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dimanche 7 décembre 2025

« Espère dans le Seigneur, car il est bon ; ton espérance ne peut défaillir si elle est fondée sur la miséricorde de Dieu. »

 


7 déc. 2025

 2ème Dimanche de l'Avent (semaine II du Psautier) — Année A

 
 
Lectures de la messe


Chers Amis,

Vous savez que nous arrivons à la fin du  Jubilé de l’espérance. C’est le mot qu’employait saint Paul dans son épître tout à l’heure : « que grâce à la persévérance et au réconfort des Écritures, nous ayons l’espérance. » Lorsque nous arrivons en fin d’année, je ne sais pas si c’est votre cas, je n’apprécie pas particulièrement le manque de lumière et nous cherchons tous plus ou moins à nous encourager et à en trouver. Le prophète Isaïe cherchait à le faire, alors qu’il y avait la guerre aux portes d’Israël et des menaces d’invasions, c’est le contexte de la première lecture. Nous la lisons à la lumière de Noël et de la naissance de Jésus 800 ans après. Pour nous, plus de 2800 ans après, c’est un véritable carotage historique. Elle était l’annonce d’une paix paradisiaque.

Mais voilà que Jean-Baptiste, dans l’Evangile, se met à crier dans son désert et les gens vont l’écouter. Il ne les ménage pas. Est-ce que vous iriez écouter un sermon exprès pour vous faire passer personnellement un savon ? Certains disent que ça fait du bien de temps à autre, mais Jean-Baptiste y va tout de même fort : « Engeance de vipères ! » « La cognée est au pied de l’arbre… » etc… La venue du Seigneur qu’il annonce ce n’est pas une berceuse du genre « Il est né le divin enfant. » Il s’agit pourtant de son cousin. Il dit que « la paille brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » Je ne sais pas s’il criait déjà très fort dans son berceau Jean-Baptiste. Mais avant il reconnaissait et annonçait le Christ par ses bonds nous dit l’hymne acathiste à Marie : Chez Elisabeth, Lorsqu'il reconnut la salutation de Marie,  l’enfant se réjouit aussitôt, bondissant d’allégresse comme pour chanter. Il paraît que le larynx des bébés est configuré pour donner l’alerte, ça n’est pas leur faute. Ce sont des lanceurs d’alerte…

Maurice Zundel que nous apprécions tous, cite fréquemment François Mauriac et un de ses ouvrages le nœud de vipères. Il dit qu’en chacun de nous, un nœud de vipères est prêt à mordre. Or, qu’a voulu faire Jésus ? Zundel poursuit : « Le Christ a saisi notre humanité jusqu’en ses racines et il vient nous apprendre que nous avons à devenir Dieu. Dieu s’est fait homme afin que l’homme devienne dieu. » C’est une conversion totale.

Nous fêtons chaque année la naissance, la mort et la résurrection de Jésus. En lisant l’Ecriture de manière littérale, elle ne paraît pas avoir eu les effets que nous aurions attendu. Le Seigneur est né, il est ressuscité et il nous a tout laissé… Mais pour nous prendre un jour avec lui.  Pour nous faire devenir comme Dieu, des fils de Dieu. Il ne s’agit pas simplement d’avoir assez de soleil, d’eau, de terre, de nourriture, même de santé et pourtant il en faut. Il s’agit de parcourir un chemin spirituel pour devenir comme lui et avec lui. C’est la libération qu’il annonce.

Un auteur très ancien, Ambroise de Milan que nous fêtons aujourd’hui, c’est très vieux (le 4ème siècle) disait : « Espère dans le Seigneur, car il est bon ; ton espérance ne peut défaillir si elle est fondée sur la miséricorde de Dieu. (Cf Com. Ps. 118)» Voilà quelque chose d’intéressant. Seulement 300 ans après la mort et la résurrection de Jésus, nous avons là une confirmation de ce qu’avaient compris les premiers chrétiens. Leur vie avait autant d’importance que la nôtre. (Arrivés à un certain âge, nous ne pouvons plus nous prévaloir de nos connaissances, mais nous n’en demeurons pas moins importants). Nous avons une dignité commune qui doit être respectée.  Il nous restera toujours aussi une capacité d’émerveillement et de participation à la joie des autres. J’aime beaucoup méditer sur la présence des anciens dans les Evangiles de l’enfance du Seigneur… Il y a le vieux Zacharie grognon et qui a tout vu, il ne veut pas croire à l’annonce de l’ange et il rit sous cape. Mais il change et s’émerveille, il retrouve la vue. Il y a la vieille Elisabeth avec son Jean-Baptiste qui s’agite déjà en elle. Elle prophétise et reconnaît Marie et Jésus. Plus tard, ce seront Anne et Syméon… Tous les deux auront encore cette capacité d’émerveillement et seront capable de reconnaître Jésus le Messie.

