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dimanche 31 janvier 2021

"Tu es le Saint de Dieu!" Qui le dit : l'esprit mauvais ou Pierre?

 

Le Bon Pasteur
(chaire de l'église de Tavannes)

 31 janvier 2021

Dimanche, 4ème Semaine du Temps Ordinaire — Année B
Lectures de la messe
Première lecture « Je ferai se lever un prophète ; je mettrai dans sa bouche mes parole... Dt 18, 15-20
Psaume Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur. 94 (95), 1-2, 6-7abc...
Deuxième lecture La femme qui reste vierge a le souci des affaires du Seigneur, afin d’... 1 Co 7, 32-35
Évangile « Il enseignait en homme qui a autorité » Mc 1, 21-28

 

Chers Frères et Sœurs,

Nous sommes au début du ministère de Jésus, il s’est fait baptiser par Jean et s’est  retiré au désert, saint Marc est concis sur ce sujet. Après avoir appris que Jean-Baptiste a été emprisonné, il remonte vers Capharnaüm et appelle les 4 premiers disciples : André et Simon, Jacques et Jean. Sa première action est d’entrer dans la Synagogue de Capharnaüm pour y prêcher. Le signe est très fort. Son enseignement impressionne ceux qui l’entendent, nous dit l’Évangile, parce qu’il parle avec autorité. Il n’invoque pas des autorités ou un maître Rabbinique, ni Hillel, ni Shammaï, ni non plus nos professeurs de Fribourg, Strasbourg, Paris ou Rome. Avant même la guérison de la belle-mère de Pierre, Marc paraît insister sur le fait que le premier signe accompli par Jésus est de chasser un esprit impur et de le faire taire. Il lui impose le silence. Plus de voix, plus de micro, plus de sono… à ce perturbateur, à celui qui a dit : « Je ne servirai pas. » Il disait par la bouche de ce pauvre homme : « Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. »

Que voulait faire cet esprit ?

Son but est de révéler le nom de Jésus et sa vraie identité avant que le moment ne soit venu. Il veut jeter le trouble dans les esprits et dans les cœurs, en tablant sur l’image du Messie qui habite les gens, mais aussi ses premiers Apôtres. Cette attente et cette image est celle d’un Messie politique. Jésus a un tout autre message à délivrer que celui-là. Il veut que ce soit une révélation progressive en correspondance avec la mission que son Père lui a donnée. Cette hâte se reproduira par exemple avec un lépreux. A de nombreuses reprises, on lui posera des questions sur son identité, les pharisiens et les scribes l’avaient déjà fait à plusieurs reprises avec Jean-Baptiste. L’intention de l’esprit impur est mauvaise, même s’il prononce le nom de Dieu. Il est contraint de reconnaître celui qui est devant lui et doit lui obéir contre sa volonté. « Tu es le Saint de Dieu », qu’est-ce que ça veut dire ? Pierre le redira plus tard, à un moment important : « Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu » (In 6,67s.) Ce sera après un long cheminement. Ce qu’il y a de très étonnant c’est que saint Jean fait prononcer ces paroles par Pierre dans la synagogue de Capharnaüm. Jésus vient de dire qu’il est le pain de vie. Si vous ne mangez pas ma chair et ne buvez pas mon sang, vous n’aurez pas en vous la vie. A ceux qui le font, il promet la vie éternelle. Ce n’est pas l’esprit impur qui s’en va alors, mais les gens qui le font. Tout le monde s’en va. Jésus demande alors à ses disciples s’ils veulent partir eux aussi. C’est la foi qui retient Pierre.

Nous pouvons nous poser également une autre question, le Saint de Dieu, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Vous me permettrez de laisser l’ancien pape Benoît nous répondre. Sainteté est le terme utilisé pour désigner la façon particulière de Dieu d'être, c’est l'être divin comme tel. Ainsi la parole « sanctifier, consacrer » (saint = qados dans la Bible hébraïque) signifie le transfert d'une réalité - d'une personne ou d'une chose - dans la propriété de Dieu, spécialement sa destination au culte. Cela peut être, d'une part, la consécration pour le sacrifice (cf. Ex 13,2; Dt 15,19); d'autre part, cela peut signifier la consécration au sacerdoce (cf. Ex 28,41) - la destination d'un homme à Dieu et au culte divin.

