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dimanche 27 avril 2025

Dimanche de la Miséricorde

 

Le Caravage

 2ème Dimanche de Pâques ou de la Divine Miséricorde (semaine II du Psautier) — Année C

Dimanche prochain  

Lectures de la messe

Longue Intro (assis)

Chers amis, chers frères et sœurs, nous voilà aujourd’hui réunis pour célébrer l’Eucharistie en ce dimanche de l’Octave de Pâques, dimanche de Saint Thomas et de la Divine Miséricorde. Nous devons aussi mentionner le Jubilé des adolescents qui s’achève aujourd’hui. Ils étaient des dizaines de milliers au Vatican ce matin. La via della conziliatione était colorée par une foule immense. Nous intégrons aussi à cette célébration les journées de deuil et de prière pour le pape François, les novemdiales. Nous avons tous été touchés par son départ après nous avoir dit « A Dieu », aurevoir au ciel. La célébration des funérailles a été impressionnante. Même s’il n’y a pas eu de « Santo Subito » romain, comme pour saint Jean-Paul II, ce départ nous marquera. IL Les cardinaux Ré et Parolin ont déjà deux synthèses pleines de sensibilité de son pontificat dans leurs homélies respectives. Il reste à faire la nôtre ces jours, sur ces 12 ans au service de l’Eglise universelle. Nous avons aussi la mission de prier pour que le Seigneur nous donne un successeur qui permette à l’Eglise d’avancer dans ce 21ème siècle. Je me demande si nous ne pourrions pas aussi formuler et exprimer quelques part nos attentes et pas seulement dans le cœur de Dieu. Pour mémoire, saint Jean-Paul II était parti la veille du dimanche de la divine miséricorde. Le Pape François est mon 7ème pape, étant né sous Pie XII. Jean XXIII avait été le premier dont j’ai pu prendre conscience. Ma grand-mère m’avait annoncé son élection alors que j’avais 4 ans. Ma mémoire n’est pas excellente, mais de cela je m’en suis souvenu. Une dame à La Promenade m’a dit qu’elle était née sous Pie XI. Avec les années on se sent devenir de plus en plus une sorte de monument historique. Il faut envisager que le 8ème puisse être le dernier. Comment qualifier le pontificat du Pape François ? J’ai retenu une expression d’un commentateur : Le Pape François a cherché à rendre visible ce qui était caché… D’autres disent le pape du Peuple. Le cardinal Ré a rappelé hier la primauté de l’amour dans la vocation de Pierre. Le Seigneur lui a posé une question sur un sujet qui n’a rien d’un doctorat en théologie. «Pierre, m’aimes-tu plus que ceux-ci ?». Et la réponse de Pierre fut immédiate et sincère : «Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime». Il n’a pas dit qu’il aimait le plus le Seigneur, il a fait preuve d’humilité. Le Seigneur nous prend comme nous sommes.

La Canonisation de Carlo Acutis qui devait avoir lieu aujourd’hui aves le jeunes, a été reportée. Un pape peut-être aura-t-elle lieu en même temps que celle de Pier Giorgio Frassati, le 3 août. Cela dépendra du prochain pape, mais ce sera un beau signe pour les commencements d’un jeune pontificat. Peut-être est-ce parce qu’on a discuté de la mise en cause de l’infaillibilité pontificale dans cet acte. Heureusement, il y en a eu avant les procédures romaines. Pardonnez-moi d’avoir été long, mais les circonstances sont extraordinaires.

Nous allons accueillir la miséricorde du Seigneur avec l’eau qui nous rappellera  notre baptême.

Nous chantons la Gloire de Dieu.

 Homélie

 « Mon Seigneur et mon Dieu ! » « Parce que tu m’as vu, tu crois, dit Jésus. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Nous nous sentons tous, proches de l’Apôtre Thomas lorsque nous vivons des temps d’obscurité. Nous l’envions parfois d’avoir vu le Seigneur Ressuscité.

Chers Frères et Sœurs,

 

Mystérieuse voie que celle du Seigneur. Avant sa Pâque, tous ses contemporains qui le voulaient, pouvaient le voir. Il ne s’agissait pas seulement de le voir, mais déjà de l’aimer et de croire en lui, de croire à ce qu’ils pouvaient pas voir de lui.  Un véritable et profond amour du Seigneur dépendait déjà de la foi en lui. L’amour est la vertu qui met en action la foi, et la miséricorde est la manière concrète dont l’amour se déploie dans le monde, soutenu par l’espérance.

Aimer le Seigneur en Esprit et en Vérité veut dire l’aimer totalement dans toutes ses dimensions humaines et divines. Impossible de dire Seigneur, je t’aime « vraiment » s’il ne s’agit que d’apprécier ses apparences. Les apparences peuvent n’être qu’un masque, ou un jeu d’acteur.

Jésus vient maintenant à la rencontre de ses Apôtres en leur demandant de prendre le chemin de la foi, après avoir vu. Il vient en se laissant voir et reconnaître pour 40 jours. Et durant cet espace de temps, sous cette forme, il ne se laissera voir que par ceux qui ont cru en lui et l’ont aimé, même de manière imparfaite. Il vient guérir l’aveugle qu’est Thomas pour qu’il puisse croire. Pourquoi donc ? Pour annoncer la Bonne Nouvelle. Thomas croit parce qu’il voit ! Par ses Apôtres, le Seigneur nous demande de croire en lui et de l’aimer, soutenus par l’espérance. Ce sont les grands moyens qui nous sont donnés pour le rejoindre et le voir au dernier jour. La foi disparaîtra au profit de la charité. Il n’y aura plus d’espérance, nous n’en aurons plus besoin. L’amour seul restera.

Le Seigneur nous a tracé un chemin à travers ce qu’il a vécu en tant qu’homme jusqu’à  sa Passion et sa Résurrection.  Il l’a fait parce qu’il est le miséricordieux et qu’il nous veut libres. Il ne contraint personne à l’aimer. Il vient panser nos blessures, les guérir, guérir nos yeux et notre cœur. Il vient guérir notre relation avec lui pour que cet amour entre lui et nous demeure pour toujours.

Notre foi nous permet de voir au-delà du visible, de le toucher avec le fond de notre cœur. L’humanité visible du Seigneur n’est plus là, mais il nous demande de regarder nos frères et de le voir en eux. Comment dire, Seigneur je t’aime, alors que je n’aimerais pas celui que je vois, ici et maintenant. Si je ne vois pas le Seigneur maintenant, de mes yeux, il me donne des frères autour de moi. J’aime beaucoup une expression, ce qu’on appelle  le sacrement du frère. Elle nous vient déjà des Pères de l’Eglise.  En voyant mon frère, je vois le Seigneur en lui. La miséricorde est la manière concrète dont l’amour se déploie dans le monde. Nous pouvons toujours atteindre et être atteint, embrassé par le Seigneur par la foi, l’espérance et la charité… Il nous touche et nous le touchons par les 7 sacrements et le sacrement du frère.