Vous avez certainement vu à la télévision ou ailleurs, que le pape Léon est allé au Liban, un pays qui m’est cher. Il est un des derniers à avoir encore une importante population chrétienne au Moyen-Orient.  Le pape Léon a visité un hôpital là-bas il a parlé aux malades et a remercié aussi le personnel de l’hôpital :  « Ce qui se vit en ce lieu est une exhortation pour tous ; pour votre terre, mais aussi pour l’humanité tout entière : nous ne pouvons pas oublier les plus fragiles, nous ne pouvons pas imaginer une société qui court à toute vitesse en s’accrochant aux faux mythes de bien-être, et en ignorant les nombreuses situations de pauvreté et de fragilité. »

Maurice Zundel aimait également beaucoup le Liban. Il a fait en particulier des conférences chez des franciscaines dans un petit village de ce pays. Il y a posé cette question sur laquelle je voudrais rester avec vous  aujourd’hui :  « Quel est mon Dieu ? Quel est mon Dieu ? Quel visage a pour moi mon Dieu ? Comment est-ce que je Le retrouve et dans quelle mesure est-Il pour moi vraiment la Vie de ma vie ? Et nous aurons l’occasion de nous apercevoir combien nous sommes tous tentés de nous faire un Dieu à notre image. » Que Notre-Dame de l’espérance continue à nous aider et à nous encourager tous à le reconnaître en son Fils. Amen.


dimanche 16 novembre 2025

Quelle est ta vraie richesse? Qui est-elle?

 


16 nov. 2025

 33ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine I du Psautier) — Année C

 
 

Lectures de la messe

Introduction

Chers frères et sœurs,

Bonjour à tous et à toutes et merci de venir célébrer ce 33ème dimanche du temps ordinaire au Carmel de Develier. Le soleil se lève sur le Raimeux et plus sur la dent de Courroux depuis chez moi. la nouvelle année liturgique approche. 33 est un beau chiffre il nous fait penser aux 33 ans de la vie terrestre du Seigneur, même si le rapprochement n’est pas fait explicitement par les auteurs du calendrier liturgique. Il m’a fait penser aussi aux 33 ans de la vie de Catherine de Sienne, 1er docteur de l’Eglise au féminin avec Thérèse de Jésus en 1970. J’ai vu leurs noms côte à côte dans la maison natale de Catherine à Sienne. Paul VI avait instauré ces premiers doctorats féminins. Nous sommes allés en pèlerinage avec un car du Jura pastoral pour l’année sainte à Rome et avons pu voir de près notre pape Léon, tout sourire. Il nous a parlé de la Résurrection. Vous savez peut-être que le pape Urbain VI avait essayé d’instaurer les années jubilaires tous les 33 ans. Ce pape était très dur et Catherine de Sienne devait s’adresser à lui avec grande prudence, sans être entendue. Ce trait de personnalité fut une des causes du grand schisme d’Occident qui nous valut le Concile de Bâle, notamment. Maintenant, ce sont tous les 25 ans qu’ont lieu les jubilés. 

Vivons ce 33ème dimanche avec les pauvres puisque c’en est le thème et leur Jubilé, avec la  IXe Journée Mondiale des Pauvres. Elle a été instaurée par le pape François.

Chers frères et sœurs,

L’Evangile et les lectures de ce dimanche ne sont pas rassurants. Saint Luc, le cher médecin, habitué à secourir la misère humaine, met dans la bouche de Jésus des mots qui ne peuvent que nous ébranler. Il annonce la destruction du Temple, de ce beau temple de pierre, si bien construit qu’Hérode n’avait pas terminé lui-même. Il ne le sera pas avant la mort de Jésus et sa résurrection.

Le vrai Temple c’est son corps, c’est l’Eglise, c’est nous. Ce Nouveau Temple se construit dans les persécutions et les difficultés. Je ne peux m’empêcher de penser à Saint Paul qui décrit toutes les épreuves qu’il affronte dans son ministère.

Jésus annonce des tremblements de terre, des persécutions, des horreurs et des martyrs jusqu’à la fin des temps. Il avait déjà posé une question significative, sans y répondre, un peu avant : « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » 

Le Temple de pierre sera détruit, le temple de nos corps le sera aussi, mais pour ressusciter avec Jésus. N’y a-t-il pas là l’invitation la plus forte qui soit, à le laisser naître en nous, à le laisser vivre en nous, à le revêtir, à participer à son mystère ? Catherine de Sienne au début de son livre, le Dialogue, a une belle expression : Contemple ceux qui sont revêtus de la robe nuptiale. Ils sont un autre moi-même, car ils ont dépouillé et perdu leur volonté propre, et ils ont revêtu la mienne, ils se sont unis et conformés à la mienne.

Parmi les obstacles qui nous empêchent de le rejoindre, comment ne pas songer à une certaine forme de richesse, celle de notre autosuffisance et aussi à la peine que nous avons d’abandonner nos biens, d’abord le plus précieux, la santé, lorsque nous y sommes contraints par l’âge. Devenir pauvre comme le Christ l’a été et donner sa vie pour annoncer la Bonne Nouvelle, paraît un bel idéal. Mais qui peut prétendre que l’action du Saint-Esprit et sa force ne sont pas nécessaires pour devenir et demeurer pauvres, chastes et obéissants, selon nos vœux de religieux.

La pauvreté du Seigneur n’est-elle pas un signe d’espérance pour nous ? Pourquoi tout quitter pour annoncer une Bonne Nouvelle qui paraîtra d’abord  à tous comme un échec. Sorti du sein du Père, il y retourne. Celui qui s’est fait pauvre pour nous jusqu’à donner sa propre vie a fini sur une croix. Nous devrions nous le rappeler, lorsque nous en portons une autour du cou.

