Sa fête a été déplacée du 14, date de mon baptême, au 12 novembre lors de la réforme liturgique. Josaphat est mort martyr, lapidé par des orthodoxes intégristes, atteint par une balle de fusil et jeté dans le fleuve.
Saint Josaphat est le saint patron des catholiques ukrainiens, des moines gréco-catholiques basiliens et de la Fraternité sacerdotale Saint-Josaphat.
article Wikipedia / Nominis cef.fr
Oraison pour la fête :
Réveille en ton Église, Seigneur, l'esprit d'amour dont fut rempli l'évêque saint Josaphat qui donna sa vie pour son peuple : permets qu'avec l'appui de sa prière, et fortifiés par le même esprit, nous n'hésitions pas à livrer notre vie pour nos frères.
Une mémoire confiée à Marie
13. Ne cessons pas de confier l'aspiration à la pleine unité des chrétiens à la Mère du Christ, toujours présente dans l'action du Seigneur et de son Église. Le chapitre VIII de la constitution dogmatique Lumen gentium la désigne comme Celle qui nous précède dans le pèlerinage de la foi sur terre, affectueusement présente à l'Église qui, au terme du deuxième millénaire, s'emploie à rétablir entre tous ceux qui croient au Christ l'unité que le Seigneur veut pour eux. Elle est la Mère de l'unité, parce qu'elle est la Mère de l'unique Christ. Si, par l'Esprit Saint, elle a mis au monde le Fils de Dieu, qui a reçu d'elle son corps humain, Marie désire ardemment l'unité visible de tous les croyants, qui forment le Corps mystique du Christ. La dévotion envers Marie, qui unit si étroitement l'Orient et l'Occident, oeuvrera, soyons-en certains, en faveur de l'unité.
La Vierge sainte, déjà présente partout au milieu de nous, dans de si nombreux édifices sacrés comme dans la vie de foi de tant de familles, parle continuellement d'unité, pour laquelle elle intercède sans cesse. Aujourd'hui, en commémorant l'Union de Brest, nous nous rappelons les merveilleux trésors de vénération qu'a su réserver à la Mère de Dieu le peuple chrétien d'Ukraine; de cette admiration pour l'histoire, pour la spiritualité, pour la prière de ces peuples, nous ne pouvons pas ne pas tirer les conséquences pour l'unité qui sont si étroitement liées à ces trésors.
Marie, qui a inspiré dans l'épreuve pères et mères, jeunes, malades, personnes âgées, Marie, colonne de feu capable de guider tant de martyrs de la foi, est certainement à l'oeuvre pour préparer l'union désirée de tous les chrétiens; en vue de cette union, l'Église grecque-catholique d'Ukraine a sans aucun doute un rôle à jouer.
L'Église exprime ses remerciements à Marie et la prie de nous faire participer à sa sollicitude pour l'unité; abandonnons-nous à elle avec une confiance filiale, afin de nous retrouver avec elle là où Dieu sera tout en tous.
Saint Jean-Paul II
LETTRE APOSTOLIQUE À L'OCCASION DU QUATRIÈME CENTENAIRE DE L'UNION DE BREST
Chers Frères et Soeurs,
1. Le jour approche où l'Église grecque-catholique d'Ukraine célébrera le quatrième centenaire de l'union entre les évêques de la Province métropolitaine de la Rus' de Kiev et le Siège apostolique. L'union fut établie lors de la rencontre des représentants de la Province métropolitaine de Kiev avec le Pape, qui eut lieu le 23 décembre 1595, et elle fut proclamée solennellement à Brest-Litovsk, sur le fleuve Bug, le 16 octobre 1596. Par la constitution apostolique Magnus Dominus et laudabile nimis(1), le Pape Clément VIII en fit l'annonce à l'Église entière et, par la lettre apostolique Benedictus sit Pastor(2), il s'adressa aux évêques de la Province métropolitaine pour les informer de l'union qui venait de se faire.
Les Papes suivirent avec sollicitude et affection la vie, souvent dramatique et douloureuse, de cette Église. Je voudrais rappeler ici d'une façon particulière l'encyclique Orientales omnes de Pie XII qui, en 1945, écrivit des paroles inoubliables pour rappeler le trois cent cinquantième anniversaire du rétablissement de la pleine communion avec le Siège de Rome(3).
