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dimanche 13 avril 2025

Dimanche des rameaux et de la passion du Seigneur

 

 Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur (semaine II du Psautier) — Année C 13 avril 2025

Dimanche prochain  

Chers Frères et Sœurs, chers amis,

En entamant notre procession, nous avons chanté l’antiphoné des enfants : « Les enfants des hébreux portant des branches d'olivier, allèrent au devant du Seigneur en criant et en disant : Hosanna au plus haut des cieux. » Ils étendaient leurs vêtements sur le chemin… Vous sentez-vous des enfants en ce Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur ?

Quel contraste entre l’entrée de notre célébration et la lecture de la passion ! Quel mystérieux chemin avons-nous à parcourir pour accueillir pleinement le mystère du Christ. Le faisons-nous seulement dans quelques heures de popularité privilégiée où il parcourt Jérusalem, où il entre dans le Temple pour en chasser les vendeurs. Si vous avez parcouru le chapitre 19 de l’Evangile de Luc, vous aurez remarqué que Jésus pleure sur Jérusalem avant d’y entrer. Quant à nous, nous parcourons aussi un chemin étrange. Peut-être applaudissons-nous intérieurement à ce que nous avons reçu, à l’enseignement de Jésus. S’est-il transformé  en idéologie, en pure théorie ? Est-ce nous que nous applaudissons ? Notre chemin est-il son chemin ?  Où conduit-il ? S’agit-il seulement d’une dénonciation de ces vendeurs chassés du Temple ? N’est-ce pas à la Passion, au sacrifice, au don de lui-même.

Nous avons cette année le privilège de retrouver notre Bible de Moutier-Grandval. Certains d’entre nous avions pu la voir en 1981. Le temps passe très vite. En parcourant ses reproductions, je n’y ai pas retrouvé d’entrée triomphale à Jérusalem, mais certainement des aides pour notre célébration. Nous avons notamment un Christ en gloire entouré des 4 évangélistes et de 4 prophètes, mais nous notons aussi la présence de 4 arbres, je suppose 2 cèdres et 2 oliviers, voilà pour les rameaux. Sur une autre enluminure figurent toujours entre les 4 Evangélistes un lion, le lion de Juda qui reste à côté de l’autel. Il paraît presque saluer l’agneau qui y monte, l’agneau qui va s’y immoler.

Un lion ne se sacrifie pas. Il symbolise la force et la domination, c’est lui en quelque sorte que la foule acclame. Mais les deux, l’agneau et le lion sont présents dans le Christ qui donne sa vie pour nous. Il  vient donc dominer par l’amour et le don de lui-même. Son sacrifice est un acte d’amour. Quel est le plus courageux, et le plus important, l’agneau ou le lion ?

Les représentations habituelles de la victoire du Messie et de la restauration d’Israël ne cadraient pas du tout avec la mission de Jésus et son identité profonde. Qui l’avait comprise et acceptée ? Personne, je crois à l’exception de Marie à qui l’ange lui avait annoncé qu’un glaive de douleur lui transpercerait le coeur. Acceptons-nous aujourd’hui mieux que ses contemporains, le Messie qui va être crucifié ? Dieu qui meurt dans son humanité était autant incroyable et intolérable au monde judaïque qu’hellénique. Ils ne savent pas ce qu’ils font. Que de chemin parcouru dans les esprits,  les concepts et surtout les cœurs, avant de pouvoir arriver à cette formule d’un Concile (Constantinople II) « Celui qui a été crucifié dans la chair, notre Seigneur Jésus Christ, est vrai Dieu Seigneur de la gloire et un de la Sainte Trinité. »

Comment recevons-nous aujourd’hui son message non seulement dans nos esprits, mais  encore dans nos vies ? Le faisons-nous mieux que ceux qui après son entrée triomphale se moqueront de Jésus en croix? Nous interpelle-t-il aujourd’hui encore par sa souffrance silencieuse ou exprimée ? Est-ce que je le rejette ou ai-je le courage de le regarder comme un de ses compagnons  sur la croix? Est-ce que je pense arriver à trouver en lui et avec lui, une réponse et un accompagnement à ma propre situation ? Il est crucifié entre 2 brigands, n’en suis-je pas un, au moins un peu ? Il ne s’agit pas de chercher une réponse parmi d’autres qui fasse sens mais de rechercher et de trouver la réponse définitive et unique qu’il affirme pouvoir me donner. « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Jésus transforme l’arbre de la connaissance du bien et du mal, l’arbre de mort, en arbre de vie dont il est le fruit qui se donne.

Nous avons des illustrations de ce que peut provoquer la puissance ou l’illusion de puissance dans l’actualité de ces jours avec ses guerres de toutes nature. Ce qui est le plus important, n’est-ce pas l’agneau en moi avec la réponse que je  donne personnellement à « Celui qui a été crucifié dans la chair, notre Seigneur Jésus Christ, vrai Dieu Seigneur de la gloire et un de la Sainte Trinité. ». Quelle est mon espérance ? Non pas en quoi, mais « en qui » est-ce que j’ai placé mon espérance ? Suis-je important en raison de mes connaissances, de mes performances, de mon âge, de ma bonne santé, des moyens technologiques que je maîtrise ? Ils seront dépassés demain. Est-ce que j’ai plus de valeur que ceux qui m’ont précédés et de ceux qui n’ont pas accès à la bourse ? Des variations des cours font trembler, mais avons-nous un intérêt à ce qu’il y a après cette vie, à ces moins qui deviennent des plus ? On y songe un peu plus en devenant de moins en moins performant. Quelle différence aussi entre moi, une personne humaine et une intelligence artificielle ? J’ai entendu quelque part qu’elles peuvent déjà quasiment mentir et cacher leur réponse jusqu’au moment le plus opportun. Cela me rappelle Pascal et ses controverses avec les Jésuites, mais aussi un de ses questionnements : Quel est le sujet qui nous importe le plus ? C’est celui du sens intégral de notre destinée, de notre vie, et de notre espérance, tendue vers d’un bonheur qu’il n’est pas interdit de concevoir comme éternel, mais que seul Dieu peut donner.