La question de fond que nous pouvons nous poser dans notre société d’abondance est celle de notre situation devant Dieu, de notre indigence et de notre dépendance  absolue. Le catéchisme (n°33) , nous dit que notre âme ne peut avoir son origine qu’en Dieu seul. Elle est un germe d’éternité que nous portons en nous-mêmes, irréductible à la seule matière (GS 18, § 1). Elle est immédiatement créée par Dieu (366). La pauvreté du Christ que nous sommes invités à imiter est un lieu d’expérience de la rencontre avec son Père et un moyen de construction spirituelle. Aimer de cette façon n’est pas confortable et va jusqu’à la dépossession et au don de soi-même à Dieu, en passant par le service de ses frères, et la reconnaissance de la présence du Christ en eux, de image dans celui qui est démuni et pauvre. Un des exemples les plus extrêmes est celui de François d’Assise. Comment ne pas mentionner Maurice Zundel ?

Nous voyons parfois des foules pauvres, lors de catastrophes entre deux images de guerre dans nos médias. Nous les devinons derrière les produits bon marché que l’on déverse maintenant chez nous, achetés un jour, jetés le lendemain.. Cela interroge. Certaines banlieues de grandes villes ne le font pas moins. La journée mondiale des pauvres introduite le 33ème dimanche du temps ordinaire par le pape François nous interpelle. Le contraste entre notre manière de vivre en Occident et la situation des pays du Sud lui faisait mal.  C’était une révolte et un message qu’il se sentait contraint de porter. Nous-mêmes, nous nous sentons bien souvent prisonnier d’un système qui a des avantages certains. Qui ne s’interroge pas ? Comment changer un système en modérant la casse que subiront les plus démunis chez nous ? Quels leviers utiliser ? Il reste au moins l’espérance à entretenir, des braises sous la cendre. La première exhortation apostolique de notre pape Léon  sur l’amour envers les pauvres, « Je t’ai aimé » est sur ce thème. Son expérience missionnaire ne pouvait pas le laisser, lui d’abord, indifférent au drame de la grande pauvreté.

Le Seigneur veut nous combler de sa richesse, nous apprendre à tout recevoir de lui en nous faisant aussi prendre conscience qu’il nous a créés. Il nous accueille et nous pardonne dans le Christ. Il nous fait miséricorde : «  En lui, par son sang, nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes. C’est la richesse de la grâce. Dieu a voulu  montrer, au long des âges futurs, la richesse surabondante de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. À moi qui suis vraiment le plus petit de tous les fidèles, dit saint Paul, la grâce a été donnée d’annoncer aux nations l’insondable richesse du Christ. » Dieu est aussi le plus grand pauvre et est il est assoiffé de notre amour. Il est le plus petit, il est le serviteur.

Comment devenir petits à son image et témoigner de l’insondable richesse du Christ dans sa pauvreté ? « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. » Qu’est-ce que je considère comme mon trésor ?

Marie nous dit dans son cantique : « Il a renversé les puissants de leurs trônes et élevé les humbles. Il a comblé de biens les affamés, renvoyé les riches les mains vides » (Lc 1, 52-53). Il a dilaté son cœur, il a fait pour elle des merveilles. Puisse-t-il dilater le nôtre. Amen.


samedi 1 novembre 2025

Toussaint d'hier, d'aujourd'hui et de demain, pour un éternel présent : l'Apocalypse.

 


1 nov. 2025

 Tous les Saints —
Solennité

 
 

Lectures de la messe


Introduction  

Chers Frères et Sœurs, nous célébrons aujourd’hui la Solennité de la Toussaint, nous fêtons les vivants et non les morts… Nous sommes partagés à l’image du spectacle qu’offrait la nature devant chez moi  ce matin : le soleil qui perçait le brouillard. Il y a cette image et l’immense parterre des saints sur les représentations des jugements derniers du Moyen-Age. J’aime beaucoup me relire certains passages de la Divine Comédie de Dante dont la tombe est à Ravenne. Paolo Rumiz place dans son bouquin, Le fil sans fin, le début de son voyage près de Nursie dévastée par un tremblement de terre. C’est le lieu de naissance de Saint Benoît. La Sainteté est un état de communion avec Dieu. Il veut être tout en tous. Tous ensemble, réjouissons-nous donc dans le Seigneur, célébrons ce jour de fête en l’honneur de tous les saints avec les anges.

Chers frères et sœurs,

Le tableau de l’Apocalypse nous parle toujours. Ce ne sont pas que les saints du commencement de l’Eglise qui nous impressionnent, ni même ceux d’hier. Saint Jean-Paul II avait fait un grand nombre de canonisations pour montrer que les saints sont ceux d’aujourd’hui. (Le pape Léon vient de proclamer saint John Henry Newmann co-patron de l’éducation pour accompagner ceux qui le serons demain). Nous n’allons pas nous attarder à ce qu’elle sera effectivement et quand elle se produira. Cela nous échappe, mais il y en aura bien une. Aujourd’hui on nous parle d’un zéro absolu, et le perpétuel retour n’est plus  trop à la mode, le cycle des renaissances aussi.

