Rechercher dans ce blog

dimanche 21 avril 2024

Le Bon Pasteur



 21 AVRIL 2024  4ème Dimanche de Pâques (semaine IV du Psautier) — Année B

 Lectures de la messe

Première lecture« En nul autre que lui, il n’y a de salut »Ac 4, 8-12

Psaume La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle.

Deuxième lecture« Nous verrons Dieu tel qu’il est »1 Jn 3, 1-2

Évangile« Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis »Jn 10, 11-18

« Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis ».

Chers Frères et Sœurs, chers amis, vous me permettrez un début d’homélie aimable ce matin.

La nature nous donne souvent de belles images. Voici 2 jours, j’ai eu la chance, en regardant par la fenêtre devant chez moi, la chance d’observer une biche qui croquait un peu d’herbe sur la talus, à quelques mètres. Elle a vite décampé. Le Seigneur dans l’Evangile nous parle d’un loup. Hier, vers 14h00 en réfléchissant un peu sur ce que j’allais vous dire, j’ai jeté un œil sur mon poste télé et j’ai vu un loup qui surveillait un terrier de petites marmottes. On aime bien les entendre dans la montagne lorsqu’elles sifflent et lancent l’alerte. Quant aux troupeaux de moutons, nous les apprécions, grands et petits, y compris ceux que j’ai aperçu en venant célébrer ce matin et qui rendaient service comme tondeuses. À la fin de l’hiver dernier , il y en avait un de très grand,  sur la colline de l’autre côté de l’autoroute, à Develier, bien gardés par des chiens pour les défendre du loup. On aime les loups ou on les aime de manière différente, surtout lorsqu’on est une grand-maman et même un grand-père et qu’on ne court plus bien vite. Je ne sais pas si vos bons bergers à l’hôpital, arrivent toujours à vous retrouver lorsque vous partez en exploration, mais ils doivent avoir parfois bien du travail parfois pour retrouver leurs brebis égarées ou mal garées. Heureusement comme pour les marmottes et les moutons, il y a d’autres gardiens et des lanceurs d’alertes. Nous pouvons veiller les uns sur les autres.

Comment réagir devant un danger et devant le loup, lorsqu’on ne peut pas courir assez vite, lorsqu’on est dans un terrier qui n’est pas assez profond et lorsqu’un berger se sauve. Le berger à Develier n’était pas loin…

L’autre jour l’abbé Joël Pralong en Valais, un ami, a mis en ligne sur internet, un mouton qui se faisait attaquer par un loup. Pour se défendre, il brandissait une pancarte devant le loup où il était écrit : 5 fruits et légumes par jour. Il lui proposait un changement de régime au dernier moment. Pourquoi pas ? Mais il était tout de même bien dodu et le loup paraissait avoir très faim.

En ce dimanche du Bon Pasteur, ces lectures doivent nous interroger tous. Surtout vous qui êtes touchés par la maladie et par les conséquences de l’avancée en âge. Vous avez heureusement de bons bergers et de bonnes bergères qui veillent sur vous et essayent de vous aider ici. Nous pouvons cependant nous poser des questions sur l’identité de ce loup et sur ce Bon Pasteur, notre Bon Pasteur, qui en fait a bien donné sa vie pour nous. Un berger qui se fait manger par le loup et la mort, est-ce que c’est nous défendre comme nous l’aimerions ? Allons droit au but, ce loup, c’est le Mauvais et la mort. Nous sommes tous des victimes et le Seigneur s’est fait aussi victime. Alors à quoi cela sert-il d’être  un bon berger et une victime en même temps ? Qu’a-t-il fait ? Lui qui est Dieu et l’égal de Dieu, s’est fait homme, il est devenu l’un d’entre nous, il est né, il a été élevé, il a travaillé de ses mains, puis il a annoncé la Bonne Nouvelle. Il est mort mais il est ressuscité. La réponse se trouve dans la résurrection. Il nous a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Mais comment ? Que fait un mouton, il broute, il bêle… et suit son berger. Pour nous, de quelle nourriture  s’agit-il ? Pas de 5 fruits et légumes par jour, même si c’est utile. Notre nourriture c’est de mettre en pratique ses enseignements et de faire comme lui. Quelle a été sa nourriture à lui, sinon d’accomplir la volonté de son Père. Qu’a fait Jésus ? N’est-ce pas aimer son Père de manière absolue et totale, jusqu’à donner sa vie.