Une intelligence non naturelle peut me donner de belle réponses avec ce que dit le pape François par exemple : « Avec le Christ, aucune nuit n’est définitive, aucune chute n’est irréversible. La Croix est l’échelle vers la lumière. » C’est très beau et très juste, mais ce n’est pas un moyen technique qui monte vers la lumière, mais bien moi qui y suis appelé ; moi qui suis appelé à voir Dieu et à ressusciter, parce que je suis un homme et que Jésus est Dieu et homme, parce que j’ai un cœur et une âme, comme mon voisin et tous ceux que j’ai plus de difficultés à aimer. Quelles sont les pensées qui me viennent lorsque je vois les victimes de la guerre et tous ces employés en Asie, entassés dans des usines cousant et à travaillant pour nous? Notre espérance n’est pas qu’une consolation temporaire, elle doit nous aider à communiquer un peu de la lumière du Christ autour de nous. Elle doit nous aider à regarder chacun comme une personne à laquelle il s’adresse et que je verrai dans la lumière.

« Celui qui meurt avec le Christ, ressuscitera avec le Christ. Et la croix est la porte de la résurrection. Celui qui lutte avec Lui, triomphera avec Lui. C’est le message d’espérance que contient la croix de Jésus, exhortant à la force dans notre existence. » Être disciple du Christ, c’est être messager de l’espérance.

Amen !



dimanche 6 avril 2025

La femme adultère




6 avril 2025  5ème Dimanche de Carême — Année C

Première lecture« Voici que je fais une chose nouvelle, je vais désaltérer mon peuple ...Is 43, 16-21

PsaumeQuelles merveilles le Seigneur fit pour nous :

nous étions en grande fête !Ps 125 (126), 1-2ab,...

Deuxième lecture« À cause du Christ, j’ai tout perdu, en devenant semblable à lui dans...Ph 3, 8-14

Évangile« Celui d’entre-vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à jeter...Jn 8, 1-11


Chers Frères et Sœurs, chers amis,

Nous avons droit ce matin à un Evangile qui d’une certaine manière embête les prédicateurs de service. L’abbé Bernard est allé faire une retraite au bon moment.

L’image de cette pauvre femme au milieu de cette meute masculine ou aucune autre femme n’est mentionnée est plus que dérangeante. Mon cher et regretté confrère le Père Robert Martin, placide vaudois (comme presque tous les vaudois), que certains de vous ont connu comme gardien  ici, avait une expression pour dire que la limite était dépassée : « A la fin, ça énerve ! ». Ce sont des scribes et pharisiens, des maîtres de la loi, des juges qui viennent avec elle, non seulement pour la condamner, mais pour prendre Jésus au piège. Du mari trompé aucune mention, ni du lapin qui avait du courir très vite.

Un avocat aurait peut-être commencé par plaider sa cause en demandant : mais où est l’autre participant ? Le Lévitique dit que  l'homme et la femme adultères seront punis de mort (20 :10).

Dans les questions diverses il pourrait aussi se poser des questions sur la nature du mariage judaïque… L’intelligence artificielle étant à la mode j’ai demandé à une américaine ce qu’il en était de la polygamie dans le judaïsme et j’ai été un peu surpris de lire qu’elle avait été prohibée seulement  au 10e siècle environ, par un rabbin d’Europe centrale. Il existerait encore quelques communautés pratiquant la polygamie en Afrique du Nord et au Yémen. Et puis que de mansuétude pour David et Bethsabée la femme d’Urie mère de Salomon et « ancêtre » du Christ. Quand on est riche et puissant, on peut tout se permettre. Et puis est-ce qu’elle n’est peut-être pas une cousine de Suzanne tombée dans le traquenard de tristes vieillards. Passons. Nous ne sommes pas trop naïfs sur ce type de problématiques et sur l’évolution des statistiques contemporaines. Il y a d’innombrables documents, de sociologie, de droit, de psychologie, de décisions sur ce sujet. Mais que de souffrances, de déchirures, de blessures, de tristesse, et aussi de larmes d’enfants et de dysfonctionnement ils masquent.

Cette femme n’a pas d’avocat, sinon Jésus. On le sait miséricordieux et le piège est visible. Il ne se lance pas dans une argumentation, il se met à écrire sur le sable. Qu’a-t-il pu écrire ? En posant la question à un autre logiciel, le petit chinois communiste (très performant) m’a dit (dans un français parfait) que ce peut être :  1. **Un geste symbolique** 2. **Les péchés des accusateurs** 3. **Une référence à Jérémie 17:13**   4. **Un acte juridique** , une sentence. 5. **Une simple pause**. Jésus dit simplement : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » . Jésus ne vient pas jeter de pierres, lui qui est sans péché.  

