Vorbourg, le mardi 13 septembre 2016
Homélie
1 Co 12, 31-13, 8 ; Mt 5,1-12
Les Béatitudes et la parabole du Jugement dernier sont des textes fondateurs de la vie chrétienne. Si vous ajoutez l'hymne à la charité de l'apôtre Paul, vous avez ce qui est le plus essentiel et le plus important pour éclairer votre vie. Celui qui vit cet Évangile, cette Bonne Nouvelle, ne fait pas seulement son bonheur, mais celui des autres. C'est ce que souligne Saint Jean Chrysostome : « Celui qui est doux, abordable, compatissant et juste ne renferme pas en lui-même ses bonnes actions, mais il cherche à en faire comme des sources qui coulent pour l'utilité d'autrui. De même, celui qui a le cœur pur, qui est un artisan de paix, qui est persécuté pour la vérité, consacre sa vie au bien commun. » Ce bonheur, on le reçoit de Dieu, on ne le prend pas, on ne l'acquiert pas par ses propres forces, on y accède en s'ouvrant à la grâce de Dieu, en imitant le Christ, en se laissant conduire par l'Esprit Saint, en laissant la parole de Dieu nous transformer de l'intérieur.
Les Béatitudes permettent de rencontrer le Christ, parce que Jésus, le premier les a vécues de sa naissance jusqu'à sa mort. Le Christ a réalisé ces Béatitudes. Et celui qui marche à la suite du Christ et prend sa croix avec lui s'engage sur le chemin des Béatitudes, qui est un chemin de vie. Les Béatitudes bousculent les idées toutes faites, les paroles anodines, les projets mondains. Elles sont en contradiction avec l'esprit du monde.
À ceux qui s'enrichissent pour leur plaisir personnel et recherchent la gloire pour eux et non pour le Royaume de Dieu, Jésus dit : « Heureux les pauvres de cœur » heureux ceux qui débarrassent leur cœur et leur esprit de tout ce qui les encombre pour laisser une place à Dieu dans leur vie et aux autres. À ceux qui pleurent, parce qu'ils sont seuls, parce qu'ils souffrent dans leur corps ou dans leur cœur ou parce qu'ils aimeraient qu'il y ait moins de mal dans le monde, ou encore, ceux qui pleurent à cause de leurs péchés et qui voudraient s'en sortir, Jésus dit : « Heureux ceux qui pleurent », le temps de la consolation viendra. L'Esprit Saint est l'Esprit Consolateur. À ceux qui refusent toute forme de violence y compris à l'intérieur d'eux-mêmes, qui prennent sur eux le joug de Jésus, car il doux et humble de cœur, Jésus dit : « Heureux les doux ». Ils trouveront le repos pour leur âme et la terre leur sera donnée en héritage. Les puissants seront dépossédés. À ceux qui ont faim et soif de la justice et qui sont aux côtés des opprimés, des exclus, des victimes, Jésus dit : « Heureux êtes-vous », vous serez rassasiés, car la justice de Dieu sera établie. À ceux qui sont miséricordieux, Jésus dit : « Vous obtiendrez miséricorde »; ils seront traités comme ils ont traité les autres. À ceux dont le cœur est pur et qui posent un regard clair et bienveillant sur les personnes et les événements, qui ne sont pas toujours à dénigrer les autres, Jésus dit : « Vous verrez Dieu. » À ceux pour lesquels la paix est une préoccupation et un engagement permanents, Jésus dit : « Vous serez appelés fils de Dieu », car ils sont les fils du Prince de la Paix et qu'ils ont fait fructifier le don de la paix que Jésus leur a fait. À ceux qui sont persécutés pour la justice, Jésus dit : « Le Royaume de Dieu est à vous », car le Royaume est un Royaume où la justice et la paix s'embrassent, où l'amour et la vérité se rencontrent. À ceux qui sont insultés, méprisés, persécutés, voire tués à cause du Christ, Jésus dit : « Heureux êtes-vous ... réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse ». C'est le salaire des vrais prophètes de Dieu, des véritables disciples, des vrais témoins de la vérité et de l'Évangile.