Comme beaucoup d’entre vous ont un petit téléphone avec internet, ou une tablette. Vous pouvez consulter dans l’office des lectures sur le site de l’AELF, un beau texte de saint Grégoire Le Grand un pape du 6ème siècle qui dit ceci : « Les brebis du bon Pasteur trouvent un pâturage parce que tout homme qui le suit avec un cœur simple est nourri dans la pâture des prairies intérieures. Et quel est le pâturage de ces brebis-là, sinon les joies éternelles d'un paradis toujours vert ? Car le pâturage des élus, c'est le visage de Dieu, toujours présent : puisqu'on le regarde sans interruption, l'âme se rassasie sans fin de l'aliment de vie. »

Saint Jean nous a dit tout à l’heure que dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et que ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Lorsque nous verrons le Père, nous lui serons alors semblable. C’est ce que Jésus nous a promis. Il est mort et il ressuscité. Il fera de même pour nous.

Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau et moi je vous ressusciterai au dernier jour.

Une autre question que nous pouvons nous poser, mais alors moi, suis-je seulement une pauvre et paisible brebis ? Ne s’agirait-il pas de devenir nous aussi berger avec le Seigneur, parce qu’il nous transforme pour être semblables à lui et montrer comment voir Dieu ? Envers nos compagnons de route, envers les plus jeunes ne devons-nous pas être des signes d’espérance en leur disant que nous allons voir Dieu et qu’ils le verront eux aussi. Des vocations, il en faut, elles sont nécessaires pour annoncer la Bonne Nouvelle, il faut des prêtres, des agents pastoraux, des religieux et des religieuses. Mais rendre compte de notre propre espérance, devenir ainsi bergers, n’est-ce pas la pastorale fondamentale qui incombe à tout baptisé.

Demandons à Marie de participer à sa joie et de nous accompagner sur notre chemin en proclamant que Jésus est ressuscité. Reine du ciel, réjouis-toi, le Seigneur est vraiment ressuscité Alléluia !





dimanche 7 avril 2024

« Mon Seigneur et mon Dieu ! »



7 AVRIL 2024 2ème Dimanche de Pâques ou de la Divine Miséricorde Année B
Lectures de la messe
Première lecture« Un seul cœur et une seule âme »Ac 4, 32-35
Psaume Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Deuxième lecture« Tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde »1 Jn 5, 1-6
Évangile« Huit jours plus tard, Jésus vient »Jn 20, 19-31

Introduction
Mes chères sœurs, chers frères et sœurs, bienvenue à chacun et à chacune, pour célébrer ce dimanche de l’octave de Pâques. Il a plusieurs noms en plus de celui-là, dimanche de Quasimodo, en raison de l’antienne d’ouverture « Quasimodo infantes », « comme des enfants nouveau-nés, soyez avides du lait non dénaturé de la Parole qui vous fera grandir pour arriver au salut. ».  Il est appelé aussi dimanche in Albis, parce que ce jour-là les nouveaux baptisés, les néophytes déposaient le vêtement blanc dont ils avaient été revêtus le jour de la baptême, à Pâques. Cela nous incite à prier pour les nouveaux baptisés adultes qui sont de plus en plus nombreux, et c’est un encouragement pour ceux qui ont reçu leur baptême enfant. N’est-ce pas la même foi ?
Ce dimanche est encore appelé dimanche de Saint Thomas et de la Divine Miséricorde, un terme qui nous vient de saint Jean Paul II. Vous me permettrez aussi de faire mémoire du 100ème anniversaire de la fondation de ma communauté d’origine à Longeborgne en Valais, par les Pères Bonaventure Sodar et Hildebrand Zimmermann, en 1924. Le Père Abbé Raymond Chappuis était né ici à Develier. C’est le Père François Huot, jurassien des Bois, 85 ans, qui fait mémoire de ce moment avec Mgr Jean-Marie Lovey, là-haut ce matin.
Vous savez tout ou à peu près. Préparons-nous à célébrer cette Eucharistie et la Miséricorde Divine en reconnaissant que nous avons péché et devons toujours en bénéficier.  