La réaction de ceux qui sont présents est étrange. J’avais lu quelque part qu’il aurait fait percevoir à chacune des personnes présentes ses propres fautes en éclairant leurs conscience. Ce sera certainement ce qui adviendra pour nous lorsque nous le rencontrerons. Nous serons obligés de lâcher nos reproches, nos rancunes, notre justice de comptables pour nous retrouver avec Jésus seul et lui dire un oui pour toujours et définitif ! Mon petit chinois communiste a conclu : Cette scène illustre la pédagogie divine : Jésus ne nie pas le péché, mais transforme une condamnation mortelle en une occasion de repentance.

Jésus apporte la guérison par son pardon. « Va, désormais, ne pèche plus… » C’est assez mystérieux. Il n’appelle ni le mari, ni le fuyard, il ne condamne pas, il rétablit cette femme dans la communion.  Il n’est guère besoin de trop creuser le sujet pour nous rendre compte qu’elle représente Israël dans l’Ecriture, Israël qui court après d’autres dieux. Nous nous rappelons le prophète Osée. L’humanité qui a rompu son Alliance avec le Seigneur au commencement est appelée à revenir vers lui.

Il vient rechercher son Peuple, nous rechercher  et faire toutes choses nouvelles. « Voici que je fais une chose nouvelle : elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? Ce peuple que je me suis façonné redira ma louange. » Il vient guérir. Cette guérison doit commencer maintenant, notre marche dans le désert pour guérir et le retrouver pleinement doit commencer maintenant. Il ne s’agit pas de la repousser aux calendes grecques, c’est-à-dire jamais, ou de faire de la procrastination, domani, domani. Ce serait en quelques sortes nous moquer de nous-mêmes et de celui qui veut marcher avec nous et qui nous attend. Saint Augustin nous dit que le psaume 125 que nous avons entendus appartient à des psaumes intitulés cantiques des degrés. C’est le chant de ceux qui s’élèvent; et où s’élèvent-ils, sinon vers cette Jérusalem du ciel qui est notre mère à tous? Comme elle est du ciel, elle est éternelle. L’éternité, je crois que nous y aspirons tous en nous interrogeant sur ce qu’elle sera.

Peut-on être insensible à ce qui habitait Saint Paul : À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ,     et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ.  Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection.

Le plus grand mal est celui de vivre une séparation d’avec le Christ pour Saint Paul. Nous nous devons bien évidemment aujourd’hui d’être attentifs à ceux qui sont malades et vivent ce mystère du Christ souffrant et à ceux qui les soignent.

Dans sa bulle d’indiction, le pape, malade  lui-même, nous a dit que : Des signes d’espérance devront être offerts aux malades, qu’ils soient à la maison ou à l’hôpital. Leurs souffrances doivent pouvoir trouver un soulagement dans la proximité de personnes qui les visitent et dans l’affection qu’ils reçoivent. Les œuvres de miséricorde sont aussi des œuvres d’espérance qui réveillent dans les cœurs des sentiments de gratitude. Et que la gratitude atteigne tous les professionnels de la santé qui, dans des conditions souvent difficiles, exercent leur mission avec un soin attentif pour les personnes malades et les plus fragiles.

Nous pouvons conclure avec le début de sa prière pour le Jubilé.

Père, toi qui es aux cieux,  la foi que tu nous as donnée en  ton fils Jésus-Christ, notre frère,  flamme de charité  répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint, éveille en nous la bienheureuse espérance pour l’avènement de ton royaume. Amen


dimanche 23 mars 2025

Le Buisson Ardent

 


23 mars 2025  3ème Dimanche de Carême (semaine III du Psautier) — Année C

Lectures de la messe 

Première lecture« Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis »Ex 3, 1-8a.10.13-15
Psaume Le Seigneur est tendresse et pitié.Ps 102 (103), 1-2, 3...
Deuxième lecture La vie de Moïse avec le peuple au désert, l’Écriture l’a racontée pour...1 Co 10, 1-6.10-12
Évangile« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même »Lc 13, 1-9

Chers frères et sœurs,

Curieuses lectures de ce 3ème dimanche de Carême. Les fleurs commencent à sortir, les forsythia n’attendent pas le jour de Pâques. Vendredi, c’était le 1er jour du printemps, fête de la naissance au ciel de saint Benoît. Pour les funérailles de la maman d’un confrère, des fleurs d’un arbre fruitier avaient commencé de s’exprimer. Le Seigneur recherche des fruits hors saison sur un figuier. Cet arbre est mentionné dans l’Ecriture de la Genèse à l’Apocalypse. Le figuier n’avait pas voulu renoncer à la douceur de son fruit pour être roi, dans le livre des juges. Dans l’Apocalypse  il est mentionné lorsque tombent les étoiles du ciel à la fin des temps : « les étoiles du ciel tombèrent sur la terre comme lorsqu’un figuier secoué par grand vent jette ses fruits. » Dans Saint Matthieu Jésus en maudit un qui se dessèche, après son entrée triomphale à Jérusalem. Saint Luc le reprendra encore une fois comme signe de la venue du Royaume avant la passion, mais lorsqu’il fleurit.