L'Union de Brest ouvrit une nouvelle page de l'histoire de cette Église(4). Aujourd'hui, celle-ci veut chanter dans l'allégresse l'hymne d'action de grâce et de louange à Celui qui, encore une fois, l'a ramenée de la mort à la vie, et elle veut reprendre sa marche avec un élan renouvelé sur la route tracée par le Concile Vatican II.
Aux fidèles de l'Église grecque-catholique d'Ukraine s'unissent, dans l'action de grâce et la supplication, les Églises grecques-catholiques de la diaspora qui se réclament de l'Union de Brest, ainsi que les autres Églises orientales catholiques et l'Église tout entière.
Je veux m'unir aux catholiques de tradition byzantine de ces terres, moi aussi, Évêque de Rome, qui pendant de si nombreuses années, au temps de mon ministère pastoral en Pologne, ai senti la proximité physique, et non seulement spirituelle, avec cette Église qui était alors si durement éprouvée, moi qui, après mon élection au Siège de Pierre, ai ressenti, à la suite de mes prédécesseurs, le pressant devoir d'élever la voix pour défendre son droit à l'existence et à la libre profession de la foi, alors qu'on les lui refusait toutes les deux. J'ai maintenant le privilège de célébrer avec émotion, en même temps qu'elle, les jours de la liberté retrouvée.
À la recherche de l'unité
2. Il faut replacer les célébrations de l'Union de Brest dans le contexte du Millénaire du Baptême de la Rus'. Il y a sept ans, en 1988, cet événement fut célébré très solennellement. À cette occasion, j'ai publié deux documents : la lettre apostolique Euntes in mundum, du 25 janvier 1988(5), pour l'Église entière, et le message Magnum baptismi donum, du 14 février de la même année(6), adressé aux catholiques ukrainiens. Il s'agissait en effet de célébrer un moment fondamental pour l'identité chrétienne et culturelle de ces peuples, moment qui revêtait une valeur tout à fait particulière du fait que les Églises de tradition byzantine et l'Église de Rome vivaient encore en pleine communion.
Depuis qu'a eu lieu la division qui blessa l'unité entre l'Occident et l'Orient byzantin, des efforts fréquents et intenses furent faits pour rétablir la pleine communion. Je veux rappeler deux événements particulièrement significatifs : le Concile de Lyon en 1274, et surtout le Concile de Florence en 1439, où furent signés des protocoles d'union avec les Églises orientales. Malheureusement, diverses causes empêchèrent les possibilités contenues dans ces accords de porter les fruits attendus.
En rétablissant la communion avec Rome, les évêques de la Province métropolitaine de Kiev se référèrent explicitement aux décisions du Concile de Florence, donc à un Concile auquel avaient participé directement, entre autres, les représentants du Patriarcat de Constantinople.
Une figure resplendit dans ce contexte : celle du métropolite Isidore de Kiev, fidèle interprète et défenseur des décisions de ce Concile, qui dut subir l'exil en raison de ses convictions.
Les évêques qui encouragèrent l'union, ainsi que leur Église, gardaient une conscience très vive des liens étroits qui les unissaient depuis l'origine à leurs frères orthodoxes, en plus d'un sens profond de l'identité orientale de leur Province métropolitaine, qu'il fallait sauvegarder même après l'union. Dans l'histoire de l'Église catholique, il est d'une grande importance que ce juste désir ait été respecté et que l'acte d'union n'ait pas signifié le passage à la tradition latine, comme certains pensaient que cela devait se réaliser : leur Église se vit reconnaître le droit d'être gouvernée par une hiérarchie propre selon une discipline spécifique, et de maintenir son patrimoine oriental liturgique et spirituel.
Entre persécution et développement
3. Après l'union, l'Église grecque-catholique d'Ukraine vécut une période de développement des structures ecclésiastiques, avec des retombées bénéfiques sur la vie religieuse, sur la formation du clergé et pour l'engagement spirituel des fidèles. Faisant preuve d'une notable clairvoyance, on attribua une grande place à l'éducation. Grâce à la précieuse contribution de l'Ordre basilien et d'autres Congrégations religieuses, l'étude des disciplines sacrées et de la culture propre connut une admirable croissance. Au cours du siècle actuel, dans ce domaine comme aussi par le témoignage de la souffrance subie pour le Christ, le métropolite André Szeptyckyj fut une figure d'un prestige extraordinaire : à la formation personnelle et à la finesse spirituelle, il sut allier des dons excellents d'organisateur, fondant des écoles et des académies, soutenant les études théologiques et les sciences humaines, la presse, l'art sacré, la sauvegarde des mémoires.
