Rechercher dans ce blog

mardi 3 mai 2022

Dans la Maison de Nicolas de Flüe

Oeuvre de Philipp Schönborn inaugurée au Ranft
dans la maison natale de Nicolas de Flüe, le 1er mai 2022

Chers Frères et Sœurs,

Cet épisode de la pêche miraculeuse est bien curieusement placé chez saint Jean. Il se déroule en Galilée, au bord de la mer de Tibériade, alors que les autres ont lieu à Jérusalem. Il est pourtant appelé troisième manifestation. Il parle aux lacustres actuels de Sarnen, du lac des 4 cantons, en passant par Bienne et Neuchâtel, jusqu’au plus beau, le Léman. Notre pays est un pays de lac, ce qui dispense de les citer tous, mais nous permet de nous représenter facilement la scène. Ce n’est pas la symbolique qui manque chez saint Jean, mais il faut nous limiter. On sent une construction une sorte de raccommodage de pièces dans le texte, mais il est mieux de laisser cela aux spécialistes. Les disciples partent pêcher, ils se remettent à leur besogne quotidienne, peut-être pour se mettre à l’abri, attendre et gagner leur vie. Cela nous pouvons d’introduire le thème du travail en ce dimanche qui est également la fête de saint Joseph artisan et travailleur. Nous devons être liturgiquement diplomates en ce 3ème dimanche de la résurrection et ce pèlerinage chez Nicolas de Flüe.  Imaginons-nous que les Apôtres attendent l’Ascension et la venue de l’Esprit. Lorsque Pierre leur fait jeter les filets, les pauvres ne prennent rien. Il est nécessaire qu’intervienne Jésus pour qu’ils réussissent à prendre quelque chose, et que la pêche soit abondante.

Pierre et les autres entendent mais il ne comprend pas qui les interpelle. Il faut que le disciple que Jésus aimait particulièrement révèle son identité à Pierre pour qu’il le reconnaisse et se jette à l’eau. Nous comprenons qu’il s’agit là d’une clef fondamentale de lecture, celle de l’amour.

Cette pêche est un signe qui préfigure la pêche gigantesque que décrit l’Apocalypse, avec ses myriades de myriades. Il y a de quoi faire se pâmer d’admirations les petits enfants qui apprennent à compter. Nous les verrions presque appuyer quelques minutes sur un chiffre de leur ordinateur pour expliquer à leur maman combien ils veulent de bonbons ou autres. Quel émerveillement devant pareils chiffres. L’émerveillement est un thème cher au Pape François. C’était celui des foules à la multiplication des pains. Ils en voulaient encore, et encore… Dans notre Évangile, nous trouvons trois mots dans le grec pour exprimer le mot poisson. L’un d’eux est utilisé pour traduire qu’il est pris comme nourriture avec du pain. Nous comprenons qu’il y a un rapprochement avec l’Eucharistie.  C’est avec l’amour que va l’Eucharistie. Le Seigneur veut avant tout nous proposer la vie éternelle. La clef en est l’amour, comme pour des amoureux capables de tout lâcher pour se retrouver. Il est vrai que parfois la machine à calculer reprend le dessus. Un amour cela s’entretient. La vie trinitaire est amour, et elle nous invite à le partager.

Jésus ne va pas dire à ses Apôtres de rester au bord du lac, ils vont être envoyés au loin, pour pêcher avec Pierre. L’Évangile nous montre qu’il aura un rôle privilégié, et même un rôle clef, si vous me permettez. La première lecture a témoigné que la rencontre avec Jésus ressuscité et la venue de l’Esprit le transforme au point de devenir un vrai témoin. Une source a commencé de couler en lui.

Celle qui coule dans le cœur de frère  Nicolas nous montre qu’il n’y a pas besoin de courir le vaste monde. Nous avons chacun notre mission. Il a laissé le lac près de chez lui pour entrer dans le palais où coule la fontaine de vie à côté de laquelle passe beaucoup de monde sans la voir et s’y arrêter. Frère Nicolas est devenu juste, il a été justifié parce qu’il a écouté l’appel du Seigneur dans le fond de son cœur, comme Jean. Qui pourrait mettre en doute son travail. Il est parti alors qu’il était déjà considéré comme un vieillard. La vie d’un paysan de montagne n’est pas une sinécure, aujourd’hui encore. Le mois qui vient de s’écouler a peut-être fait naître quelques questionnements chez nous, sur des sujets que nous considérions comme basiques, en raison de la guerre.