Nous avons là un élément qui peut nous rendre attentif à l’urgence de nous tourner vers le Seigneur. L’Evangile en propose 2 autres, avec cette tour de Siloé qui s’écroule et tue 12 personnes. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui un fait divers. Nous avons en mémoire les Twins de New-York en plus des films catastrophes. Nos médias nous présentent régulièrement des avions qui tombent, des trains qui déraillent, des éruptions et des inondations. Le massacre de ces Galiléens par Pilate est du même ordre. Personne n’est aujourd’hui à l’abri de tristes nouvelles semblables. Que conclut Jésus : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. ».

Y a-t-il un rapport de cause à  effet entre ces morts et un manque de conversion ? Oserions-nous aller jusqu’à dire qu’une conversion préserve de manière absolue d’une fin de vie difficile, d’un accident ou de la maladie et de la douleur ? Chacun répondra par la négative après une expérience de vie plus ou moins longue. Les questions qui nous viennent à l’esprit dans ce type de situations ont trait à la dureté de notre condition.

Lorsque le Seigneur avance vers le Golgotha. Le Père lui fait emprunter un très rude chemin. Quant à nous, il paraît donner parfois beaucoup de permissions pour que les choses aillent mal, au point de nous faire crier grâce. Qui oserait dire que cela ne lui est jamais arrivé ? Une réaction contre un mal est inscrite dans notre nature. Pourquoi s’en étonner ? J’ai lu quelque part que même les bébés sont dotés par la nature de quoi donner une alerte sonore extrêmement puissante. Le larynx et les cordes vocales évoluent ensuite. Ils sont pour ainsi dire programmés pour crier et donner l’alarme. Merci aux parents pour leur patience. Les situations d’inconforts majeurs nous accompagnent jusqu’au bout. Pourquoi s’étonner de nos réactions ?

Jésus a voulu de toutes ses forces accomplir cette mission qui lui a permis d’aller jusqu’au don total que lui-même. Même avec de la confiance, pareil saut vers l’inconnu ne peut que nous émouvoir et nous impressionner. Mais il est vrai que le Seigneur vient à notre aide. Le vigneron de l’Evangile en témoigne : « Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour et que j’y mette de l’engrais. »  La compassion du Seigneur pour nous est bien là, il vient à notre aide. Il veut nous conduire à un épanouissement spirituel qui nous rende semblable à lui et capables de voir son Père. La compassion dont témoigne Jésus à notre égard, éclaire l’être même de Dieu, explique Michel Fédou dans son dernier livre sur le sujet. Elle se fait sollicitude, bienfaisante, aide à la guérison. Jésus a été pris de compassion pour les foules qui venaient à lui, comme des brebis sans berger. Il l’a été devant la veuve de Naïm et Lazare. Il ne s’agit pas simplement d’empathie, de partage d’émotion, mais de discernement et d’action. Un discours sur la compassion ne remplace pas une aide effective. Ce qui paraît être le plus insupportable au Seigneur est la fermeture du cœur à la Bonne Nouvelle de la venue du règne de Dieu qui conduit à la résurrection. Ce qui bouleverse le plus Jésus, est la dureté du cœur.  Pourtant, « Lui qui est de condition divine, n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. Mais il s’est dépouillé prenant la condition de serviteur. » En plus d’apporter une aide effective, d’apporter du soulagement, une autre question qui vient à l’esprit est celle du sens. Sommes-nous désireux et soucieux de proposer à ceux qui nous entourent un sens à leur vie ? Non pas un sens parmi d’autres, il ne s’agit pas d’offre dans un supermarché ou comme ces pubs sur internet qui obscurcissent l’information demandée. Vous connaissez cela : J’ai besoin d’une information sur un sujet, alors panneau cookie, pub pour une combine, puis 3 autres et vous ne savez plus comment vous en dépêtrer. Notre informateur, c’est le Seigneur, notre information, c’est l’Evangile et la vie selon l’Evangile pour montrer le Royaume. Où en est notre recherche de la simplicité de Dieu ? Parvenons-nous à garder le silence dans notre cœur pour l’écouter ? Notre vie a un sens. Nous nous trouvons  à la fin des temps, nous a dit saint Paul mais il ne s’agit pas de catastrophe apocalyptique. Comment désirer ce qui est bien sinon en nous simplifiant ? Saint Paul  nous a parlé de baptême, de nourriture spirituelle, de boisson spirituelle, de vie avec et dans le Christ, notre rocher. Nous ne pouvons pas nous appuyer sur notre seule force dans notre marche au désert, mais sur celui qui est au-dedans de nous. Moïse s’était laissé piquer par la curiosité dans l’épisode du buisson ardent. Le Seigneur l’a interpellé pour l’envoyer libérer son peuple. Il lui a donné son nom ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis’. Et nous avons-nous entendu la voix de celui qui nous envoie porter l’espérance et annoncer la Bonne Nouvelle ? Avons-nous entendu la voix de  Dieu en nous et un nom ? Jésus, dont le nom signifie « Dieu sauve ».  C’est Dieu qui sauve qui m’envoie. Dans la catéchèse préparée pour les pèlerins mercredi dernier à Rome figuraient cet appel en conclusion : les Israélites avaient peur lorsqu'ils marchaient dans le désert. Ces peurs ont pris la forme de serpents venimeux (cf. Nombres 21, 4-9). Pour être libérés, ils devaient regarder le serpent de bronze que Moïse avait placé sur un mât, c'est-à-dire qu'ils devaient lever les yeux et se tenir devant l'objet qui représentait leurs peurs. Ce n'est qu'en regardant en face ce qui nous fait peur que nous pouvons commencer à être libérés.

