Rechercher dans ce blog

dimanche 3 juillet 2022

72 disciples plus 1, moi !

3 juillet 2022

dimanche, 14ème Semaine du Temps Ordinaire — Année C 

Lectures de la messe 

Première lecture « Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve » Is 66, 10-14c
Psaume Terre entière, acclame Dieu,
chante le Seigneur ! Ps 65 (66), 1-3a, 4-...
Deuxième lecture « Je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus » Ga 6, 14-18
Évangile « Votre paix ira reposer sur lui » Lc 10, 1-12.17-20

Chers Frères et Sœurs,

Nous avons certainement retenu de ces lectures, la finale : « Réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. » C’est le Happy End, une notion cinématographique. Il y a encore un certain nombre d’années en arrière, lorsque nous regardions les projections d’Hollywood, le voleur était toujours attrapé et le méchant toujours puni, sans miséricorde. Tout se terminait bien, tout rentrait dans le bon ordre. Il s’agissait  presque du rétablissement d’une sorte de Paradis où les familles étaient réunies, les amoureux se retrouvaient, avaient un certain nombre d’enfants en fonction de leur pays d’origine, etc… L’important était que les héros puissent couler des jours heureux en oubliant des péripéties préparatoires qui pourraient être diversement qualifiées. Maintenant, avec surtout des extraterrestres à répétition, on voit parfois des références à une vie après cette vie, mais pas toujours. J’espère que vous n’oublierez pas vos lectures de vacances pour palier à cette problématique… et des concerts.

Le Seigneur nous annonce clairement dans l’Évangile, ce qui nous attend au terme de notre vie, parce qu’il l’a voulu pour nous et parce qu’il en a obtenu et réalisé les conditions. Il nous annonce la joie de la rencontre et de la vie définitive en Dieu et dans le Royaume.

Pour annoncer cette bonne nouvelle, il envoie 72 disciples, deux par deux (là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux). Il nous demande de prier le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson, parce qu’elle est abondante et qu’ils sont peu nombreux. Que représentent ces 72 disciples ? Le chiffre 72 se réfère nous disent les notes de la TOB aux nations païennes de Genèse 10, telles que vues par le judaïsme ancien. Ce nombre et ce type d’explications se retrouvent mentionnés par Saint Augustin dans la Cité de Dieu, au livre XVI chapitre III, pour les exploratrices et explorateurs des Pères de l’Église. En fait, il en a compté 73 et non 72, ce 73ème nous pouvons imaginer que c'est si-même. On voit par là que c’est de nations et non d’hommes en particulier que parle l’Ecriture, dit-il. Il s’agit de peuples issus de fils de Noé qui aurait eu plus d’enfants dans sa descendance. Quel courage pour ce nouvel Adam et surtout pour ses épouses! Il s’agit donc parmi ses enfants de ceux qui ont été pères d’un peuple.

Merveilleux ! L’Évangile doit donc être annoncé à toutes les nations, et des messagers, des  annonciateurs, des évangélisateurs sont nécessaires pour tous les temps et dans toutes les circonstances. Vous me voyez venir pour votre régime vacances. Fêtant saint Thomas l’Apôtre, aujourd’hui, nous serions peut-être tentés de renvoyer nos responsabilités en ce domaine, vers notre voisin ou un hypothétique jumeau. C’est un usage de se retourner vers lui ou vers elle, confrontés à une missions délicate.

Pourtant, le Seigneur nous dit bien : « Réjouissez-vous » ! C’est le terme qu’a employé l’ange Gabriel à l’Annonciation et vous êtes, nous sommes appelés à être des anges, des messagers, des envoyés. La teneur du message est pourtant difficiles avant sa conclusion. Gabriel savait ce qui allait advenir au Seigneur et à Marie. Marie a accepté le message en raison de son amour pour le Seigneur, mais aussi et particulièrement pour la joie promise. Marie s’est réjouie à un tel point que sa joie résonne et résonnera toujours jusqu’à la fin des temps. Nous disons avec elle chaque jour, chaque soir son Magnificat. Avec elle, nous ne devons pas craindre d’accueillir et de transmettre la Bonne Nouvelle. N’est-ce pas le Seigneur qui vient habiter en elle, le Seigneur qui vient habiter en nous et accomplir sa mission. La prolonger en nous, car nous sommes le Corps du Christ. Lorsque nous recevons l’Eucharistie, le Christ vient habiter en nous et nous transformer en Lui. Faut-il être champion d’exégèse et grand savant pour annoncer cette bonne nouvelle ? Le Seigneur nous dira plus loin et très simplement. Non ! Au retour des 72 disciples, le Seigneur dira : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Il n’est pas nécessaire de pouvoir citer toutes les lettres figurant dans l’Écriture et les plus anciens manuscrits, avec les analyses confirmant leur antiquité pour annoncer que Jésus est né, a annoncé le Royaume, est mort, ressuscité et monté au ciel ! Vous connaissez aussi l’insistance du Concile sur la Mission des laïcs dans l’Église. Je me souviens d’une anecdote mentionnant l’immense connaissance d’un rabbin  juif, on aimerait l’avoir, qui était capable de mentionner toutes les lettres traversées par un poinçon transperçant un recueil de l’Écriture. Ce n’est pas ce qui nous est demandé, nous avons avec nous l’Esprit-Saint qui est venu habiter dans nos cœurs. Le chiffre 72 est parfois associé aux chœurs des anges, un mot qui signifie messager. Nous sommes appelés à être des messagers, des anges, de Bonne Nouvelle.