Le choix de Nicolas, sa vocation, son oui, si rare sous cette forme, s’est-il fait tout seul ? En relisant quelques pages d’un ouvrage hélas un peu ancien, celui de Philippe Baud : Nicolas de Flüe, un silence qui fonde la Suisse, j’ai été arrêté par une citation d’Alexandre Soljenitsyne tout au début. Comme vous, cette guerre en Ukraine m’interpelle et me rappelle la guerre plus que froide. Le livre avait été écrit dans le contexte du dégel (merci saint Jean-Paul II). Voici cette citation : « ce Juste sans lequel ne subsiste aucun village. Ni  aucune ville.  Ni notre Terre entière. » Le grand écrivain et témoin aurait-il écrit quelque chose sur notre ermite ? Ces mots s’appliquent bien à Nicolas de Flüe, mais il s’agit d’une citation partielle d’une phrase tirée de son petit livre « Matriona ». Il parle d’une pauvre paysanne : « Nous vivions tous à côté d’elle, sans comprendre qu’elle était ce Juste du proverbe, ce Juste sans lequel ne subsiste aucun village. Elle était le Juste, sans qui il n’est village qui tienne. Ni ville. Ni la terre entière.» 

Un commentateur sur un blog (Médiapart) dit qu’il ne trouve pas ce proverbe. » Ce doit être en fait le juste du livre des Proverbes. La référence à la citation originale complète, nous fait penser bien entendu à Dorothée. Ils avaient reçus tous les deux une part de l’Esprit pour mener à bien leur mission personnelle et sans son épouse, notre Nicolas n’aurait pu accomplir la sienne. Etre juste et justifié, c’est suivre le Seigneur. « M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive. » (Jn 7,38)

Fêtant cette année le 75ème anniversaire de la canonisation de Nicolas de Flüe par le pape Pie XII, je suis parti en exploration de ce côté, mais rassurez-vous je ne vous ferai pas remonter le courant. Ces temps sont éloignés, mais Pie XII avait été impressionné par la protection dont avait bénéficié notre pays. Cela légitime un regain d’attention et de recours à saint Nicolas de Flüe lorsque des bruits, des images et des mots détestables dont celui d’atome nous atteignent. Ces gens qui doivent fuir leur pays ne peuvent que nous interpeller… Du travail, oui, la paix mille fois oui aussi. Pie XII n’a pas une cote extraordinaire, mais il y avait aussi des prémices parus en même temps que la canonisation de  frère Nicolas, une encyclique qui annonçait un renouveau liturgique : « il n'est pas sage ni louable de tout ramener en toute manière à l'Antiquité. » Il avait aussi encouragé par un autre écrit l'apostolat des laïcs dans le monde. Tout cela est bien loin, mais puissions-nous apprécier avec frère Nicolas les dons reçus et les valoriser. Il a vécu au Moyen-Âge mais son esprit n’est pas prisonnier du temps. Conclusion de son homélie : « Fasse le Seigneur que tous les hommes, sans distinction de classes, se tournent avec vénération vers saint Nicolas de Flue et apprennent de lui à se servir des biens passagers de cette terre, qui trop souvent entravent et retardent l’élan de l'âme, comme d’une voie qui les mène vers les joies du ciel qui ne connaîtront point de déclin ! » C’est ce que dit sa célèbre prière : « Mon Seigneur et mon Dieu, enlevez-moi tout ce qui ni empêche d'aller à vous. Donnez-moi tout ce qui me conduira jusqu’à vous. Prenez- moi à moi et donnez-moi pleinement à vous. » Amen