La miséricorde a été le thème favori du Pape François, dans la ligne de Saint Jean-Paul II. Nous nous sous souvenons que sa devise a été : « « Miserando atque eligendo ».  « Choisi parce que pardonné », tiré d’une homélie d’un ancien bénédictin, Bède le Vénérable pour la fête de Saint Matthieu.  Le pape François aimait beaucoup le tableau de la conversion de Saint Matthieu à Saint-Louis-des-Français par le Caravage. Que lui demande-t-il maintenant ? Il doit rendre grâce parce qu’il a été choisi et pardonné définitivement. Les documents sur la miséricorde, vous en avez encore le souvenir : Riche en Miséricorde, c’était par saint Jean-Paul II, Miséricorde et misère par le pape François. Avec l’Année Sainte de la Miséricorde, il m’a laissé un souvenir merveilleux, au Vorbourg. Je pense que le Pape François a essayé de nous la faire comprendre   aussi par l’ensemble des thèmes travaillés dans l’Eglise pendant tout son pontificat. Un des traits constants de ses interventions a été de tenter de faire comprendre que personne n’était exclu de la rencontre avec le Seigneur. Il est allé jusqu’aux frontières de ce qui est possible aujourd’hui. Le Seigneur reste le même, hier, aujourd’hui, à jamais. et il veut nous attirer tous à lui par ce grand moyen de l’amour. M’aimes-tu ? m’aimes-tu vraiment ? Il n’y a pas que Pierre à qui cette question, nous pouvons dire chacun, moi aussi.  Je cite encore le Cardinal Parolin ce matin : « La miséricorde nous ramène au cœur de la foi. Elle nous rappelle que la bonne nouvelle de l'Évangile est avant tout la découverte d'être aimé par un Dieu qui a des entrailles de compassion et de tendresse pour chacun de nous, indépendamment de nos mérites. »

Le Pape François a essayé de faire bouger les choses à sa manière et selon sa perception, avec l’aide de l’Esprit-Saint. Le Cardinal Ré hier a dressé de notre pape défunt un portrait plein de finesse. « Avec son vocabulaire caractéristique et son langage riche en images et en métaphores, il a toujours cherché à éclairer les problèmes de notre temps par la sagesse de l’Évangile, en offrant une réponse à la lumière de la foi et en encourageant à vivre en chrétiens les défis et les contradictions de ces années de changements, qu’il aimait qualifier de «changement d’époque».

L’Evangile de la Miséricorde reste le même, mais nous avons à tenter de comprendre ce qu’il nous dit aujourd’hui, ce que nous avons à changer en nous pour mieux répondre à l’appel et à l’envoi de Jésus : « M’aimes-tu ? et bien va où là je t’envoie, que ce soit dans ta famille, vers tes amis ou au loin ». Tout est dépassé après quelques années et transforme en statue de sel ceux qui restent figés dans le passé, même celui des plans pastoraux. Il ne s’agit pas que de modes vestimentaires ou liturgiques.

Le Pape François aimait les homélies brèves, selon ce qu’il nous disait.  Je ne veux donc pas allonger, ce serait peut-être une manière de vous faire lever les yeux vers le ciel.

Il nous a dit un dernier au-revoir et donné un dernier signe pour nos voyages à nous en se rendant à la basilique de Sainte Marie Majeure, auprès de Marie la Mère de Miséricorde. Nous nous confions à elle. Reine du Ciel, Réjouis-toi, le Seigneur est vraiment ressuscité. Alléluia


dimanche 20 avril 2025

Pâques!

 

20 avril 2025  Résurrection du Seigneur  — Année C 

MESSE DU JOUR DE PÂQUES

Première lecture« Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les mo...Ac 10, 34a.37-43
Psaume Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !Ps 117 (118), 1.2, 1...
Deuxième lecture« Recherchez les réalités d’en haut, là où est le Christ »Col 3, 1-4

Séquence

Évangile« Reste avec nous car le soir approche »Lc 24, 13-35

Emmaüs 

Chers amis, chers frères et sœurs,

 Ils étaient dans une situation bien étrange, ces pauvres disciples d’Emmaüs… Ils rentraient chez eux, ils étaient abattus et encore complètement bouleversés par la mort de Jésus trois jours avant. Ils rentrent chez eux en se tirant le moral en bas, ce qui est fréquent après un événement difficile. On dirait aujourd’hui qu’ils sont entrés dans le deuil de Jésus, avec la stupeur, les révoltes, le déni, la colère, le marchandage, la dépression, l’acceptation et finalement les cicatrisations. Ces phases nous avons tous à les traverser à plusieurs reprises au cours de notre vie.  Sur le chemin voilà qu’ils rencontrent Jésus. Il ne décline pas son identité. Il paraît faire ce que nous faisons pour des personnes dans cette situation. Il les interroge, les écoute. Cela aide de toutes façons. Et ils racontent : « Voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. » Il y a bien eu quelques éléments curieux : «  À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son corps ; » « elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant. » Donc s’il s’agissait de femmes qui témoignaient, elles sont sujettes à des émotions elles se troublent, etc… Il n’y avait pas de psychologues à l’époque de toutes façons… Eux  voulaient des preuves et voir Jésus. Vous connaissez l’histoire. Il faut 2 hommes au tribunal pour qu’un témoignage soit valable. Pierre et Jean ont été les deux témoins nécessaires, mais ils n’ont pas vu Jésus. Jésus a pourtant commencé à faire transmettre le message de la résurrection par des femmes.

Dans l’Ecriture nous pouvons énumérer les témoignages, d’abord celui des anges, celui des femmes, de Marie-Madeleine, le témoignage de l’Ecriture, des disciples d’Emmaüs et enfin celui de Pierre, à Jacques, à 500 témoins à la fois. Ils témoignaient que Jésus est vivant et qu’ils l’avaient vu. Ce témoignage n’a pas été celui d’érudits. Nous pouvons vivre du mystère qu’ils ont vécu par la foi, en nous basant sur leurs  témoignages. La foi nous permet d’adhérer à la personne de Jésus. L’argument que donnent les disciples d’Emmaüs devrait retenir toute notre attention. Ils n’admirent pas les résultats que produit l’algorithme performant d’une intelligence artificielle d’aujourd’hui qui nous fait croire que nous sommes ou peut nous faire passer pour intelligents et savants. Les disciples disent : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous. » Le Seigneur vient parler au cœur. Il s’adresse à nous comme ses frères et ses soeurs. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que son message de salut et la résurrection nous sont adressés en tant qu’hommes, pas de super machines bien entraînées. Il nous a donné la capacité de le rejoindre et d’être rejoints par lui, de  devenir comme les disciples d’Emmaüs des porteurs d’espérance.