Notre Pape François, nous a invité en ce mois de juillet a entourer les personnes âgées et à veiller sur elles. Bien sûr, nous devenons beaucoup trop majoritaires dans nos assemblées. Je me mets dans l’ensemble, quoique je me sois senti dans un certain état de rajeunissement avec les membres du MCR à Mariastein, voici une semaine. Au Carmel, les plus anciennes ont la chance d’être bien entourées.

Nous sommes peut-être atteints de doutes comme Thomas, avant de voir Jésus ressuscité. Nous le sommes lorsque les années avancent parce que les ennuis de santé s’alignent comme les grains d’un chapelet, ou parfois grossissent à l’image du globe que tient l’enfant Jésus, et qui se fait lourd. Mais à son sommet fréquemment est fixée une petite croix, et cette croix sauve le monde. Nous connaissons l’amour de saint Jean de la Croix pour elle, ainsi que d’Édith Stein. Elle sauve et a sauvé le monde. Saint Paul a conclu son épître aux Galates en la mentionnant : « Je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus. » Pourtant la croix est une règle de vie qui fait de lui une création nouvelle. « Réjouissez-vous avec Jérusalem !
Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse. », dit Isaïe. Je ne puis que nous souhaiter d’être consolés et de laisser notre cœur être habité par l’allégresse. Le Seigneur dirige vers nous la paix comme un fleuve. Courage ! N’ayons pas peur d’annoncer la Bonne Nouvelle, y compris nos vacances et de manifester la compassion du Seigneur autour de nous et de ceux qui en ont le plus besoin.

Vous me permettez de mentionner encore l’invitation du pape François pour ce mois de juillet : Nous n’avons jamais été aussi nombreux dans l’histoire de l’humanité, et nous ne savons pas comment bien gérer cette nouvelle étape de la vie. Il y a de nombreuses propositions d’assistance pour vivre la vieillesse mais peu de projets d’existence. En tant que personnes âgées, nous sommes particulièrement sensibles à l’attention à l’autre, à la réflexion et à l’affection. Nous sommes, ou pouvons devenir, des maîtres de tendresse. Dans ce monde habitué à la guerre, nous avons besoin d’une véritable révolution de la tendresse. À cet égard, nous avons une grande responsabilité envers les nouvelles générations. Essayons d’apprendre aux plus jeunes à aimer, c’est parfois œuvre difficile pour nous qui avons tant à pardonner et à être pardonné. Que le Seigneur nous apporte la paix et réveille notre joie. Amen.

 

jeudi 16 juin 2022

Le Saint-Sacrement

 


 


16 juin 2022

Le Saint Sacrement — Année C - Solennité
Première lecture Melkisédek offre le pain et le vin Gn 14, 18-20
Psaume Tu es prêtre à jamais,
selon l’ordre de Melkisédek. Ps 109 (110), 1, 2, ...
Deuxième lecture « Chaque fois que vous mangez ce pain et buvez cette coupe, vous proc... 1 Co 11, 23-26
Séquence
Évangile « Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés » Lc 9, 11b-17

Frères et Sœurs,

Nous remarquons que, assez curieusement, ce matin, ce n’est pas un récit de l’institution de l’eucharistie telle que proposé par les évangiles synoptiques qui nous est proposé dans l’Évangile, mais une multiplication des pains et des poissons.  L’Évangile de saint Luc, nous parle de cinq pains et de 2 poissons, d’un immense rassemblement de 5000 personnes, de 12 paniers qui font penser à une plénitude, aux 12 apôtres aux 12 portes de la Jérusalem céleste. Ces chiffres ont été diversement interprétés : Les rompre, ce peut être donner le sens des 5 livres du Pentateuque. Le nombre 2 renvoie selon certains au 2 testaments. Augustin y voit le prêtre et le roi dans la personne du Christ. Les poissons font penser à l’abréviation de Jésus-Christ, Fils de Dieu sauveur. Nous n’allons pas nous lancer dans la passionnante étude de la symbolique des nombres et de leur signification