Et pourtant, une telle vitalité ecclésiale fut toujours traversée par le drame de l'incompréhension et de l'opposition. L'illustre archevêque de Polock et Vitebsk, Josaphat Kuncevyc, en fut victime, lui dont le martyre fut auréolé de la couronne impérissable de la gloire éternelle. Son corps repose maintenant dans la basilique vaticane, où il reçoit continuellement l'hommage ému et reconnaissant de tous les catholiques.
Les difficultés et les souffrances se répétèrent sans répit. Pie XII les a rappelées dans l'encyclique Orientales omnes, dans laquelle, après s'être arrêté sur les persécutions précédentes, il présageait déjà cette autre persécution, dramatique, du régime athée(7).
Parmi les témoins héroïques non seulement des droits de la foi, mais aussi de la conscience humaine, qui se distinguèrent au cours de ces années difficiles, se détache la figure du métropolite Josyf Slipyj : son courage pour supporter l'exil et la prison pendant dix-huit ans et sa confiance inébranlable en la résurrection de son Église font de lui l'un des exemples les plus marquants de confesseur de la foi de notre temps. Il ne faut pas non plus oublier ses nombreux compagnons de souffrance, en particulier les évêques Grégoire Chomyszyn et Josaphat Kocylowskyj.
Ces événements orageux secouèrent l'Église de leur patrie. Mais la Providence divine avait déjà décidé depuis longtemps que de nombreux fils de cette Église pourraient trouver une issue pour eux et pour leur peuple : à partir du XIXe siècle, en effet, ils commencèrent à se répandre en grand nombre au-delà des océans, par vagues migratoires qui les conduisirent surtout au Canada, aux États-Unis d'Amérique, au Brésil, en Argentine et en Australie. Le Saint-Siège se voulut proche d'eux, les assistant et instituant pour eux des structures pastorales dans leurs nouveaux lieux de résidence, jusqu'à constituer des Éparchies proprement dites. Au temps de l'épreuve, pendant la persécution athée dans leur terre d'origine, la voix de ces croyants put ainsi s'élever, en pleine liberté, avec force et courage. Ils revendiquèrent avec force dans l'opinion internationale le droit à la liberté religieuse pour leurs frères persécutés, donnant ainsi plus de vigueur à l'appel que lança le Concile Vatican II en faveur de la liberté religieuse(8) et à l'action exercée en ce sens par le Saint-Siège.
4. Toute la Communauté catholique se souvient avec émotion des victimes de tant de souffrances : les martyrs et les confesseurs de la foi de l'Église en Ukraine nous offrent une admirable leçon de fidélité au prix de la vie. Et nous, témoins privilégiés de leur sacrifice, nous sommes bien conscients qu'ils ont contribué à maintenir dans la dignité un monde qui semblait emporté par la barbarie. Ils ont connu la vérité, et la vérité les a rendus libres. Les chrétiens d'Europe et du monde, s'inclinant en prière au seuil des camps de concentration et des prisons, doivent leur être reconnaissants pour la lumière qu'ils ont donnée : c'était la lumière du Christ, qu'ils ont fait resplendir dans les ténèbres. Aux yeux du monde, les ténèbres ont longtemps paru l'emporter, mais elles n'ont pu éteindre cette lumière, car c'était la lumière de Dieu et la lumière de l'homme offensé mais qui ne pliait pas.
Cet héritage de souffrance et de gloire se trouve aujourd'hui à un tournant historique : une fois tombées les chaînes de la prison, l'Église grecque-catholique en Ukraine a recommencé à respirer l'air de la liberté et à retrouver pleinement son rôle actif dans l'Église et dans l'histoire. Cette tâche, délicate et providentielle, requiert aujourd'hui une réflexion particulière pour qu'elle soit accomplie avec sagesse et clairvoyance.
Dans le sillage du Concile Vatican II
5. La célébration de l'Union de Brest doit être vécue et interprétée à la lumière des enseignements du Concile Vatican II. C'est là peut-être l'aspect le plus important pour bien comprendre la portée de cet anniversaire.
