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dimanche 21 juillet 2024

La compassion de Jésus pour les foules

 

Gauguin : D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?

21 JUILLET 2024 - 16ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine IV du Psautier) — Année B

Lectures de la messe

Première lecture« Je ramènerai le reste de mes brebis, je susciterai pour elles des pa...Jr 23, 1-6
Psaume Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer. Ps 22 (23), 1-2ab, 2... 
Deuxième lecture « Le Christ est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait... Ep 2, 13-18 Évangile« Ils étaient comme des brebis sans berger »Mc 6, 30-34

Chers Frères et Sœurs,

Quelle est votre réaction après la lecture de cet Evangile. Comme il m’arrive d’avoir l’esprit taquin, je me suis dit dans un premier temps, à qui dois-je obéir et qui imiter ? Le Pape François ou Jésus ? Le Pape François nous dit de prêcher brièvement, mais Jésus se met à instruire longuement les foules. Est-ce que je vais leur infliger un sermon avec des citations, des virgules, des guillemets, un peu de sauce latine, du byzantin, et autre ? Qui faut-il plaindre ? Les foules ou les apôtres qui devaient être fatigués après leurs premières courses pastorales ? Est-ce que Jésus avait pris des vacances pendant que ses disciples étaient allés prêcher ? Les foules en redemandaient… 

Mais pourquoi étaient-ils venus ? Est-ce qu’ils voulaient des miracles, des guérisons, des résurrections, des démons envoyés au fond du lac ? Est-ce que Jésus avait une voix belle et si puissante que des milliers de personnes pouvaient l’entendre sans micro ? Quand nous entendons les chanteurs et orchestres de l’été avec des sonos et des accords fabuleux… on peut comprendre. Mais écouter un sermon de deux ou trois heures, il faut des coussins et de quoi faire la sieste normalement.

Pourtant l’Evangile est clair : Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.

Qu’avait donc Jésus pour attirer ainsi les foules ? Était-ce en raison de sa personnalité ? Il devait attirer la sympathie, mais il s’était tu pendant 30 ans à Nazareth. Qu’est-ce qui leur manquait ? Ces foules étaient comme des brebis sans berger. En parcourant les Evangiles, on lit dans les Synoptiques, Matthieu, Marc et Luc : « On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. » Comme elles nous ne savons pas très bien où nous allons et nous cherchons un peu de lumière, un guide, des indications. S’agit-il de résoudre un problème de santé, ce qui est déjà important, ou de trouver un sens global notre vie ? Nous connaissons le mot de Coluche Qui suis-je ou vais-je, dans quel état j’erre… ou la toile de Gauguin : D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?

Les gens se rassemblaient pour ces motifs autour de Jésus, mais aussi en raison des signes qu’il donnait. Ils se sentaient sécurises. Les signes sont-ils la seule cause ? C’est un peu la problématique lorsqu’on court après le merveilleux et les signes extraordinaires. Si une parole est dite et qu’elle se réalise, on a l’impression d’être enfin sous le parapluie atomique ; surtout lorsqu’on est à genoux ou en prière avec telles formules ou dans de telles conditions, à tel endroit. En résumé, c’est presque Le salut pour moi et peut-être pour ceux qui réagissent comme moi. 

Si quelqu’un pose une affirmation de manière forte et bien timbrée en disant : On vous a dit telle chose, et bien moi, je vous dis ceci… et qu’il promet des lendemains qui chantent, avec même des signes, l’argument est fort. L’Ecriture nous met toutefois en garde contre le singe de Dieu. Un bon orateur, simplement, peut enthousiasmer et manipuler des foules. Il existe des techniques pour cela, depuis l’antiquité jusqu’à aujourd’hui et les gens en redemandent. Un politicien épluche normalement les manuels et prend quelques cours d’expression orale et d’art oratoire, même pour une élection expresse. Fidel Castro avait parlé 269 minutes à l’ONU et dans son île 7h15 minutes sans interruption… Ca n’est pas si loin. Le Seigneur ça n’était pas cela et  les apôtres avaient étrangement vite fait d’oublier ou n’écoutaient pas. Les courses au poste les rendaient peut-être sourds.  

Dans ce repas au menu spirituel, servi par Jésus, quelle est la nourriture qu’il donne à ses auditeurs? Qu’il nous donne ? Ce sont le sermon sur la montagne, les béatitudes, les paraboles ; il leur enseigne l’amour de Dieu et du prochain dans le détail, dans la réalité et pas seulement de manière globale. Il leur apprend ce qu’est la volonté du Père, la loi de cet amour qui est au cœur de la vie trinitaire. Quelles sont les réactions lors de la mise en pratique aujourd’hui? Cet amour devrait rayonner autour de nous, y compris durant dans nos vacances.

Au final, lors de la passion, même les signes donnés ne serviront plus à rien, voilà que l’autorité de Jésus paraît disparaître et presque tout le monde se sauve, sauf Marie les femmes et Jean. Que reste-t-il ? Il restera le dernier signe, celui de la Résurrection, donné à quelques-uns seulement et la foi capable de voir dans l’obscurité. 

Le berger est parti, mais il nous a laissé des tables de la nourriture, un menu et des serviteurs. Ses immenses sermons, ils ne sont plus là. « 25 Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites ; et s’il fallait écrire chacune d’elles, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres que l’on écrirait. », dit saint Jean à la fin de son Evangile. Ils témoignaient de sa compassion pour ces foules. Elle est la même pour nous aujourd’hui. Il nous écoute, il nous encourage, il est patient, doux et humble de cœur. Le Seigneur nous a laissés  l’Eucharistie et les Ecritures, avec le don de l’Esprit-Saint et les apôtres. L’apocalypse parle d’un petit livre qui est mangé et a un goût de miel dans la bouche, mais dont la digestion est difficile. Nous y voyons l’Evangile vécu dans le quotidien. Ce petit livre doit nous suffire pour notre traversée, nous pourrions le relire pendant ce temps de l’été. Il n’est pas nécessaire de reprendre une édition complète de saint Augustin en 34 gros volumes, de Jean Chrysostome, de Bossuet ou même tout le cher abbé Maurice Zundel, 7 volumes édités actuellement. Est-ce que, durant cet été,  nous ne pourrions pas nous faire aussi un petit résumé intérieur de ce que nous avons vécu avec Jésus?