Ce qu’il y a d’intéressant avec l’âge de la retraite active est que le questionnement  des fins dernières interpelle plus et que notre curiosité en est aiguisée. Les notions oubliées de la Somme Théologique de Saint Thomas, au détour d’une page, nous réveillent : Exitus : nous sommes sortis dans l’existence. Reditus : nous sommes appelés à retourner à Dieu. N’est-ce pas notre parcours et celui de la création ? C’est le plan de sa Somme de théologie qui lui était venu à l’Esprit. (Aujourd’hui saint John-Henry Newmann devient co-patron de l’éducation, pour quelle révolution ?)

Toutes les explications sur la fin des temps et l’Apocalypse ne sont pas bonnes. Mais elles nous aident à nous approcher d’un mystère prenant. La sottise humaine vient réveiller un souvenir de la 2ème bombe atomique qui avait éclatée un 6 août, détruisant la communauté chrétienne de Nagazaki. Elle nous a valu le témoignage du médecin japonais Takashi Nagai. Relisez les cloches de Nagasaki.

La foule immense que nul ne peut dénombrer, une marée humaine dépasse les grands rassemblements de toutes sortes que l’on peut voir aujourd’hui. Dieu sera tout en tous. C’est cela qui nous interpelle le plus aujourd’hui. Qu’aura-t-elle de si particulier ? Quelle sera la musique qui va les rassembler ? Pour me distraire, n’étant pas musicien, je me suis demandé si cette musique serait une gamme nonatonique, à neuf tons, un pour chacune des béatitudes, avec un extraordinaire accord pour manifester la joie, en utilisant les grandes orgues de l’univers. L’expression est de Saint Nicolas de Flüe : « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! » Mais voilà, ce n’est pas du grégorien. Il paraît que c’est une gamme de Blues. Il est vrai qu’il existe une messe Jazz très en vogue. Quelle sera la musique céleste ?

Le Dieu Saint, lui que nous acclamons avec les anges après la Préface, nous communiquera sa sainteté. Qu’est-ce que donc que la sainteté de Dieu ? Personne ne peut la définir exactement, parce qu’aucun de nous ne la connaît et n’est entré en totale communion avec Lui, sinon celui qui est sorti de Lui. Il est apparu sous un aspect si fragile en revêtant notre humanité, en souffrant et en mourant que nous restons perplexe. Il est ressuscité, mais nous avançons dans l’obscurité de la foi. Il nous a donné les neuf clés de son mystère avec les neuf béatitudes et le passe-partout de l’Amour.

Le catéchisme renvoie la sainteté à la définition de Dieu , laquelle renvoie à la Trinité, c’est dire la témérité qu’il y a à dire quelque chose d’elle.

La sainteté de Dieu, selon le Catéchisme, est sa perfection absolue, sa transcendance, sa pureté d’amour et de vérité, qui le distingue de toute créature.

« Il est totalement autre, parfaitement pur, sans ombre de mal, et plein d’amour. »

Dieu seul est saint par essence, mais il sanctifie ceux qui s’unissent à lui. Nous sommes appelés à le rencontrer et à vivre avec lui et en lui pour toujours et lui en nous. Douter de son amour et de sa faculté de nous transformer, c’est douter de sa toute-puissance. Il est vrai qu’il y met une limite, notre volonté.

La sainteté de Dieu est le foyer inaccessible de son mystère éternel ! Sa manifestation est ce qu’on appelle sa gloire.

« L’Église, à laquelle tous sont appelés dans le Christ Jésus, et dans laquelle, par la grâce de Dieu, nous acquérons la sainteté, a été fondée par le Christ pour être une communion de vie, de charité et de vérité. » Il met sa gloire en nous, dans ce que nous vivons. Il ne s’agit pas des couronnes du Louvre, mais de la manière dont nous vivons les béatitudes. Nous nous sentons petits devant lui, mais il s’est fait encore plus petit pour nous et devant nous. Il vient en nous pour nous rendre semblables à lui. « Dieu appelle chacun à la sainteté : “Soyez saints, car moi, je suis saint” (Lv 19,2). ».

C’est en raison de cette petitesse de Dieu que nous le regardons avec confiance. Sans lui, nous ne pouvons rien faire. La mythologie grecque raconte qu’une femme, Sémélé, avait demandé à Zeus de lui montrer sa gloire. Elle en brûla… Dieu qui se communique à nous, c’est l’inverse, il nous aime et nous transforme par l’amour qu’il nous porte, en se faisant plus petit que nous. Devant les difficultés de la vie et celles que nous provoquent d’autres personnes, nous nous sentons parfois comme paralysés, devant une sorte de mur. Seul le Seigneur est assez petit et assez puissant pour en venir à bout, pour ouvrir la porte de tous les  cœurs y compris du nôtre.

Le scepticisme ambiant, en forme de haussement d’épaules, nous interpelle quant à une rencontre possible avec Dieu. Maintenant on se laisse un peu plus fréquemment interroger par ce qu’on appelle les états de mort imminente. J’ai lu il y a quelques jours un médecin de Lourdes, le Dr Patrick Theillier. Il a écrit trois livres sur ce sujet, et dit que Sainte Thérèse de Jésus en avait eu un à l’âge de 23 ans. On avait ouvert sa tombe, coulé de la cire sur ses paupières. Il s’agit peut-être d’une approche, mais ce n’est pas encore la rencontre. Même après avoir lu le Livre des Demeures, on n’y est pas encore arrivé, cela ne suffit pas ! Lisez cependant les livres de saints et des biographies de saints. Ils sont notre famille de là-haut avec ceux que nous avons connus et aimés, pas toujours assez.