Les Béatitudes sont une charte de vie chrétienne, une boussole pour nous situer dans le monde et pour avancer dans la vie évangélique, la vie spirituelle, la vie missionnaire, la vie sociale. Elles sont une lumière qui ne doit pas s'éteindre. Elles sont un chemin pour chacun de nous, disciples du Christ, le chemin de la vie, duquel nous ne devons pas nous écarter. À certains moments, les Béatitudes paraissent inaccessibles ; elles le sont pour ceux qui comptent sur leurs propres forces. Mais c'est Dieu qui les offre en don. Elles sont des promesses eschatologiques, non pas que leur réalisation serait renvoyée seulement dans l'au-delà, mais dans le fait que celui qui marche à la suite du Christ, en présence de Dieu, vit déjà ce qui doit advenir définitivement. Celui qui vit avec Jésus même au milieu des épreuves est déjà dans la joie.
Le Père André-Marie Carré, Dominicain, écrivait : « Les Béatitudes apparaissent au service du bonheur de l'homme comme la mise en œuvre de cet amour de Dieu et de cet amour du prochain qui ne sont, dans l'Évangile, qu'un seul amour. » C'est de cet amour dont parle Saint Paul, un amour qui est le don le plus grand, plus grand que la foi et l'espérance. Il est le chemin par excellence. Saint Paul décrit cet amour en évoquant des actes de miséricorde. Cet amour est à la mesure du cœur de Dieu, de Dieu lui-même. Il est d'ailleurs l'amour de Dieu répandu dans nos cœurs, qui porte des fruits.
Avec Saint Paul, nous apprenons que l'amour n'est pas seulement un sentiment, mais il atteint l'intelligence et la volonté et se traduit par des attitudes et des actes concrets. Mais on voit bien que l'amour ne consiste pas uniquement dans des aides et des soutiens matériels, il est aussi réconfort, soutien, abandon de ses propres intérêts, patience et humilité. Il est gratuit et n'attend rien en retour, ni félicitations, ni reconnaissance. La grandeur et la force de l'amour tiennent au fait qu'il exprime au plus haut point qui est Dieu et sa présence. « Où sont amour et charité, Dieu est présent » (Ubi caritas et amor, Deus ibi est) Saint Vincent de Paul et Sainte Mère Teresa de Calcutta, par leur service des pauvres, ont rayonné le visage de Dieu. La charité en acte, l'amour de l'autre exprime la miséricorde de Dieu. C'est cet amour qui peut remplir une vie et qui est à l'origine de toute vie consacrée à Dieu et au service des autres, au service de tout homme.
L'amour a un te! respect de l'autre qu'il ne l'écrase pas, car il ne se gonfle pas d'orgueil. Il se situe à l'encontre de ceux qui cherchent à faire connaître le bien qu'ils font et qui tiennent qu'on le sache. Le véritable amour ne fait pas de bruit. Il édifie. Il fait grandir l'autre. C'est cet amour désintéressé qui sauvera le monde de ses errements, de ses erreurs, de ses violences, de ses mensonges, car il pousse à la réconciliation et au pardon. Que chacun de nous, qui croyons à la force de transformation du monde par l'amour qui nous vient de Dieu et qui irrigue nos vies, soit habité par cet amour dont parle l'Apôtre Paul ! Aimons à relire ce texte, à le méditer, à l'accueillir comme une force de renouveau de notre vie chrétienne, de notre foi et de notre espérance.
« Les Béatitudes, disait un ermite des premiers siècles, sont des dons de Dieu, et nous devons rendre abondamment grâce pour elles et pour les récompenses qui en dérivent, c'est-à-dire le Royaume des cieux dans le monde à venir, la consolation ici-bas, la plénitude de tout bien de la part de Dieu ... une fois devenus des images du Christ sur la terre » (Pierre de Damas) La charité, l'amour est aussi un don de Dieu, elle est même Dieu qui se donne, car Dieu est Amour.
Puissions-nous demeurer dans la joie de vivre les Béatitudes et cette charité qui se sont révélés dans le cœur transpercé de Jésus sur la croix ! Cet amour, écrit le pape Benoît XVI dans sa première encyclique, « est la lumière - en réalité l'unique - qui illumine sans cesse à nouveau un monde dans l'obscurité et qui nous donne le courage de vivre et d'agir. L'amour est possible, et nous sommes en mesure de le mettre en pratique, parce que nous sommes créés à l'image de Dieu. » (Dieu est Amour, n. 39)
Mgr Philippe GUENELEY
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