Contentez-vous du petit livre de l’Evangile et du vôtre avec lui, ce qu’il vous a enseigné personnellement en vous parlant au cœur. Mettez-vous à l’écoute de l’Esprit-Saint dans votre cœur, avec Marie. L’Esprit vient combler notre cœur et nous conformer à Jésus. Il vient nous apprendre à aimer comme Jésus. Ne nous trompons pas cependant. Jésus dit bien dans l’Evangile de Saint Jean  : « 12 J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. 13 Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. » Il nous parle dans notre cœur et dans nos frères.

Nous terminons avec un mot du pape François qui nous demande de prier pour la paix :  « Je vous exhorte à vous tourner vers Marie comme signe de consolation et d’espérance certaine, visage maternel de Dieu et demeure où se réfugier. Elle nous offre en effet constamment son Fils comme unique source de concorde, d’espérance de salut, de voie pour la paix, impératif absolu de la recherche humaine. »  Amen.


dimanche 30 juin 2024

La fille de Jaïre

 


Source de l'Image : https://www.mbam.qc.ca/fr/oeuvres/7234/ 


30 JUIN 2024 -  13ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine I du psautier) — Année B

Lectures de la messe

Première lecture« C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde...Sg 1, 13-15 ; 2, 23-...

Psaume Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé.29 (30), 2.4, 5-6ab,...

Deuxième lecture« Ce que vous avez en abondance comblera les besoins des frères pauvre...2Co 8, 7.9.13-15

Évangile « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! »Mc 5, 21-43

Introduction

Chers Frères et Sœurs,

Bienvenue pour célébrer ce 13e dimanche du temps ordinaire. Il est un peu particulier en raison du slowup et des émotions sportives d’hier, Sur nos monts quand le Soleil a soufflé la Vittoria de Nessun Dorma.  

Jésus donne aujourd’hui dans la discrétion un grand signe annonçant à ses proches disciples sa résurrection. Il nous montre l’importance fondamentale de la foi en lui en accueillant la souffrance de parents qui perdent leur enfant. La question du pourquoi de la souffrance reste pourtant bien un mystère. Il y répond en la prenant sur lui.

Homélie 13e dimanche TOB 30 juin 2024

« Talitha koum » - « Jeune fille, je te le dis, lève-toi! »

Chers Frères et Sœurs,

Saint Marc nous parle du ministère de Jésus centré autour du lac de Tibériade. Il y prêche, donne ses paraboles, fait des miracles, et se déplace dans de fréquents aller et retour. Ayant eu une expérience lacustre de 20 ans sur les bords du Léman, je ne peux qu’être sensible à cet environnement, tout comme à celui de nos autres lacs de Romandie en particulier, dont celui de Bienne notre lac du Jura Pastoral. La semaine passée, à la Neuveville, Jésus a arrêté la tempête en commandant aux vents de s’apaiser. Vous vous souvenez de l’interrogation des disciples. « Quel est donc celui-ci, à qui obéissent même le vent et la mer? ». Une prière pour la paix…

Cet environnement lacustre vient nous rappeler que l’eau n’est pas nécessairement symbole de vie chez les Juifs, mais de mort. Le baptême aussi  nous plonge dans la mort du Christ, pour ressusciter avec lui. Dans la symbolique, atteindre le rivage, c’est fréquemment, y compris chez Saint Jean, parvenir à la vie éternelle, rencontrer le Christ ressuscité. 

Jésus va plus loin encore aujourd’hui et commence par guérir une femme atteinte d’hémorroïsse. Il rend ensuite à la vie cette petite dont le père et la mère sont profondément peinés. Il s’agit bien d’une annonce de la résurrection de Jésus qui est donnée dans ce signe. Il est entouré par les trois futurs piliers, Pierre, Jacques et Jean, mais il demande la discrétion jusqu’à la sienne. Nous pensons aussi Lazare que Jésus appela hors du tombeau et qui a provoqué la colère des tenants de l’autorité religieuse.

Ce geste de Jésus rendant la vie à cette petite fille ne peut que toucher. La perte d’un enfant par des parents est certainement l’épreuve la plus douloureuse qu’ils puissent traverser. La phrase qui revient le plus fréquemment à une telle occasion en ministère est celle-ci : Vous ne pouvez pas comprendre. Les premiers sentiments sont ceux de la douleur, de la plus profonde injustice et de la révolte. Même si nous connaissons mieux aujourd’hui le processus psychologique du deuil, la douleur est bien là. 

Saint Marc, habituellement vu comme très proche de Pierre, a montré l’attention de Jésus envers les femmes en guérissant d’abord la belle-mère de Pierre, c’était la première guérison de son ministère. Aujourd’hui, avant de rendre la vie à cette petite-fille et à ses parents, il a guéri une autre femme atteinte d’hémorroïsse. Sa maladie lui faisait perdre son sang et la mettait en état d’impureté rituelle selon les conceptions de l’époque. Elle devait se tenir en retrait de la communauté en prière. Jésus lui permet de la réintégrer. Nous sommes aussi sensibles à l’attention que Jésus a envers elle en raison de sa condition de femme et à son rapport avec le don de la vie. Elle est touchée physiquement en un endroit d’elle-même qui accueille la vie au commencement. Le pire des ingrats, des sots ou des sottes ne peut oublier celle qui l’a mis au monde. L’attitude religieuse envers cette femme paraît aberrante aujourd’hui. 

Face à ces 2 exemples, quelle est notre perception de la souffrance et de l’obscurité qui l’entoure ? Le cheminement de Dieu et l’évolution de sa relation avec nous et en nous est des plus mystérieux et nous rend pour le moins perplexe. Je crois que nous dirions à peu près tous, j’aurais fait autrement, si j’avais été Lui… En nos temps d’automatisation, d’informatique et maintenant d’intelligence artificielle c’est encore pire qu’il y 30 ans. 