Aujourd’hui est proclamé docteur de l’Eglise le cardinal Newman qui osa donner la priorité à sa conscience. Si vous en avez l’occasion essayez de vous renseigner sur sa vie. Je voudrais achever avec lui. Il faisait des sermons de 30 à 40 minutes qu’on se pressait pour écouter… Il insistait sur le fait qu’on ne pouvait se limiter en matière religieuse au seul raisonnement. Il parlait d’assentiment. La foi, aussi grande soit-elle, tout au plus « ne produit que le héros », mais « c’est l’amour seul qui fait le saint ». Pourquoi ? Parce que c’est l’Esprit Saint, présent en nous, qui nous rend saints.

Soyons témoins de l’espérance qui nous habite, soyons-le pour nous et pour tous ceux que nous portons dans notre cœur. Quels sont ceux que nous aimerions revoir ? Nous pourrions y en ajouter quelques autres chaque jour pour nous habituer à changer nous-mêmes, à devenir comme Dieu et à manifester notre confiance en lui et en sa Toute-Puissance.

Marie Mère de l’Eglise, Mère de tous les saints, priez pour nous. Amen.


dimanche 19 octobre 2025

Trouvera-t-il la foi sur la terre ?



19 oct. 2025

 29ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine I du Psautier) — Année C

 
 

Lectures de la messe

« Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? »

Chers frères et sœurs,

Délicates lectures qui nous mettent en face de nos limites et les interpellent. Sommes-nous vraiment seuls ?

Quelle détermination chez cette femme qui tambourine à la porte du juge et lui casse la tête, le mot grec upopiazo est traduit aussi par « frapper sous l’œil », « importuner », « tanner » ; une vertu de persévérance féminine en quelque sorte… Saint Paul utilise ce mot pour dire qu’il traite durement son corps (1 Co 9,27), comme celui d’un athlète. De la persévérance, il en faut.

C’est une véritable épreuve d’endurance dans laquelle le Seigneur nous a lancés. Sa conclusion étonne les auditeurs d’hier et d’aujourd’hui. Il dit qu’il fera bien vite justice : «  Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »… Déjà plus de 2000 ans. Il y a de quoi s’interroger, en se rappelant la conclusion de l’Apocalypse : « Oui, je viens sans tarder. » « Oui, je viens vite », ou « bientôt ». Notre trinité monastique au Vorbourg, l’avait prise comme devise.

Ne sommes-nous pas soumis à une épreuve d’espérance également ? Comment persévérer dans la foi, sans charité et sans espérance. Persévérer a un rapport avec une austérité certaine. Ne s’agit-il pas d’une invitation à se tenir prêt à la rencontre en tout temps, notre lampe allumée ?

La 1ère lecture a mis en scène un combat entre les Hébreux, Josué et les Amalécites. Moïse prie sur la montagne, il intercède, il n’arrive plus à tenir ses bras élevés, il faut l’aider. Les aléas du combat et la victoire dépendent pourtant de sa prière. A lui aussi, il faut de l’aide…

Nous percevons sans trop de difficultés le lien et la dépendance manifestée et voulue entre la contemplation et l’action ainsi qu’un mystérieux arrière-plan spirituel. Il relie dans la communion contemplation et action, le visible et l’invisible. Une des questions que nous nous posons parfois devant la souffrance, les difficultés et le combat, est celle-ci : Pourquoi Dieu qui est tout-puissant n’intervient-il pas directement ?  (Vite fait, bien fait !)

Il est «  Juste », il est même Le Juste, mais parfois il nous paraît laisser beaucoup de liberté au mal. C’est un vrai mystère, surtout et déjà lorsqu’il laisse toucher à son propre Fils, prendre sa vie.

Que faire ? Aller puiser un peu de Sagesse chez Saint Paul qui nous renvoie à l’Ecriture et à la méditation :  « Depuis ton plus jeune âge, tu connais les Saintes Écritures : elles ont le pouvoir de te communiquer la sagesse, en vue du salut par la foi en Jésus-Christ. » C’est dans la foi au Christ que nous avons à disposition des trésors de patience qui nous permettent d’attendre son retour. Il ne s’agit pas que d’une attente statique, sur notre banc d’ancien devant la maison. Lorsque surviennent des épreuves dans nos situations de vie,  cette attente n’est-elle pas habitée par une force mystérieuse et nourrie par l’espérance des richesses spirituelles qui nous sont réservées par le Seigneur ? N’y a-t-il pas une croissance spirituelle possible ? La finalité de notre vie avec le Christ, n’est-elle pas d’être conformés à Lui dans ses mystères ?  

Quelle est cette justice ? Il y a cette mystérieuse phrase de Jésus à Jean-Baptiste qui hésite à le baptiser : «  c’est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice ». La justice est l’adéquation à l’essence et à la volonté divine. Elle donne un sens à notre chemin de vie et de résurrection.

