Saint Augustin
DIXIÈME SERMON. LA NAISSANCE DE JÉSUS-CHRIST. (QUATRIÈME
SERMON.)
ANALYSE. — 9 . Naissance du Sauveur; virginité de Marie. —
2. Annonciation de l'Ange. — 3. L'étoile brillant du haut du ciel. — 4.
Offrandes symboliques des Mages.
1. Si nous pouvions exposer parfaitement l'événement de ce
jour, nous aurions la connaissance complète des mystères de notre salut. Or,
chacun de ces mystères défie, par sa profondeur, toute l'habileté du langage
humain. Comment donc pourrait-on se flatter de les exposer tous à la fois sur
un seul et même sujet? Nous célébrons aujourd'hui la naissance du Sauveur; mais
ne devons-nous pas voir dans cette naissance du Christ la naissance même du
monde? C'est aujourd'hui la naissance du Sauveur, c'est-à-dire le mystère d'où
le monde a reçu la vie et d'où la lumière, qui avait péri, a été rendue aux
mortels. Il naît, celui que les Prophètes ont proclamé le Roi des nations. « Il
naît d'une Vierge, comme le Prophète l'atteste en ces termes : Voici qu'une
Vierge concevra et enfantera un fils, et ils l'appelleront Emmanuel,
c'est-à-dire Dieu avec nous ». Le mode de sa naissance prouve donc qu'il est le
Seigneur des vertus; une vierge a conçu sans avoir jamais connu la
concupiscence; le Saint-Esprit a tout fait en elle; tout a été pur, et le sein
qui a conçu le Verbe, et les membres qui l'ont conservé, et les entrailles qui
l'ont porté. La mère du Sauveur est elle-même le plus grand miracle; une vierge
a conçu, une vierge a enfanté; elle était vierge avant, elle est restée vierge
après l'enfantement. Virginité glorieuse et fécondité éclatante ; le Tout-Puissant
prend naissance, et sa mère n'exhale aucun gémissement. Elle enfante, son fils
paraît à la lumière et sa virginité ne souffre aucune atteinte. Du moment que
c'est un Dieu qui naît, il fallait que la chasteté de la mère reçût un nouvel
éclat, et celui qui était venu pour guérir toutes les souillures ne pouvait
porter atteinte à la parfaite intégrité de sa mère. L'enfant, à sa naissance,
est déposé dans une crèche; ce sont là les premières bandelettes d'un Dieu, le
Roi du ciel ne dédaigne pas ces entraves, après avoir trouvé bon d'habiter dans
un sein virginal. Marie, dépouillée de son précieux fardeau, se tient là debout
et se reconnaît mère, avant de s'être connue épouse. Elle adore la divinité de
son fils et tressaille de joie d'avoir enfanté par le Saint-Esprit; elle ne
frémit pas d'avoir enfanté en dehors du mariage, mais elle se réjouit d'avoir
donné naissance à un Dieu.
2. Quand fut arrivé le moment où le Sauveur devait descendre
sur la terre et régénérer le monde; à cette époque où les prophéties planaient
sur les nations attentives, le Saint-Esprit survint dans la Vierge Marie, selon
cette parole de l'Ange: « Le Saint-Esprit viendra sur vous, et la vertu du
Très-Haut vous couvrira de son ombre. Voilà pourquoi le Saint qui naîtra de
vous sera appelé le Fils du Très-Haut (Luc, I, 35) ». Grand est donc le mérite
de notre foi, parce que grand est le prodige de cette génération, et c'est en
toute justice que nous adorons la puissance divine dans la naissance de Celui
que nous savons nous être venu du ciel et engendré de Dieu le Père par la vertu
du Saint-Esprit, afin de proclamer plus solennellement la Trinité et de sceller
la sainteté de Marie. Le Sauveur naît, et le soleil s'élance plus loin dans sa
carrière. N'est-il pas nécessaire quë la splendeur qui apparaît aujourd'hui
avec tant d'éclat prenne de jour en jour une nouvelle extension ?
3. Mais voici un nouveau messager qui vient nous attester la
naissance du Sauveur. C'est une étoile qui apparaît du ciel; ne fallait-il pas
que celui qui descendait du ciel fût également attesté par un envoyé du ciel ?
La course de l'étoile annonce la naissance du Dieu fait homme; les éléments
attestent le même prodige et, mêlée aux rayons du soleil, l'étoile n'en jette
que plus d'éclat.
4. Voyons donc ce que signifiaient ces présents mystérieux
offerts par les Mages, malgré l'abjection de la crèche, et comprenons qu'ils
proclament en Jésus-Christ l'union person. nelle de la divinité et de
l'humanité. Le Sauveur est vu comme homme, et il est adoré comme Dieu ; il est
gisant dans ses langes et il brille parmi les étoiles. Ses langes annoncent
l'enfant qui vient de naître, les étoiles proclament qu'il est le souverain
Maître de toutes choses. C'est son humanité qui est enveloppée de langes, c'est
sa divinité qui est adorée ; les bergers tressaillent sur la terre, les Anges
sont remplis de joie dans les cieux. Mais enfin, quels sont donc ces présents
que les Mages, divinement instruits, offrent à l'Enfant-Dieu? Ils présentent de
l'or et confessent ainsi que cet enfant est le souverain Maître de toutes
choses. lis présentent de l'encens, et ce sacrifice s'adresse à un Dieu. Ils
présentent de la myrrhe, symbole de sa mortalité. L'or nous le montre comme
Roi, l'encens nous le fait connaître comme Dieu, la myrrhe nous annonce sa
sépulture. Les Prophètes annoncent un seul Dieu, et les Apôtres le prêchent;
les Mages ont cru, et à Jésus-Christ dans les langes ils ont offert de
l'encens, de l'or et de la myrrhe. Pour nous, mes frères, craignons le Dieu
unique, afin qu'il daigne nous accorder tous les biens par Jésus-Christ
Notre-Seigneur, qui est béni dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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