Nous nous sentons tellement petits, limités et emprisonnés dans nos limites matérielles ! L’auteur du livre de la Sagesse paraît aussi déconcerté que nous dans ses tâtonnements. Comment allez-vous expliquer à votre petit dernier  ou à l’avant-dernière plus savante le début de son propos. « Dieu n’a pas fait la mort, et il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. » L’original du modèle réduit du Tyrannosaure Rex qu’ils ont devant eux avait environ 58 dents bien aiguisées de 30 cm, signe d’un appétit assez extraordinaire. Il est mieux d’écarter les interprétations littérales. 

Ce qu’il y a de plus mystérieux encore c’est que Jésus, c’est que Dieu ait pris un corps et une âme humaine et qu’il se soit fait l’un de nous.

La deuxième partie nous parle peut-être davantage : « Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité. » 

Le centre de nos lectures est bien le don de la vie qui est vie éternelle. Dieu nous a voulus pour nous-même et pour demeurer toujours avec lui. Nous pouvons nous appuyer sur l’Evangile de la vie de saint Jean-Paul II qui cite le début de notre passage du livre de la Sagesse.  « L'Évangile de la vie, proclamé à l'origine avec la création de l'homme à l'image de Dieu en vue d'un destin de vie pleine et parfaite (cf. Gn 2, 7; Sg 9, 2-3), fut contredit par l'expérience déchirante de la mort qui entre dans le monde et qui jette l'ombre du non-sens sur toute l'existence de l'homme. » 

Ces développements donnent un peu de lumière, à une  certaine obscurité qui entoure le ministère de Jésus. Il est la lumière et nous montre un chemin particulier dans ce brouillard et parfois dans cette nuit obscure, celui de la foi. Jésus veut nous le voir prendre pour atteindre le rivage de notre vie avec les moyens que nous a indiqué Saint Paul. « Puisque vous avez tout en abondance, la foi, la Parole, la connaissance de Dieu, toute sorte d’empressement et l’amour qui vous vient de nous, qu’il y ait aussi abondance dans votre don généreux ! » Nous avons donc des moyens pour accomplir cette traversée, la foi, la parole, la connaissance de Dieu et la charité. Elles vont, toutes au féminin, nous conduire au port de la vie éternelle, au port de la volonté de Dieu qui est amour. 

Le Pape François nous rappelait un élément important hier lors de la fête des saints apôtres Pierre et Paul, c’est la nécessité de croire en l’action de Dieu dans nos vies. Tout ne se fait pas à la force du poignet. Une porte doit être ouverte. Nous allons bientôt célébrer une année sainte qui commencera par l’ouverture de la fameuse porte. C’est Dieu qui ouvre la porte, c’est Lui qui libère et ouvre le chemin. Il nous donne par l’Esprit la clef de la compréhension de l’Ecriture, de sa parole. L’Esprit fait croître la charité. Marie Reine des Apôtres obtiens pour nous l’Esprit de ton Fils. Amen.   



dimanche 23 juin 2024

La tempête apaisée

 



23 JUIN 2024

 12ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine IV du Psautier) — Année B

Première lecture« Ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots ! »Jb 38, 1.8-11

PsaumeRendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour ! 

 Alléluia !106 (107), 21a.22a.2...

Deuxième lecture« Un monde nouveau est déjà né »2 Co 5, 14-17

Évangile« Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéis...Mc 4, 35-41

Ce sont plutôt des notes d'homélie, vu qu'iol y a eu passablement d'improvisations et des raccourcis.


Chers Frères et Sœurs,

J’ai donc la chance de venir célébrer chez vous au bord de votre lac avec un Évangile qui ne peut que vous parler. Ayant passé pour ma part de nombreuses années, une vingtaine, sur les bords valaisans du Léman, au Collège et dans un monastère, je ne puis que l’apprécier. Lorsque venait la tempête, c’était tout un spectacle, mais mieux valait se tenir à bonne distance. Parfois un voilier se faisait prendre. Un bol d'or provoqué aussi des chavirages impressionnants.

Aujourd’hui nous sommes impressionnés par cet Evangile pour diverses raison. Un vent violent vient brusquement du désert et secoue la bateau. Le Seigneur savait pourtant bien ce qui allait arriver, mais il dit lui-même à ses disciples : « Passons sur l’autre rive. ». Et voilà qu’il s’endort épuisé, à l’avant du bateau. Il est fatigué par son ministère et les apôtres aussi. Le contexte symbolique n’est pas trop difficile à décrypter, accompagné par les autres lectures que nous avons entendues, ainsi que le psaume 106. Il était déjà présent dans la liturgie des heures d’hier.

Le lac et l’eau n’avaient pas bonne presse dans la mentalité du peuple juif qui n’était pas un peuple de marin. Les eaux représentaient la mort, ce qui relève de l’évidence aujourd’hui. Ils avaient peur d’être engloutis. Ils avaient vu les miracles accomplis par Jésus, entendu ses belles paroles de vie. Voilà que surgissent le danger de périr noyés et la mort. Que fait-il ? Il dort. Il devait être vraiment très fatigué.

Les paroles étonnées des apôtres sont des plus directes : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? ». Jésus ordonne au vent de se calmer. N’est-ce pas le psaume ? Il parle, et provoque la tempête, puis il réduit la tempête au silence, fait taire les vagues. Notre première surprise réside dans le fait qu’il réussit à crier dans la tempête et à se faire entendre. Un chanteur d’opéra arrive à 120 décibels, mais une tempête étouffe tout. Ce qu’il y a de surprenant aussi, c’est l’efficacité de sa voix qui ne peut que nous ramener à la puissance de l’action de Dieu et à la création au commencement.