L’Eucharistie est définie comme une louange, une action de grâce rendue à Dieu. Plus particulièrement, c’est l’action de grâce prononcée au repas juif, plus solennellement lorsqu’elle commémore la Pâque, la sortie d’Égypte. Chez les chrétiens, et plus précisément chez les catholiques, l’Eucharistie est la célébration du sacrifice du corps et du sang de Jésus Christ présent sous les espèces du pain et du vin. L’évêque et le prêtre sont les célébrants de l’Eucharistie, mais célébrer tout seul n'est pas une bonne chose, seulement une exception et cela se fait en communion avec toute l’Église.

L’Évangile met l’accent sur le rassemblement, l’immense assemblée réunie autour du Christ et des Apôtres. Le premier motif de la consécration du pain et du vin est de nous être donné comme aliment pour le chemin. A l’Ascension lors de son homélie le célébrant nous avait rappelé notamment qu’après sa montée au ciel, le Seigneur nous avait laissé l’Église et les sacrements. Le Seigneur se rend présent dans son Église et à chacun de nous par ce moyen. Nous sommes fait d’esprit, mais aussi de chair et de sang et le Seigneur vient nous nourrir, nous soigner, nous toucher par ces moyens, mais il veut aussi être regardé et adoré.

Il a voulu que nous recevions ces sacrements par la médiation de ministres ordonnés. Cela peut mettre notre et votre foi à l’épreuve parfois, nous sommes loin de la perfection. La première lecture nous a mis sous les yeux la figure annonciatrice et  prophétique de Melchisédech. Son nom signifierait « roi de Justice » il est parfois identifié par certains commentateurs à Sem, père des Sémites, fils de Noé qui aurait vécu  610 ans et aurait donc rencontré Abraham. La comparaison vient aussi marquer une rupture avec le sacerdoce issu d’Aaron le frère de Moïse. Saint Cyprien dans une de ses lettres (63,4) montre en ce roi l’image du Christ. « Il est une figure prophétique du mystère du sacrifice du Seigneur. L'Écriture dit : "Et Melchisédech, roi de Salem, offrit le pain et le vin. Or il était prêtre du Très-Haut, et il bénit Abraham." (Gen 14,18). Que Melchisédech, fût une figure du Christ, c'est ce que révèle dans les psaumes l'Esprit saint parlant au nom du Père et disant au Fils : "Je t'ai engendré avant l'étoile du matin. Tu es prêtre pour l'éternité selon l'ordre de Melchisédech". (Ps 109,3). … Celui qui est la plénitude de toutes choses a réalisé ce que cette figure annonçait. La finalité n’est toutefois pas l’instrument mais ce que le Seigneur donne par lui. Il vient se donner lui-même.  Il veut avant tout nous unir à lui et nous transformer en lui : « Le Christ s'unit personnellement à chacun de nous, mais le même Christ s'unit également avec celui et celle qui sont à mes côtés. Et le pain est pour moi, mais également pour l'autre. Ainsi, le Christ nous unit tous à lui et nous unit tous, l'un avec l'autre. Nous recevons le Christ dans la communion. Mais le Christ s'unit également avec mon prochain:  le Christ et le prochain sont inséparables dans l'Eucharistie. Et ainsi, nous ne formons tous qu'un seul pain, un seul corps. Une Eucharistie sans solidarité avec les autres est une Eucharistie dont on abuse. Et ici, nous sommes aussi à la racine et dans le même temps au centre de la doctrine sur l'Eglise comme Corps du Christ, du Christ ressuscité. » « Dans la Communion, se réalise aussi le processus inverse. Le Christ, le Seigneur, nous assimile à lui, nous introduit dans son Corps glorieux et ainsi, tous ensemble, nous devenons son Corps. » (Benoît XVI)

