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dimanche 23 octobre 2022

Un coeur de publicain qui prie

 


 23 octobre 2022 - dimanche, 30ème Semaine du Temps Ordinaire — Année C
Lectures de la messe
    Première lecture « La prière du pauvre traverse les nuées » Si 35, 15b-17.20-22a
    Psaume Un pauvre crie ;
    le Seigneur entend. Ps 33 (34), 2-3, 16....
    Deuxième lecture « Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice » 2 Tm 4, 6-8.16-18
    Évangile « Le publicain redescendit dans sa maison ; c’est lui qui était devenu... Lc 18, 9-14

Intro 

Chers Frères et Sœurs, bienvenue pour célébrer ce 30ème dimanche du temps ordinaire qui est aussi celui de la mission universelle. Ce thème est cher à nos sœurs du Carmel, elles soutiennent et portent par leur prière les missionnaires qui partent au loin. Je le faisais aussi et toujours en particulier pour mes frères spiritains lorsque j’étais au monastère. Ceux qui ont donné leur vie  au service de l’Évangile ne doivent pas être oubliés. Lorsque nous avons la chance de bénéficier de l’appui de prêtres d’Afrique chez nous, nous ne pouvons que remercier le Seigneur.

Nous serons de manière plus particulière aujourd’hui attentif au signe qu’a été pour l’Église Pauline Jaricot.

 Homélie

Chers Frères et Sœurs,

Je vais commencer notre méditation d’aujourd’hui en m’inspirant d’un illustre dominicain, le cardinal Schönborn encore archevêque de Vienne. Je le fais parce qu’il est dominicain et que la bienheureuse Pauline Jaricot appartenait aux fraternités laïques dominicaines. A l’occasion de l’année de la Miséricorde voulue par le Pape François, le cardinal avait fait un commentaire de l’Évangile de Saint Luc, l’évangéliste de la Miséricorde, lu cette année. Etant Autrichien il remercie Dieu de l’être, comme nous le faisons pour nos qualités d’Helvètes, de Français, de Syriens, d’Américains, de Tchèques et Valaisans. Il n’y a pas d’ordres de préséance, nous bénéficions tous de la même dignité humaine et nous avons notre qualité de baptisés. Ce ne doit pas être une raison pour nous de mépriser qui que ce soit, si nous sommes en bonne santé, dépendants d’aucune substance. Etre disciple du Christ nous contraint à aimer davantage.

Dans notre Évangile, le Seigneur prend en exemple un publicain et un pharisien. Ce dernier a fait de très bonnes études, il connaît l’Écriture Sainte presque par cœur et les commentaires des meilleurs exégètes, il paye sa dîme, son impôt ecclésiastique si vous préférez, il respecte le sabbat, les ablutions, les règles alimentaires et liturgiques, le calendrier, et tout et tout. Un pharisien c’est quelqu’un de bien, et le nôtre méprise ce publicain. Je vous épargne une recherche, en vous rappelant qu’un publicain était un personnage particulièrement détesté en Israël et ailleurs dans l’empire romain. Les publicains étaient des privés et appartenaient, pour les plus haut placés à l’ordre équestre. Ils recevaient en tant que privés, un  mandat de la part de l’État pour récolter les impôts à destination de l’armée ou pour assurer l’entretien des routes et la construction de monuments publics, ceux que nous admirons encore aujourd’hui ou déterrons. Habituellement, nous n’apprécions pas excessivement les enveloppes officielles, même si c’est un honneur et un devoir de payer ses impôts comme citoyen d’un État libre. Ces gens étaient particulièrement méprisés et détestés en Israël ; on leur collait une grosse étiquette de collaborateurs de l’occupant.