Nous pourrions nous demander, mais Seigneur finalement pourquoi est-ce que tu n’es pas apparu à tout le monde ? Pourquoi est-ce que tu n’as pas réglé définitivement les choses, c’eût été plus simple. En réécoutant des passions lues et chantées, hier, j’ai été frappé par le dialogue entre Ponce Pilate et Jésus ainsi qu’avec la foule. Pilate n’avait même pas laissé son cœur écouter sa femme, une femme, une fois de plus, qui l’avait averti de ses songes à propos de Jésus. Il avait réagi lâchement… et tout avait tourné à une affaire de pouvoir politique et de peur. Nous ne voulons pas qu’il règne et nous n’avons pas d’autre roi que César. Quelque chose de plus profond se passait.

Jésus ne venait pas établir la seule théocratie possible, du seul Dieu, de l’unique, par des moyens humains. Il souhaitait venir prendre place dans les cœurs, s’y établir en respectant notre liberté, par ce grand moyen de l’amour. Souvent nous n’en voulons pas. Les disciples étaient pleins de contradictions… parfois audacieux, courageux et lâches, comme nous. Ils faisaient confiance à leurs propres forces, à leurs vues sur le fonctionnement du monde, mais ils aimaient Jésus. N’est-ce pas sur notre cœur et notre amour de Jésus que nous devrions veiller avant tout. Sans désespérer lorsque ça ne va pas. Si nous sommes dans la tristesse, Jésus vient nous rejoindre sur le chemin. Sommes-nous suffisamment attentifs pour l’écouter ? Samedi Saint était le jour sans liturgie qui est consacré à la méditation sur la descente aux enfers de Jésus. Une des mystiques « spécialistes » de cette exploration mystique est  une voisine, née à La Chaux-de-Fonds en 1902 (plus jeune que ma grand-mère maternelle). Elle a été la première femme médecin de Suisse, à Bâle. Hans Urs von Balthazar, le grand théologien l’a accompagnée. Elle a exploré ce qu’a vécu spirituellement Jésus dans cette descente, pour ensuite ressusciter…  Le message est que Jésus par sa résurrection peut toucher tous les hommes. Il nous faut accepter la main qu’il nous tend sur notre chemin, dans notre cœur, lorsque nous croyons qu’il n’y a plus rien à faire. Dans une des icônes de la résurrection, il saisit les mains d’Adam et d’Eve.

Il « récupère » son corps, il ressuscite… Le corps de Jésus, alors n’est plus dans le temps et l’espace, Il n’appartient plus qu’au domaine de Dieu et peut nous rejoindre. Il est bon de réentendre une phrase du catéchisme :  « Dans son corps ressuscité, Jésus passe de l'état de mort à une autre vie au-delà du temps et de l'espace. Le corps de Jésus est, dans la Résurrection, rempli de la puissance du Saint-Esprit ; il participe à la vie divine dans l'état de sa gloire. » La résurrection de Jésus constitue le fondement même de l'espérance chrétienne. Nous y sommes déjà entrés par notre baptême. Le pape François nous dit qu’un huitième jour est inauguré, le jour de la résurrection, le jour qui dépasse le rythme habituel marqué par l’échéance hebdomadaire, ouvrant ainsi le cycle du temps à la dimension de l’éternité, à la vie qui dure pour toujours. Tel est le but vers lequel nous tendons dans notre pèlerinage terrestre (cf. Rm 6, 22). Ce pèlerinage, nous le faisons maintenant ensemble et dans le monde bien réel d’aujourd’hui.

Nous sommes ressuscités avec le Christ.

Reine du ciel, Réjouis-toi, Celui que tu as porté en toi est  vraiment ressuscité, Alléluia.  


dimanche 13 avril 2025

Dimanche des rameaux et de la passion du Seigneur

 

 Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur (semaine II du Psautier) — Année C 13 avril 2025

Dimanche prochain  

Chers Frères et Sœurs, chers amis,

En entamant notre procession, nous avons chanté l’antiphoné des enfants : « Les enfants des hébreux portant des branches d'olivier, allèrent au devant du Seigneur en criant et en disant : Hosanna au plus haut des cieux. » Ils étendaient leurs vêtements sur le chemin… Vous sentez-vous des enfants en ce Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur ?

Quel contraste entre l’entrée de notre célébration et la lecture de la passion ! Quel mystérieux chemin avons-nous à parcourir pour accueillir pleinement le mystère du Christ. Le faisons-nous seulement dans quelques heures de popularité privilégiée où il parcourt Jérusalem, où il entre dans le Temple pour en chasser les vendeurs. Si vous avez parcouru le chapitre 19 de l’Evangile de Luc, vous aurez remarqué que Jésus pleure sur Jérusalem avant d’y entrer. Quant à nous, nous parcourons aussi un chemin étrange. Peut-être applaudissons-nous intérieurement à ce que nous avons reçu, à l’enseignement de Jésus. S’est-il transformé  en idéologie, en pure théorie ? Est-ce nous que nous applaudissons ? Notre chemin est-il son chemin ?  Où conduit-il ? S’agit-il seulement d’une dénonciation de ces vendeurs chassés du Temple ? N’est-ce pas à la Passion, au sacrifice, au don de lui-même.

Nous avons cette année le privilège de retrouver notre Bible de Moutier-Grandval. Certains d’entre nous avions pu la voir en 1981. Le temps passe très vite. En parcourant ses reproductions, je n’y ai pas retrouvé d’entrée triomphale à Jérusalem, mais certainement des aides pour notre célébration. Nous avons notamment un Christ en gloire entouré des 4 évangélistes et de 4 prophètes, mais nous notons aussi la présence de 4 arbres, je suppose 2 cèdres et 2 oliviers, voilà pour les rameaux. Sur une autre enluminure figurent toujours entre les 4 Evangélistes un lion, le lion de Juda qui reste à côté de l’autel. Il paraît presque saluer l’agneau qui y monte, l’agneau qui va s’y immoler.