Il est vrai que nous sommes parfois tentés au moment de l’épreuve tant le chemin est rude, tentés par des avis tranchés et des sentiments de profonde injustice, d’incompréhension et parfois même de révolte. Laisser la sensibilité s’apaiser peut demander du temps, mais Il est là. « Dieu est-il juste ? ». Nous avons de belles définitions sur sa justice chez les théologiens qui permettent une certaine compréhension : « La justice de Dieu est l’attribut moral de la volonté de Dieu qui revient à établir avec chaque être créé une relation qui corresponde exactement à la nature de l’un et de l’autre. (K. Rahner/ Vorgrimmler) » « La volonté de Dieu est justice et miséricorde ». Je ne vais pas plus loin.  

Nous sommes des êtres en construction, appelés à grandir à l’image du Christ et en Lui, appelés à être conformés à lui et à rencontrer le Père. Nous ne sommes pas seuls sur le chemin. Le Seigneur est en nous et à côté de nous. Il est là dans nos frères et sœurs, pour aider et être aidés. L’amour de Dieu, la charité passe par le prochain. Dieu passe aussi par le prochain, par le Bon Samaritain.

Il passe par l’annonce de l’Evangile. Nous sommes des porteurs d’espérance. Le défunt pape François avait rédigé ainsi le début de son message pour cette journée mondiale des Missions. « Missionnaires de l’espérance parmi les peuples ». « Cette journée rappelle à chaque chrétien et à l’Église, communauté des baptisés, la vocation fondamentale d’être, à la suite du Christ, des messagers et des bâtisseurs d’espérance. » 

Il cite Gaudium et Spes : « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur » (Gaudium et spes, n. 1).

Le texte mentionne également la prière, il y a une solidarité entre l’action et la contemplation. La mission de l’espérance doit être renouvelée à partir de la prière ; pas  à cause de nos pauvres personnes mais parce que la prière est une médiation voulue de Dieu et  témoigne de notre solidarité spirituelle en Eglise et dans le Corps du Christ. Elle touche le cœur de Dieu qui donne la grâce. Il en a voulu ainsi, parce qu’il a voulu manifester ce qu’il est : Dieu est Amour et il nous fait participer maintenant déjà à sa vie. Oui, Dieu fait justice et miséricorde aujourd’hui à chacun de nous.

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et Saint François-Xavier priez pour nous !

Confions à Marie, Mère de Jésus le cri de notre espérance. Confions-lui ce souhait pour le Jubilé et pour les années à venir : « Puisse la lumière de l’espérance chrétienne atteindre chacun comme message de l’amour de Dieu adressé à tous ! Puisse l’Église être un témoin fidèle de cette annonce dans toutes les parties du monde ! » Marie, la première en chemin, montre-nous et donne-nous ton Fils.

Amen.


dimanche 12 octobre 2025

« Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »

 



12 oct. 2025

 28ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine IV du Psautier) — Année C

 
 

Lectures de la messe


Homélie

« Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »

Chers Frères et Sœurs, chers Amis,

Ne sommes-nous pas interpellés par les 11 lépreux des lectures d’aujourd’hui et la finale de notre Evangile ? Cette maladie est mentionnée dans deux d’entre elles et  le Seigneur attire notre attention sur la foi de cet homme, de cet étranger qui rend gloire à Dieu devant lui.

La lèpre interpelle en raison du rejet qu’elle a provoqué comme d’autres maladies d’ailleurs. Elle est, lit-on, la plus ancienne maladie infectieuse de l’humanité. Elle a beaucoup régressé, mais on parle encore de 1,5 millions de  cas dans le monde. Par l’histoire, nous savons qu’elle suivait les routes des armées et des pèlerinages. Bon nombre d’établissements étaient réservés à ceux qui en étaient atteints. Certains noms comme celui de Maladière, c’était  avant le temple du foot à Neuchâtel, nous les rappellent. Il vient de maladrerie, la maison des lépreux. Ces refuges se trouvaient fréquemment auprès de monastères. La chapelle de Bourguillon à Fribourg en avait été un. Le premier Abbé bénédictin de saint Gall, Othmar qui est représenté à côté de Notre-Dame du Vorbourg, en avait établi un près de son Abbaye. Je vous laisse aux bons soins de l’immense article de Wikipedia sur la lèpre en vous souhaitant aussi d’échapper aux virus de la toile. Nous pouvons prier de manière générale pour certains malades, et aussi pour les soignants. Il n’est pas évident de soigner des malades gravement atteints. Les réactions peuvent nous rappeler Jésus qui n’avait plus figure humaine au moment de la passion. Seules quelques femmes l’ont assisté et ont essuyé son visage.

Ceci doit maintenant tourner notre attention sur le côté spirituel de nos lectures et sur sa symbolique. L’Evangile nous parle de dix lépreux, un nombre  qui permet un lien avec les dix commandements. La lèpre spirituelle peut être rapprochée d’un manquement au respect de ceux-ci, et donc de l’amour de Dieu et du prochain. Globalement, nous pouvons comprendre que la foi en Dieu et dans le Christ est source de guérison spirituelle. Le terme de lèpre n’était pas attaché uniquement à la maladie ; dans la Bible, on en parle pour les maisons. Vous vous souvenez peut-être que Myriam qui avait mal parlé de Moïse était devenue lépreuse. Il avait prié pour sa guérison afin qu’elle recouvre la santé et vive. Une guérison de la lèpre était considérée comme une vraie résurrection autrefois. Flavius Joseph mentionne ces malades comme des morts, tout comme un commentaire Juif (cf Dictionnaire Jésus).