Jean Abitbol, un grand médecin, spécialiste contemporain de la voix rappelle dans un ouvrage récent que : « Dans la Genèse, c’est parce que Dieu dit « que la lumière soit », que la lumière est. Le dire est le faire exister. C’est parce qu’Il nomme le monde qu’Il le crée. » Tout est donc soumis à l’action de la voix de Dieu ce qui est d’ordre symbolique. Comment parler sans air… Le Seigneur montre donc qu’il est Dieu par cette action. Nouvel étonnement pour nous face à la remarque de Jésus : « « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Ils s’interrogent encore : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » Il a donc voulu les conduire vers la foi qui nous permet d’entrer en contact avec le mystère de Dieu dans une certaine obscurité. Il se laisse deviner par des signes, et nous enseigne par sa parole comment le rejoindre. Le rejoindre où ? Il est dans la barque avec nous, certes mais il veut nous entraîner et nous attendre en définitive sur la rive, c’est-à-dire dans le Royaume. N’est-ce pas ce qui est sous-entendu par la dernière lecture ? « L’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous, et qu’ainsi tous ont passé par la mort. »

La question de fond est donc d’abord pour nous, notre difficulté de croire en la puissance de la résurrection de Jésus, lorsque nous sommes confrontés à nos limites, à nos peurs, à nos craintes, à la méchanceté humaine, à la maladie, au chagrin, le nôtre et celui de ceux que nous aimons et finalement au grand passage avec le Seigneur pour le retrouver. Le livre de Job nous parle certainement, il avait tout et il a tout perdu, fortune, famille, santé, considération. Et il se révolte, il crie sa peine vers le Seigneur, il le remet en question et voilà qu’un de ses amis en particulier, vient lui faire un beau sermon en défendant la grandeur et la toute-puissance de Dieu. Le Seigneur l’a mis à l’épreuve et la première partie paraît cinglante : « Ceins donc tes reins comme un homme. Je vais t’interroger, et tu m’instruiras. » Mais au final il le défend et affirme qu’il est juste.

Je crois que personne d’entre nous ne songe un instant à faire le malin lorsqu’il est touché par une épreuve, une trahison. C’est l’angoisse des Apôtres et de Job. Le parcours que nous avons à faire est parsemé de mystères joyeux, lumineux et douloureux pour attendre la rive et le port de sa volonté qui nous permettra de voir son visage.

Une autre difficulté que nous avons pour rejoindre le Seigneur est le fait qu’il ait voulu que son message de vie et de résurrection nous parvienne par d’autres, par ses disciples, par des intermédiaires qui ne sont pas parfaits. Mais c’est lui qui est là et vient nous toucher au cœur. Sa parole, c’est à chacun de nous de la vivre et d’y croire en songeant à celui qui l’a donnée. Nous sommes tous responsables de l’annonce.

Il ne s’agit pas simplement de se remémorer d’événements ou de paroles du passés, mais d’actualiser dans nos vies ce message de vie. La parole de Dieu n’est pas un message figé. Une petite histoire trouvée chez le médecin cité tout à l’heure peut aider à le rappeler. Une légende juive explique que Moïse était devenu bègue enfant parce qu’il avait touché un charbon avec sa bouche. Plus tard, il a vu Dieu dans le buisson ardent, mais ce fut son frère excellent orateur qui transmit la parole reçue et parla à sa place. La parole agit par elle-même et s’adresse à nous personnellement, c’est elle qui vient faire de nous une créature nouvelle.

Notre-Dame de l’Assomption conduis-nous vers le Père. Amen.

dimanche 16 juin 2024

Du blé, de la moutarde, un cèdre et des cieux

 


16 JUIN 2024 - 11ème dimanche du Temps Ordinaire B

https://www.aelf.org/2024-06-16/romain/messe 

Lectures de la messe

Première lecture« Je relève l’arbre renversé »Ez 17, 22-24

PsaumeIl est bon, Seigneur, de te rendre grâce !91 (92), 2-3, 13-14,...

Deuxième lecture« Que nous demeurions dans ce corps ou en dehors, notre ambition, c’es...2 Co 5, 6-10

Évangile« C’est la plus petite de toutes les semences, mais quand elle grandit...

Quelques éléments sur les lectures

Saint Marc nous propose deux paraboles du Seigneur pour nous expliquer ce qu’est la croissance du Royaume, la venue du règne de Dieu. Qu’est-ce que le mot de règne évoque pour nous ? Celui d’une société bien organisée où tout fonctionne dans l’harmonie, où chacun a sa place et contribue à la croissance de l’ensemble, elle paraît vouloir s’étendre à l’infini en conquérant de nouveaux espaces.

La première parabole donne l’exemple du grain de blé qui grandit on ne sait comment jusqu’à produire un bel épi. Aujourd’hui, dans le contexte des connaissances de nos agronomes, si nous admirons la poésie de cette comparaison, peut-être avons-nous quelques interrogations face à ce tableau. Rien ne se passe facilement, surtout dans l’agriculture.

Après le mystère de la croissance de l’épi, l’autre image, celle de la graine de moutarde, se réfère à la petitesse de la graine qui va donner un arbre immense. Tout commence dans l’humilité pour toucher et atteindre le Royaume. Nous reconnaissons sans peine l’idée de la première lecture avec son cèdre. Les cèdres sont des arbres que j’aime beaucoup, on les associe à tout un environnement lumineux. Ils touchent les cieux, leur odeur embaumait toute la montagne du Liban, ils ont servi à la construction du temple. On dit que dans une vallée de la montagne du Liban, trois ont mille ans et dix de plus de mille ans. A Genève, nous en avons parmi les plus vieux d’Europe qui ont vu passer Napoléon. Le thème du réchauffement climatique paraît vouloir nous les amener.

Mais ce n’est pas notre sujet, nous avons une piste connue dans la littérature chrétienne sur la cité d’en-haut et celle d’en-bas, avec Saint Augustin et sa célèbre cité de Dieu. Il a mis 13 ans à la composer pour répondre aux questions que se posaient les gens après le sac de Rome, la ville éternelle, en 410. Éternelle, elle ne l’était pas comme on l’avait longtemps pensé, et c’est l’Eglise qui lui a permis de perdures. Il s’agit d’un cité spirituelle à construire et cette cité c’est l’Église. Où trouver récemment la mention de ce règne et de ce Royaume de Dieu ? Dans les Actes du Concile Vatican II et dans Lumen Gentium d’abord. Par exemple dans cette phrase : « L’Église, qui est le règne de Dieu déjà mystérieusement présent, opère dans le monde, par la vertu de Dieu, sa croissance visible. » Et encore dans celle-ci qui contient une citation de notre Evangile : « Ce Royaume brille aux yeux des hommes dans la parole, les œuvres et la présence du Christ. La parole du Seigneur est en effet comparée à une semence qu’on sème dans un champ (Mc 4, 14) : ceux qui l’écoutent avec foi et sont agrégés au petit troupeau du Christ (Lc 12, 32) ont accueilli le Royaume lui-même ; puis, par sa propre vertu, la semence germe et croît jusqu’au temps de la moisson (cf. Mc 4, 26-29). » 

L’Eglise a toujours eu beaucoup de peine à une certaine époque de se distancer de l’exercice d’un pouvoir temporel pour se protéger et répandre son message et le Royaume. Cela sous certains aspects peut se comprendre, il est nécessaire de disposer d’un minimum de moyens matériels.