Philippe et la Divine Miséricorde


Nous fêtons ce matin les apôtres Jacques et Philippe et nous entendons le fameux dialogue entre Philippe et le Seigneur : "Montre-nous le Père et cela nous suffit". Tout au long de son encyclique Dives in Misericordia, saint Jean Paul II nous expliquait que "dans le Christ et par le Christ, Dieu devient visible dans sa miséricorde, c'est-à-dire qu'est mis en relief l'attribut de la divinité que l'Ancien Testament, à travers différents termes et concepts, avait déjà défini comme la «miséricorde»." Il cite le nom de Philippe trois fois.
Sa tombe se trouverait en Turquie, nous en avons déjà parlé.
Selon la tradition, Philippe mourut en l'an 80 après JC, âgé d’environ 85 ans , martyr pour sa foi, crucifié la tête en bas comme Saint-Pierre. Il a ensuite été enterré à Hiérapolis. Dans la nécropole antique de cette ville a été trouvée une inscription qui mentionne une église dédiée à Saint-Philippe, tandis qu’à une date non précisée, le corps de Philippe a été emporté à Constantinople pour le soustraire au danger de profanation par les barbares. Et au sixième siècle, sous le pape Pélage I, il a été transféré à Rome et enterré avec l'apôtre Jacques, dans une église construite spécialement pour eux (maintenant appelé l'église «des saints apôtres» ). Voir Zénit (italien). Sur les reliques présentes à Rome : Article de Trente Jours.
Une curiosité : Dans la basilique des Saints Apôtres, on trouve le coeur de Clémentine Sobieska, illustre dame polonaise, bien sûr, qui épousa   Jacques Stuart (leur sépulture est dans la basilique Saint Pierre de Rome).  
 

Une religieuse de l'Assomption nous offre une synthèse récente sur la découverte du professeur Francesco d'Andria de ce qui paraît être la tombe de l'Apôtre Philippe. Un sceau comportant une reproduction de la basilique et du martyrium constitue un indice très intéressant.

 

dimanche 24 avril 2022

La Miséricorde divine une guérison

 

Le Caravage : l'incrédulité de Saint-Thomas


24 avril 2022

2ème Dimanche de Pâques ou de la Divine Miséricorde — Année C
 
Première lecture « Des foules d’hommes et de femmes, en devenant croyants, s’attachèren... Ac 5, 12-16
Psaume Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Deuxième lecture « J’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles » Ap 1, 9-11a.12-13.17...
Évangile « Huit jours plus tard, Jésus vient » Jn 20, 19-31

Chers Frères et Sœurs,

Parler de la miséricorde divine est une opération et un art délicat pour le prédicateur, elle implique de souffler chaud et le froid, mais il s’agit bien d’une ouverture vers la vie et la rencontre avec le Seigneur qui est proposé dans la joie pascale. La miséricorde est plus qu’un encouragement, c’est un chemin de guérison.

Dans sa lettre apostolique pour l’année de la divine miséricorde, notre pape François relevait : Qu’ « Il n’est pas anodin que l’Église ait voulu évoquer explicitement la miséricorde dans la formule des deux sacrements dits « de guérison », à savoir la Réconciliation et le Sacrement des malades. »

La première lecture nous conforte dans ce sens. On mettait tous ces malades sur le passage de Pierre pour que son ombre au moins les touchent et qu’ils puissent guérir et se relever. Nous voyons se reproduire ce qui s’était passé avec Jésus durant son ministère. Quelque chose s’était donc passé, un transfert de l’Esprit de Jésus, le mot est à la mode. Étant de chair de chair et de sang, nous sommes également plus sensibles à une guérison physique tangible qu’à la guérison spirituelle. Souvent le Seigneur nous laisse « tout le reste » pour que nous puissions le rencontrer sur un chemin difficile et qui nécessite une grâce particulière.