Une question induite, sommes-nous capables de regarder le Christ en croix pour y trouver un encouragement, une communion dans la compassion mutuelle ? En avons-nous le courage, avons-nous surtout la présence d’esprit, le réflexe et l’audace de le demander ? Jésus en croix est aussi un buisson ardent. Lumière et obscurité en même temps. La couronne d'épine est un buisson ardent.

Il existe  une icône du Buisson ardent qui n’est pas de ce type. Elle nous parle certainement. Une étoile à huit branches le symbolise. En son centre sont représentés la Vierge et l’enfant avec, des anges, les évangélistes, Moïse et Elie. Ils nous envoient porter cette Bonne Nouvelle pour libérer nos frères. Amen.


dimanche 16 mars 2025

Transfiguration en Carême?

 

Atelier Saint André

16 mars 2025  2ème Dimanche de Carême (semaine II du Psautier) — Année C

Lectures de la messe

Première lecture Le Seigneur conclut une alliance avec Abraham, le croyant Gn 15, 5-12.17-18

Psaume Le Seigneur est ma lumière et mon salut.Ps 26 (27), 1, 7-8,...

Deuxième lecture« Le Christ transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glor...Ph 3, 20 – 4, 1 

Évangile« Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre »Lc 9, 28b-36

Chers frères et sœurs, chers amis,

Nous ne pouvons qu’apprécier, cet Evangile de la Transfiguration. Nous étions partis avec Jésus au désert la semaine passée. Dans un premier temps il a eu faim et nous a rappelé que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Saint Luc  utilise, au début de cette péricope, deux mots qui accrochent les intéressés. Ils ne sont pas mentionnés par le découpage qui nous est proposé par la liturgie. Notre texte commence simplement par « en ce temps là ». Quels sont-ils ?   egeneto , il arriva, cela fut ainsi, et emerai octo, huit jours . Quelle importance ? Certains relèvent que le premier mot est très présent dans le 1er chapitre de la genèse (LXX), 20 fois. Le second permet aussi un rapprochement avec la création mais va plus loin… avec un 8ème jour (huit jours après avoir prononcé ces paroles). Il est celui de la résurrection et de la vie éternelle, la re-création ; Dieu fait toutes choses nouvelles et pourrions-nous conclure, il en fut ainsi .

Ce fameux 8ème jour va bientôt advenir. Jésus va s’entretenir avec Moïse et Elie sur une nouvelle montagne après le mont de la tentation et le pinacle du temple. Le premier était le lieu d’une tentation d’un pouvoir sur l’homme et le second une main mise sur Dieu en le tentant. Quel thème que celui de l’accomplissement de l’Ecriture et de la Révélation sur ce mont de la Transfiguration ! Jésus a 3 témoins principaux de son ministère : Pierre, Jacques et Jean. Il s’entretient avec Moïse et Elie sur la passion et la résurrection. Il ne s’agit pas de la perspective d’une domination mais de la manifestation de son amour du Père. Il s’agit d’amour absolu et non de domination.

Qu’est-ce que la Transfiguration, sinon pour nous une invitation à aimer comme Jésus. Il s’agit de nous laisser illuminer par cette lumière présente sur la montagne et dans les Ecritures. On aime beaucoup rappeler à l’occasion de cette lecture que la première icône qu’écrivent traditionnellement les nouveaux iconographes est celle de la Transfiguration pour que cette lumière illumine tous leurs futurs travaux.

A quoi cela sert-il ? Vous me pardonnerez un contraste provocateur. Il ne s’agit pas  d’une opération de bronzage à Delémont plage ou au bord de la Méditerranée ou même du Léman… En attendant tranquillement, sans souci… Un des seuls souvenirs de poésie retenu pendant que j’étais à l’école des missions au Bouveret, était quelques vers du lac de Lamartine : « Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours ! » Il y a une vérité, ces plus beaux jours-là n’ont pas été éternels…

La Transfiguration de Jésus est une indication pour nous que quelque chose d’extrêmement important va se réaliser, la conclusion d’une nouvelle Alliance, une alliance définitive avec Dieu. La première lecture nous a remémoré celle conclue avec Abraham. La présence de Moïse à la transfiguration, dans l’Evangile, vient nous remettre en mémoire le Sinaï et la traversée du désert. Elie symbolise aussi la difficulté de la lutte pour rester fidèle à l’Allliance.

Le spectacle est tellement beau et grandiose que les Apôtres sont éblouis, ils veulent installer trois tentes et demeurer toujours là… Ce moment ne pouvait qu’être génial et nous faire dire : vraiment ô temps suspends ton vol ! Déjà la vision de Dieu, le flash éternel… Si seulement !

Le cher Maurice Zundel nous dit qu’il n’y a pas de doute que le Christ était ce qu’il apparaissait sur la montagne de la Transfiguration (Mt 17, 1-8). Mais il ajoute que les yeux des apôtres, comme  ceux des disciples d’Emmaüs, ne pouvaient pas percevoir ce rayonnement, habituellement, parce qu’il n’y avait pas en eux assez de transparence, assez de pureté, assez d’amour, assez de générosité pour entrer dans ce domaine de la pure lumière et de l’éternel amour.