Ce dimanche étant celui de la Mission universelle, nous pouvons aujourd’hui nous interroger sur le sens de la mission. Que transmettre et dans quelles conditions Pourquoi transmettre? Pauline Jaricot dans son 19ème siècle vivait dans un certain état d’esprit. Aider à la mission, soutenir les missionnaires, à l’époque c’était éviter l’enfer à de pauvres gens. Ceux qui partaient, voulaient leur assurer la vie éternelle. C’est dire qu’ils avaient une conception d’une véritable urgence. Cela paraît caricatural, mais cette vision n’est pas  très éloignée de l’état d’esprit de l’époque.

Les propositions de Missio, les œuvres pontificales missionnaires, comportent cette année d’abord un devise : "Vous serez mes témoins !" . On nous parle d’animations, de recherche de Paulines au pluriel et de prières. J’ai appris à découvrir un peu Pauline Jaricot lorsque je me suis fait opérer les yeux, parce que le médecin qui l’a fait venait du Vietnam et portait le même nom de famille qu’une petite fille Maylin, qui a été guérie par son intercession. On pensait que son cerveau avait été détruit par un manque d’oxygène suite à un AVC. Vous trouverez tout cela par vous-mêmes. Pauline était extrêmement myope, malgré cela elle a pu aider les Missionnaires. On la considère comme Fondatrice des OPM. La prière de nos sœurs du Carmel est aussi très importante pour eux. Ce n’est pas seulement un soutien moral qui est aussi important, mais également un soutien spirituel. Le Seigneur veut nous faire comprendre que nous appartenons à un même corps, à l’Église et que c’est l’Amour qui la conduit et la fait grandir. L’Amour, c’est l’Esprit de Dieu. Il y a interdépendance.

On peut avoir un certain étonnement et aussi de la joie de voir la Bonne Nouvelle parvenir par exemple dans un berceau de l’humanité en Tanzanie par exemple. Nous n’apprenons cela qu’en notre temps avec les recherches et après l’époque des missionnaires. L’étonnement est donc confortable. Mais nous avons un souci majeur aujourd’hui. Notre vision du monde et nos perspectives  ne sont plus celles du 19ème siècle et du début du 20ème. Nous avons maintenant bien installé dans notre esprit, quelques idées comme celle-ci : avec les scandales dont on entend parler et ceux qu’on suppose, peut-on encore annoncer l’Évangile comme une bonne nouvelle et la Bonne Nouvelle ? Nous ne sommes finalement pas meilleurs que les autres et notre vision du monde n’en est qu’une parmi d’autres.

Les lectures actuelles de l’histoire de l’évangélisation sont pénibles : En Europe on reproche Constantin et les guerres de religion, en Amérique du Sud, on nous parle des maladies amenées par les Européens, au Sud et au Nord du manque de respect envers les anciennes civilisations. En Afrique, ce n’est pas extraordinaire non plus… et l’objection vient : nous ne sommes pas vraiment meilleurs que les autres, ceux qui n’annoncent pas le Christ et qui croient en d’autres dieux ou suivent d’autres philosophies et même ne croient pas en Dieu. Certains, portant le nom de chrétiens, aujourd’hui soutiennent même la guerre.

Cela est pénible, mais dans un autre sens, ce dépouillement ne serait-il pas un bon signe. Une invitation à revêtir non pas l’habit et les fonctions du publicain, mais à subir une greffe du cœur, son cœur. N’y a-t-il pas là une invitation de Dieu à la conversion comme il l’a fait pour le Peuple d’Israël parti en exil? Seul un petit reste avait subsisté. Mais Dieu est fidèle et a montré sa fidélité. Le trésor transmis dans des vases de mauvaise qualité, plein de défaut a tout de même été transmis. Dieu a voulu se servir d’instruments imparfaits depuis le commencement. Il vient sauver ce qui était perdu. La parole de Dieu a touché Abraham, et elle a donné son plus beau fruit dans la Vierge Marie qui a accueilli et donné la vie à son Fils. Mais jusque-là et ensuite après sa résurrection, que de purifications pour nous libérer de nos hommeries. Dieu vient transformer notre monde et le relever il ne veut pas tout détruire comme au temps de Noé. Cela paraît simpliste, mais c’est une clef de compréhension de son action. Le Seigneur appelle à une conversion et à une purification intérieure pour que le message en soit plus clair, que le véritable amour l’habite.