Adorer et vénérer le Seigneur dans l’Eucharistie n’est pas une perte de temps. Nous avons la chance de pouvoir encore aller prier devant le Saint-Sacrement dans nos églises ouvertes, ne serait-ce qu’un moment, juste pour passer un moment avec lui. Ce n’est pas une perte de temps. C’est lui qui vient agir et nous transformer : « Il s’agit dit le pape François, d’un mystère d’attraction au Christ et de transformation en Lui. Adorer le Seigneur dans l’Eucharistie est une école d’amour concret, patient et sacrifié, comme Jésus sur la croix. « Elle nous enseigne à devenir plus accueillants et disponibles envers ceux qui sont à la recherche de compréhension, d’aide, d’encouragement, et qui sont marginalisés et seuls. La présence de Jésus vivant dans l’Eucharistie est comme une porte, une porte ouverte entre le temple et le chemin, entre la foi et l’histoire, entre la cité de Dieu et la cité de l’homme. » (François)

Accueillir Jésus dans l’Eucharistie, c’est accueillir tous ceux que nous aimons et ceux envers qui nous avons des difficultés. Une transformation mystérieuse s’opère en nous. Non, ce n’est pas une perte de temps. Nous pouvons le faire avec Marie qui a appris à le recevoir, à l’accueillir, à l’aimer et à le donner avec confiance. Son enfant lui a donné une confiance et une foi parfaite en son Père qui allait le ressusciter des morts.

Que Notre-Dame soit à notre côté sur notre chemin d’adoration.

 

Amen.

 

mardi 3 mai 2022

Dans la Maison de Nicolas de Flüe

Oeuvre de Philipp Schönborn inaugurée au Ranft
dans la maison natale de Nicolas de Flüe, le 1er mai 2022

Chers Frères et Sœurs,

Cet épisode de la pêche miraculeuse est bien curieusement placé chez saint Jean. Il se déroule en Galilée, au bord de la mer de Tibériade, alors que les autres ont lieu à Jérusalem. Il est pourtant appelé troisième manifestation. Il parle aux lacustres actuels de Sarnen, du lac des 4 cantons, en passant par Bienne et Neuchâtel, jusqu’au plus beau, le Léman. Notre pays est un pays de lac, ce qui dispense de les citer tous, mais nous permet de nous représenter facilement la scène. Ce n’est pas la symbolique qui manque chez saint Jean, mais il faut nous limiter. On sent une construction une sorte de raccommodage de pièces dans le texte, mais il est mieux de laisser cela aux spécialistes. Les disciples partent pêcher, ils se remettent à leur besogne quotidienne, peut-être pour se mettre à l’abri, attendre et gagner leur vie. Cela nous pouvons d’introduire le thème du travail en ce dimanche qui est également la fête de saint Joseph artisan et travailleur. Nous devons être liturgiquement diplomates en ce 3ème dimanche de la résurrection et ce pèlerinage chez Nicolas de Flüe.  Imaginons-nous que les Apôtres attendent l’Ascension et la venue de l’Esprit. Lorsque Pierre leur fait jeter les filets, les pauvres ne prennent rien. Il est nécessaire qu’intervienne Jésus pour qu’ils réussissent à prendre quelque chose, et que la pêche soit abondante.

Pierre et les autres entendent mais il ne comprend pas qui les interpelle. Il faut que le disciple que Jésus aimait particulièrement révèle son identité à Pierre pour qu’il le reconnaisse et se jette à l’eau. Nous comprenons qu’il s’agit là d’une clef fondamentale de lecture, celle de l’amour.

Cette pêche est un signe qui préfigure la pêche gigantesque que décrit l’Apocalypse, avec ses myriades de myriades. Il y a de quoi faire se pâmer d’admirations les petits enfants qui apprennent à compter. Nous les verrions presque appuyer quelques minutes sur un chiffre de leur ordinateur pour expliquer à leur maman combien ils veulent de bonbons ou autres. Quel émerveillement devant pareils chiffres. L’émerveillement est un thème cher au Pape François. C’était celui des foules à la multiplication des pains. Ils en voulaient encore, et encore… Dans notre Évangile, nous trouvons trois mots dans le grec pour exprimer le mot poisson. L’un d’eux est utilisé pour traduire qu’il est pris comme nourriture avec du pain. Nous comprenons qu’il y a un rapprochement avec l’Eucharistie.  C’est avec l’amour que va l’Eucharistie. Le Seigneur veut avant tout nous proposer la vie éternelle. La clef en est l’amour, comme pour des amoureux capables de tout lâcher pour se retrouver. Il est vrai que parfois la machine à calculer reprend le dessus. Un amour cela s’entretient. La vie trinitaire est amour, et elle nous invite à le partager.

Jésus ne va pas dire à ses Apôtres de rester au bord du lac, ils vont être envoyés au loin, pour pêcher avec Pierre. L’Évangile nous montre qu’il aura un rôle privilégié, et même un rôle clef, si vous me permettez. La première lecture a témoigné que la rencontre avec Jésus ressuscité et la venue de l’Esprit le transforme au point de devenir un vrai témoin. Une source a commencé de couler en lui.