C’est une manière de voir et d’interpréter pour nous inviter à aller plus loin, au-delà du visible et demander au Seigneur de nous ouvrir les yeux. Est-ce simple ? L’exercice est bien difficile, on n’y parvient qu’en devenant pauvre soi-même, en se dépouillant par l’amour, en se donnant, comme le Seigneur. Mais quelle opération… Il est plus simple de se faire opérer d’une cataracte que de voir avec les yeux de Dieu.

Si la grâce nous a été obtenue par le Seigneur, comment ne pas tenir compte de la supplication de Saint Paul : « Ainsi, mes frères bien-aimés pour qui j’ai tant d’affection, vous, ma joie et ma couronne, tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés. »

Nous avons eu droit à une excellente conférence nous donnant des pistes sur l’intelligence artificielle mercredi soir au centre paroissial « l’Avenir » qui mérite bien son nom. Une intelligence qui fonctionne toute seule, est-ce Delémont plage pour toute la vie ? Plus besoin de travailler, des solutions qui sont données automatiquement, de petits robots qui  font nos commissions, réfléchissent pour nous règlent les températures, voilà qui est intéressant. Avec des points d’interrogation. Suffirait-il d’attendre tranquillement que « le Seigneur Jésus Christ, transforme nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux ? » C’est un vieux rêve qui habitait déjà certains des premiers chrétiens. Certes nous sommes ressuscités avec le Christ par notre baptême, « vous avez été ressuscités avec Christ ». Mais voilà… Il faut aimer comme lui, comme lui aime le Père.

En cette année consacrée à l’espérance, nous pourrions méditer sur les paroles de saint Paul qui encourageait ses Thessaloniciens. Il était capable de voir l’action de l’Esprit en eux , d’un vrai regard surnaturel, divin, et non artificiel. « Qui est notre espérance ? Qui est notre joie et la couronne dont nous serons fiers devant notre Seigneur Jésus lors de sa venue ? N’est-ce pas vous ? Oui, c’est vous qui êtes notre gloire et notre joie. »

Que dans les moments de difficultés, Marie, la Mère que Jésus nous a offerte à tous, puisse toujours soutenir nos pas, puisse toujours dire à notre cœur: «Lève-toi! Regarde de l’avant, regarde l’horizon», parce qu’Elle est Mère de l’espérance. Amen


dimanche 23 février 2025

Aimer ? Mission impossible...

 


23 février 2025 7ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine III du Psautier) — Année C

Lectures de la messe

Première lecture« Le Seigneur t’avait livré entre mes mains, mais je n’ai pas voulu p...1 S 26, 2.7-9.12-13....
Psaume Le Seigneur est tendresse et pitié.Ps 102 (103), 1-2, 3...
Deuxième lecture« De même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile...1 Co 15, 45-49
Évangile« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux »


« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. » « Je vous donne un commandement nouveau », dit le Seigneur : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. »

Frères et Sœurs,

Nous avons compris le sens global des lectures d’aujourd’hui et du psaume. Le Seigneur nous demande de devenir comme lui et de vivre comme lui. Mais quelle transformation…, quelle désappropriation, quel échange et quel accueil avec ce moyen qu’est l’amour qui est au cœur de la vie trinitaire.

David épargnant Saül avait de quoi surprendre à l’époque, mais sommes-nous bien différents aujourd’hui ? L’auteur du livre de Samuel met en avant le respect par David de l’onction que Saül avait reçue. Une des questions induites est celle-ci, sommes-nous conscients, d’avoir tous reçu l’onction par les sacrements d’initiation et d’en recevoir aussi une, par exemple lors de l’onction des malades. L’Esprit-Saint pénètre dans la personne à l’image de l’huile et avec l’imposition des mains.

Le Seigneur lui-même s’intéresse à nous, qui sommes blessés et veut nous conduire à la résurrection : Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits ! Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse.

Saint Paul nous présente cette action du Christ qui va nous conduire à la résurrection.  « De même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, Adam, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel, le Christ. »

Dans l’Evangile le Seigneur nous demande des réactions surhumaines à des injustices inacceptables. « Aimez vos ennemis » « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. » Le plus impressionnant est qu’il ne s’agit pas seulement d’une suggestion polie, mais d’un commandement.

Etant gosse, il y avait une série télé au titre accrocheur de « mission impossible », il a eu plusieurs renaissances. Mais c’était tellement impossible, que ça devenait lassant et qu’on allait s’occuper à autre chose, n’importe quoi. Ce que nous demande le Seigneur paraît parfois encore plus qu’impossible. En certaines situations, le mur de l’impossible paraît si élevé et fait tellement d’ombre qu’on ne voit plus le soleil.

Alors, suivre Jésus est-ce vraiment mission impossible ? J’ai été bien emprunté hier en relisant ces textes, tant on n’a pas envie de passer par là et parfois de transmettre le message… Vous pouvez énumérer en vous-mêmes certaines situations, certaines révoltes, de ces rognes qui durent éternellement et renaissent sans fin. Nous pouvons bien égrener les vertus théologales et cardinales,  ça ne suffit pas. Nous avons besoin de quelqu’un pour nous aider, et il nous faut aller le chercher au fond de notre cœur pour que nous prenne par la main celui qui nous a touché par son onction. Le pape François nous offre de belles méditations sur l’espérance en cette année sainte, une des vertus théologales justement. Il nous donne l’impression de nous laisser un peu seul avec sa maladie. Mais pourquoi ne pas essayer à  cette occasion de nous rappeler que le Seigneur lui-même est bien au-dedans de nous.