Sur les 10 lépreux, seul un étranger n’est pas allé au Temple, mais était revenu sur ses pas auprès de Jésus en voyant qu’il était guéri. « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé ». Il reconnaît le Christ, le Fils de Dieu.  Ce qui interpelle beaucoup, n’est-ce pas le fait que ce sont deux étrangers, dans les lectures, qui croient et sont guéris. « Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles » , nous a dit le psaume. Le général veut emporter un peu de la Terre Sainte pour offrir à Dieu un sacrifice. « Par son bras très saint, par sa main puissante, il s’est assuré la victoire. » Dieu a remporté la victoire, le Christ a vaincu le mal, le(s) péché(s), pour tous les hommes de tous les temps. Quel compliment de la part d’un général.  Le pape Léon a rappelé ce matin que « Jésus lui-même a commenté ce passage dans la synagogue de Nazareth (cf. Lc 4, 27), et l’effet de son interprétation sur les habitants de son pays fut déconcertant. » « Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas ».

Avec Jésus, il n’y a pas besoin d’emporter un peu de terre pour offrir un sacrifice. Emporter un peu de terre, c’est un peu ce que l’on faisait avant cette guerre terrible. En revenant de pèlerinage, on ramenait un caillou en souvenir. Israël est une Terre Sainte, mais le Saint, c’est Jésus, Jésus auquel nous sommes attachés par notre foi en lui. Il vient habiter en nous et y établir sa demeure. Nous sommes une demeure de Dieu, par la foi et par notre baptême. Chaque personne humaine est sacrée. Jésus le crucifié est la résurrection et la vie. « Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai ». Saint Paul nous transmet son message : « Bien-aimé, souviens-toi de Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts…  Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. » Il nous invite à suivre le même chemin que lui à travers nos difficultés qui sont les siennes.

Par son pardon,  il nous guérit pour nous faire avancer jusqu’à sa résurrection. Elle nous est destinée et elle est déjà présente en nous par la foi et le baptême. Ces deux étrangers, Naaman, et cet autre lépreux 800 ans après lui,  ces deux étrangers parviennent à discerner la présence de Dieu. Ils symbolisent tous les hommes de tous les temps. Sommes-nous capables de reconnaître la présence de Dieu dans l’autre et de quitter notre zone de confort. Ajoutons encore que le Seigneur est le 1er pauvre qui vient mendier notre amour, le thème est cher à Maurice Zundel.

Dans ce contexte, il n’est pas possible de passer à côté de l’exhortation du pape Léon « Je t’ai aimé ». Son introduction est impressionnante en raison en particulier de son expérience missionnaire. Elle mérite une citation consistante  : « Je t’ai aimé » (Ap 3, 9), a dit le Seigneur à une communauté chrétienne qui n’avait ni importance ni ressources, contrairement à d’autres, et qui était exposée à la violence et au mépris : « Disposant pourtant de peu de puissance […] je les forcerai à venir se prosterner devant tes pieds » (Ap 3, 8-9). Ce texte, dit-il, rappelle les paroles du Cantique de Marie : « Il a renversé les puissants de leurs trônes et élevé les humbles. Il a comblé de biens les affamés, renvoyé les riches les mains vides » (Lc 1, 52-53). » Si vous cherchez une lecture, vous avez de quoi méditer.

En ce dimanche du Jubilé de la Spiritualité Mariale, nous pouvons nous associer aux intentions de notre pape Léon et à sa prière pour la paix en Terre Sainte.

Nous vivons ce Jubilé de l’espérance avec Marie et la spiritualité mariale aujourd’hui. Hier soir, le pape Léon a fait une très belle prière auprès de Notre-Dame de Fatima en lui offrant une rose d’or. En voici la finale :   Sainte Marie, mère des vivants, femme forte, affligée, fidèle, Vierge épouse près de la Croix : Apprends-nous à nous arrêter avec toi près des croix innombrables où ton Fils est encore crucifié, où la vie est le plus menacée ; à vivre et à témoigner de l'amour chrétien en accueillant en chaque homme un frère ; à renoncer à l'égoïsme aveugle pour suivre le Christ, véritable lumière de l'homme. Vierge de la paix, porte de l'espérance certaine, accueille la prière de tes enfants ! Amen.


dimanche 5 octobre 2025

Fides Quoi?

 


5 octobre 2025

 27ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine III du Psautier) — Année C

 
 

Lectures de la messe


Homélie 

Chers frères et sœurs,

Jésus marche aujourd’hui vers Jérusalem et nous sentons qu’il a le souci de former ses disciples pour annoncer la Bonne Nouvelle jusqu’aux extrémités de la terre. Chez les disciples, en arrière-plan de ce chapitre, nous percevons un désir de pouvoir qui n’est pas que spirituel, quant au don de guérison et à la venue du Royaume, jusqu’au pardon des péchés. Les rapports entre eux manifestent des tensions. Jésus leur a déjà parlé des scandales et du pardon.  Il paraît presque ironiser sur la finalité de leur désir d’une foi plus grande.

En entendant cette péricope, on pense au pouvoir des clefs dont parle Jésus dans Saint Matthieu 16,19 après la confession de foi de Pierre, avant la Transfiguration. Jésus prend des exemples tirés de la nature, selon son habitude pour les faire avancer.