On sait que le Concile Vatican II a longuement réfléchi surtout sur le mystère de l'Église, et qu'ainsi l'un des documents les plus importants qu'il a élaborés est la constitution Lumen gentium. C'est précisément en raison de cette étude approfondie que le Concile revêt une importance particulière sur le plan oecuménique. On en a une confirmation dans le décret Unitatis redintegratio, qui élabore un programme fort éclairé sur l'action à mener en vue de l'unité des chrétiens. Il m'a semblé utile de revenir sur ce programme, trente ans après la conclusion du Concile, en publiant, le 25 mai de cette année, l'encyclique Ut unum sint(9). Elle indique les progrès oecuméniques qui ont été réalisés après le Concile Vatican II et en même temps, dans la perspective du troisième millénaire de l'ère chrétienne, elle cherche à ouvrir de nouvelles perspectives pour l'avenir.
En plaçant les célébrations de l'année prochaine dans le contexte de la réflexion sur l'Église, promue par le Concile, je tiens surtout à inviter à approfondir le rôle propre que l'Église grecque-catholique d'Ukraine est appelée à exercer aujourd'hui dans le mouvement oecuménique.
6. Certains voient dans l'existence des Églises orientales catholiques une difficulté pour la marche de l'oecuménisme. Le Concile Vatican II n'a pas manqué d'aborder ce problème, tout en donnant des éléments de solution, tant dans le décret Unitatis redintegratio sur l'oecuménisme que dans le décret Orientalium Ecclesiarum, qui leur est directement consacré. Les deux documents se placent dans la perspective du dialogue oecuménique avec les Églises orientales qui ne sont pas en pleine communion avec le Siège de Rome, de manière que soit mise en relief la richesse que les autres Églises ont en commun avec l'Église catholique et que soit fondée sur cette richesse partagée la recherche d'une communion toujours plus pleine et plus profonde. En effet, «l'oecuménisme vise précisément à faire progresser la communion partielle existant entre les chrétiens, pour arriver à la pleine communion dans la vérité et la charité»(10).
Pour promouvoir le dialogue avec l'Orthodoxie byzantine, il a été constitué après le Concile Vatican II une commission mixte spéciale, qui a intégré aussi parmi ses membres des représentants des Églises orientales catholiques.
Par divers documents, on a cherché à intensifier les efforts pour qu'il y ait une meilleure compréhension entre les Églises orthodoxes et les Églises orientales catholiques, non sans résultats positifs. Dans la lettre apostolique Orientale lumen(11) et dans l'encyclique Ut unum sint(12), j'ai déjà traité des éléments de sanctification et de vérité(13) communs à l'Orient et à l'Occident chrétiens, et de la méthode qu'il convient de suivre dans la recherche de la pleine communion entre l'Église catholique et les Églises orthodoxes à la lumière de l'approfondissement de l'ecclésiologie accompli par le Concile Vatican II : «Nous savons aujourd'hui que l'unité ne peut être réalisée par l'amour de Dieu que si les Églises le veulent ensemble, dans le plein respect des traditions individuelles et de leur nécessaire autonomie. Nous savons que cela ne peut se réaliser qu'à partir de l'amour d'Églises qui se sentent appelées à manifester toujours plus l'unique Église du Christ, née d'un seul baptême et d'une seule Eucharistie, et qui veulent être soeurs»(14). L'approfondissement de la connaissance de la doctrine sur l'Église, réalisé par le Concile et l'après-Concile, a tracé une voie que l'on peut appeler nouvelle pour la marche de l'unité : c'est la voie du dialogue de la vérité nourri et soutenu par le dialogue de la charité (cf. Ep 4, 15).
7. La sortie de la clandestinité a entraîné un changement radical dans la situation de l'Église grecque-catholique d'Ukraine : elle s'est retrouvée devant les graves problèmes de la reconstruction des structures dont elle avait été totalement privée et, d'une manière plus générale, elle a dû s'employer à se redécouvrir pleinement elle-même, non seulement en son for intérieur mais aussi par rapport aux autres Églises.
Grâce soit rendue au Seigneur, qui lui a accordé de célébrer ce jubilé en situation de liberté religieuse reconquise ! Grâce lui soit rendue également pour la croissance du dialogue de la charité, par lequel des pas significatifs ont été accomplis dans la marche vers la réconciliation souhaitée avec les Églises orthodoxes !