L’Évangile rapportant la guérison spirituelle de l’Apôtre Thomas est un des plus marquants parmi les évangiles de la résurrection, à mon sens, avec la rencontre de Jésus et de Marie-Madeleine au matin de Pâques. Peut-être le Seigneur a-t-il choisi tant d’hommes parmi ses Apôtres parce qu’ils sont par nature plus difficiles à convaincre. Mais à tous deux, il a fallu une guérison qui s’est opérée par la vision du ressuscité. D’un côté avec elle, il y avait les larmes et une extrême sensibilité blessée, un désespoir qui l’empêchaient de voir et de croire à la manière de Jean. Marie-Madeleine avait bien été avec lui au pied de la croix. Elle était certaine qu’il était bien mort. Il a fallu que Jésus l’interpelle personnellement et l’appelle par son nom. Quant à Thomas, quelle expérience ! Être invité par Jésus à mettre le doigt dans ses plaies et la main dans son côté, c’est-à-dire à toucher le cœur du Christ pour être convaincu ! L’expérience sort de l’ordinaire et quel symbole !  Vous connaissez certainement une représentation célèbre de cette rencontre dans le Palais de Sans-Soucis à Postdam. On croirait voir un étudiant en anatomie faisant son inspection. Il a du aller jusque-là pour dire : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » et guérir de son incrédulité. Il s’agit bien chez Thomas d’une guérison spirituelle.

C’est du cœur du Christ qu’on jailli le sang et l’eau qui viennent purifier le temple et transformer le désert en terres fertiles. Une des images veut que de ce cœur coulent les fleuves qui arrosent le paradis. C’est de là que naît l’Église, c’est de là que proviennent la miséricorde et les sacrements. « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux. Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! »

La lecture de l’Apocalypse, livre bien difficile à interpréter, et le message aux 7 Églises m’a rappelé une conférence sur ce sujet par un prêtre d’Aigle, au parcours peu commun, entendue récemment avec des confrères. Si les paysages de certains des lieux mentionnés enchantent les touristes et les pèlerins, son personnage central doit nous interpeller. Il nous rappelle que lui le Vivant, doit donner son fruit dans le cœur de vivants, de malades guéris. « Moi, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant : j’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles ». Les ruines sont simplement un rappel qui disparaît. Sommes-nous aujourd’hui disposés à accueillir la miséricorde du Seigneur et à guérir. Pour guérir, encore faut-il, encore vivants, avoir recours à un médecin qualifié et lui montrer ses blessures.

Mais qu’est-ce que la miséricorde ? Le mot grec employé est « eleos », on le remet à l’honneur dans le Magnificat : « Sa Miséricorde s’étend d’âge en âge » et non plus son «  Son amour s’étend d’âge ».  Le mot hébreux « rahamim » est un pluriel qui signifie « entrailles ». Il ne s’agit pas d’une abstraction.

Nous avons reçu bon nombre de textes sur le thème de la miséricorde depuis qu’il est entré dans la Liturgie pascale. Saint Jean-Paul II avait voulu le mettre en avant et en faire un thème majeur de son pontificat en référence à sainte Faustine décédée en 1938, qu’il avait appris à connaître en 1942 dans un séminaire secret. Il a été pour lui lié à un appel à la miséricorde de Dieu pour que vienne la paix. Le contexte actuel de guerre demande à ce qu’on le rappelle. Il passait régulièrement devant l’ancien couvent de Sr Faustine, pour aller accomplir son travail forcé dans une usine chimique. Vous avez peut-être encore en mémoire son texte « Riche en miséricorde. » Le pape François a poursuivi sur cette lancée avec l’année de la miséricorde plus présente à nos esprits et sa lettre Miséricorde et Misère. Les accents sont différents mais il s’agit bien de la même miséricorde. Le pape François veut nous faire sentir que le Seigneur veut venir nous rechercher jusqu’au plus profond de notre misère. Il aime l’homme et tout l’homme et tout homme. Il le charge sur ses épaules pour le sauver.