Pour reprendre l’idée du Cardinal Schönborn, nous ne sommes assurément pas meilleurs que d’autres, mais lui nous aime et veut de nous l’humilité de notre cœur pour y être accueilli. Demandons à Notre-Dame de nous soutenir sur notre chemin à la rencontre de son Fils.

Prière de Pauline Jaricot (1799-1862) - Mois de la Mission universelle 2022

ô Jésus, Sauveur des âmes, Nous ne sommes que poussière Mais nous sommes assoiffés de votre amour.

ô Jésus, nous sommes entourés d'un monde qui attend

la Source vive.

Nous voulons nous mettre à votre service

En n'ayant d'autres moyens que votre bonté et votre miséricorde.

Ô Jésus, vous pouvez choisir des puissants et des sages, Ils auront certainement des calculs et des plans.

Nous, nous ne comptons que sur votre charité.

Ô Jésus, du haut du Ciel, jetez un regard sur vos pauvres serviteurs.

Nous voulons être l'instrument de votre Providence au service de la mission.

Guidez nos pas, enflammez nos prières, transformez nos paroles et nos actes.

Pour que le monde croie et soit sauvé.  Amen

dimanche 2 octobre 2022

Graine de moutarde, ta foi?

 


 2 octobre 2022 - dimanche, 27ème Semaine du Temps Ordinaire — Année C

Lectures de la messe

    Première lecture « Le juste vivra par sa fidélité » Ha 1, 2-3 ; 2, 2-4
    Psaume Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur,
    mais écoutez la voix du Seigneur ! Ps 94 (95), 1-2, 6-7...
    Deuxième lecture « N’aie pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur » 2 Tm 1, 6-8.13-14
    Évangile « Si vous aviez de la foi ! » Lc 17, 5-10

« Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir. »

Chers frères et sœurs,

Le Seigneur monte à Jérusalem dans notre Évangile. Il arrive au terme de son enseignement et va entamer sa dernière étape. Le chapitre 17 avait commencé par des passages toujours d’actualité sur le scandale et le pardon des offenses. C’est une sorte de revue des difficultés communautaires. Viennent aujourd’hui le manque de foi et d’humilité. Après tout ce qu’a déjà accompli le Seigneur, après avoir donné des signes et son enseignement en paraboles pour se montrer accessible, les Apôtres lui demandent d’augmenter encore en eux la foi. La réponse du Seigneur paraît plutôt ironique. Il estime la leur inférieure à la plus petite de toutes les graines. La Tob nous dit d’ailleurs qu’il s’agirait plus de mûrier que de moutarde. Si vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, vous pourriez réaliser des exploits. Les plus jeunes, et les jeunes anciens ne peuvent retenir un sourire, et dans la conclusion du Seigneur voient un célèbre personnage de bandes dessinées lançant une série de chênes déracinés par les airs avec sous sans druide ou romain.

L’analogie est à portée de main, la foi serait-elle une potion magique ? Un commentaire nous dit que le Seigneur s’adresse dans ce chapitre 17 à la communauté et à ceux qui devront la conduire. Il s’agira pour elle de transmettre son enseignement et la foi et donc de les vivre. Il ne s’agit pas d’illumination personnelle ou d’une idéologie construite par la pensée humaine. La parole de Dieu n'en est pas une, elle est proposée. Comme à l’annonciation pour Marie, elle attend notre oui pour donner son fruit. « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. » Le Verbe de Dieu se fait chair après un dialogue et un oui, donné. La foi ne s’impose pas de manière abrupte, ou comme un système d’exploitation informatique qui se déploie automatiquement. Vous appuyez sur un bouton et tout se met en place. Mais elle implique de la fidélité, de l’attention et des efforts : « Tiens-toi au modèle donné par les paroles solides que tu m’as entendu prononcer dans la foi et dans l’amour qui est dans le Christ Jésus. »