Les migrations et les déportations multiples ont redessiné la géographie religieuse de ces terres; les nombreuses années d'athéisme d'État ont profondément marqué les consciences; le clergé n'arrive pas encore à répondre aux immenses besoins de la reconstruction religieuse et morale : voilà quelques-uns des défis les plus dramatiques auxquels toutes les Églises se trouvent confrontées.
Face à ces difficultés, il faut un témoignage commun de la charité, afin qu'il n'y ait pas d'obstacle à la prédication de l'Évangile. Comme je l'ai dit dans la lettre apostolique Orientale lumen, «aujourd'hui, nous pouvons coopérer pour l'annonce du Royaume ou nous rendre coupables de nouvelles divisions»(15). Puisse le Seigneur guider nos pas sur le chemin de la paix !
Le sang des martyrs
8. Dans la liberté retrouvée, nous ne pouvons oublier la persécution et le martyre que les Églises de cette région, catholiques et orthodoxes, ont subis dans leur chair. C'est là une dimension importante pour l'Église de tous les temps, comme je l'ai rappelé dans la lettre apostolique Tertio millennio adveniente(16). C'est un héritage particulièrement significatif pour les Églises d'Europe, qui en restent profondément marquées; il faudra y réfléchir à la lumière de la Parole de Dieu.
Nous avons donc le devoir, qui est partie intégrante de notre mémoire religieuse, de rappeler la signification du martyre, afin de désigner à la vénération de tous les figures concrètes de ces témoins de la foi, sachant qu'aujourd'hui encore le mot de Tertullien conserve toute sa valeur : «Sanguis martyrum, semen Christianorum»(17). Nous autres, chrétiens, avons déjà un martyrologe commun dans lequel Dieu maintient et réalise entre les baptisés la communion dans l'exigence suprême de la foi, manifestée par le sacrifice de la vie. La communion réelle, quoique imparfaite, qui existe déjà entre catholiques et orthodoxes dans leur vie ecclésiale, atteint sa perfection en ce que «nous considérons tous comme le sommet de la vie de grâce, la martyria jusqu'à la mort, la communion la plus vraie avec le Christ qui répand son sang et qui, dans ce sacrifice, rend proches ceux qui jadis étaient loin (cf. Ep 2, 13)»(18).
Le souvenir des martyrs ne peut être effacé de la mémoire de l'Église et de l'humanité : qu'ils soient victimes d'idéologies de l'Orient ou de l'Occident, tous se retrouvent unis par la violence qui, en haine de la foi, est faite à la dignité de la personne humaine, créée par Dieu «à son image, à sa ressemblance».
L'Église du Christ est une
9. «Je crois en l'Église, une, sainte, catholique et apostolique». Cette profession de foi contenue dans le symbole de Nicée-Constantinople est commune aux chrétiens catholiques et orthodoxes; cela montre à l'évidence que non seulement ils croient en l'unité de l'Église, mais qu'ils vivent et veulent vivre dans l'Église une et indivisible, telle qu'elle a été fondée par Jésus Christ. Les différences qui sont nées et se sont développées entre le christianisme d'Orient et celui d'Occident au cours de l'histoire proviennent en grande partie de cultures et de traditions diverses. En ce sens, «la diversité légitime ne s'oppose pas du tout à l'unité de l'Église, elle en accroît même le prestige et contribue largement à l'achèvement de sa mission»(19).
Le Pape Jean XXIII aimait dire que «ce qui nous unit est beaucoup plus fort que ce qui nous divise». Je suis certain que cet état d'esprit peut aider grandement toutes les Églises. Plus de trente ans ont passé depuis que le Pape a prononcé ces paroles. Bien des indices nous poussent à penser que pendant ce temps les chrétiens ont progressé sur ce chemin. On en a des signes éloquents dans les rencontres fraternelles entre le Pape Paul VI et le Patriarche oecuménique Athénagoras Ier et celles que j'ai eues moi-même avec les Patriarches oecuméniques Dimitrios et, tout récemment, Bartholomaios, de même qu'avec d'autres vénérables Patriarches des Églises d'Orient. Tout cela, avec les nombreuses initiatives de rencontres et de dialogue qui sont encouragées partout dans l'Église, nous invite à l'espérance : l'Esprit Saint, l'Esprit d'unité, ne cesse d'agir parmi les chrétiens encore séparés entre eux.