Dans une conférence sur ce thème de la miséricorde, le cardinal Schönborn de Vienne faisait remarquer dans un premier temps qu’elle était déjà présente dans l’ancien testament, quoiqu’on en pense. Jésus est venu nous montrer la miséricorde de Dieu issue de son cœur et de ses blessures qu’il a invité Thomas à toucher. C’est dire jusqu’où il est capable d’aller en venant à notre rencontre dans nos vies. Un médecin ne se contentera jamais de vous mettre un beau pansement tout neuf sur une plaie infectée. En Jésus, dit-il, nous pouvons voir la forme humaine de la Miséricorde de Dieu. Il ne nous manifeste pas seulement de l’empathie, j’espère que nous sommes tous capables d’en avoir, le contraire serait problématique, mais il vient nous guérir. Mais guérir pourquoi ? Il ne s’agit pas d’appeler le mal bien et le bien mal lorsqu’il dérange, de modifier une définition ou de mettre la poussière sous le tapis. La miséricorde de Jésus a une utilité, elle  est notre voie pour devenir semblables à Dieu. La miséricorde implique d’être accueillie par nous pour guérir et devenir toujours plus semblables au Christ mais nous amène à la mettre en pratique envers les autres. Il ne s’agit pas seulement de saupoudrage. Elle doit se faire concrète et concerne celui qui, ici maintenant a besoin de notre aide. L’endurcissement et la pétrification du cœur sont les plus grands obstacles à l’action de la miséricorde. Jésus a montré son cœur et l’a donné à toucher à Thomas, lequel témoigne ce dont il est capable encore aujourd’hui pour nous. Qu’il nous aide à être témoins de sa miséricorde. « Reine du ciel réjouis-toi ! Le Seigneur est vraiment ressuscité. Alléluia ! »

 

dimanche 17 avril 2022

Joyeuses et Saintes Fêtes de Pâques

 


 

17 avril 2022 Résurrection du Seigneur — Année C

MESSE DU JOUR DE PÂQUES

Première lecture « Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les mo... Ac 10, 34a.37-43
Psaume Voici le jour que fit le Seigneur,
qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! Ps 117 (118), 1.2, 1...
Deuxième lecture « Recherchez les réalités d’en haut, là où est le Christ » Col 3, 1-4
Séquence  

Évangile « Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » Jn 20, 1-9

Homélie

« Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! » Chers Frères et Sœurs, nous avons entendu cette réponse de Marie-Madeleine à la question qui lui est posée dans la séquence qui précède l’Alléluia. Une séquence est un poème chanté. Celle de ce matin  a été composée au début du 11ème siècle par un moine de l’Abbaye de Saint-Gall, Notker le Bègue, savant musicologue.

Quels chemins a du parcourir Marie-Madeleine pour nous délivrer son message et quelles expériences ! Chemin de conversion, chemin de disciple du Seigneur, chemin de croix, chemin jusqu’au tombeau vide, chemin de désespoir jusqu’à ce que Le Seigneur l’appelle par son nom. On lui avait même pris le corps de celui que son cœur aimait.

Croire en la résurrection n’est pas une petite affaire. Cela n’en a pas été une pour les Apôtres et les disciples d’abord. Le choc de la Passion et de la mort de Jésus a été un traumatisme profond. Nous nous en rendons compte nous-mêmes lorsque surviennent des décès dans nos familles ou parmi nos proches. Ils ont cru, mais au sens de penser que tout était perdu.

Les mots utilisés par saint Jean, traduisent cette problématique et la gradation pour parvenir à vraiment croire en la résurrection de Jésus pour un disciple. Il va utiliser 3 mots différents pour expliquer les étapes franchies. La première en chemin et arrivée au tombeau, Marie-Madeleine voit la pierre enlevée. Le terme grec signifie porter le regard sur, percevoir avec les yeux, il indique la capacité physique de voir.

Puis entre Pierre. Le terme utilisé veut dire observer, regarder, examiner. En quelque sorte, il utilise sa raison pour réfléchir à ce qu’il a sous les yeux, dans la petite pièce. Nous pourrions dire qu’il échafaude une ou des théories.

