Le Saint Crucifix de Develier
Le présent opuscule a été publié le 3 mai 1937, fête de l'Invention de la Sainte Croix, à l’occasion du tricentenaire du Saint Crucifix. L. B., curé.
NOTICE
Le saint Crucifix de Develier est en bois ; il a 1 m. 40 de
hauteur et porte la date de l’année 1600. Il est exposé à la vénération des
fidèles sur un autel latéral, dans l’église de cette paroisse. A proximité, on
peut lire sur une grande plaque de marbre, l’inscription suivante :
« Crucifix miraculeusement conservé lors de l’embrasement
de cette église, pendant la Guerre de 30 ans, en 1637. »
Nulle image du Sauveur crucifié n’est entourée d’une plus
grande vénération dans notre pays. L’origine de cette dévotion populaire
remonte à l’année 1637, rappelée dans l’inscription ci-dessus. La vallée de
Delémont était alors dans la désolation et sans cesse traversée par les troupes
françaises, allemandes, suédoises, qui rivalisaient entre elles d’indiscipline, de rapacité et de
barbarie. Un jour, une bande de soldats suédois pénètre dans l’église de Develier,
la pille, et la livre aux flammes. Au lendemain du désastre, le saint Crucifix,
qui auparavant était suspendu à l’arc de l’entrée du chœur, se retrouva intact
dans les cendres fumantes. Ce fut une immense consolation au milieu de cette
épreuve cruelle.
Dès lors, le saint Crucifix de Develier n’a cessé d’être,
non seulement pour la paroisse, mais pour toute la vallée de Delémont. un objet
de vénération et un but de pèlerinage. Le culte rendu à cette sainte image
s’est transmis de génération en génération. Dans les malheurs et dans les
souffrances de la vie, la première pensée fut souvent de recourir au saint
Crucifix, objet d’une pieuse dévotion et source de bien des grâces. C’est
surtout dans les maladies, que le secours de la sainte image est invoqué avec
plus de confiance et plus d’empressement. Il est peu de familles à Develier et
dans les environs qui n’aient à remercier le saint Crucifix de quelque faveur
spéciale.
Avant la Révolution française, la ville de Delémont venait
chaque année en procession au saint Crucifix, et en outre faisait célébrer une messe à l'autel de la
sainte image, les trois premiers vendredis après l’invention de la
Sainte-Croix. Cette dévotion, interrompue depuis 1793, a été rétablie en 1816,
à la demande du magistrat de la ville, et a continué jusqu’au milieu du 19e
siècle. Depuis, la procession est remplacée par trois messes au saint Crucifix.
Autrefois, la paroisse de Bassecourt venait aussi tous les
ans, au mois de mai, en procession au saint Crucifix. D’autres paroisses y
vinrent dans des temps de calamité.
En 1861 un don a été fait à la paroisse de Develier, à
charge par elle de faire célébrer annuellement quelques messes à l’autel du
saint Crucifix, et d’entretenir une lampe allumée devant cet autel, tous les
dimanches et fêtes de l’année.
Ainsi, dès 1637, le culte envers un objet si cher à la piété
des fidèles a toujours existé. Le 12 septembre 1869 fut notamment pour le saint
Crucifix un jour à jamais mémorable. La manifestation religieuse de cette
belle fête restera dans l’histoire de la sainte image comme le plus éclatant
témoignage de vénération qu’elle ait reçu.
C’est en ce jour, deuxième dimanche de septembre, que Mgr
Eugène Lachat, évêque de Bâle, assisté du Rme Père Abbé de la Pierre et de
plusieurs membres du chapitre cathédral de Soleure, en présence d’un clergé
nombreux et d’un peuple immense, couronna au nom de N. S. P. le Pape Pie IX, la
statue miraculeuse de Notre-Dame du Vorbourg, dans l’église paroissiale de
Delémont, où elle avait été transportée pour la circonstance.
M. le doyen Vautrev avait eu l’heureuse idée de convier le
saint Crucifix de Develier à la fête du Couronnement. Il était bien juste, en
effet, que l’image du Fils fit cortège à la Mère couronnée et glorieuse.
Répondant avec empressement et avec bonheur à cette
invitation, la paroisse de Develier se rendît processionnellement à la fête,
avec son antique et bien aimé Crucifix, porté entre un chœur d’hommes et un
chœur de jeunes filles, qui chantaient alternativement le Vexilla regis et le
cantique Vive Jésus ! Vive sa croix !