Nous n’allons pas nous perdre dans des recherches approfondies sur la botanique biblique. L’arbre dont il parle Jésus était-il un mûrier ou un sycomore ? Pourquoi dit-on un plan de moutarde dans le texte, alors que la plante est le sénevé et la moutarde le produit, ni ergoter sur la grandeur d’une graine d’un figuier sycomore ou d’un mûrier et celle d’un grain de sénevé.  Mais ça peut-être intéressant de se pencher sur le sujet.

La foi que désirent les Apôtres paraît être un moyen pour avoir plus de pouvoir et une plus grande prééminence quant au capacités d’accomplir des guérisons et des miracles. Or Jésus, veut qu’ils se sentent et deviennent des serviteurs. J’apprécie cette sorte de paradoxe que vivra Pierre. Dans saint Jean, Jésus l’interrogera par trois fois sur son amour pour lui, après sa résurrection. Ses réponses seront une réparation par son amour de ses reniements. La foi ne nous rend pas semblables à des rocs bien armés selon nos critères, mais nous rend au contraire fragiles, à la manière de Jésus qui va donner sa vie. Elle va nous rendre forts spirituellement en nous conformant à lui et en nous aidant à le suivre. Jésus est le serviteur, il est notre serviteur. Jésus, plus loin mettra en valeur la foi du lépreux, de cet étranger revenu à lui et il parlera de la venue du royaume qui passe par le scandale de la Croix. Le Royaume est parmi vous, il est aussi et d’abord au-dedans de vous, au-dedans de nous. Le premier et principal chemin à accomplir, il est là. Mais il ne peut s’accomplir totalement en solitaire, il se fait en communion avec l’Eglise. Même un ermite porte l’Eglise dans son coeur. Nous sommes solidaires. Personne ne peut dire je fais mon salut à moi.

A propos de la foi, classiquement on parle de foi vécue, active (fides qua) et des doctrines (fides quae).

Suivre Jésus ne sera jamais dominer, mais aimer et aimer c’est vivre les mystères joyeux, lumineux, douloureux et glorieux avec Jésus et en Eglise. Ce n’est pas confortable.

Les deux premières lectures sont  à ce titre impressionnantes, autant Habacuc  que Saint Paul. Habacuc à droit à quelques allusions dans le Nouveau Testament notamment par ces mots : « Le juste vivra par la foi » Rom 1:17, Gal 3:11, Hé 10:38 . Le prophète proteste contre les visions et les annonces de malheur qu’il doit faire, vous les avez entendues. En même temps, il engage à la confiance et à la foi en la fidélité de Dieu.  « C’est une vision pour le temps fixé ;  elle tendra vers son accomplissement, et ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la : elle viendra certainement, sans retard. Le juste vivra par sa fidélité. » Cette dernière expression donne lieu à des discussions. Saint Paul et la tradition chrétienne, les Pères ont étendu le mot fidélité à celui de foi. Le juste par la foi vivra.

Saint Paul engage à la même persévérance et fidélité. « N’aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur, et n’aie pas honte de moi, qui suis son prisonnier ; mais, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile. »

De quelle manière le faire sinon de celle à laquelle nous invite le psaume : avec la joie : « Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut ! Par nos hymnes de fête acclamons-le ! » Le souci de la mission était porté par le Pape François, vous vous souvenez peut-être du début de son exhortation : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. » Elle est destinée à toucher tous les hommes.

Le souci d’universalité présent dans le cœur de Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, dans son couvent, nous le connaissons. Elle portait en elle toutes les vocations, dont celle de missionnaire : « Je voudrais être missionnaire non seulement pendant quelques années, mais je voudrais l'avoir été depuis la création du monde et l'être jusqu'à la consommation des siècles... »  De sa communauté est issue une sœur du carmel de Saïgon fondé par celui de Lisieux en 1861. Quand les sœurs de Saïgon créent un nouveau carmel à Hanoï, Thérèse émet le vœu de partir là-bas. Son histoire touche : le désir de Thérèse est entravé par la découverte de sa tuberculose. Dilater son cœur à la dimension de celui de Jésus et transmettre la joie de l’Evangile était son plus grand désir et il l’est encore. La mission d’un disciple du Christ et de tout baptisé ne s’arrêtera jamais, jusqu’au jour où il sera tout en tous.

Saint Paul demande de ne pas avoir honte de lui, alors qu’il est en prison. Il  dit au début de l’épître aux Romains : « Je n’ai pas honte de l’Évangile, car il est puissance de Dieu pour le salut de quiconque est devenu croyant, le Juif d’abord, et le païen. Celui qui est juste par la foi, vivra.(Rm 1,16-17) »  Cette foi lui procure la joie, une joie courageuse et surnaturelle qui doit être aussi la nôtre, parce que nous sommes habités par le Seigneur… grâce à une foi vivante.

La foi et l’amour vont de pair et nous avançons dans l’espérance sur son chemin. Le pape Léon disait à l’audience d’hier qu’espérer, c’est choisir. Cela signifie au moins deux choses. La plus évidente est que le monde change si nous changeons. Le second sens est plus profond et plus subtil : espérer, c’est choisir car ceux qui ne choisissent pas désespèrent. Choisissons le Christ et la joie. Demandons à Marie qui portait la Bonne Nouvelle de l’Evangile de nous transmettre sa joie : « Mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur » (Lc 1, 47). Amen