Des recettes simples, devant les obstacles nous doutons qu’il y en ait et nous songeons plutôt à refermer la main et à nous protéger. Le Seigneur n’a pas manifesté une humeur toujours égale, il a eu des émotions. Il s’est fâché devant les réactions de ses apôtres ; au jardin des oliviers, il a demandé que la coupe s’éloigne de lui et il a fait des reproches à ses accusateurs.

La vie spirituelle a quelque chose d’analogue à une mission impossible, mais nous avons reçu l’Esprit-Saint. Nous sommes faits d’argile, mais par l’Esprit nous pouvons être transformés à l’image de celui qui vient du ciel, nous a dit Saint Paul.

Je dois tout de même aller nous chercher un bon auteur pour venir à notre secours. A ceux qui sont venus cette semaine, j’ai déjà mentionné une fois Maurice Zundel dont Marc Donzé vient de publier le 8ème volume des œuvres compètes : La joie d’exister. Il nous y dit notamment, qu’il nous est impossible de subsister sans emprunter au monde les énergies qui entretiennent notre vie. Nous ne pouvons y vivre sans prendre de risques et faire des découvertes. Il suffit de voir des tout petits en prendre pour découvrir et s’approprier le monde et même le construire. Alors pourquoi nous-mêmes ne pas essayer de partir à la découverte de notre monde intérieur ou peut-être dans notre monde intérieur, de celui qui y est déjà présent. Il faut beaucoup lâcher pour avancer et souvent être lâché par nos appuis pour découvrir celui qui nous attend. Nous sommes appelés à une désappropriation. Nous sommes appelés à découvrir un Dieu unique mais non solitaire, un Dieu qui est charité, amour au niveau de sa vie propre. Une communion d’amour est le secret de sa sainteté. C’est une désappropriation radicale qui est au cœur de la vie divine. Elle justifie toutes les prises de risques, y compris lorsque nous y sommes forcés, obligés de sortir de notre zone de confort ou en être jeté dehors par les circonstances de la vie. Jésus vient nous guérir de notre moi, fermé sur soi et faire éclore le moi qui se donne, le moi oblatif.

C’est ainsi que nous sommes invités à la table de ce festin.

Au collège, quelques camarades bon chanteurs avaient montés une composition cruelle de leur cru où ils  nous passaient presque tous en revue… avec un verset piquant ou un refrain : « combien difficile est son amour » (éternel est son amour...). Je ne sais pas si les malheureuses victimes ont pu se dépasser et rectifier la position. Mais le tout autre vient bien nous prendre par la main.

Nous avons une Mère au ciel, qui est la Sainte Mère de Dieu, dit le Pape François. Afin qu’elle nous enseigne la vertu de l’attente, même quand tout apparaît privé de sens: elle semble confiante dans le mystère de Dieu, même quand il semble s’éclipser à cause du mal du monde. Que dans les moments de difficultés, Marie, la Mère que Jésus nous a offerte à tous, puisse toujours soutenir nos pas, puisse toujours dire à notre cœur: «Lève-toi! Regarde de l’avant, regarde l’horizon», parce qu’Elle est Mère de l’espérance. Amen.


dimanche 9 février 2025

Une pêche miraculeuse hier oui, mais aujourd'hui?

 


9 février 2025 - 5ème dimanche du Temps Ordinaire (semaine I du Psautier) — Année C

Lectures de la messe

 

Chers frères et sœurs, chers amis,

Comment recevons-nous ces textes ? Viens Esprit-Saint en nos cœurs… O Saint-Esprit donne-nous des idées… Il va, il vient, il prend une monture et en change, il change de   porte-voix… En cherchant des idées hier, je suis allé sur le site de l’Eglise en France et j’ai constaté qu’un fournisseur connu de pistes d’homélies était parti vers le ciel. Le  Père Jacques Fournier, 99 ans, 76 de sacerdoce, c’est pas mal. Mais je ne sais pas si j’arriverai encore vous faire souffrir 29 ans. Mon baudet va continuer aussi longtemps que Dieu voudra.

C’est bien le Seigneur qui s’adresse à nous dans l’Ecriture aujourd’hui. Il s’évertue à prêcher avec des paraboles dont il ne donne volontairement pas tout le sens. Le début de notre Evangile paraissait un bricolage effectué par ceux qui nous ont préparé les lectures dominicales. On met fréquemment une petite phrase pour amener le reste de la lecture, un incipit. Mais ce n’est pas cela, il s’agit bien du texte de saint Luc. Les Apôtres et Pierre, le patron, sont revenus bredouille de la pêche.

Quand il faut gagner sa vie, cela fait problème, surtout sans assurance chômage. Pierre paraît bougon. Autant être sympa et rendre service. Que pense Pierre ? Peut-être qu’il vaut mieux écouter un sermon et méditer sur les fins dernières. Leur souci sera perceptible ailleurs dans les évangiles. Ils seront encore préoccupés de trouver du pain même après une multiplication des pains. Il n’est pas difficile de se mettre à leur place. Qui d’entre nous ne l’est pas en voyant s’accumuler les factures et en songeant aux frais d’avocat?