Un lion ne se sacrifie pas. Il symbolise la force et la domination, c’est lui en quelque sorte que la foule acclame. Mais les deux, l’agneau et le lion sont présents dans le Christ qui donne sa vie pour nous. Il  vient donc dominer par l’amour et le don de lui-même. Son sacrifice est un acte d’amour. Quel est le plus courageux, et le plus important, l’agneau ou le lion ?

Les représentations habituelles de la victoire du Messie et de la restauration d’Israël ne cadraient pas du tout avec la mission de Jésus et son identité profonde. Qui l’avait comprise et acceptée ? Personne, je crois à l’exception de Marie à qui l’ange lui avait annoncé qu’un glaive de douleur lui transpercerait le coeur. Acceptons-nous aujourd’hui mieux que ses contemporains, le Messie qui va être crucifié ? Dieu qui meurt dans son humanité était autant incroyable et intolérable au monde judaïque qu’hellénique. Ils ne savent pas ce qu’ils font. Que de chemin parcouru dans les esprits,  les concepts et surtout les cœurs, avant de pouvoir arriver à cette formule d’un Concile (Constantinople II) « Celui qui a été crucifié dans la chair, notre Seigneur Jésus Christ, est vrai Dieu Seigneur de la gloire et un de la Sainte Trinité. »

Comment recevons-nous aujourd’hui son message non seulement dans nos esprits, mais  encore dans nos vies ? Le faisons-nous mieux que ceux qui après son entrée triomphale se moqueront de Jésus en croix? Nous interpelle-t-il aujourd’hui encore par sa souffrance silencieuse ou exprimée ? Est-ce que je le rejette ou ai-je le courage de le regarder comme un de ses compagnons  sur la croix? Est-ce que je pense arriver à trouver en lui et avec lui, une réponse et un accompagnement à ma propre situation ? Il est crucifié entre 2 brigands, n’en suis-je pas un, au moins un peu ? Il ne s’agit pas de chercher une réponse parmi d’autres qui fasse sens mais de rechercher et de trouver la réponse définitive et unique qu’il affirme pouvoir me donner. « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Jésus transforme l’arbre de la connaissance du bien et du mal, l’arbre de mort, en arbre de vie dont il est le fruit qui se donne.

Nous avons des illustrations de ce que peut provoquer la puissance ou l’illusion de puissance dans l’actualité de ces jours avec ses guerres de toutes nature. Ce qui est le plus important, n’est-ce pas l’agneau en moi avec la réponse que je  donne personnellement à « Celui qui a été crucifié dans la chair, notre Seigneur Jésus Christ, vrai Dieu Seigneur de la gloire et un de la Sainte Trinité. ». Quelle est mon espérance ? Non pas en quoi, mais « en qui » est-ce que j’ai placé mon espérance ? Suis-je important en raison de mes connaissances, de mes performances, de mon âge, de ma bonne santé, des moyens technologiques que je maîtrise ? Ils seront dépassés demain. Est-ce que j’ai plus de valeur que ceux qui m’ont précédés et de ceux qui n’ont pas accès à la bourse ? Des variations des cours font trembler, mais avons-nous un intérêt à ce qu’il y a après cette vie, à ces moins qui deviennent des plus ? On y songe un peu plus en devenant de moins en moins performant. Quelle différence aussi entre moi, une personne humaine et une intelligence artificielle ? J’ai entendu quelque part qu’elles peuvent déjà quasiment mentir et cacher leur réponse jusqu’au moment le plus opportun. Cela me rappelle Pascal et ses controverses avec les Jésuites, mais aussi un de ses questionnements : Quel est le sujet qui nous importe le plus ? C’est celui du sens intégral de notre destinée, de notre vie, et de notre espérance, tendue vers d’un bonheur qu’il n’est pas interdit de concevoir comme éternel, mais que seul Dieu peut donner.

Une intelligence non naturelle peut me donner de belle réponses avec ce que dit le pape François par exemple : « Avec le Christ, aucune nuit n’est définitive, aucune chute n’est irréversible. La Croix est l’échelle vers la lumière. » C’est très beau et très juste, mais ce n’est pas un moyen technique qui monte vers la lumière, mais bien moi qui y suis appelé ; moi qui suis appelé à voir Dieu et à ressusciter, parce que je suis un homme et que Jésus est Dieu et homme, parce que j’ai un cœur et une âme, comme mon voisin et tous ceux que j’ai plus de difficultés à aimer. Quelles sont les pensées qui me viennent lorsque je vois les victimes de la guerre et tous ces employés en Asie, entassés dans des usines cousant et à travaillant pour nous? Notre espérance n’est pas qu’une consolation temporaire, elle doit nous aider à communiquer un peu de la lumière du Christ autour de nous. Elle doit nous aider à regarder chacun comme une personne à laquelle il s’adresse et que je verrai dans la lumière.

« Celui qui meurt avec le Christ, ressuscitera avec le Christ. Et la croix est la porte de la résurrection. Celui qui lutte avec Lui, triomphera avec Lui. C’est le message d’espérance que contient la croix de Jésus, exhortant à la force dans notre existence. » Être disciple du Christ, c’est être messager de l’espérance.

Amen !



dimanche 6 avril 2025

La femme adultère




6 avril 2025  5ème Dimanche de Carême — Année C

Première lecture« Voici que je fais une chose nouvelle, je vais désaltérer mon peuple ...Is 43, 16-21

PsaumeQuelles merveilles le Seigneur fit pour nous :

nous étions en grande fête !Ps 125 (126), 1-2ab,...

Deuxième lecture« À cause du Christ, j’ai tout perdu, en devenant semblable à lui dans...Ph 3, 8-14

Évangile« Celui d’entre-vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à jeter...Jn 8, 1-11


Chers Frères et Sœurs, chers amis,

Nous avons droit ce matin à un Evangile qui d’une certaine manière embête les prédicateurs de service. L’abbé Bernard est allé faire une retraite au bon moment.

L’image de cette pauvre femme au milieu de cette meute masculine ou aucune autre femme n’est mentionnée est plus que dérangeante. Mon cher et regretté confrère le Père Robert Martin, placide vaudois (comme presque tous les vaudois), que certains de vous ont connu comme gardien  ici, avait une expression pour dire que la limite était dépassée : « A la fin, ça énerve ! ». Ce sont des scribes et pharisiens, des maîtres de la loi, des juges qui viennent avec elle, non seulement pour la condamner, mais pour prendre Jésus au piège. Du mari trompé aucune mention, ni du lapin qui avait du courir très vite.

Un avocat aurait peut-être commencé par plaider sa cause en demandant : mais où est l’autre participant ? Le Lévitique dit que  l'homme et la femme adultères seront punis de mort (20 :10).