De toute évidence, il manque encore aux apôtres quelque chose et quelqu’un, sans parler d’un détachement nécessaire pour accomplir leur ministère. La conviction n’est pas là et cependant : « C’est moi qui vous ai choisis », dit le Seigneur. Il en faut de la conviction et une conviction qui soit habitée, entourée. Nous ne pouvons que conclure en entendant la deuxième partie de l’Évangile que Jésus sait ce qui va se passer et  engage déjà ses Apôtres sur le chemin de l’humilité dans leur fonction :  « Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir ». L’absence d’humilité, c’est le manque de confiance en Dieu, le manque de foi. Peut-on suivre seul le Seigneur, se fier à ses seules forces ? Plus encore le connaître par soi-même ? La conséquence de cette attitude est de se mettre à la place de Dieu, de se prendre pour lui… Quelque chose du côté de l’hypertrophie du moi ou en langage commun être vraiment gonflé, mais pas rempli ni habité par l’Esprit-Saint qui donne la vie et construit le temple de Dieu dans un dialogue permanent. Ce que nous connaissons de la vie de Marie est un exemple constant de questions, de réponses, de oui… Jusqu’à ce qu’elle devienne la Mère de l’Église. Ce dialogue, nous le savons, doit avoir lieu dans nos communautés pour les construire, à l’écoute de l’Esprit. Il est parfois difficile de porter les interrogations de l’autre, d’accompagner, mais nous ne pouvons grandir que dans la fidélité au Christ et le respect du cheminement de chacun.

Toutefois nos lectures nous donnent des exemples de la souffrance que peut engendrer l’attente de l’action de Dieu, une forme et un tempo difficiles à vivre, avec des temps, des contre-temps et des silences qui durent. « Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir. » N’est-il pas difficile de rester serviteur dans un temps d’obscurité et d’attente ?  Cette formule revient fréquemment dans les séries tv et la bouche de héros qui ont accompli un exploit, sous la forme : « Je n’ai fait que mon travail ». Elle agace un peu lorsqu’elle est comprise comme réductrice de la valeur de ce qui a été accompli, en termes d’investissement personne et humain. Nous penserions à de la fausse modestie… Il ne faut pas oublier de dire merci et en plus de rendre grâce à Dieu. Dans son Magnificat, Marie l’a fait, pourquoi pas nous ? Pourquoi ne pas être en dialogue permanent avec le Seigneur, acceptant de recevoir tout de lui et de rendre grâce pour ce qu’il a réalisé en nous. Nous le lui redonnons dans un constant échange. Il se donne à nous et nous redonnons à lui.

Mais attendre que c’est long ! Pourquoi donc ? D’abord en raison de nos limites, de notre expérience de la vie, de nos habitudes, et de notre connaissance du cours ordinaire des choses selon la formule.

« Combien de temps vais-je attendre sans que tu entendes. » dit Habacuc. Le temps de Dieu paraît devoir durer une éternité, pour nous. Il est vrai que nous mesurons souvent nos limites. Il suffit d’un retard dans un courrier pour nous montrer impatients. Ne serait-ce qu’avec les messages instantanés et nos habitudes actuelles de communiquer. Le Seigneur paraît se fâcher en répondant au prophète. Il lui répond : « C’est encore une vision pour le temps fixé ; elle tendra vers son accomplissement, et ne décevra pas. Si elle paraît tarder, attends-la : elle viendra certainement, sans retard. » La réponse est ambigüe pour nous qui interprétons le message et oublions que nous ne sommes que messagers, des anges qui gardent une copie du message dans leur poche avec un mode d’emploi très personnel.