Le Seigneur va lui donner une leçon d’espérance et de foi, par le biais d’un miracle. Pierre est effaré par sa nouvelle pêche, après le sermon. Il lui avait fait confiance sans grand espoir… « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » Le Seigneur lui demande de passer d’un espoir, d’une probabilité, à l’espérance qui vise le royaume, qui est une ancre jetée au-delà du visible en Dieu. Il lui demande de croire en lui. Pour tirer sur cette ancre et passer au-delà du voile, il faut la force de l’amour. Le Seigneur va l’aider et nous aider à y parvenir en tirant sur cette fameuse chaîne. Il le fait à côté de nous, en nous et depuis le cœur de la Trinité. L’image parle d’elle-même.

Nous comprenons facilement la crainte et l’effroi de Simon-Pierre devant  ces deux barques pleines à raz-bord. Le lien  n’est pas trop difficile avec la première lecture. Elle  exprime le sentiment qui traverse Isaïe devant l’apparition de Dieu dans le Temple. Il lui apparaît sous l’aspect d’un souverain oriental, plutôt impressionnant, même écrasant… Cela provoque en lui la crainte, une sainte crainte. Dieu apparaît comme le tout autre, celui qui est tout-puissant, saint et parfait. Voilà qu’il  purifie le prophète, sans mérite de sa part : « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? » « Qui ira pour nous ? » traduit Chouraqui. Voilà, dans le livre d’Isaïe, un pluriel dans le Dieu unique qui interpelle. Comment Dieu peut-il être un et plusieurs ? Et j’ai répondu : « Me voici : envoie-moi ! »

Nous pouvons faire un parallèle entre cette lecture, l’émoi des Apôtres à la résurrection et notre Evangile : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. » Pierre va annoncer la Bonne Nouvelle. Ne crains pas, Me phobou, les mêmes mots que l’ange adresse à Marie. Elle n’a pas besoin de purification aux yeux de Dieu, la pleine de grâce. Mais elle est saisie par une sainte crainte.

Nous pouvons nous interroger sur le contraste avec ce que nous vivons aujourd’hui, où paraît prédominer une certaine indifférence, donc un amour du Christ édulcoré, apparemment. Faut-il se contenter d’avaler quelques calmants ? Aspirer à une pêche miraculeuse ? Certainement.  La question n’interpelle pas que moi. Il y a 2 semaines, un ami de jeunesse que j’avais connu à Fribourg jeune professeur de théologie et accompagnateur spirituel, voici presque 50 ans, le cardinal Schönborn, a pu enfin prendre congé de son siège de Vienne à 80 ans. Il a été secrétaire de la commission de création du catéchisme de Jean-Paul II. C’est quelqu’un qui écoute beaucoup, qui est amical et très ouvert. Dans son homélie d’au revoir il a dit notamment ceci :  « Aujourd'hui, je ressens particulièrement douloureux le contraste entre la joyeuse fête d'action de grâce que nous célébrons et le grand adieu que tant de personnes dans notre pays disent, la plupart en silence, à l'Église, rien qu'en 2023, ils étaient 85 000 ! Je me demande donc : à quoi ressemble une évaluation honnête de mes trois décennies de service ? »

Je crois que dans le Jura, d’après ce que j’entends, il y a aussi un problème à ce niveau. Le Cardinal Schönborn a quelques espérances lorsqu’il entend les plus jeunes. Je ne sais pas s’il table sur le traditionnel esprit de contradiction qui règne entre les générations, ce peut être un bon moteur.

Ne devrions-nous pas prier nous-mêmes pour obtenir du Seigneur des pêches miraculeuses ? Les poissons de Pierre sont tirés des profondeurs pour aller vers la lumière. L’image est classique. Aller vers la lumière de Dieu, y entrer et la partager, nous y sommes tous appelés. Je crois qu’après avoir parcouru un certain nombre d’années, lorsque nous devons trop nous bagarrer avec la dernière version windows  ou les 2 commandes de la télé, plus celle de la vidéo, nous percevons facilement que le bonheur ne réside pas là, dans l’hypnose médiatique, ni dans l’intelligence artificielle, américaine, chinoise ou autre. Une personne humaine a une valeur en elle-même. Je me suis amusé l’autre jour en voyant qu’une analyse génétique permettait de remonter éventuellement à je ne sais combien de millénaire en arrière, dans nos lignées généalogiques. Mais n’est-il pas encore plus intéressant de se dire qu’une personne humaine, depuis les origines et quelle que soit ses connaissances technologiques est capable de rencontrer le Seigneur, d’entendre la Bonne Nouvelle et de voir Dieu. Ce qui est le plus important pour nous et pour tout homme est ce qu’il y a devant nous… Dire notre foi, oui, en témoigner, mais aussi témoigner de notre espérance et de l’amour qui nous habite et nous conduit. Encore oui ! Et plus encore. Est-ce qu’il y aura encore des messagers de l’espérance parmi nous pour témoigner auprès des plus jeunes que nous voulons voir Dieu nous aussi et nous avec eux. Facile à dire, mais comme disent les psychologues, vous avez de la ressource. Courage !

Marie portant Jésus en elle avait parcouru les montagnes de Galilée pour rendre service à Elisabeth ! Toutes les deux ont été capables de témoigner de leur espérance ! Notre-Dame de la Sainte Espérance priez pour nous !