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lundi 12 septembre 2016

Fêtes du Vorbourg - lundi

2ème Homélie de Mgr Philippe Gueneley pour les Fêtes du Vorbourg

Vorbourg, lundi 12 septembre 2016
Homélie
Jc, 2,14-18 ; Mt 25, 31-40

La Lettre de Saint Jacques et l'évangile selon Saint Matthieu nous parlent des oeuvres de miséricorde et ces textes viennent réveiller notre conscience. Comme nous y invite le pape François, il s'agit de ne pas tomber dans l'indifférence qui règne devant l'ampleur des problèmes et la peur de l'inconnu et qui nous éloigne les uns des autres et nous condamne à l'inaction. « Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde, les blessures de tant de frères et soeurs privés de dignité, et sentons-nous appeler à entendre leur cri qui appelle à l'aide. Que nos mains serrent leurs mains et les attirent vers nous, afin qu'ils sentent la chaleur de notre présence, de l'amitié et de la fraternité. » (Bulle d'indiction du Jubilé, 15) Car la miséricorde ne s'exprime pas seulement par des paroles, elle se traduit également par des actions. Et ce sont les plus éprouvés, les plus pauvres, les plus démunis, les plus isolés, les plus méprisés qui doivent être l'objet de notre attention et de nos soins. Ici, il est surtout question des oeuvres corporelles de miséricorde.
Dans la Bulle d'indiction, le pape François indique 7 oeuvres corporelles de miséricorde : « Donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. » (n. 15) Les six premières ont leur source dans le chapitre 25 de l'évangile de Saint Matthieu. La septième oeuvre, l'ensevelissement des morts, apparaît comme une oeuvre dans l'Eglise catholique au 13ème siècle. Certes ces œuvres se retrouvent dans d'autres textes anciens qui en ajoutent d'autres. Le pape François vient d'ajouter comme œuvre de miséricorde la sauvegarde de la création. Ces œuvres sont faciles à comprendre, peut-être plus difficiles à mettre en œuvre compte-tenu, dans certains cas, de la complexité des situations. Elles rejoignent une certaine conception de l'homme qui défend le
droit de recevoir les secours essentiels à sa vie d'homme et le devoir de n'abandonner personne à la solitude, quand il lui manque ce qui est essentiel à son existence humaine. Elles sont une manière d'accomplir la Loi de l'Ancienne alliance et récapitulent le second commandement, qui fait de la charité la règle première de toutes les relations avec les autres. Aimer le prochain, c'est lui permettre d'avoir son autonomie et de vivre dignement et libre.
Mais surtout, ces œuvres de miséricorde sont à la ressemblance de la miséricorde de Dieu et font entrer dans la radicalité évangélique. Elles nous lient à la personne du Christ : « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » Les œuvres de miséricorde portent en elles une identification entre Jésus et le pauvre, entre Jésus et celui qui a faim ou soif, Jésus et celui qui est malade, étranger ou prisonnier. C'est le seul endroit de l'Évangile qui dit cela. Il est donc très important. Il y a un rapport privilégié entre le Fils de l'Homme et les petits, quelle que soit la définition que nous faisons de ces petits. Il y a un lien privilégié entre la reconnaissance du Fils de l'Homme et la promotion des plus humbles, il y a un rapport profond entre la relation à Dieu et la relation avec le prochain : les deux vont de pair. On ne peut pas croire en Dieu sans croire à la dignité du prochain, on ne peut pas aimer Dieu sans aimer le prochain. Le rapport avec Dieu se joue dans la relation avec les hommes. Sainte Mère Teresa a enraciné toute sa spiritualité et toute son action de charité sur ce passage de l'évangile.
Les œuvres de miséricorde nous intègrent aussi dans le mystère du salut : « Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. » En même temps, ces paroles posent question aux croyants que nous sommes : si les œuvres suffisent pour entrer dans le Royaume de Dieu, à quoi cela sert-il de croire, où situer la foi ? Il ne serait pas nécessaire de connaître Dieu pour être sauvé ? Saint Jacques relie les œuvres et la foi. Il ne les sépare pas. Si la foi n'est pas mise en œuvre, si elle ne s'exprime pas par des œuvres, elle est « bel et bien morte. » « Si quelqu'un prétend avoir la foi sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ? » Une foi vivante s'exprime, non seulement par la prière, la profession de foi, la célébration des sacrements, mais