Lorsque le saint Crucifix franchit la porte de Delémont,
tous les fronts se découvrirent avec respect ; une émotion religieuse s’empara
de tous les cœurs, et c’est au milieu d’une multitude respectueuse et au chant des
saints cantiques, que la sainte image du Sauveur arriva triomphalement à l’église St-Marcel.
La grande procession, de Delémont au Vorbourg, fut une
manifestation très solennelle. La foule immense avança pleine de respect et de
piété, à travers les rues pavoisées et ornées de guirlandes, au son de la
musique et des chants sacrés, vers la sainte chapelle. Le saint Crucifix et la
Vierge couronnée attiraient tous les regards et remplissaient les âmes des
sentiments les plus touchants : sentiments de compassion et de reconnaissance à
la vue de l’image du divin Rédempteur crucifié pour notre salut ; sentiments de
joie, de confiance et d’espérance, à la vue de l’image de sa très-sainte Mère
et de la nôtre.
Arrivée au sommet de la montagne, la procession s’arrêta, et
le cortège épiscopal pénétra seul dans la chapelle, où la sainte statue fut
replacée sur son autel. La procession reprit ensuite le chemin de la ville, au
chant des litanies de la Ste-Vierge et du Te Deum, et arriva à l’église de
St-Marcel. Le saint Crucifix fut déposé dans le chœur, et y demeura jusqu’au 24
septembre, exposé à la vénération des fidèles, qui s’empressèrent de venir,
chaque jour, en grand nombre, lui présenter leurs hommages et lui adresser leurs supplications. Les voix éloquentes qui avaient annoncé la parole de Dieu, le jour du couronnement, ne se faisaient plus entendre ; mais on peut dire que le saint Crucifix, pendant les douze jours qu’il passa dans l’église de Delémont, y remplit l’office d’un prédicateur capable de convaincre et de ramener au bien.
Le vendredi, 24 septembre, la paroisse de Delémont rapporta processionnellement le saint Crucifix dans l’église de Develier.
La paroisse de Develier revit avec bonheur sur son autel le saint Crucifix, et depuis lors il continue à être l'objet de la vénération des habitants et des pèlerins.
Rappelons qu’en 1918, à l’occasion du rétablissement des processions dans le Jura bernois, le saint Crucifix, grâce à l’initiative intelligente de M. le curé Paul Aubry, fut une seconde fois porté solennellement à l’église paroissiale de Delémont pour y être exposé pendant plusieurs jours à la vénération des fidèles.
Que le saint Crucifix, préservé des flammes, et la Vierge miraculeuse du Vorbourg daignent garder notre vallée et notre Jurande tout malheur, et nous conserver à jamais le trésor inappréciable de la foi catholique ! Amen.
PRIÈRE au Saint Crucifix de Develier
Adorable Sauveur, Dieu tout-puissant et miséricordieux, je
vous remercie d’avoir, pour ranimer la foi et la piété des fidèles, conservé
intact au milieu des flammes le saint Crucifix de Develier.
Très doux Jésus ! plein de confiance en votre douloureuse
Passion et en votre cruelle agonie sur la croix, je m’offre à Vous en sacrifice
de reconnaissance pour tout ce que vous avez fait et souffert pour mon salut.
Et comme vous avez préservé des flammes votre sainte image, je vous supplie,
par vos mérites infinis, et ceux de Marie, co-rédemptrice du genre humain, de
me préserver du péché et de garder mon âme pour la vie éternelle. Ainsi
soit-il.
(50 j. d’indulg., François von Streng, Evêque de Bâle et
Lugano, 3 mai 1937)
INVOCATIONS
Nous Vous adorons, ô Jésus, et nous Vous bénissons, parce
que Vous avez racheté le monde par votre sainte Croix ! (100 j. d’indulg.)
*
Mon Jésus, pardon et miséricorde, par les mérites de vos
saintes plaies !
(300 j. d'indulg.)
*
Père éternel, je Vous offre les plaies de Notre Seigneur
Jésus-Christ, pour guérir celles de nos âmes ! (300 j. d'indulg.)
L’AMI DE TOUS LES JOURS
Pieuses réflexions du R. P. d’Alzon
Avez-vous un crucifix et comment vous comportez-vous à son
égard ?
Quittez-le le moins possible : mettez-le sur votre table
quand vous écrivez, sur vos genoux quand vous travaillez, afin de le regarder
de temps en temps, et quand vous vous endormez, laissez-le entre vos mains.