Mais il se construit avant tout par la parole reçue en nous et vécue, c’est-à-dire par une adhésion personnelle, par la charité vécue, par l’amour de Dieu et du prochain, à la suite du Seigneur lui-même. Il vient vivre en nous et avec nous pour que son Royaume s’y établisse. Nous utiliserions volontiers d’autres images plus techniques que les images bibliques, aujourd’hui, pour exprimer cette croissance du Royaume, mais ce n’est pas l’image qui est vraiment importante, c’est le lieu de croissance, le cœur de l’homme, de tous les hommes.

Notre évêque a adressé un message aux agents pastoraux dans lequel il fait remarquer que nous passons à une autre étape de l’annonce de l’Évangile que l’a été le Synode 72, pour ceux qui l’on connue. Nous sommes essoufflés et nous ne pouvons plus nous contenter de vivre sur de vieux souvenirs historiques et pastoraux. Il nous dit ceci : « Ce qui me semble le plus important, à relever, c’est que croire en Dieu ne va plus du tout de soi! Pour toujours plus de gens, la question de la foi et de la religion ne se pose même plus. » Dans sa lettre pastorale il nous invitait à la conversion intitulée « Se convertir ». Il s'agit de me détourner non seulement de la culpabilité, des dysfonctionnements, des insuffisances, mais de prendre un  nouveau départ. Il y donne 4 points dont nous verrons tous plus tard les développements. Mais il est certain qu’il ne s’agit pas seulement d’un changement de peau ou de déguisement, ou d’une mue. C’est le Christ qui doit croître en nous et dans son Église.

Nous pourrions peut-être nous dire que prenant de l’âge, étant malades, nous pourrions en rester à ce que nous avons toujours connu. C’est vrai que cela demande de plus en plus d’efforts. Il paraît parfois plus simple de regarder de vieux feuilletons télés que nous connaissons par cœur, Colombo, ou quelques cascades de Belmondo et autres. Aujourd’hui ça n’est plus que du numérique avec des prises de vues d’acteurs intégrées dans des catastrophes virtuelles et accélérées.

Le Christ et l’annonce du Royaume c’est du vrai. Alors pour coller à la réalité utilisons ce moyen qui nous reste celui de la prière du cœur à cœur avec Jésus et Marie. La marche vers le Royaume passe d’abord par la rencontre avec lui dans notre cœur. L’Église a d’abord besoin d’un cœur comme dit sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et vous  êtes ce cœur. Amen.


dimanche 2 juin 2024

La main guérie. Dimanche : restauration de l'amitié entre Dieu et l'homme







2 JUIN 2024 - 9ème Dimanche du Temps Ordinaire — Année B

Suisse |

Lectures de la messe

Première lecture« Tu te souviendras que tu as été esclave en Égypte »5, 12-15

Psaume Criez de joie pour Dieu, notre force.80 (81), 3-4, 5-6ab,...

Deuxième lecture« La vie de Jésus est manifestée dans notre corps »4, 6-11

Évangile« Le Fils de l’homme est maître, même du sabbat »

« Le sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat. Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat. » Jésus dit à l’homme : « Étends la main. » Qui d’autre que le Fils de l’Homme peut agir ainsi ?

Chers frères et sœurs,

Les lectures de ce 9ème dimanche du temps ordinaire viennent nous donner le sens du jour du Seigneur. Il n’est plus seulement le jour du repos de Dieu que nous assimilons parfois au samedi saint. Le Seigneur est descendu lui-même habiter le lieu où demeuraient ceux qui n’étaient pas en en communion avec lui. Il y est descendu pour briser les portes de l’absence de Dieu et délivrer de leur solitude ceux qui habitaient ces lieux de demi-vie. Il est l’époux de l’humanité qui vient à sa rencontre et lui tend la main. La communion avec Dieu et sa vie est rétablie par-delà la mort et ses représentations que ce soit dans la pensée d’Israël ou de la Grèce antique. Il vient les introduire dans ce fameux huitième jour où il nous établira tous un jour. Le dimanche, le jour de la résurrection vient éclairer toute la vie humaine et donner un sens nouveau à toute la création.

Le dimanche est le jour de la victoire de Jésus sur la mort par sa résurrection. Il change l’ordre des choses et vient nous faire dépasser notre temps. Le dimanche, « c'est la Pâque de la semaine, jour où l'on célèbre la victoire du Christ sur le péché et sur la mort, l'accomplissement de la première création en sa personne et le début de la « création nouvelle » (cf. 2 Co 5,17). » La résurrection de Jésus « est un événement merveilleux qui ne se détache pas seulement d'une manière absolument unique dans l'histoire des hommes, mais qui se place au centre du mystère du temps. » Ce bouleversement, ceux qui contestent l’attitude de Jésus ne peuvent pas le comprendre. Il ne va pas seulement changer le calendrier religieux traditionnel, modifier une date parmi d’autres, voulue de Dieu, mais il va en quelque sorte le dépasser. Il s’agit d’un jour de libération : « J’ai ôté le poids qui chargeait ses épaules ; ses mains ont déposé le fardeau. Quand tu criais sous l’oppression, je t’ai sauvé. »