aussi par la charité et le service du prochain. En réalité, le passage de Saint Matthieu comme celui de Saint Jacques ne répond pas à la question de savoir si l'on peut être sauvé sans connaître Dieu. Dans la tradition protestante la foi est première pour conduire au salut. Mais les œuvres mettent sur le chemin du salut, d'ailleurs, pas seulement les œuvres corporelles indiquées ici, mais aussi les œuvres spirituelles de miséricorde et de pardon, de paix et de justice, de consolation et d'enseignement. Les œuvres sont l'expression du respect qui est dû à toute personne humaine, elles sont au service des autres et permettent aux autres d'être reconnus et d'exister. C'est ce qui fonde dans les communautés de l'Eglise l'existence des structures caritatives et les organismes qui sont les rouages de la charité.
Éclairés par la parole de Dieu, nous sommes invités à sentir un peu mieux comment nous pouvons changer notre comportement face aux situations de souffrances de nos frères et sœurs. Souvent nous sommes dépassés par l'ampleur des problèmes. Alors, pourquoi ne pas demander dans la prière à Dieu : « Seigneur, fais-moi voir et comprendre le petit peu, le petit mieux qui peut changer ma vie et contribuer à soulager la souffrance et la misère du monde. » N'oublions jamais que nous serons jugés par Dieu sur la charité, sur la manière dont nous aurons aimé nos frères, en particulier, les malades, les faibles, les démunis, les petits, qu'ils soient proches ou au loin. « Au soir de notre vie, dit Saint Jean de la Croix, nous serons jugés sur l'amour. » Certes, nous sommes sauvés par grâce, gratuitement, par l'amour de Dieu qui nous précède toujours. Sans lui, nous ne pouvons rien faire. La foi est un don reçu qui appelle notre réponse libre et l'ouverture de notre cœur. Le Christ, le Berger de toute l'humanité nous apporte la miséricorde de Dieu qui sauve. Mais en mettant notre confiance en lui, nous devons répondre à son amour par une vie bonne, faite d'actions animées par la charité et le don de nous-mêmes.
Comme le dit le pape François : « Envisager le Jugement dernier ne doit jamais nous faire peur ; au contraire, cela nous pousse à mieux vivre le présent. Dieu nous offre avec miséricorde et patience ce temps, afin que nous apprenions chaque jour à le reconnaître chez les pauvres et chez les petits, afin que nous nous prodiguions pour le bien et que nous soyons vigilants dans la prière et dans l'amour. Que le Seigneur, au terme de notre existence et de l'histoire, puisse nous reconnaître comme des serviteurs bons et fidèles ! « (Audience du mercredi 24 avril 2013)
Nous avons à éviter d'être parmi ceux qui ne comprennent pas, qui ne voient pas : « Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu... ? » Pourquoi je ne vois pas, pourquoi mes relations avec les autres sont difficiles, conflictuelles, pourquoi suis-je sur la défensive avec les étrangers, dans la peur avec les malades, pourquoi suis-je à défendre mes intérêts avec les pauvres ? Cherchons à sortir de nos fermetures face aux nécessités concrètes dans lesquelles nous vivons. Nous vivons dans cette cécité, dans cet aveuglement même à l'égard des personnes les plus proches, nous passons à côté des autres et de leurs souffrances, sans intervenir comme le prêtre et le lévite de la parabole. « C'est une profonde expérience spirituelle de contempler chaque proche avec les yeux de Dieu et de reconnaître le Christ en lui. Cela demande une disponibilité gratuite qui permette de valoriser sa dignité. » (Pape François, La joie de l'Amour, n. 323) Demandons au Seigneur de le reconnaître présent chez les autres, dans nos relations en Eglise et au milieu du monde, pas où nous avons décidé de le voir, mais là où les autres crient et appellent, là quand les autres s'approchent de nous sans que nous l'ayons prévu. Ne nous perdons pas dans une ferveur religieuse, une piété qui nous fasse oublier d'être attentifs aux autres et qui nous rende durs avec eux. Que le Seigneur
nous délivre de notre cécité ! Qu'il nous donne de goûter la joie du petit plus, du petit mieux qui nous ouvre un nouvel horizon ! Faisons en sorte que dans la diversité de nos rencontres chaque personne soit respectée pour ce qu'elle est, qu'elle ressente la joie d'être considérée, d'être aimée, parce qu'elle est l'objet de la tendresse immense de Dieu !
Mgr Philippe GUENELEY

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