Certes, rien n’est plus sanctifiant que la communion
fréquente et l’adoration du Saint-Sacrement ; mais on ne peut toujours avoir
Notre Seigneur Jésus-Christ substantiellement présent dans le cœur, on ne peut
être constamment à ses pieds ; on peut toujours avoir son image sur soi, et cette
image vous dit bien des choses.
Si, le matin en vous levant, vous baisez votre crucifix avec
amour et vous promettez à Notre Seigneur Jésus-Christ de porter votre croix
tout le long du jour ;
Si, pendant votre méditation, vous tenez la Croix entre vos
mains et vous vous proposez de vous immoler 6ur l’autel du sacrifice de Jésus-Christ
;
Si pour réveiller votre ferveur, vous portez de temps en
temps la main sur votre crucifix ;
Si vous le serrez fortement dans les moments d’angoisse, de
peines, de luttes, de tentations ;
Si, au moment de partir pour quelque bonne œuvre, vous
l’adorez en vous rappelant que c’est encore Jésu6-Christ que vous allez
secourir dans la personne des pauvres et des petits ;
Si, au moment de pratiquer quelque sacrifice, vous baisez
les plaies divines qui sont les fontaines de la vie de l’Eglise et les sources
de notre perfection ;
Si, le soir, vous allez à ses pieds rendre compte de votre
journée, de votre orgueil devant ses abaissements, de vos vanités devant ses
humiliations, de votre lâcheté devant ses angoisses, de votre paresse en présence
de la sueur de sang répandue sur ce corps divin, de votre égoïsme en face de
son amour infini, de votre impatience, de vos dépits, de votre défaut de
charité en face de ses longues attentes sur votre cœur ;
Ah ! il me paraît bien difficile que votre crucifix ne
devienne pas pour vous un ami, un confident.
Notre Seigneur vous aimera, vous instruira, vous fortifiera
à travers son image ; et, dans un commerce plus continuel, uni à Dieu par cet
intermédiaire muet, vous sentirez comme une transformation de tout votre être :
ce ne sera plus seulement le bois, le métal qui reproduira pour vous les traits
du Seigneur, ils se graveront d’une manière plus vivante dans votre âme. Vous
sentirez Faction plus immédiate de Celui qui, pour vous, a été attaché à la Croix.
Vous voudrez vous transformer en Lui et dire comme saint Paul : Vivre, pour moi, c’est Jésus-Christ.
Et votre vie, prenant un caractère nouveau, vous découvrira de nouveaux
horizons dans la science chrétienne, si vous vous laissez emporter par l’amour
; et toute vie, toute science, tout bonheur se résumeront pour vous dans ces
deux mots : Jésus-Christ crucifié.
Vous avouerai-je en toute simplicité que le meilleur moment
pour moi est surtout le soir avant de m’endormir. Il ne faut pas beaucoup
d’efforts pour se laisser aller à penser à ce bon Maître dont on tient les
mains. On lui dit qu’on l’aime ; on lui demande pardon de ses sottises ; on est
tout à coup frappé de ce pardon qui tombe du haut de la Croix ; on songe au mal
que l’on a fait au bon Dieu, au temps que l’on a perdu, aux grâces que l’on a
reçues. On le remercie de ses bienfaits ; on lui fait des promesses enflammées
; on rougit d’être dans un bon lit, quand il est mort sur le gibet ; on
s’excite à l’amour, à réparer le temps perdu. On adore Dieu le Père en lui
présentant son Fils ; on invoque le Saint-Esprit qu’il nous a envoyé ; on prie
pour l’Eglise qui naquit sur le Calvaire ; puis on prend courage dans la pensée
de l’amour et de la puissance de Dieu ; et, si le sommeil n’est pas venu, on
trouve le temps court en pareille compagnie.
Voilà quelques idées qui, je le désire, vous porteront à
lier un commerce intime avec votre crucifix. Il vous rendra Jésus-Christ
présent à l’esprit et au cœur ; que voulez-vous de plus ?
Priez la sainte Vierge qu’elle vous apprenne comment vous
devez coller vos lèvres sur les plaies de son divin Fils et y prendre le
courage...
Que la croix soit votre bien, votre espoir, votre vie, votre
récompense !
N. B. — La Fête du Saint Crucifix de Develier se célèbre le
lundi qui est ou qui suit le 3 mai, Invention de la Sainte-Croix.
IMPRIMATUR.
Solodori, die 26 Aprilis 1937.
E. FOLLETÊTE. Vic. gen.
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