Les gardes du tombeau n’ont pas pu empêcher la résurrection de Jésus, pas plus que les gardiens de l’ancien ordre des choses et de la tradition. Jésus vient nous libérer non seulement d’une manière de faire, mais de limites et nous donner une autre manière d’être avec lui. Pourquoi ces pharisiens n’ont-ils pas pu le reconnaître ? C’est un des mystères du passage de Dieu dans nos vies et de la manière dont nous parvenons à le reconnaître ou non. Jésus leur donne des signes, parmi eux celui de la guérison de cet homme à la main paralysée et atrophiée. La main de Jésus rejoint celle de cet homme. J’ai à l’esprit la main de Dieu qui approche celle d’Adam dans la grande fresque de Michel-Ange au Vatican, pour lui donner la vie. Il vient inviter ce malade à partager le pain de sa table, le pain de l’eucharistie. Il vient lui rendre la vie. L’eucharistie est plus que les pains de proposition dans le temple. La main de Jésus est celle de la toute-puissance divine qui guérit et donne à cet homme de pouvoir accéder au pain de vie. Le Seigneur vient l’inviter à construire un monde plus juste er fraternel, habité par l’amour de Dieu. Nous avons tout à l’heure entendu que Dieu a dit : Du milieu des ténèbres brillera la lumière. Elle a brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ. » Dieu a brillé dans le cœur de cet homme, il vient briller dans les nôtres, même si nous sommes des vases d’argiles, aussi fragiles que le Seigneur l’a été en venant parmi nous : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. » « j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre. »

« Toujours nous portons, dans notre corps, la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi, soit manifestée dans notre corps. »

Nous avons besoin de nos mains pour toucher la main secourable de Dieu et prendre ce pain de vie. Il nous donne la force de suivre Jésus dans sa mort et sa résurrection, il est le pain de la vie et le pain de l’amour de Dieu. Le pain de la Trinité.

Dans un très beau texte sur le sacrement de l’Eucharistie « Sacramentum caritatis », Benoît XVI disait ceci : « Dans l'Eucharistie se révèle le dessein d'amour qui guide toute l'histoire du salut (cf. Ep 1, 10; 3, 8-11). En elle, le Dieu Trinité, qui en lui-même est amour (cf. 1 Jn 4, 7-8), s'engage pleinement avec notre condition humaine. Dans le pain et le vin, sous les apparences desquelles le Christ se donne à nous à l'occasion du repas pascal (cf. Lc 22, 14-20; 1 Co 11, 23-26), c'est la vie divine tout entière qui nous rejoint et qui participe à nous sous la forme du Sacrement. »

Ce mystère célébré particulièrement le dimanche, se développe dans le temps et dans l'espace, mais il les dépasse. Les mots utilisés par l’Église sont très forts : Par le don de lui-même, Jésus a objectivement inauguré le temps eschatologique.

Le dimanche est le premier jour de l’action de Dieu qui vient relever le monde, mais aussi « le huitième jour », qui évoque le commencement du temps et son terme, dans le « siècle à venir ». Selon Saint Basile le dimanche représente aussi le jour vraiment unique qui suivra le temps actuel, le jour infini qui ne connaîtra ni soir ni matin; le dimanche est l'annonce constante de la vie sans fin, qui ranime l'espérance des chrétiens et les encourage sur leur route. Comment ne pas rappeler que le jour de la Pentecôte était un dimanche, premier jour de la huitième semaine après la pâque juive.

Marie de là-haut, nous montre à nous, pèlerins dans le temps, le but eschatologique que le sacrement de l'Eucharistie nous fait goûter dès maintenant. L’eschatologie, c’est le temps dépassé, le temps de la vraie vie avec Dieu et en lui. La rencontre est toute proche et d’une certaine manière presque réalisée sous des apparences si pauvres et si communes. Comment lui dire non, alors que Jésus est venu nous rejoindre au plus profond de nos misères. Salut reine du ciel , mère de miséricorde. Amen.

dimanche 12 mai 2024

Autour de Marie... Le Seigneur reste présent dans l'Eucharistie et avec Marie

 


12 MAI 2024

https://www.aelf.org/2024-05-12/romain/messe

 7ème Dimanche de Pâques (semaine III du Psautier) — Année B

Lectures de la messe

Première lecture« Il faut que l’un d’entre eux devienne, avec nous, témoin de la résur...Ac 1, 15-17.20a.20c-...

PsaumeLe Seigneur a son trône dans les cieux.

Deuxième lecture« Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui »1 Jn 4, 11-16

Évangile« Qu’ils soient un, comme nous-mêmes »Jn 17, 11b-19

Intro

Chers Frères et Sœurs, bienvenue à toutes et à tous pour célébrer ce 7ème dimanche de Pâques. Nous avons eu la chance de célébrer le bon jour, même si à Rome et on le fait aujourd’hui, ce qui a permis à certains de faire le pont de l’Ascension, selon l’expression usuelle. Mais nous préférons dire que spirituellement nous avons maintenant un pont divin humain et spirituel entre le ciel et la terre. Nous ne pouvons que nous réjouir du fait que le Seigneur nous soit encore présent dans l’Eucharistie. Je ne vous laisserai pas orphelins… Et il a laissé Marie à ses Apôtres. Elle est avec nous aujourd’hui pour attendre et demander la venue de l’Esprit. 

Nous allons encore rendre grâce pour la profession solennelle de Sr Marie-Thérèse de la Trinité. Nous prions aussi pour les mamans puisque c’est leur fête. J’ai vu à l’entrée de Porrentruy, des cigognes très occupées sur leur nid. Elles m’ont dit que vous ne deviez pas oublier les fleurs aujourd’hui !

...

Homélie 7e dimanche de Pâques.

Chers Frères et Sœurs,

Ces lectures marquantes sinon émouvantes, nous montrent l’importance de l’unité que le Seigneur voulait pour son Église. Autour de Pierre ils choisissent de compléter le collège des douze, pour accueillir l’Esprit-Saint.. Symboliquement ils représentent l’Eglise et les 12 portes de la Jérusalem  céleste, 12 portes qui doivent rester toujours ouvertes pour que la grâce nous rejoigne et nous attire à l’intérieur de celle-ci. Douze cela rappelle les douze tribus d’Israël, mais aussi les douze pierres de l’autel relevé par le prophète Elie sur le moment Carmel. Un autel ne peut être bancal  pour être fonctionnel. Les Apôtres restant estiment nécessaire que la symbolique soit restaurée et que soit restaurée l’unité du collège mise à mal par l’abandon de Judas. Sa place doit être occupée par un autre témoin. 12 nous renvoie également aux douze pierres du pectoral du Grand-Prêtre et qui symbolisaient les 12 tribus d’Israël. Douze pierres précieuses forment les portes de la Jérusalem céleste.  Une symbolique qui a de quoi nous éblouir et nous rappeler que Jésus est notre seul grand-prêtre. Nous sommes appelés à le rejoindre, lui, notre seul médiateur qui a rendu le seul culte qui plaise à son Père, celui du plus grand amour. Les apôtres sont à son service et au service de l’Esprit. Nous pourrions aussi prendre l’image d’un phare sur une hauteur qui dispense sa lumière. Elle doit non seulement éclairer, mais construire le royaume au-dedans de nous. 