Dans les questions diverses il pourrait aussi se poser des questions sur la nature du mariage judaïque… L’intelligence artificielle étant à la mode j’ai demandé à une américaine ce qu’il en était de la polygamie dans le judaïsme et j’ai été un peu surpris de lire qu’elle avait été prohibée seulement  au 10e siècle environ, par un rabbin d’Europe centrale. Il existerait encore quelques communautés pratiquant la polygamie en Afrique du Nord et au Yémen. Et puis que de mansuétude pour David et Bethsabée la femme d’Urie mère de Salomon et « ancêtre » du Christ. Quand on est riche et puissant, on peut tout se permettre. Et puis est-ce qu’elle n’est peut-être pas une cousine de Suzanne tombée dans le traquenard de tristes vieillards. Passons. Nous ne sommes pas trop naïfs sur ce type de problématiques et sur l’évolution des statistiques contemporaines. Il y a d’innombrables documents, de sociologie, de droit, de psychologie, de décisions sur ce sujet. Mais que de souffrances, de déchirures, de blessures, de tristesse, et aussi de larmes d’enfants et de dysfonctionnement ils masquent.

Cette femme n’a pas d’avocat, sinon Jésus. On le sait miséricordieux et le piège est visible. Il ne se lance pas dans une argumentation, il se met à écrire sur le sable. Qu’a-t-il pu écrire ? En posant la question à un autre logiciel, le petit chinois communiste (très performant) m’a dit (dans un français parfait) que ce peut être :  1. **Un geste symbolique** 2. **Les péchés des accusateurs** 3. **Une référence à Jérémie 17:13**   4. **Un acte juridique** , une sentence. 5. **Une simple pause**. Jésus dit simplement : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » . Jésus ne vient pas jeter de pierres, lui qui est sans péché.  

La réaction de ceux qui sont présents est étrange. J’avais lu quelque part qu’il aurait fait percevoir à chacune des personnes présentes ses propres fautes en éclairant leurs conscience. Ce sera certainement ce qui adviendra pour nous lorsque nous le rencontrerons. Nous serons obligés de lâcher nos reproches, nos rancunes, notre justice de comptables pour nous retrouver avec Jésus seul et lui dire un oui pour toujours et définitif ! Mon petit chinois communiste a conclu : Cette scène illustre la pédagogie divine : Jésus ne nie pas le péché, mais transforme une condamnation mortelle en une occasion de repentance.

Jésus apporte la guérison par son pardon. « Va, désormais, ne pèche plus… » C’est assez mystérieux. Il n’appelle ni le mari, ni le fuyard, il ne condamne pas, il rétablit cette femme dans la communion.  Il n’est guère besoin de trop creuser le sujet pour nous rendre compte qu’elle représente Israël dans l’Ecriture, Israël qui court après d’autres dieux. Nous nous rappelons le prophète Osée. L’humanité qui a rompu son Alliance avec le Seigneur au commencement est appelée à revenir vers lui.

Il vient rechercher son Peuple, nous rechercher  et faire toutes choses nouvelles. « Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Ce peuple que je me suis façonné redira ma louange. » Il vient guérir. Cette guérison doit commencer maintenant, notre marche dans le désert pour guérir et le retrouver pleinement doit commencer maintenant. Il ne s’agit pas de la repousser aux calendes grecques, c’est-à-dire jamais, ou de faire de la procrastination, domani, domani. Ce serait en quelques sortes nous moquer de nous-mêmes et de celui qui veut marcher avec nous et qui nous attend. Saint Augustin nous dit que le psaume 125 que nous avons entendus appartient à des psaumes intitulés cantiques des degrés. C’est le chant de ceux qui s’élèvent; et où s’élèvent-ils, sinon vers cette Jérusalem du ciel qui est notre mère à tous? Comme elle est du ciel, elle est éternelle. L’éternité, je crois que nous y aspirons tous en nous interrogeant sur ce qu’elle sera.

Peut-on être insensible à ce qui habitait Saint Paul : À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ,     et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ.  Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection.

Le plus grand mal est celui de vivre une séparation d’avec le Christ pour Saint Paul. Nous nous devons bien évidemment aujourd’hui d’être attentifs à ceux qui sont malades et vivent ce mystère du Christ souffrant et à ceux qui les soignent.

Dans sa bulle d’indiction, le pape, malade  lui-même, nous a dit que : Des signes d’espérance devront être offerts aux malades, qu’ils soient à la maison ou à l’hôpital. Leurs souffrances doivent pouvoir trouver un soulagement dans la proximité de personnes qui les visitent et dans l’affection qu’ils reçoivent. Les œuvres de miséricorde sont aussi des œuvres d’espérance qui réveillent dans les cœurs des sentiments de gratitude. Et que la gratitude atteigne tous les professionnels de la santé qui, dans des conditions souvent difficiles, exercent leur mission avec un soin attentif pour les personnes malades et les plus fragiles.

Nous pouvons conclure avec le début de sa prière pour le Jubilé.

Père, toi qui es aux cieux,  la foi que tu nous as donnée en  ton fils Jésus-Christ, notre frère,  flamme de charité  répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint, éveille en nous la bienheureuse espérance pour l’avènement de ton royaume. Amen


dimanche 23 mars 2025

Le Buisson Ardent

 


23 mars 2025  3ème Dimanche de Carême (semaine III du Psautier) — Année C

Lectures de la messe 

Première lecture« Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis »Ex 3, 1-8a.10.13-15
Psaume Le Seigneur est tendresse et pitié.Ps 102 (103), 1-2, 3...
Deuxième lecture La vie de Moïse avec le peuple au désert, l’Écriture l’a racontée pour...1 Co 10, 1-6.10-12
Évangile« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même »Lc 13, 1-9

Chers frères et sœurs,

Curieuses lectures de ce 3ème dimanche de Carême. Les fleurs commencent à sortir, les forsythia n’attendent pas le jour de Pâques. Vendredi, c’était le 1er jour du printemps, fête de la naissance au ciel de saint Benoît. Pour les funérailles de la maman d’un confrère, des fleurs d’un arbre fruitier avaient commencé de s’exprimer. Le Seigneur recherche des fruits hors saison sur un figuier. Cet arbre est mentionné dans l’Ecriture de la Genèse à l’Apocalypse. Le figuier n’avait pas voulu renoncer à la douceur de son fruit pour être roi, dans le livre des juges. Dans l’Apocalypse  il est mentionné lorsque tombent les étoiles du ciel à la fin des temps : « les étoiles du ciel tombèrent sur la terre comme lorsqu’un figuier secoué par grand vent jette ses fruits. » Dans Saint Matthieu Jésus en maudit un qui se dessèche, après son entrée triomphale à Jérusalem. Saint Luc le reprendra encore une fois comme signe de la venue du Royaume avant la passion, mais lorsqu’il fleurit.

