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dimanche 17 septembre 2023

Pardonne encore et toujours comme Moi




 17 SEPTEMBRE 2023 -  dimanche, 24ème Semaine du Temps Ordinaire — Année A

Lectures de la messe

Première lecture« Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait ; alors, à ta prière,...Si 27, 30 – 28, 7 Psaume Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour.Ps 102 (103), 1-2, 3...
Deuxième lecture« Si nous vivons, si nous mourons, c’est pour le Seigneur » Rm 14, 7-9
Évangile« Je ne te dis pas de pardonner jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 foi...Mt 18

Éléments d'homélie

Le Seigneur dans l’Évangile de ce matin, nous parle du pardon et nous demande de pardonner sans cesse. Nous ne pouvons que retenir son début et la question de Pierre : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois sept fois. »

Vous admettrez avec moi que c’est déjà considérable. Cela fait surgir de cette multiplication le chiffre de 490. Si vous le faites en comptant sur vos doigts vous vous y perdez déjà. Le Seigneur veut nous dire que nous devons pardonner à l’infini, comme lui. Sept pour les hébreux, c’est  la plénitude, la perfection, la puissance, la totalité, la gloire. Nous retrouvons ce nombre dans la création et dans le Sabbat où Dieu se repose. Le problème qui nous est posé est d’arriver à huit, parce que l’homme a péché après le 7ème jour. Dieu lui avait donné la création à gérer, et il a rompu avec Lui, il a péché. Le Seigneur nous explique notre situation avec l’image des 10.000 talents. Un talent représentait environ 27 kg, ce qui nous fait 270.000 kg. Cela fait à peu près 180 millions de francs à 650 francs le kg. J’ai été obligé de m’instruire.

Le Seigneur nous demande de pardonner parce qu’il nous a remis une dette énorme. Qui est la valeur de notre vie éternelle avec lui. Il exige le pardon de notre part. Mais, quel sujet que celui du pardon… A un enfant, en famille, normalement on lui apprend à faire la paix et se pardonner. Mais tout n’est pas simple.

Les conséquences d’une faute envers son prochain peuvent être très graves et durer une vie entière. Pour un adulte, lorsqu’on parle de certaines problématiques, on a l’impression que quelqu’un tire sur un vieux pansement, et tout un passé ressurgit, même après la disparition de son auteur. Les problématiques mises au jour en Église ces dernières semaines nous montrent que des blessures restent en attente longtemps et se réouvrent. De la part de celui qui en est à l’origine, il ne suffit pas d’une petite absolution sur la mention d’un numéro de commandement glissé à toute vitesse auprès d’un confesseur dur d’oreille. Être en paix avec Dieu nécessite également la réparation effective d’un mal commis, ce qu’on appelle une satisfaction.

Nous avons besoin de demandes de pardons et de réparations en Église. Nous avons besoin d’un changement de culture, les évêques nous le répètent maintenant. Cela ne concerne pas que les prêtres. Nous ne sommes pas l’Église. Nous comprenons enfin que le fonctionnement n’est pas seulement hiérarchique, du haut en bas, top down et pyramidal. L’obéissance chrétienne est là pour nous faire grandir et pas pour tolérer des abus et les cacher. Elle n’est pas aveugle. L’Église est le corps du Christ et doit nous aider à faire naître le Christ en nous, en chacun de nous. Mon Abbé Primat qui m’a rendu visite il y a un mois environ et m’a dit qu’il concevait son ministère comme celui d’un Père. Un Père aime et fait grandir le Christ en ceux dont il a la charge.

Le Seigneur veut nous voir grandir dans l’amour. Que mes sœurs me pardonnent de citer encore ce qu’a dit le Pape François, en recevant les oblats bénédictins en la fête de Notre-Dame de Compassion le 15 septembre : « Je pense à votre charisme et je crois que, d'une certaine manière, il peut être résumé dans une belle expression de saint Benoît, qui nous a invités à avoir un "cœur dilaté par l'indicible souveraineté de l'amour" (Prologue de la Règle, n° 49). Je crois que ce cœur élargi est le secret de la grande œuvre d'évangélisation du monachisme bénédictin. »

Pour le Carmel, la dimension du cœur et sa dilatation est la même. Je crois que la vie est aussi faite de slogans comme la prière du cœur des orientaux… Cela me permet de rappeler encore une fois Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Elle avait découvert sa vocation en ouvrant au hasard une épitre de Saint Paul, la 1ère au Corinthiens chapitre 12 : Je compris que l’amour renfermait toutes les vocations, que l’amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux ; en un mot, qu’il était éternel. Je me suis écriée : Ô Jésus, mon amour ; ma vocation, enfin je l’ai trouvée ; ma vocation, c’est l’amour. Dans le cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’amour ; ainsi je serai tout, ainsi mon rêve sera réalisé.

Le cœur n’est pas qu’un organe physique apte à être réparé. Un cardiologue m’a rappelé qu’il n’est naturellement programmé que pour battre un certain nombre de fois. A bon entendeur. Le pardon a bel et bien un rôle spirituel à jouer pour retrouver la paix intérieure avec le Seigneur, mais aussi avec nos frères. Les psychologues parlent de son importance humaine pour avancer sur un chemin de guérison des traumatismes. Un prêtre canadien, décédé aujourd’hui et psychologue, le Père Jean Monbourquette avait écrit un ouvrage très utile à ce propos, avec une méthode : « Comment pardonner ». Cela ne signifie pas tourner la page par une bonne parole et s’en tirer à bon compte.

Mais plus profondément encore, que cet aspect-là, nous avons à réécouter et à relire la passion de Jésus dans Saint Luc et son pardon. La croix c’est horrible. Elle conduit à la destruction et à la mort. Le Pape François commentait ainsi l’an passé. Jésus dit : Père, pardonne-leur. Contrairement aux autres martyrs dont parle la Bible (cf. 2 M 7, 18-19), il ne fait pas de reproches aux bourreaux ni ne menace de punition au nom de Dieu, mais il prie pour les méchants. Fixé à la potence de l'humiliation, il augmente l'intensité du don, qui devient pardon. Notre chemin de vie éternelle est celui de l’imitation du Christ.

Il faut aussi se pardonner à soi :Lorsque nous lui faisons mal par nos actions dit le pape, il souffre et n'a qu'un seul désir : pouvoir nous pardonner. Pour s'en rendre compte, regardons le Crucifié. C'est de ses blessures, de ces brèches de douleur causés par nos clous, que jaillit le pardon. "Merci Jésus : tu m'aimes et me pardonnes toujours, même quand j'ai du mal à m'aimer et à me pardonner".

Ce don de soi-même, nous avons à le vivre avec lui pour qu’il naisse en nous, pour qu’il ressuscite en nous. C’est tout le chemin de notre vie spirituelle, ressusciter par lui, avec lui et en lui. Les baptistères étaient souvent formés d’un octogone, le 8ème jour symbolise la résurrection. Notre résurrection a commencé à notre baptême où nous avons été pardonnés. Il survient après le 7ème jour, le repos de Dieu au tombeau.

Marie notre Mère accompagne-nous sur notre chemin de résurrection. Amen.