L’Esprit était déjà là, avant la Pentecôte pour que les Apôtres puissent effectuer leur choix. Il paraît encore laissé au hasard, mais c’est surtout au choix de l’Esprit lui-même après un premier discernement. Le grand-prêtre portait aussi sur son pectoral des sortes de dés pour consulter Dieu à une certaine époque, Ourim et Thoummim. 

Sur quoi doit se baser l’unité des Apôtres et des disciples autour d’eux ? Saint Jean nous donne sa réponse, son refrain constant : Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. Cette unité doit se construire sur l’amour et l’Esprit-Saint va œuvrer pour nous donner de vivre ce commandement fondamental et annoncer la Bonne Nouvelle, de construire l’Église. Le Pape Benoît disait lors de son pèlerinage dans la vallée de Josaphat à Jérusalem, que la nature la plus profonde de l'Église est d’être signe et sacrement d’une humanité réconciliée, renouvelée et unie dans le Christ, nouvel Adam.

Voilà encore mentionné ce thème de l’Unité. Le Christ est retourné auprès de son Père, mais nous pouvons retenir  qu’il nous a laissé sa présence réelle dans l’Eucharistie, sacrement de l’Unité. Il est là sous les espèces du pain et du vin consacré, lorsque nous la célébrons. Le fait qu’il ait pris un repas avec ses disciples avant son Ascension, selon les Actes des Apôtres, ne peut être qu’une sollicitation envers nous pour nous rappeler cette présence maintenant eucharistique, malgré son départ auprès du Père avec son Corps ressuscité et glorifié. Saint Jean Paul II nous disait dans une audience de 1998 que Le « réalisme des apparitions témoigne que Jésus est ressuscité avec son corps et que ce corps vit auprès du Père. Il s'agit toutefois d'un corps glorieux, qui n'est plus sujet aux lois de l'espace et du temps, transfiguré dans la gloire du Père. » Cette destinée est aussi la nôtre. Saint Paul nous a beaucoup parlé de notre résurrection : « notre corps sera transfiguré en corps glorieux (cf. Ph 3, 21), en «corps spirituel» (1 Co 15, 44). Voir notre temps et notre espace rencontrer l’éternité de Dieu ne peut que nous interpeller, tout comme l’Eucharistie que nous pouvons approcher si facilement. Le Seigneur l’a instituée avant sa mort et sa résurrection, ce qui devrait nous interpeller, c’est comme si tout était déjà réalisé pour Dieu et vu par lui. Le sacrifice influe sur tous les hommes de tous les temps et les rejoint,  et sur la création toute entière… Le titre de « la messe sur le monde » vient à l’esprit.  Il y a notre  espace-temps, mais aussi un huitième jour voulu par la Trinité dans l’Eucharistie, une rencontre entre notre temps et son au-delà du temps.

Nous ne pouvons surtout pas éluder aujourd’hui la fête des mères. Il existait une autre sorte de présence de Jésus que celle de l’Eucharistie pour les Apôtres, celle de Marie. Elle rassemble les disciples autour d’elle dans l’attente de la venue de l’Esprit. Jésus est de sa chair. La génétique et l’épigénétique sont intéressantes, très importantes, mais à leur place. Jésus a certes relativisé l’importance de la chair, mais qui plus que Marie a fait la volonté du Père. Saint Jean Paul II nous dit dans une catéchèse que « Luc décrit explicitement Marie comme « la Mère de Jésus » (Ac 1, 14), comme pour suggérer que quelque chose de la présence du Fils monté au ciel demeure en présence de la mère. Elle rappelle aux disciples le visage de Jésus et est, par sa présence au milieu de la communauté, un signe de la fidélité de l’Église au Christ Seigneur. » 

Nos sœurs nous ont présenté une icône de l’Ascension dont l’explication est passionnante à explorer. Je vous en dis 2 mots pour ne pas faire trop long.

Dans la partie supérieure de l’icône, au centre du ciel, on aperçoit le Christ trônant dans la gloire. Il siège dans trois cercles concentriques, les sphères cosmiques appelées « mandorle ». Symboliquement, le Sauveur est ainsi situé hors du temps, dans l’éternité divine. Le Christ étend la main droite en un geste de proclamation et il tient de la main gauche le rouleau des Écritures. Ces gestes indiquent que sa fonction se poursuit dans l’éternité: il demeure celui qui révèle les desseins du Père et qui accomplit les Écritures. Son vêtement lumineux exprime son état de ressuscité.

Nous  voyons ensuite Marie et les 12 Apôtres au Cénacle.  « Marie est debout dans une attitude de prière et de disponibilité à la Volonté du Père, comme à l’Annonciation. Son immobilité exprime sa fidélité indéfectible. La position de l’Orante dans laquelle Marie est représentée est également la position de l’Église. Marie est seule à nous regarder et nous invite à la paix. »

Nous ne devons pas oublier que Marie à la Pentecôte, reçoit une grâce supplémentaire, celle de devenir Mère de l’Église. Cela se réalisait déjà au pied de la croix avec Jean. Mais vient le temps de l’Esprit qui dilate encore son cœur pour y donner une place à chacun de nous. Réjouis-toi Marie, ton fils Ressuscité est vraiment monté au ciel. Demande pour nous l’Esprit-Saint. Alléluia !



dimanche 5 mai 2024

Vous êtes mes amis

5 MAI 2024  6ème Dimanche de Pâques (semaine II du Psautier) — Année B

 Lectures de la messe

Première lecture« Même sur les nations païennes, le don de l’Esprit Saint avait été ré...Ac 10, 25-26.34-35.4...