Nous avons là un élément qui peut nous rendre attentif à l’urgence de nous tourner vers le Seigneur. L’Evangile en propose 2 autres, avec cette tour de Siloé qui s’écroule et tue 12 personnes. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui un fait divers. Nous avons en mémoire les Twins de New-York en plus des films catastrophes. Nos médias nous présentent régulièrement des avions qui tombent, des trains qui déraillent, des éruptions et des inondations. Le massacre de ces Galiléens par Pilate est du même ordre. Personne n’est aujourd’hui à l’abri de tristes nouvelles semblables. Que conclut Jésus : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. ».

Y a-t-il un rapport de cause à  effet entre ces morts et un manque de conversion ? Oserions-nous aller jusqu’à dire qu’une conversion préserve de manière absolue d’une fin de vie difficile, d’un accident ou de la maladie et de la douleur ? Chacun répondra par la négative après une expérience de vie plus ou moins longue. Les questions qui nous viennent à l’esprit dans ce type de situations ont trait à la dureté de notre condition.

Lorsque le Seigneur avance vers le Golgotha. Le Père lui fait emprunter un très rude chemin. Quant à nous, il paraît donner parfois beaucoup de permissions pour que les choses aillent mal, au point de nous faire crier grâce. Qui oserait dire que cela ne lui est jamais arrivé ? Une réaction contre un mal est inscrite dans notre nature. Pourquoi s’en étonner ? J’ai lu quelque part que même les bébés sont dotés par la nature de quoi donner une alerte sonore extrêmement puissante. Le larynx et les cordes vocales évoluent ensuite. Ils sont pour ainsi dire programmés pour crier et donner l’alarme. Merci aux parents pour leur patience. Les situations d’inconforts majeurs nous accompagnent jusqu’au bout. Pourquoi s’étonner de nos réactions ?

Jésus a voulu de toutes ses forces accomplir cette mission qui lui a permis d’aller jusqu’au don total que lui-même. Même avec de la confiance, pareil saut vers l’inconnu ne peut que nous émouvoir et nous impressionner. Mais il est vrai que le Seigneur vient à notre aide. Le vigneron de l’Evangile en témoigne : « Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour et que j’y mette de l’engrais. »  La compassion du Seigneur pour nous est bien là, il vient à notre aide. Il veut nous conduire à un épanouissement spirituel qui nous rende semblable à lui et capables de voir son Père. La compassion dont témoigne Jésus à notre égard, éclaire l’être même de Dieu, explique Michel Fédou dans son dernier livre sur le sujet. Elle se fait sollicitude, bienfaisante, aide à la guérison. Jésus a été pris de compassion pour les foules qui venaient à lui, comme des brebis sans berger. Il l’a été devant la veuve de Naïm et Lazare. Il ne s’agit pas simplement d’empathie, de partage d’émotion, mais de discernement et d’action. Un discours sur la compassion ne remplace pas une aide effective. Ce qui paraît être le plus insupportable au Seigneur est la fermeture du cœur à la Bonne Nouvelle de la venue du règne de Dieu qui conduit à la résurrection. Ce qui bouleverse le plus Jésus, est la dureté du cœur.  Pourtant, « Lui qui est de condition divine, n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est dépouillé prenant la condition de serviteur. » En plus d’apporter une aide effective, d’apporter du soulagement, une autre question qui vient à l’esprit est celle du sens. Sommes-nous désireux et soucieux de proposer à ceux qui nous entourent un sens à leur vie ? Non pas un sens parmi d’autres, il ne s’agit pas d’offre dans un supermarché ou comme ces pubs sur internet qui obscurcissent l’information demandée. Vous connaissez cela : J’ai besoin d’une information sur un sujet, alors panneau cookie, pub pour une combine, puis 3 autres et vous ne savez plus comment vous en dépêtrer. Notre informateur, c’est le Seigneur, notre information, c’est l’Evangile et la vie selon l’Evangile pour montrer le Royaume. Où en est notre recherche de la simplicité de Dieu ? Parvenons-nous à garder le silence dans notre cœur pour l’écouter ? Notre vie a un sens. Nous nous trouvons  à la fin des temps, nous a dit saint Paul mais il ne s’agit pas de catastrophe apocalyptique. Comment désirer ce qui est bien sinon en nous simplifiant ? Saint Paul  nous a parlé de baptême, de nourriture spirituelle, de boisson spirituelle, de vie avec et dans le Christ, notre rocher. Nous ne pouvons pas nous appuyer sur notre seule force dans notre marche au désert, mais sur celui qui est au-dedans de nous. Moïse s’était laissé piquer par la curiosité dans l’épisode du buisson ardent. Le Seigneur l’a interpellé pour l’envoyer libérer son peuple. Il lui a donné son nom ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis’. Et nous avons-nous entendu la voix de celui qui nous envoie porter l’espérance et annoncer la Bonne Nouvelle ? Avons-nous entendu la voix de  Dieu en nous et un nom ? Jésus, dont le nom signifie « Dieu sauve ».  C’est Dieu qui sauve qui m’envoie. Dans la catéchèse préparée pour les pèlerins mercredi dernier à Rome figuraient cet appel en conclusion : les Israélites avaient peur lorsqu'ils marchaient dans le désert. Ces peurs ont pris la forme de serpents venimeux (cf. Nombres 21, 4-9). Pour être libérés, ils devaient regarder le serpent de bronze que Moïse avait placé sur un mât, c'est-à-dire qu'ils devaient lever les yeux et se tenir devant l'objet qui représentait leurs peurs. Ce n'est qu'en regardant en face ce qui nous fait peur que nous pouvons commencer à être libérés.

Une question induite, sommes-nous capables de regarder le Christ en croix pour y trouver un encouragement, une communion dans la compassion mutuelle ? En avons-nous le courage, avons-nous surtout la présence d’esprit, le réflexe et l’audace de le demander ? Jésus en croix est aussi un buisson ardent. Lumière et obscurité en même temps. La couronne d'épine est un buisson ardent.

Il existe  une icône du Buisson ardent qui n’est pas de ce type. Elle nous parle certainement. Une étoile à huit branches le symbolise. En son centre sont représentés la Vierge et l’enfant avec, des anges, les évangélistes, Moïse et Elie. Ils nous envoient porter cette Bonne Nouvelle pour libérer nos frères. Amen.


dimanche 16 mars 2025

Transfiguration en Carême?