Il rapproche les mots saint et consacré, cela nous aide à comprendre aussi la présence des deux lectures précédentes et même le psaume qui nous indique comment devenir saints et consacrés à notre tour, « Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur. » dit le refrain.

Le Seigneur avait dit à Moïse : « Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. » Saint, Moïse l’était devenu ayant vu le Seigneur. Nul ne pouvait depuis lors fixer son visage dit l’Écriture, il était un reflet de celui de Dieu.

Saint Paul dans la 2ème lecture, nous a donné une description de sa propre consécration et de celle qu’il souhaite pour tous ceux qui annoncent l’Évangile, la Bonne Nouvelle. C’est un modèle de la vie de religieux et religieuse, des consacrés. Ils auront leur fête le 2 février, le jour de celle de la présentation au Temple, la chandeleur, qui a ses traditions. Ayez une pensée pour eux.

Consécration va aussi avec séparation, une séparation de ce qu’on appelait le monde, c’est-à-dire une vie qui n’est pas encore celle d’un disciple du Christ qui doit passer par une migration. Elle suppose une conversion qui ne se fait pas en un jour.

Le Seigneur n’a pas invité tout le monde à le suivre de plus près, à la manière des religieux et en vivant comme lui et saint Paul. Cependant, par notre baptême, nous sommes chacun et chacune, consacrés, mis à part, appelés à devenir saints, capables de connaître Dieu, à migrer en Dieu. Nous sommes appelés à vivre en baptisés, dans notre état de vie. L’Évangile nous nous devons d’essayer d’abord de le vivre et de l’annoncer par notre vie avec l’aide de l’Esprit-Saint.

Le Seigneur a seul l’autorité suffisante pour chasser celui qui a obscurcit notre cœur. Il s’y prend parfois de manière forte et directe comme pour cet homme dans l’évangile ou saint Paul qui nous a donné un témoignage de sa propre consécration après sa conversion. Le Seigneur procède aussi et plus fréquemment de manière progressive, il connaît notre fragilité et ne veut pas que s’éteigne l’espérance en nous. Il suffit de voir la manière dont il s’est occupé des apôtres. Quelles chutes, quels relèvements et parfois quelles réprimandes ! Mais il est fidèle ! ce qu’il attend de nous c’est notre foi en Lui, comme pour Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous, nous croyons, et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu » (In 6,67s.) On ne peut que trop insister sur l’importance de la foi, pour grandir. Le Seigneur ne nous chasse pas, car nous sommes en croissance vers le Royaume, ce n’est pas le cas de l’esprit mauvais qui a déjà fait définitivement son choix.

Il nous reste encore un certain temps pour vivre cette possibilité de retraite spirituelle que nous offre la pandémie. C’est l’occasion pour nous de nous mettre à son écoute, peut-être de faire une relecture de notre vie à la lumière de ce qu’il nous a dit. Pourquoi ne pas nous mettre à l’école de Marie également : Salut, Étoile de la mer, ô très sainte mère de Dieu, toi qui es vierge à tout jamais, ô bienheureuse Porte du ciel.  Des coupables, brise les liens, donne aux aveugles la clarté, éloigne de nous tous les maux, demande pour nous toutes grâces.  Tu es Mère, montre-le nous ! Que celui qui pour nous est né en acceptant d'être ton Fils accueille par toi nos prières. Amen.

dimanche 3 janvier 2021

Jésus accepte les 3 cadeaux des mages.

 