Et pourtant, la faiblesse humaine et le péché continuent à opposer une résistance à l'Esprit d'unité. On a même parfois l'impression que certaines forces sont prêtes à tout pour freiner, voir anéantir, le processus d'union entre les chrétiens. Mais nous ne pouvons pas renoncer; nous devons trouver chaque jour le courage et la force, qui sont à la fois un don de l'Esprit et le fruit de l'effort humain, de poursuivre la route entreprise.
10. En repensant à l'Union de Brest, nous nous demandons quel est aujourd'hui le sens de cet événement. Il s'est agi d'une union qui concernait seulement une aire géographique précise; toutefois, sa portée est grande pour la question oecuménique dans son ensemble. Les Églises orientales catholiques peuvent apporter une contribution très importante à l'oecuménisme. Le décret conciliaire Orientalium Ecclesiarum le rappelle : «Aux Église orientales qui sont en communion avec le Siège apostolique romain revient la charge particulière de faire progresser l'unité de tous les chrétiens, surtout des chrétiens orientaux, selon les principes du décret de ce saint Concile Unitatis redintegratio, par la prière avant tout, par l'exemple de leur vie, par leur religieuse fidélité aux antiques traditions orientales, par une meilleure connaissance mutuelle, par la collaboration et l'estime fraternelle des choses et des hommes»(20). Il en résulte pour elles un engagement à vivre intensément ce qui est indiqué ici. Il leur est demandé une profession sincère d'humilité et de gratitude envers l'Esprit Saint, qui guide l'Église vers la fin qui lui a été assignée par le Rédempteur du monde.
Un temps de prière
11. L'élément fondamental qui devra caractériser la célébration de ce jubilé sera donc la prière. Celle-ci est avant tout une action de grâce pour ce qu'a permis de réaliser, au cours des siècles, l'engagement en faveur de l'unité de l'Église, et en particulier pour l'impulsion qu'a donné à cet engagement le Concile Vatican II.
C'est une prière d'action de grâce au Seigneur qui guide la marche de l'histoire, pour le climat de liberté religieuse retrouvée dans lequel se célèbre ce jubilé. C'est aussi une supplication à l'Esprit Paraclet pour qu'il fasse croître tout ce qui favorise l'unité et qu'il donne courage et force à ceux qui s'engagent, selon les orientations du décret conciliaire Unitatis redintegratio, dans cette oeuvre bénie de Dieu. C'est une supplication pour obtenir l'amour fraternel, le pardon des offenses et des injustices subies au cours de l'histoire. C'est une supplication pour que la puissance du Dieu vivant tire du bien même du mal si cruel et multiforme causé par la méchanceté des hommes. La prière est aussi espérance pour l'avenir de la marche oecuménique : la puissance de Dieu est plus grande que toutes les faiblesses humaines anciennes et nouvelles. Si ce jubilé de l'Église grecque-catholique d'Ukraine, au seuil du troisième millénaire, marque quelques pas en avant vers la pleine unité des chrétiens, ce sera avant tout l'oeuvre de l'Esprit Saint.
Un temps de réflexion
12. Les célébrations jubilaires seront en outre un temps de réflexion. L'Église grecque-catholique d'Ukraine s'interrogera avant tout sur ce qu'a signifié pour elle la pleine communion avec le Siège apostolique et sur ce qu'elle devra signifier à l'avenir. Elle rendra gloire à Dieu, dans une attitude d'humble gratitude, pour son héroïque fidélité au Successeur de Pierre, et, sous l'action de l'Esprit Saint, elle comprendra que cette fidélité même la place aujourd'hui sur la voie de l'engagement pour l'unité de toutes les Églises. Cette fidélité lui a valu des souffrances et le martyre dans le passé : c'est là un sacrifice offert à Dieu pour implorer l'union souhaitée.
La fidélité aux antiques traditions orientales est l'un des moyens dont disposent les Églises orientales catholiques pour promouvoir l'unité des chrétiens(21). Le décret conciliaire Unitatis redintegratio est très explicite quand il déclare : «Que tous sachent que connaître, vénérer, conserver, développer, le patrimoine liturgique et spirituel si riche des Orientaux est de la plus haute importance pour conserver fidèlement la plénitude de la tradition chrétienne et pour réaliser la réconciliation des chrétiens d'Orient et d'Occident»(22).