 

Atelier Saint André

16 mars 2025  2ème Dimanche de Carême (semaine II du Psautier) — Année C

Lectures de la messe

Première lecture Le Seigneur conclut une alliance avec Abraham, le croyant Gn 15, 5-12.17-18

Psaume Le Seigneur est ma lumière et mon salut.Ps 26 (27), 1, 7-8,...

Deuxième lecture« Le Christ transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glor...Ph 3, 20 – 4, 1 

Évangile« Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre »Lc 9, 28b-36

Chers frères et sœurs, chers amis,

Nous ne pouvons qu’apprécier, cet Evangile de la Transfiguration. Nous étions partis avec Jésus au désert la semaine passée. Dans un premier temps il a eu faim et nous a rappelé que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Saint Luc  utilise, au début de cette péricope, deux mots qui accrochent les intéressés. Ils ne sont pas mentionnés par le découpage qui nous est proposé par la liturgie. Notre texte commence simplement par « en ce temps là ». Quels sont-ils ?   egeneto , il arriva, cela fut ainsi, et emerai octo, huit jours . Quelle importance ? Certains relèvent que le premier mot est très présent dans le 1er chapitre de la genèse (LXX), 20 fois. Le second permet aussi un rapprochement avec la création mais va plus loin… avec un 8ème jour (huit jours après avoir prononcé ces paroles). Il est celui de la résurrection et de la vie éternelle, la re-création ; Dieu fait toutes choses nouvelles et pourrions-nous conclure, il en fut ainsi .

Ce fameux 8ème jour va bientôt advenir. Jésus va s’entretenir avec Moïse et Elie sur une nouvelle montagne après le mont de la tentation et le pinacle du temple. Le premier était le lieu d’une tentation d’un pouvoir sur l’homme et le second une main mise sur Dieu en le tentant. Quel thème que celui de l’accomplissement de l’Ecriture et de la Révélation sur ce mont de la Transfiguration ! Jésus a 3 témoins principaux de son ministère : Pierre, Jacques et Jean. Il s’entretient avec Moïse et Elie sur la passion et la résurrection. Il ne s’agit pas de la perspective d’une domination mais de la manifestation de son amour du Père. Il s’agit d’amour absolu et non de domination.

Qu’est-ce que la Transfiguration, sinon pour nous une invitation à aimer comme Jésus. Il s’agit de nous laisser illuminer par cette lumière présente sur la montagne et dans les Ecritures. On aime beaucoup rappeler à l’occasion de cette lecture que la première icône qu’écrivent traditionnellement les nouveaux iconographes est celle de la Transfiguration pour que cette lumière illumine tous leurs futurs travaux.

A quoi cela sert-il ? Vous me pardonnerez un contraste provocateur. Il ne s’agit pas  d’une opération de bronzage à Delémont plage ou au bord de la Méditerranée ou même du Léman… En attendant tranquillement, sans souci… Un des seuls souvenirs de poésie retenu pendant que j’étais à l’école des missions au Bouveret, était quelques vers du lac de Lamartine : « Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours ! » Il y a une vérité, ces plus beaux jours-là n’ont pas été éternels…

La Transfiguration de Jésus est une indication pour nous que quelque chose d’extrêmement important va se réaliser, la conclusion d’une nouvelle Alliance, une alliance définitive avec Dieu. La première lecture nous a remémoré celle conclue avec Abraham. La présence de Moïse à la transfiguration, dans l’Evangile, vient nous remettre en mémoire le Sinaï et la traversée du désert. Elie symbolise aussi la difficulté de la lutte pour rester fidèle à l’Allliance.

Le spectacle est tellement beau et grandiose que les Apôtres sont éblouis, ils veulent installer trois tentes et demeurer toujours là… Ce moment ne pouvait qu’être génial et nous faire dire : vraiment ô temps suspends ton vol ! Déjà la vision de Dieu, le flash éternel… Si seulement !

Le cher Maurice Zundel nous dit qu’il n’y a pas de doute que le Christ était ce qu’il apparaissait sur la montagne de la Transfiguration (Mt 17, 1-8). Mais il ajoute que les yeux des apôtres, comme  ceux des disciples d’Emmaüs, ne pouvaient pas percevoir ce rayonnement, habituellement, parce qu’il n’y avait pas en eux assez de transparence, assez de pureté, assez d’amour, assez de générosité pour entrer dans ce domaine de la pure lumière et de l’éternel amour.

C’est une manière de voir et d’interpréter pour nous inviter à aller plus loin, au-delà du visible et demander au Seigneur de nous ouvrir les yeux. Est-ce simple ? L’exercice est bien difficile, on n’y parvient qu’en devenant pauvre soi-même, en se dépouillant par l’amour, en se donnant, comme le Seigneur. Mais quelle opération… Il est plus simple de se faire opérer d’une cataracte que de voir avec les yeux de Dieu.

Si la grâce nous a été obtenue par le Seigneur, comment ne pas tenir compte de la supplication de Saint Paul : « Ainsi, mes frères bien-aimés pour qui j’ai tant d’affection, vous, ma joie et ma couronne, tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés. »

Nous avons eu droit à une excellente conférence nous donnant des pistes sur l’intelligence artificielle mercredi soir au centre paroissial « l’Avenir » qui mérite bien son nom. Une intelligence qui fonctionne toute seule, est-ce Delémont plage pour toute la vie ? Plus besoin de travailler, des solutions qui sont données automatiquement, de petits robots qui  font nos commissions, réfléchissent pour nous règlent les températures, voilà qui est intéressant. Avec des points d’interrogation. Suffirait-il d’attendre tranquillement que « le Seigneur Jésus Christ, transforme nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux ? » C’est un vieux rêve qui habitait déjà certains des premiers chrétiens. Certes nous sommes ressuscités avec le Christ par notre baptême, « vous avez été ressuscités avec Christ ». Mais voilà… Il faut aimer comme lui, comme lui aime le Père.

En cette année consacrée à l’espérance, nous pourrions méditer sur les paroles de saint Paul qui encourageait ses Thessaloniciens. Il était capable de voir l’action de l’Esprit en eux , d’un vrai regard surnaturel, divin, et non artificiel. « Qui est notre espérance ? Qui est notre joie et la couronne dont nous serons fiers devant notre Seigneur Jésus lors de sa venue ? N’est-ce pas vous ? Oui, c’est vous qui êtes notre gloire et notre joie. »

Que dans les moments de difficultés, Marie, la Mère que Jésus nous a offerte à tous, puisse toujours soutenir nos pas, puisse toujours dire à notre cœur: «Lève-toi! Regarde de l’avant, regarde l’horizon», parce qu’Elle est Mère de l’espérance. Amen


dimanche 23 février 2025

Aimer ? Mission impossible...