Nous devrions surtout nous interroger sur ce qu’est l’éternité de Dieu face à notre temps. Comment il voit dans un seul regard le commencement et la fin du monde créé, comment il nous voit déjà auprès de lui, images vivantes de ce qu’Il est et de son Fils.  Tout se réalise par lui, avec lui et en lui. Notre manière de donner notre oui et de lui répondre est de vivre avec lui et comme lui aujourd’hui. Le cardinal Schönborn concluait son commentaire de cet évangile en disant : Rien n’augmente plus notre foi, que de remercier Dieu tous les jours. Avec Marie, nous pouvons redire, « Je suis la servante du Seigneur ». Amen.

 

dimanche 25 septembre 2022

Saint Nicolas de Flüe - De la youtse à l'Alléluia

 


25 septembre 2022 - 26ème dimanche du Temps Ordinaire — Année C
Calendrier romain |

Lectures de la messe

    Première lecture « La bande des vautrés n’existera plus » Am 6, 1a.4-7
    Psaume Chante, ô mon âme,
    la louange du Seigneur !
    ou : Alléluia ! Ps 145 (146), 6c.7, ...
    Deuxième lecture « Garde le commandement jusqu’à la Manifestation du Seigneur » 1 Tm 6, 11-16
    Évangile « Tu as reçu le bonheur, et Lazare, le malheur. Maintenant, lui, il tr... Lc

« Voici que nous avons tout quitté pour te suivre :  quelle sera donc notre part ? »

Mes chères sœurs, chers frères et sœurs,

La question de Pierre à Jésus, tous ceux qui veulent suivre le Seigneur de plus près se la posent, mais chacun de nous devrait le faire. Suivre le Seigneur en baptisé et vivre ce baptême, conduit à le laisser entrer chez nous et à lui donner toute la place. Pourquoi donc ?

Saint Nicolas de Flüe est à ce point de vue un signe particulier. Bien qu’il intrigue encore, il est fréquemment regardé comme un personnage folklorique et de légende. Dans l’une de ses visions, il ne mentionne pas le charme de la youtse bernoise, mais une autre musique en rapport avec le mystère trinitaire : Le Pèlerin chanta l'Alléluia. Sa voix était soutenue par les petites orgues de l'univers. Et les trois noms parfaits des personnes divines sortirent et rentrèrent dans le sein de l'unique Alléluia. Quelle belle manière d’exprimer le mystère trinitaire, un Dieu en trois personnes. Quelle invitation à la paix et à vivre dans l’harmonie entre nous et avec elle, surtout.

Nous relisons chaque année à l’occasion de sa fête sa lettre aux bernois, qui est en une sorte de charte pour notre pays. Alléluia, louange à Dieu ! Notre vie commune et personnelle, ne devrait-elle pas être un chant de louange à la Trinité ?  Frère Nicolas nous invite à la Sagesse, cette Sagesse aimée de Dieu, qui déploie sa vigueur d’un bout du monde à l’autre, et gouverne l’univers avec bonté. Ce déploiement trouve son point culminant non pas au Mont Rose et à la Pointe Dufour, au Chasseral ou à notre modeste Raimeux, mais bien dans la Croix de Jésus. Elle n’est pas un but en soi, mais un passage, un lieu, un moyen et un signe de vie.

Ce chemin est difficile, frère Nicolas ne le cache pas : « Vous devez porter la passion de Dieu en votre cœur, car c’est pour l’homme la plus grande consolation à sa dernière heure. »

Il a voulu suivre l’appel du Christ, l’appel du Pèlerin et partir. Il l’a fait avec l’accord de son épouse, Dorothée, à l’âge de 50 ans, le 16 octobre 1467, étant à son époque considéré comme  un vieillard. L’espérance de vie était d’environ 35 ans. Il n’en demeure pas moins que son geste continue d’interpeller.

Même aujourd’hui, alors que le mariage est bien relativisé, le questionnement est présent. Pourquoi Dieu lui a-t-il demandé cela ? C’est un mystère auquel il est bien difficile de donner une réponse, mais nous pouvons tout de même trouver une piste avec la perspective du Royaume et de la Résurrection. Saint Jean-Paul II, qui a beaucoup médité et réfléchi sur le sujet du mariage auquel il avait consacré bon nombre de catéchèses, avait dit lors de l’une d’elles que « Le Royaume des Cieux est certainement l’accomplissement définitif des aspirations de tous les hommes… Il est pour l’homme la plénitude absolue du don de Dieu. », qui n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. 