3 janvier 2021

L'Épiphanie du Seigneur — Année B
Solennité

Introduction

 Chers Frères et Sœurs, vous me permettrez de vous souhaiter ce matin une bonne et heureuse nouvelle année, pressés que nous sommes tous de voir 2020 passer dans les archives pour au moins un très bon motif, même s’il y en a d’autres. La croix venant se planter auprès de la crèche, nous fait toujours problème, mais elle vient nous rappeler que le Seigneur est venu transformer le mal en bien, en le traversant et en le prenant sur lui. Le Verbe s’est fait chair, et il est venu habiter parmi nous. Nous fêtons la venue des rois de ces sages venus de la Perse ou de la Mésopotamie et qui représentent toutes les nations. La tradition leur a donné des traits qui nous rappellent que nous sommes tous frères. Ils ont apporté l’or, l’encens et la myrrhe. Nous connaissons la symbolique : l’or de la royauté, l’encens de la divinité et la myrrhe de l’ensevelissement, tout est là. Pourquoi ne pas mentionner Balaam, dont l’ânesse, un ânesse qui parlait avait certainement bien entendu la prophétie, avec ses grandes oreilles : « Un astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël. (Nb 24,17) ». Pour ceux qui ont peur de l’encens, vous êtes bien à l’abri aujourd’hui, avec vos masques et pour vous le faire aimer, nous pouvons nous rappeler qu’on l’utilisait aussi pour chasser les mauvaises odeurs, et lors d’épidémies. Au début de cette Eucharistie inclinons-nous avec les rois, devant celui qui apporte la miséricorde au monde et reconnaissons que nous sommes pécheurs...

 Première lecture « La gloire du Seigneur s’est levée sur toi » Is 60, 1-6 

Psaume Toutes les nations, Seigneur, se prosterneront devant toi. 71 (72), 1-2, 7-8, 1...

Deuxième lecture « Il est maintenant révélé que les nations sont associées au même héri... Ep 3, 2-3a.5-6
Évangile Nous sommes venus d’Orient adorer le roi

Homélie 

Chers Frères et Sœurs,

L’antienne de communion fait cette comparaison : « comme les mages guidés par l’étoile, nous sommes venus avec des présents adorer le Seigneur ».  Elle nous parle sans aucun doute.

Ces trois personnages représentent toutes les nations et chacun de nous. La Bonne Nouvelle, nous fait comprendre saint Matthieu, ne restera pas confinée, ce qui est pour nous un signe d’espérance en ces temps problématiques. Les mages ont été guidés par une étoile. S’agit-il d’une comète ? de la conjonction de Jupiter et de Saturne, les hypothèses ne manquent pas.

Les mages ont quitté  leur lointain pays où ils étudiaient les astres, pour atteindre finalement Bethléem. L’étoile les a conduits d’abord à Jérusalem, là où se trouvaient les dépositaires de la promesse dans les Écritures. Saint Léon le Grand nous a dit ce matin que les écritures et les promesses à David s’étaient réalisées « quand une étoile guida les trois mages, appelés de leur lointain pays, pour leur faire connaître et adorer le Roi du ciel et de la terre. » Ils avaient des cadeaux avec eux. Les Pères ont déduit qu’ils étaient trois, parce qu’il y avait trois cadeaux.  Était présent à Jérusalem, le terrible et remarquable Hérode, auquel l’or aurait pu être attribué, comme détenteur du pouvoir, mais il n’était pas légitime. Les prêtres et interprètes des écritures auraient  cru pouvoir obtenir l’encens pour leur service au Temple, mais ces nouveaux prêtres voulaient le remettre au seul roi et prêtre. Et la myrrhe ? Qui en aurait voulu ? Qui aurait voulu d’un ensevelissement ? Pour un roi ce n’était pas de bonne augure, et pour des prêtres impossible, Dieu ne peut mourir.

Tous avaient eu peur en voyant débarquer ces étrangers de leurs vaisseaux du désert. Quelles questions on a du se poser sur eux à Jérusalem. Ils avaient cru être arrivés à leur destination puisque l’étoile avait disparu. Hérode par calcul, certainement, a obtenu des spécialistes de l’Écriture qu’ils leur indiquent l’endroit. C’était Bethléem, la ville de David. Hérode pouvait la faire surveiller depuis sa forteresse toute proche de l’Hérodion qui sera son tombeau. N’avait-il pas aussi tout intérêt à leur faire quitter la ville au plus vite pour éviter les remous. Nous nous devons aussi de remarquer que les connaisseurs de l’Écriture avaient la réponse, n’est-elle pas le trésor du peuple élu, destinataire des promesses ?

