieu à
l’asservir pour parvenir à son propre but, à soi. Aujourd’hui, le démon ne
parle plus de Dieu, il se cache pour que Dieu disparaisse et que l’homme
s’adore lui-même. Voici près de 15 ans, lors d’un pèlerinage heureusement
confortable en Russie, j’avais été frappé par le cimetière de Novodevitchi à
Moscou où l’on ne voyait presque plus de signes religieux, mais des alignements
de statue à la gloire de l’homme nouveau. La transcendance avait été évacuée. Nos
pratiques actuelles de consommation relèguent Dieu au musée aujourd’hui.
Le diable devine l’identité
de Jésus et l’attaque pour le séparer de son Père : « Si tu es le Fils
de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains ». Il veut qu’il
manifeste sa crédibilité par un miracle. Jésus va nourrir des foules, mais ce
n’est pas le temps voulu par son Père. Il est venu d’abord annoncer la Bonne
Nouvelle. Il doit donner la priorité à ce pain-là. « Le pain est important, la
liberté est plus importante, mais la chose la plus importante de toutes, c'est
la fidélité constante et l'adoration jamais trahie. » disait, cité par le pape
Benoît, un Jésuite exécuté par les nazis. Le diable veut semer la zizanie entre
le Fils de Dieu et son Père, entre l’Homme et Dieu.
Dans la deuxième tentation
selon l’ordre présenté par saint Luc, le diable emmène le Seigneur plus haut
dit l’Evangile. Une note de la TOB, dit qu’il peut s’agir d’une élévation
au-dessus de la terre, comme dans certaines apocalypses juives. Il lui montre
tous les royaumes de la terre avec leur splendeur et il lui offre la domination
du monde. N'est-ce pas justement la mission du Messie ? Ne doit-il pas être le
roi du monde qui réunira la terre entière dans un grand royaume de paix et de
bien-être ? Encore une fois, le diable
tente de séparer Jésus de son Père, en lui proposant une domination autre que par
la croix. Il veut qu’il trahisse son Père et la mission qui lui a été donnée. De
nouveau la Zizanie.
Dans la troisième tentation,
le diable se transforme en théologien. Il est spécialiste de la manipulation de
l’Écriture et veut que Jésus mette Dieu, son Père, à l’épreuve. Sauter depuis
le Pinacle du Temple, présuppose une négation de Dieu en tant que Dieu, c’est
se mettre soi-même, au-dessus de lui, en mettant de côté toute la dimension de l'amour,
de l'écoute intérieure. Ce n’est plus une Alliance, mais un asservissement et
une manipulation. Dieu est amour. Encore une fois, il y aurait trahison par
Jésus de son Père et de sa mission qui ne serait plus celle qui lui a été
donnée. Et encore la Zizanie.
La résistance de Jésus nous
rappelle que ce qui est premier c’est bel et bien l’amour de Dieu, l’amour de
son Père par-dessus tout. Il vient nous réconcilier pour faire de nous des
saints, des amis de Dieu qui pour cela doit le rester. Saurons-nous le reconnaître
dans nos frères, dans les plus petits où il est présent? Avec lui nous ne
serons plus jamais seuls. Nous pouvons prier Notre-Dame avec son hymne en ce
temps de Carême.
Salut, Reine des cieux !
Salut, Reine des Anges !
Salut, tige féconde !
Salut, porte du Ciel !
Par toi la lumière s’est
levée sur le monde.
Réjouis-toi, Vierge
glorieuse,
Belle entre toutes les femmes
!
Salut, splendeur radieuse,
Implore le Christ pour nous.
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