PsaumeLe Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations. ou : Alléluia !Ps 97 (98), 1, 2-3ab... 

Deuxième lecture« Dieu est amour »1 Jn 4, 7-10

Évangile« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’o...Jn 15, 9-17

Homélie

Vous êtes mes amis a dit le Seigneur dans l’Evangile! Les amis de mes amis sont mes amis, philoi, plus encore, chers frères et sœurs ! Amis, quels mots surprenant de la part de celui qui est non seulement homme parmi les hommes, mais Fils de Dieu. C’est plus que d’être l’ami d’un ami d’un ministre.

Nous sommes dans la seconde partie du second discours d’adieu de Jésus. Ne restent autour de lui que ceux qui n’ont pas été émondés, coupés du cep parce qu’ils ne portaient pas de fruits. Que s’est-il passé pour eux, pour qu’ils soient appelés amis par le Seigneur? Ils ont été perméables à l’enseignement de Jésus et surtout à son amour. La vie, sa vie circule en eux et ils peuvent porter du fruit. Les disciples de serviteurs, sont devenus amis. Apprendre à le connaître nécessite un cheminement avec lui, dans le concret du quotidien.

Pourquoi sont-ils ses amis ? il leur a fait connaître ce que son Père lui a demandé, ses commandements. Il les leur a donnés à son tour pour qu’ils les connaissent bibliquement pour ainsi dire. Ils ont une particularité, celle de se résumer à un seul : « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres comme je vous aimés. »

La suite est une phrase parmi les plus mystérieuses et sibyllines : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » La TOB dit : « Nul n’a d’amour plus grand que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime. » Nous la lisons à la lumière de la passion et de la résurrection, mais ceux qui l’entendaient ne comprenaient pas encore. La mort de Jésus sur la croix a été l’expression suprême de son amour pour le Père, elle a été le sommet de son amour pour le Père et pour ceux dont il a fait ses amis. Qui aurait pu le comprendre avant la Passion ? Marie certainement. Mais qui d’autre ? Comment connaître jusque là ce commandement de l’amour ?

La finalité de l’action de Jésus pour nous est celle de cette vie pour nous dans l’amour avec ce plus, sans limites, qu’est l’Esprit-Saint, l’amour du Père et du Fils. Jésus montre son amour pour son Père et pour nous, jusque-là, jusqu’à la Croix. Ce n’est pas un amour du bout des lèvres, un oui politique et diplomatique, ou bien la victoire d’un passage d’examen en rase-motte. Que veut-il ?  Il veut nous faire partager sa joie. « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. » C’est l’amour qui procure cette joie, qui est celle du Père. Ce don qui nous est fait a pour source et origine son geste d’amour absolu. Vous m’autorisez à mentionner un auteur grec découvert dans mes plus jeunes années, apprécié de Bossuet, mais grand ennemi des latins, Nicolas Cabasilas. Il commence par faire remarquer que si quelqu’un échange une mauvaise maison contre une meilleure, il  a aussi échangé un plaisir contre un autre. Pour accueillir la béatitude divine, il n’y a pas d’autre chemin que le don de soi-même, de ses joies, à soi, limitées pour accueillir celle du Seigneur.   « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » Si je vous ordonne d’aimer c’est afin que vous vous réjouissiez du même plaisir qui est en moi et dans les miens. L’ami de Dieu a transporté sa vie en Dieu. Il participe à la joie de Dieu.

Traditionnellement on aime à rappeler pour inviter à la retenue tous ceux qui deviennent amis du Seigneur, que c’est lui qui invite, c’est lui qui donne la grâce de se rapprocher de lui. Ceux qui s’occupent de leur jardin savent bien qu’il est inutile de tirer sur la tige d’une plante pour la faire pousser. Le Seigneur par  sa grâce pourra par contre faire grandir dans l’amour, avec la rapidité qui il voudra et donner à des enfants de faire la leçon à des parfaits…  Ce qu’il n’est pas nécessairement facile d’accepter. Ce ne sont pas des diplômes et une certaine gnose théologique, la participation à un courant ou groupement qui nous fait grandir dans l’amour. L’Esprit-Saint a donné une grande leçon à Pierre et à la jeune communauté chrétienne en descendant sur tous ceux qui l’entendaient chez Corneille. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et qu’aucun ne se perde. Il distribue ses dons pour la croissance non seulement de chacun personnellement mais pour celle de l’Église, qui est le corps du Christ.

Nous aurions pu nous demander en lisant notre Evangile, s’il ne s’agissait dans un tel partage et un tel cheminement spirituel, que d’une question individuelle, d’une réponse uniquement personnelle à donner. Le souci et la démarche voulues par le pape François vers une Église plus synodale, nous disent qu’il n’en va pas ainsi. Le Seigneur qui est la vigne, dans ce chapitre 15, s’adresse à ses amis, à son Église. Les contemplatifs portent le souci de l’Église et de sa croissance. Ils portent le souci de la pastorale, de la mission et de l’annonce de l’Évangile. Il n’est jamais inutile de rappeler le titre de docteur de l’Église et patronne des missions de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, après une vie passée dans un cloître. Le pape a dit ceci dans une lettre aux curés qu’il a publiée la semaine passée « Nous ne deviendrons jamais une Église synodale missionnaire si les communautés paroissiales ne font pas de la participation de tous les baptisés à l’unique mission d’annoncer l’Évangile le trait caractéristique de leur vie. Si les paroisses ne sont pas synodales et missionnaires, l’Église ne le sera pas non plus. ». Quelqu’un un jour n’arrêtait pas de me seriner : « Une âme est un diocèse ». Nous sommes parfois bien compliqués, perdus dans nos pensées et nous aurions intérêt à nous simplifier en vivant cet amour du prochain que demande le Seigneur.

La démarche commune voulue par le Saint-Père nécessite le désir d’accueillir la Joie que veut nous procurer le Seigneur en gardant son commandement : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »

Reine du ciel Réjouis-toi le Christ est ressuscité pour nous donner la vie et nous donner de vivre son commandement. Allléluia.