Les mages s’en sont donc allé, emportant avec eux leur trois cadeaux, suivant l’étoile qui était réapparue, mais certainement suivis eux aussi, à bonne distance. Avec les mages, et l’étoile, la croix se rapprochait aussi de Bethléem. On en voit parfois représentées sur certaines selles de dromadaires, même si c’est en Afrique du Nord, nous pouvons nous permettre une association libre. L’étoile et la croix…

Arrivés à Bethléem, ils voient s’arrêter l’étoile au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Que s’est-il alors passé ? Ils furent remplis d’une grande joie, la même qui avait envahi Marie et Élisabeth, la même qui habitait les anges et les bergers. Elle vient du Saint-Esprit. Nous sommes encore dans les mystères joyeux avec cette arrivée. Les cadeaux qu’ils n’avaient pu remettre à Jérusalem, parce que personne ne pouvait y accepter les trois, ils  les remettent à l’Enfant-Dieu. Marie les reçoit pour lui, avec Joseph, descendant de David. Comment se représenter cette scène ? Les Pères de l’Église l’ont fait à leur manière, ainsi que les anciens écrivains et les évangiles apocryphes. Un Père très connu, Ephrem le Syrien, a composé des poèmes, notamment sur l’Épiphanie et la Naissance de Jésus, où il raconte cette rencontre, dans un recueil appelé « Nusrata », autrement dit Berceuses. Le mot est bien adapté à l’enfance de Jésus. Il est bon de savoir qu’il n’y avait à l’origine dans l’Église primitive qu’une seule célébration où était fêtée ces mystères de Noël, de l’Épiphanie, qui comprenaient aussi le baptême. L’Épiphanie, c’est la « manifestation » ou « l’apparition » de la lumière.

Chez Saint Ephrem, les mages expliquent à Marie que Jésus est roi, ils prennent d’une certaine manière le rôle de l’ange Gabriel à l’Annonciation. Il lui avait certes déjà annoncé que son Fils serait appelé Fils du Très-Haut et que le Seigneur Dieu lui donnerait le trône de David son père. Mais l’idée est bien présente dans les Évangiles que Marie a en quelque sorte du apprendre au fur et à mesure, des éléments de sa mission et de celle de Jésus, lors de la présentation au Temple, par exemple, mais il ne faut pas tout mélanger.

Étant patients ce matin, vous me permettez de lire un passage de ce dialogue qui n’est pas dépourvu de charme : « Marie.— Il faut, étrangers, vous mettre en quête de ce roi, dont vous parlez, afin de lui porter vos hommages, car peut-être vous êtes-vous trompés, et le roi que vous cherchez est-il un autre.

Les mages. — Il faut, ô femme, nous en croire. Votre fils est roi, et nous avons été conduits par un luminaire qui ne peut s'égarer; la voie qui nous a conduite est parfaitement droite.

Marie. — L'enfant est tout petit, et, vous le voyez bien, il n'a ni diadème, ni trône. Que voyez-vous donc en lui, que vous l'honoriez du don de vos trésors comme un roi ? il est couché là dans la pauvreté de sa mère, et vous l'appelez un roi !

Les mages.— Il est petit, parce qu'il l'a voulu, parce qu'il se plaît à la mansuétude, à l'humilité, en attendant qu'il se révèle. Mais un temps viendra où les diadèmes se courberont devant lui et l'adoreront.

 Marie accepte donc l’or, l’encens et la myrrhe pour son enfant, mais aussi pour nous, qui sommes nés avec lui, la tête du Corps, devenus enfants de Dieu en lui et par lui. Tout lui est remis par les mages qui sont également nos ambassadeurs. Nous lui remettons tout et nous-mêmes, tout ce que nous avons et nous sommes. Toutes nos peines, la myrrhe, la souffrance qui peut être la nôtre et nous accompagne inévitablement. Lui, vient la prendre et lui donner un sens. Nos pauvres moyens il les transforme. Il nous apprend à adorer en Esprit et en Vérité. Il est venu pour cela. Le troisième cadeau des rois est parfois bien lourd à porter jusqu’à la crèche, nous n’en percevons pas le sens, nous ne le comprenons pas, ce temps d’épidémie, le rend peut-être plus pénible, mais nous trouvons notre joie dans les yeux ce petit enfant qui ouvre les bras, pour le recevoir.

Il veut faire de nous des messagers de cette joie qu’il nous transmet, venez adorons, celui qui se trouve et que nous voyons dans les bras de sa Mère. Elle nous enseigne à être "épiphanie" du Seigneur, dans l'ouverture du coeur à la force de la grâce et dans l'adhésion fidèle à la parole de son Fils, lumière du monde et but ultime de l'histoire et de notre histoire personnelle, si importante. Amen.