Celle qui coule dans le cœur de frère  Nicolas nous montre qu’il n’y a pas besoin de courir le vaste monde. Nous avons chacun notre mission. Il a laissé le lac près de chez lui pour entrer dans le palais où coule la fontaine de vie à côté de laquelle passe beaucoup de monde sans la voir et s’y arrêter. Frère Nicolas est devenu juste, il a été justifié parce qu’il a écouté l’appel du Seigneur dans le fond de son cœur, comme Jean. Qui pourrait mettre en doute son travail. Il est parti alors qu’il était déjà considéré comme un vieillard. La vie d’un paysan de montagne n’est pas une sinécure, aujourd’hui encore. Le mois qui vient de s’écouler a peut-être fait naître quelques questionnements chez nous, sur des sujets que nous considérions comme basiques, en raison de la guerre.

Le choix de Nicolas, sa vocation, son oui, si rare sous cette forme, s’est-il fait tout seul ? En relisant quelques pages d’un ouvrage hélas un peu ancien, celui de Philippe Baud : Nicolas de Flüe, un silence qui fonde la Suisse, j’ai été arrêté par une citation d’Alexandre Soljenitsyne tout au début. Comme vous, cette guerre en Ukraine m’interpelle et me rappelle la guerre plus que froide. Le livre avait été écrit dans le contexte du dégel (merci saint Jean-Paul II). Voici cette citation : « ce Juste sans lequel ne subsiste aucun village. Ni  aucune ville.  Ni notre Terre entière. » Le grand écrivain et témoin aurait-il écrit quelque chose sur notre ermite ? Ces mots s’appliquent bien à Nicolas de Flüe, mais il s’agit d’une citation partielle d’une phrase tirée de son petit livre « Matriona ». Il parle d’une pauvre paysanne : « Nous vivions tous à côté d’elle, sans comprendre qu’elle était ce Juste du proverbe, ce Juste sans lequel ne subsiste aucun village. Elle était le Juste, sans qui il n’est village qui tienne. Ni ville. Ni la terre entière.» 

Un commentateur sur un blog (Médiapart) dit qu’il ne trouve pas ce proverbe. » Ce doit être en fait le juste du livre des Proverbes. La référence à la citation originale complète, nous fait penser bien entendu à Dorothée. Ils avaient reçus tous les deux une part de l’Esprit pour mener à bien leur mission personnelle et sans son épouse, notre Nicolas n’aurait pu accomplir la sienne. Etre juste et justifié, c’est suivre le Seigneur. « M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive. » (Jn 7,38)

Fêtant cette année le 75ème anniversaire de la canonisation de Nicolas de Flüe par le pape Pie XII, je suis parti en exploration de ce côté, mais rassurez-vous je ne vous ferai pas remonter le courant. Ces temps sont éloignés, mais Pie XII avait été impressionné par la protection dont avait bénéficié notre pays. Cela légitime un regain d’attention et de recours à saint Nicolas de Flüe lorsque des bruits, des images et des mots détestables dont celui d’atome nous atteignent. Ces gens qui doivent fuir leur pays ne peuvent que nous interpeller… Du travail, oui, la paix mille fois oui aussi. Pie XII n’a pas une cote extraordinaire, mais il y avait aussi des prémices parus en même temps que la canonisation de  frère Nicolas, une encyclique qui annonçait un renouveau liturgique : « il n'est pas sage ni louable de tout ramener en toute manière à l'Antiquité. » Il avait aussi encouragé par un autre écrit l'apostolat des laïcs dans le monde. Tout cela est bien loin, mais puissions-nous apprécier avec frère Nicolas les dons reçus et les valoriser. Il a vécu au Moyen-Âge mais son esprit n’est pas prisonnier du temps. Conclusion de son homélie : « Fasse le Seigneur que tous les hommes, sans distinction de classes, se tournent avec vénération vers saint Nicolas de Flue et apprennent de lui à se servir des biens passagers de cette terre, qui trop souvent entravent et retardent l’élan de l'âme, comme d’une voie qui les mène vers les joies du ciel qui ne connaîtront point de déclin ! » C’est ce que dit sa célèbre prière : « Mon Seigneur et mon Dieu, enlevez-moi tout ce qui ni empêche d'aller à vous. Donnez-moi tout ce qui me conduira jusqu’à vous. Prenez- moi à moi et donnez-moi pleinement à vous. » Amen