 


23 février 2025 7ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine III du Psautier) — Année C

Lectures de la messe

Première lecture« Le Seigneur t’avait livré entre mes mains, mais je n’ai pas voulu p...1 S 26, 2.7-9.12-13....
Psaume Le Seigneur est tendresse et pitié.Ps 102 (103), 1-2, 3...
Deuxième lecture« De même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile...1 Co 15, 45-49
Évangile« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux »


« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. » « Je vous donne un commandement nouveau », dit le Seigneur : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. »

Frères et Sœurs,

Nous avons compris le sens global des lectures d’aujourd’hui et du psaume. Le Seigneur nous demande de devenir comme lui et de vivre comme lui. Mais quelle transformation…, quelle désappropriation, quel échange et quel accueil avec ce moyen qu’est l’amour qui est au cœur de la vie trinitaire.

David épargnant Saül avait de quoi surprendre à l’époque, mais sommes-nous bien différents aujourd’hui ? L’auteur du livre de Samuel met en avant le respect par David de l’onction que Saül avait reçue. Une des questions induites est celle-ci, sommes-nous conscients, d’avoir tous reçu l’onction par les sacrements d’initiation et d’en recevoir aussi une, par exemple lors de l’onction des malades. L’Esprit-Saint pénètre dans la personne à l’image de l’huile et avec l’imposition des mains.

Le Seigneur lui-même s’intéresse à nous, qui sommes blessés et veut nous conduire à la résurrection : Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits ! Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse.

Saint Paul nous présente cette action du Christ qui va nous conduire à la résurrection.  « De même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, Adam, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel, le Christ. »

Dans l’Evangile le Seigneur nous demande des réactions surhumaines à des injustices inacceptables. « Aimez vos ennemis » « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. » Le plus impressionnant est qu’il ne s’agit pas seulement d’une suggestion polie, mais d’un commandement.

Etant gosse, il y avait une série télé au titre accrocheur de « mission impossible », il a eu plusieurs renaissances. Mais c’était tellement impossible, que ça devenait lassant et qu’on allait s’occuper à autre chose, n’importe quoi. Ce que nous demande le Seigneur paraît parfois encore plus qu’impossible. En certaines situations, le mur de l’impossible paraît si élevé et fait tellement d’ombre qu’on ne voit plus le soleil.

Alors, suivre Jésus est-ce vraiment mission impossible ? J’ai été bien emprunté hier en relisant ces textes, tant on n’a pas envie de passer par là et parfois de transmettre le message… Vous pouvez énumérer en vous-mêmes certaines situations, certaines révoltes, de ces rognes qui durent éternellement et renaissent sans fin. Nous pouvons bien égrener les vertus théologales et cardinales,  ça ne suffit pas. Nous avons besoin de quelqu’un pour nous aider, et il nous faut aller le chercher au fond de notre cœur pour que nous prenne par la main celui qui nous a touché par son onction. Le pape François nous offre de belles méditations sur l’espérance en cette année sainte, une des vertus théologales justement. Il nous donne l’impression de nous laisser un peu seul avec sa maladie. Mais pourquoi ne pas essayer à  cette occasion de nous rappeler que le Seigneur lui-même est bien au-dedans de nous.

Des recettes simples, devant les obstacles nous doutons qu’il y en ait et nous songeons plutôt à refermer la main et à nous protéger. Le Seigneur n’a pas manifesté une humeur toujours égale, il a eu des émotions. Il s’est fâché devant les réactions de ses apôtres ; au jardin des oliviers, il a demandé que la coupe s’éloigne de lui et il a fait des reproches à ses accusateurs.

La vie spirituelle a quelque chose d’analogue à une mission impossible, mais nous avons reçu l’Esprit-Saint. Nous sommes faits d’argile, mais par l’Esprit nous pouvons être transformés à l’image de celui qui vient du ciel, nous a dit Saint Paul.

Je dois tout de même aller nous chercher un bon auteur pour venir à notre secours. A ceux qui sont venus cette semaine, j’ai déjà mentionné une fois Maurice Zundel dont Marc Donzé vient de publier le 8ème volume des œuvres compètes : La joie d’exister. Il nous y dit notamment, qu’il nous est impossible de subsister sans emprunter au monde les énergies qui entretiennent notre vie. Nous ne pouvons y vivre sans prendre de risques et faire des découvertes. Il suffit de voir des tout petits en prendre pour découvrir et s’approprier le monde et même le construire. Alors pourquoi nous-mêmes ne pas essayer de partir à la découverte de notre monde intérieur ou peut-être dans notre monde intérieur, de celui qui y est déjà présent. Il faut beaucoup lâcher pour avancer et souvent être lâché par nos appuis pour découvrir celui qui nous attend. Nous sommes appelés à une désappropriation. Nous sommes appelés à découvrir un Dieu unique mais non solitaire, un Dieu qui est charité, amour au niveau de sa vie propre. Une communion d’amour est le secret de sa sainteté. C’est une désappropriation radicale qui est au cœur de la vie divine. Elle justifie toutes les prises de risques, y compris lorsque nous y sommes forcés, obligés de sortir de notre zone de confort ou en être jeté dehors par les circonstances de la vie. Jésus vient nous guérir de notre moi, fermé sur soi et faire éclore le moi qui se donne, le moi oblatif.

C’est ainsi que nous sommes invités à la table de ce festin.

Au collège, quelques camarades bon chanteurs avaient montés une composition cruelle de leur cru où ils  nous passaient presque tous en revue… avec un verset piquant ou un refrain : « combien difficile est son amour » (éternel est son amour...). Je ne sais pas si les malheureuses victimes ont pu se dépasser et rectifier la position. Mais le tout autre vient bien nous prendre par la main.

Nous avons une Mère au ciel, qui est la Sainte Mère de Dieu, dit le Pape François. Afin qu’elle nous enseigne la vertu de l’attente, même quand tout apparaît privé de sens: elle semble confiante dans le mystère de Dieu, même quand il semble s’éclipser à cause du mal du monde. Que dans les moments de difficultés, Marie, la Mère que Jésus nous a offerte à tous, puisse toujours soutenir nos pas, puisse toujours dire à notre cœur: «Lève-toi! Regarde de l’avant, regarde l’horizon», parce qu’Elle est Mère de l’espérance. Amen.