La résurrection n’est pas une réanimation, mais une autre manière pour l’âme d’animer le corps. C’est un état absolument nouveau de la vie humaine elle-même. Nous serons comme les anges de Dieu. Une fois ressuscités, l’homme et la femme seront en situation de réaliser non seulement une image de la communion divine, mais réaliseront la communion divine en eux. La résurrection achèvera le temps et l’histoire, et donc la génération. Le but de la vie humaine est de préparer à cet accomplissement de la création.

Mariage et virginité, célibat pour le Royaume s’éclairent et se complètent mutuellement. « Le mariage nous aide à comprendre, dit saint Jean-Paul II, la continence pour le Royaume et celle-ci projette une lumière particulière  sur le mariage ». La continence et la solitude de fr. Nicolas nous montrent le Royaume. Ce sont des sujets qui bousculent notre société qui a oublié le sens de la croix de Jésus et de la résurrection, de la finalité de notre vie. Nous sommes créés pour accomplir une mission, nous sommes là pour construire le Royaume, pour y entrer et vivre en communion avec le Seigneur. Il sera tout en tous et nous partagerons l’amour de la vie trinitaire qui nous permettra de chanter parfaitement notre Alléluia.

Aujourd’hui, nous sommes encore dans le temps de la création, si bien mise en musique par le chef d’œuvre de Haydn. Nous y participons par notre travail, notre prière et les époux, par le don de la vie. Dieu se cache dans ce jardin de la création, mais parfois comme en frère Nicolas, il se laisse percevoir. Le signe extraordinaire qu’a donné le Seigneur aux contemporains de frère Nicolas, par son jeûne, continue à nous interpeller si nous voulons bien y être attentif. Il n’avait pour nourriture que le corps du Seigneur. Il ne communiait qu’aux principales fêtes, puis tous les mois et se disait réconforté lorsqu’il assistait à la messe et que le prêtre communiait. Saint Hilaire nous a rappelé hier dans son commentaire, que « nous sommes inondés par les dons de l’Esprit Saint » le fleuve de Dieu, regorgeant d’eau, se déverse en nous à partir de cette source de vie qu’est le cœur du Christ, la fontaine de vie. Cette eau de vie nous sommes invités à la transmettre comme celui que nous fêtons aujourd’hui. « Nous avons aussi, disait saint Hilaire, une nourriture apprêtée. Quelle est cette nourriture ? Celle qui nous prépare à la participation de la vie divine, au moyen de la communion au Corps sacré afin de nous établir ensuite dans la communion de ce Corps. » Y a-t-il un témoignage plus parlant que celui de frère Nicolas ?

Nous le prions pour accueillir cette paix qui ne naît pas seulement d’un nécessaire accord entre nous, mais aussi de la foi, vécue dans la charité. « Beaucoup d’hommes ont des doutes au sujet de la foi, et le diable en fait succomber beaucoup à propos de la foi, surtout à propos de la foi. Il ne faut pas douter (des vérités) de la foi, car elle est comme elle est. »  Le pape François rappelle avec insistance qu’il ne s’agit pas de mots à apprendre par cœur, ou de spéculations. Elle doit être vécue. Que le Seigneur nous garde sous sa constante protection et donne à ceux qui nous dirigent la lumière de sa grâce.

 Je conclus avec des éléments d’une vision de frère Nicolas. Le Père vient le remercier d’avoir porté assistance à son Fils… Il dit : « Je ne sais pas que j’aie rendu un service à ton Fils. », de même pour Marie… puis le Seigneur le revêt d’un vêtement aspergé de rouge. Puissions-nous le recevoir nous aussi. Amen.