de la Férie
Première lecture « Contre ceux qui achètent le faible pour un peu d’argent» Am 8, 4-7
Psaume « Louez le nom du Seigneur : de la poussière il relève le faible.»
Deuxième lecture « J’encourage à faire des prières pour tous les hommes à Dieu qui veut...» 1 Tm 2, 1-8
Évangile « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent » Lc 16, 1-13
Chers Frères et Sœurs,
Dans l’Évangile de ce dimanche, Jésus paraît adopter une
attitude très curieuse, celle de vanter un gérant malhonnête. Du coup nous
paraissons voir une sorte d’approbation pour certains arrangements et quasiment
la bénédiction du Seigneur. La finale corrige nettement cette première
impression.
Entre gérant et gérance, le mot « gérant » revient huit fois
dans la parabole. Il mérite donc qu’on s’y intéresse. En grec est utilisé le
mot « oikonomos » qui se traduit par régisseur, administrateur, « économe » en
français (de oikos = maison et nomos = loi), littéralement, c’est « celui
qui fait la loi à la maison ». Lorsque
nous faisions notre propédeutique à Fribourg, nous avions un cours intitulé
l’économie du salut donné par le Père Tino Lovison. Les séminaristes de
l’époque qui étaient d’humeur joyeuse, parlaient d’économie du chahut… Le cours
était sérieux. Le terme « économie de salut » est utilisé en théologie pour
désigner le plan d’incarnation de Dieu sur terre. Elle a extrapolé cette notion
pour parler de la façon dont Dieu administre et gère « sa maison »,
c’est-à-dire le monde. Restons-en là pour ne pas nous provoquer de migraines. (Si vous y tenez,
toutes les infos sur internet.)
Le mot d’économie est mis fréquemment en relation avec 2
lieux contrastés, nos petites économies et la grande économie qui est une sorte
de baromètre de notre monde contemporain et presque le seul qui ait vraiment de
l’importance aujourd’hui. On parlait aussi autrefois de l’esprit d’économie comme d’une vertu, alors qu’aujourd’hui la
société exige presque qu’on dépense notre pécule, pour nous reprocher ensuite
notre pauvreté. Quel mystère !
A un économe on demande de jongler avec les budgets, les
dépenses courantes et extraordinaires, les impôts, les réserves et presque de
faire des miracles. Les règles monastiques, invitent le cellérier lorsqu’une
demande d’un frère ou d’une sœur ne peut être satisfaite de donner une bonne
parole, sans humilier, blesser ou contrister celui qui est concerné. C’est une
approche qui devrait être commune dans toutes les familles.
Jésus loue l’habilité du gérant qu’il prend en exemple,
lorsqu’il doit se tirer d’affaire, mais il ne loue ni la malhonnêteté, ni le
fait de dilapider les biens qui lui ont été confiés. Dans un premier temps, il
a dilapidé pour sa propre gloire certainement, peut-être par des dépenses
somptuaires, des banquets, que sais-je, et il le fait encore aujourd’hui pour
se tirer d’affaire. Pourquoi ? « Travailler, c'est trop dur, et
voler, c'est pas beau. D'mander la charité, c'est qu’ qu' chose j'peux pas
faire. » Disait une chanson célèbre des années septante.
Dans l’Évangile, notre gérant dit ne pas pouvoir : « creuser
» (littéralement, bêcher) et « mendier
». Bêcher la terre, c’est trop dur, et il aurait honte de mendier.
Le Seigneur loue donc l’habileté elle-même. Un disciple doit
se montrer habile pour annoncer l’Évangile. Il est vrai que cette dynamique est
donnée plus à certains qu’à d’autres. Le Saint-Esprit distribue ses dons avec
diversité, et il suggère des ruses pour attirer les poissons que nous sommes
dans ses filets. Il le fait à l’exemple des pêcheurs qui utilisent parfois de
la lumière pour les attirer la nuit. Je crois qu’en eau douce c’est interdit,
mais le moyen est très efficace, cela se fait en mer. Nous avons un bel exemple
dans l’apostolat des Pères Jésuites en Chine ils avaient utilisé leurs qualités
scientifiques pour entrer à la cour… C’était une lumière annoncée par une
obscurité… puisqu’ils avaient prédit une éclipse non prévue par leurs hôtes.
Le Seigneur nous invite donc à nous montrer actifs et
adroits dans l’annonce de la parole, à lui donner de nouveaux amis et de
nouveaux enfants à l’Église. Cette parabole est une sorte d’écho de celle des
talents. Il n’aime rien aussi peu que ceux qui les enterrent. Un lien peut être
fait également avec les différents intendants de l’Écriture, avec Joseph par
exemple. Comme lui, le disciple honnête mais intelligent, ne cherche pas
seulement à bien tenir sa comptabilité, mais il trouve le moyen de faire
fructifier le trésor qui lui est confié. Il cherche à gagner.
Saint Jean Chrysostome dans son commentaire de l’épître à
Timothée, fait ainsi parler saint Paul : Je rends grâces de ce que Dieu
m'a honoré de cette fonction, qui montre qu'il m'estime fidèle. Car de même
que, dans une maison, l'intendant ne remercie pas seulement son maître d'avoir
eu confiance en lui, mais voit dans sa charge un témoignage qu'il a en lui plus
de confiance que dans les autres ; de même en est-il du ministère apostolique.
Au monastère nous n’avons ni peur de mendier, ni de travailler.
Nous soignons aussi la vie communautaire dans le respect de notre règle et de
l’évangile. Notre prière est un moyen de faire grandir l’Église, Notre-Dame a
usé de ce don qu’elle avait de toucher le cœur de Dieu. Il nous aime, mais il
aime aussi qu’on le prie, montrant en exauçant notre prière que c’est bien lui
qui agit. Celui qui annonce directement la parole n’est en quelque sorte qu’un
instrument. Mendier auprès de Dieu, c’est le prier. Notre gérant,
notre intendant avait honte de mendier. « Lui, il siège là-haut. Mais il
abaisse son regard vers le ciel et vers la terre. De la poussière il relève le
faible, il retire le pauvre de la cendre pour qu’il siège parmi les princes,
parmi les princes de son peuple. » Prier est un apostolat…
Marie, Reine des apôtres, fais-nous méditer toujours, dans
nos cœurs, la Parole de Vie, pour pouvoir être fidèles à la Mission que le Seigneur
nous confie. Amen.
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