Une mémoire confiée à Marie
13. Ne cessons pas de confier l'aspiration à la pleine unité des chrétiens à la Mère du Christ, toujours présente dans l'action du Seigneur et de son Église. Le chapitre VIII de la constitution dogmatique Lumen gentium la désigne comme Celle qui nous précède dans le pèlerinage de la foi sur terre, affectueusement présente à l'Église qui, au terme du deuxième millénaire, s'emploie à rétablir entre tous ceux qui croient au Christ l'unité que le Seigneur veut pour eux. Elle est la Mère de l'unité, parce qu'elle est la Mère de l'unique Christ. Si, par l'Esprit Saint, elle a mis au monde le Fils de Dieu, qui a reçu d'elle son corps humain, Marie désire ardemment l'unité visible de tous les croyants, qui forment le Corps mystique du Christ. La dévotion envers Marie, qui unit si étroitement l'Orient et l'Occident, oeuvrera, soyons-en certains, en faveur de l'unité.
La Vierge sainte, déjà présente partout au milieu de nous, dans de si nombreux édifices sacrés comme dans la vie de foi de tant de familles, parle continuellement d'unité, pour laquelle elle intercède sans cesse. Aujourd'hui, en commémorant l'Union de Brest, nous nous rappelons les merveilleux trésors de vénération qu'a su réserver à la Mère de Dieu le peuple chrétien d'Ukraine; de cette admiration pour l'histoire, pour la spiritualité, pour la prière de ces peuples, nous ne pouvons pas ne pas tirer les conséquences pour l'unité qui sont si étroitement liées à ces trésors.
Marie, qui a inspiré dans l'épreuve pères et mères, jeunes, malades, personnes âgées, Marie, colonne de feu capable de guider tant de martyrs de la foi, est certainement à l'oeuvre pour préparer l'union désirée de tous les chrétiens; en vue de cette union, l'Église grecque-catholique d'Ukraine a sans aucun doute un rôle à jouer.
L'Église exprime ses remerciements à Marie et la prie de nous faire participer à sa sollicitude pour l'unité; abandonnons-nous à elle avec une confiance filiale, afin de nous retrouver avec elle là où Dieu sera tout en tous.
À vous tous, Frères et Soeurs très chers, va ma Bénédiction apostolique.
Du Vatican, le 12 novembre 1995, mémoire de saint Josaphat, en la dix-huitième année de mon pontificat.
(1) Cf. Bullarium Romanum V/2 (1594-1602), pp. 87-92.
(2) Cf. A. WELYKYJ, Documenta Pontificum Romanorum Historiam Ucrainæ illustrantia, t. I, pp. 257-259.
(3) Cf. AAS 38 (1946), pp. 33-63.
(4) Cf. JEAN-PAUL II, Lettre au Cardinal Myroslav I. Lubachivsky, Archevêque majeur de Lviv des Ukrainiens (25 mars 1995), n. 3: L'Osservatore Romano, 5 mai 1995, p. 6.
(5) Cf. AAS 80 (1988), pp. 935-956.
(6) Cf. ibid., pp. 988-997.
(7) Cf. AAS 38 (1946), pp. 54-57. Ces craintes devaient trouver une confirmation angoissante quelques années plus tard, comme le notait précisément le même Pape dans l'encyclique Orientales Ecclesias (15 décembre 1952) : AAS 45 (1953), pp. 7-10.
(8) Cf. Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ.
(9) Cf. L'Osservatore Romano 31 mai 1995, pp. 1-8.
(10) Ibid., l.c., p. 2.
(11) Cf. nn. 18-19: L'Osservatore Romano 2-3 mai 1995, p. 4.
(12) Cf. nn. 12-14: L'Osservatore Romano 31 mai 1995, p. 2.
(13) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décret sur l'oecuménisme Unitatis redintegratio, n. 3.
(14) JEAN-PAUL II, Lettre ap. Orientale lumen (2 mai 1995), n. 20: L'Osservatore Romano 2-3 mai 1995, p. 4.
(15) N. 19: L'Osservatore Romano 2-3 mai 1995, p. 4.
(16) Cf. AAS 87 (1995), pp. 29-30; Encycl. Ut unum sint, n. 84: L'Osservatore Romano 31 mai 1995, p. 7.
(17) Apol., 50, 13: CCL I, 171.
(18) JEAN-PAUL II, Encycl. Ut unum sint, n. 84: L'Osservatore Romano 31 mai 1995, p. 7.
(19) Ibid., n. 50: l.c., p. 5.
(20) N. 24.
(21) Cf. ibid.
(22) N. 15.
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