29 décembre 2019 - La Sainte Famille — Année A
Fête
Première lecture Celui qui craint le Seigneur honore ses parents Si 3, 2-6.12-14
Psaume Heureux qui craint le Seigneur et marche selon ses voies ! Ps 127 (128), 1-2, 3...
Deuxième lecture Vivre ensemble dans le Seigneur Col 3, 12-21
Évangile « Prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte »
Chers Frères et Sœurs, la Famille, quel thème !
Famille, lieu social dont il est presqu’impossible de rendre
compte aujourd’hui, tant elle est éclatée, diluée, liquide, invisible, tant on
peut avoir mal à sa famille, qu’elle soit naturelle, chrétienne,
post-chrétienne, recomposée ou même reconstituée, voire abstraite et
transformée en idéal venu du passé ou mirage d’un avenir impossible.
Pourtant que dit-on d’elle ? La littérature abonde, ses
titres sont multiples et non dénués d’espérance en Église, à lire ce que disent
nos voisins français, sur le site de l’épiscopat : « Sacrée Famille ! » « Rejoindre toutes les familles » « L’expérience de Dieu à travers les épreuves
de l’amour humain » « L’Evangile de la famille » « Le christianisme comme
bouleversement de la réalité du mariage »
« Famille, je vous aime » « La
famille, chemin vers le Ciel » « Le
couple comme expression de la relation du Christ à l’Église » « Tradition
chrétienne et évolution de la famille » « Merci aux familles » « Familles :
Trouvez un cap vers l’avenir ! » Nous voilà épuisés et rendus en début
d’homélie…
Pourquoi ne pas nous concentrer simplement sur la Sainte
Famille pour y trouver la paix et un peu de sérénité ? Une paix et un port
d’attache en marche dirait peut-être le pape François ? Ou bien une
stabilité dans le mouvement.
La Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph est en effet en
marche, aujourd’hui et qu’elle marche, dans quelles conditions ? C’est la
fuite en Égypte. Les représentations de la sainte famille mériteraient une
étude, et un approfondissement. La société d’études mariales chrétiennes a
publié quelque chose en 2005, sujet à explorer.
Je retiens deux représentations, deux icônes. Il y a d’abord
celle de Sr Marie-Paule, iconographe célèbre, et bénédictine du Mont des
Oliviers décédée il y a deux ans, je crois. Le Christ enfant est assis entre
Joseph et Marie et il nous bénit. Il y a de la tendresse entre Joseph et Marie
qui a la tête appuyée sur son épaule. La main de Joseph est sur l’épaule de Marie. Un autre auteur montre le Christ
entre ses deux parents, touchant la joue de Marie, Mère de Dieu, de sa main
gauche. Le geste est affectueux, mais aussi signe de douleur et de consolation,
si je l’interprète bien. Marie aura besoin de consolateurs au pied de la croix.
Joseph ne sera plus là, ce sera Jean qui nous représentera et les saintes
femmes. De sa main droite, le Christ touche les mains de ses parents, réunies,
dans un geste de bénédiction. Le geste selon mon interprétation paraît évoquer
une bénédiction du mariage par celui qui est le Fils unique du Père,
l’inengendré, né dans ce cadre et qui y a été accueilli. Les trois mains et les
trois personnages évoquent le mystère trinitaire.
La deuxième icône est celle de la fuite en Égypte. Marie est
sur l’âne familial, le tout-terrain familial de l’époque, avec l’enfant qui
joue déjà dans ses bras, Joseph, bâton à la main, conduit ses précieux trésors,
fréquemment un serviteur les accompagne. Il est l’image et le représentant de
ceux qui aident toutes les saintes familles du monde. Un palmier s’incline pour
faire bénéficier de ses fruits ces passants qui entourent celui qui est le
Sauveur du monde. Petit comme ça… Une source jaillit à ses pieds. Nous n’en
finirions pas de décrire ce tableau qui suscite en nous, joies et
émerveillements, mais aussi qui ne peut que nous inviter à penser à toutes les
familles du monde en fuite, aux familles séparées, à celles qui pleurent et ont
besoin de consolation. Aux enfants otages des divisions des parents et des
manques de pardon. Cela fait mal aux serviteurs qui ont pour mission d’écouter,
de consoler et d’encourager ; parfois d’apporter l’invitation à la
réconciliation du Christ qui souffre en ces enfants. Dieu a voulu que son Fils
naisse dans une famille avec un père et une mère qui l’aident à croître dans
un équilibre humain et spirituel où il
soit aimé et éduqué. S’il l’a fait, c’est dire qu’il donne une grâce à toutes
les familles pour y parvenir. Il est Dieu, mais il a voulu être dépendant, aimé
et aidé dans une famille.
Quel équilibre trouver lorsqu’est pris le chemin de la fuite
en Égypte ? C’est tout un art que de conserver l’équilibre de la première
image, du portrait, j’allais dire spirituel, idéal, théologique de la famille,
à la maison, lorsqu’on est en route et soumis aux fluctuations de l’existence.
Que fallait-il pour partir si loin ? Joseph devait
nourrir sa petite famille et lui-même, en usant de ses instruments de travail
et de son art de charpentier, car c’en était un. Dans un ouvrage célèbre d’un
auteur allemand du début du 20ème siècle, La vie de Jésus dans le pays et le peuple
d'Israël Michel Willam, Franz, celui-ci nous dit que la Bible mentionne : la
hache et la scie, le marteau et le racloir, le cordeau et le compas. Ce n’était
pas un Kit de charpentier dans une belle boîte, comme nous en voyons dans nos
supermarchés spécialisés. Quant à Marie, en plus des instruments de son art
propre, elle devait avoir sa science non pas infuse mais apprise de jeune femme
d’intérieure, avec un nouveau-né et premier-né à gérer. Ce n’est pas une petite
affaire, la moitié du monde humain créé me le confirmera sans peine.
Le but de cette petite famille n’était pas d’abord de sauver
les parents et chacun des parents personnellement, mais de sauver le petit, le
sauveur du monde. Il n’était pas une annexe familiale, mais son centre, le
centre de l’intérêt et de l’activité, la raison d’être première de sa famille.
La famille est constituée pour que la vie soit transmise dans sa totalité, il
s’agit de sa première mission et de sa mission première.
Jésus devait grandir, croître en Sagesse, en grâce, en
taille et en force devant Dieu et les hommes dans une famille pleinement
humaine, pardonnez mon insistance. Mais aujourd’hui on n’entend trop dire que
l’enfant est un dû, alors qu’il est un don. Il doit être aimé pour lui-même. Il
n’est pas un animal de compagnie à disposition pour nous permettre d’assouvir
des besoins de tendresse et d’affection.
Représentation de la Trinité, Unité, Équilibre et vie dans
l’option de l’union à Dieu. Le signe qu’est la Sainte Famille est évident et
clair. Son but était de donner le Christ au Monde pour qu’il puisse accomplir
sa mission. Saint Joseph est aujourd’hui le saint patron de nos familles, de
l’Église mais aussi du Carmel. Nous l’invoquons non seulement pour qu’il nous
aide dans nos affaires matérielles et cela n’est pas sans importance, mais
aussi pour qu’il nous aide avec toute son attention, sa prudence, sa sagesse et
sa disponibilité à conserver notre stabilité familiale pour le Christ soit
donné au monde, avec Marie, mère du Seigneur qui veille sur notre croissance
spirituelle comme la plus experte des mères. Dieu veut que tous les hommes
soient sauvés, il veut qu’aucun ne se perde. Nous sommes précieux à ses yeux et
il nous confie à la Sainte Famille.
Amen.
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