Le troisième mot qualifie l’attitude de Jean. Ce mot signifie voir, mais il est relié à un autre mot, celui de croire. L’Apôtre nous invite à la foi en la résurrection de Jésus. A Jérusalem aujourd’hui, nous voyons le tombeau vide dans la basilique que nous appelons le Saint-Sépulcre ou basilique de l’Anastasis, de la résurrection. Nous ne pouvons voir maintenant qu’avec les yeux de la foi. Cependant nous pouvons le faire sur la base de témoignages : ceux de Marie-Madeleine, de Pierre, des Apôtres et des disciples d’Emmaüs et même de Paul qui s’en vante. Ils ont vu Jésus vivant ! Paul qui a centré son message sur la croix de Jésus a été transformé par la vision du ressuscité. Il a fallu que Jésus se manifeste à eux avec son corps ressuscité, qu’il marche et qu’il mange avec eux. Non, ce n’était pas une hallucination, un de ces montages imaginaires fabriqué par notre inconscient perturbé. Cela arrive parfois. Leur témoignage est-il crédible ? C’est une bonne question. Nous t’écouterons là-dessus une autre fois s’était vu répondre Paul. Lorsqu’on parle de résurrection, nous avons bien souvent droit à un sourire sceptique ou à une manifestation de doutes : c’est vieux, c’est ancien, voilà une histoire pieuse de plus pour naïfs. Pourquoi ne pas introduire un doute dans le doute ? En se demandant d’abord comment il a pu être possible qu’un groupe d’hommes totalement effondrés devant la mort dramatique de celui qui avait accompli tant de miracles et si bien parlé aient pu se mettre à prêcher et annoncer la Bonne Nouvelle. Ils étaient peu instruits et Pierre trouvera que Paul était bien compliqué et difficile à suivre. Un événement extraordinaire a du se passer et une force qui ne l’était pas moins a du s’emparer d’eux : Quelque chose de plus puissant qu’un enthousiasme éphémère. L’idée de résurrection était extrêmement difficile à admettre dans la mentalité d’alors. Les grecs et les romains ne croyaient pas que les hommes étaient immortels. On lisait sur une tombe romaine, écrit un jeune professeur de Fribourg : « Je n’existais pas. J’ai existé. Je n’existe plus. Quelle importance. » Pour eux, Les âmes descendaient dans un lieu souterrain où elles menaient une demi-vie larvaire. Les Juifs avaient dans l’idée une sorte de shéol qui s’en rapprochait. Ils pensaient prioritairement à l’établissement d’un royaume dans le monde présent pour vivre une belle vie. L’idée d’une résurrection totale avait pris de la consistance au temps de Jésus, mais elle était débattue. La possibilité de la résurrection d’une seule personne, quoique présente dans l’Écriture était loin des esprits. Celle de Jésus est en soi extraordinairement originale, inattendue. Le plus extraordinaire est le fait de la résurrection et de la transformation d’un corps pour qu’il puisse participer à la gloire de Dieu. Jésus avec son corps glorieux entre dans une autre dimension.

Certains courants refusent même et toujours la possibilité d’un esprit immortel pour nous, nous ne serions que matière. Par contre notre temps  a ouvert quelques fissures majeures dans le mur de ces avis péremptoires particulièrement présents dans nos médias. Il existe suffisamment de publications et d’études sur ce qu’on appelle des formes de mort imminente pour ne pas refuser d’envisager qu’il y ait quelque chose après le temps qui nous a été donné. Une vie après la vie ! Oui, mais quelle vie ? L’option qui a la cote est celle d’une rencontre avec un être de lumière et de joie, dans lequel nous serions engloutis. La résurrection de Jésus va beaucoup plus loin puisqu’elle annonce que notre corps transformé participera aussi à cette joie et que notre personne et notre identité demeureront auprès de Dieu et en lui.

Ressusciter, pourquoi dire non ? Pourquoi ne pas aimer la matière dont nous sommes aussi formés puisque Dieu l’aime. Comme nous aimons tant les sciences, nous sommes conscients qu’il existera toujours quelques  atomes qui nous ont habité pour que Dieu puisse nous faire redémarrer. Je dis cela sous le mode de la plaisanterie, mais il y a une part de vérité. La formule plus classique est de dire que Dieu unira à nouveau notre âme à un corps qui sera le sien. Elle informera cette matière capable de voir Dieu. L’abbé Maurice Zundel a une belle formule sur la résurrection. La résurrection de Jésus, dit-il, prélude à la transfiguration définitive en nous des éléments que nous avons en commun avec l’Univers. Il cite saint Ambroise de Milan : « Dans le Christ le monde est ressuscité, en Lui le ciel est ressuscité, en Lui la terre est ressuscitée. »

« Dis-nous, Marie Madeleine, qu’as-tu vu en chemin ? » Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! Il vous précédera en Galilée. » Reine du ciel ! Réjouis-toi, Alléluia, le Christ est vraiment ressuscité, Alléluia. Joyeuse et Sainte Fête de Pâques !