Homélie

« Mon Seigneur et mon Dieu ! »

 Chers Frères et Sœurs,

 Quel témoignage que celui de Thomas. Son nom signifie le jumeau Didyme. Il est probable que le prénom, Thomas, vienne du personnage historique, de l’Apôtre Thomas, donc. Qui ne se sent bien des fois le jumeau de Thomas, dans sa marche vers la pleine lumière. Qui ne voudrait pouvoir remonter le temps et se retrouver auprès de Jésus et l’accompagner, entendre sa parole, être témoin de ses miracles et de sa résurrection lorsqu’il ressuscite. Aurions-nous résisté à vivre avec lui sa passion ? Nous aurions tous aimé le voir « ressuscité ». Thomas nous est particulièrement cher en raison de ses difficultés à croire en la résurrection de Jésus. Devrions-nous pour autant être crédules ? Le dictionnaire de l’Académie nous dit que la crédulité est une tendance à croire sans précaution, sans esprit critique, sans souci de vérification. C’est l’état du petit enfant qui croit tout ce que dit sa mère et qui l’imite. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus était surprise par leur facilité à croire ce qu’on leur disait, les psychologues et pédiatres parlent de cette période d’imitation. Pourtant en matière de foi, celle des enfants transmise par les adultes a son importance, n’est-elle pas de la même nature que la foi d’adultes, même si elle n’est pas arrivée à maturité.  Ne s’agit-il pas de la même foi que celle des baptisés de Pâques.

Le choc reçu par les Apôtres et les disciples, leur traumatisme, leurs lenteurs à croire le témoignage des femmes et celui des premiers témoins devraient nous rassurer sur la véracité de ce qu’ils nous ont transmis. « Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons contemplé de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons. » 1 Jn 1,3 .

Il ne s’agit pas de 2 clics de souris sur son téléphone ou son ordinateur, il s’agit d’un vécu qui, paradoxalement, devrait nous rassurer en raison de son éloignement dans le temps, à l’abri de toute technique contemporaine de manipulation.

Nous avons en mémoire les représentations par les peintres de la rencontre entre Jésus et Thomas en particulier celle du Caravage. L’apôtre y inspecte la blessure du Seigneur à la manière d’un médecin légiste ; il est pourtant ressuscité, il est le vivant. Les autres peintres sont plus discrets. Georges de la Tour peint saint Thomas avec une pique imposante qui rappelle la plaie faite au Seigneur, cette lance rappelle  aussi, selon la tradition, celle qui a transpercé l’apôtre lors de son martyre en Inde.

« Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » « Mon Seigneur et Mon Dieu ». « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Ce dialogue nous touche parce qu’ils nous invite non pas à la crédulité, mais à la foi. « La foi est la réponse de l’homme à Dieu qui se révèle et se donne à lui, en apportant en même temps une lumière surabondante à l’homme en quête du sens ultime de sa vie. (Catéchisme) » Par la foi, nous touchons Dieu et nous sommes aussi touchés par lui. Au Carmel, dans ce contexte, impossible de faire silence sur le poème de la Nuit Obscure de Saint Jean de la Croix. « O nuit qui m’a guidée ! O nuit plus aimable que l’aurore ! O nuit qui as uni l’Aimé avec son aimée, l’aimée en son Aimé transformée. » Je laisse nos sœurs vous en faire le commentaire. 

Combien il a été long pour que les premiers disciples en viennent à comprendre un peu et à embrasser la très mystérieuse volonté d’amour de Dieu. Elle ne se limitait pas à leur époque, à leur vie, à leur manière de comprendre. Ils pensaient que la fin des temps surviendrait rapidement. « Je reviens bientôt, rapidement » « taxei, taxu », c’est le même mot qui ouvre et clôt l’Apocalypse, « 1.01 REVELATION DE JESUS CHRIST, que Dieu lui a confiée pour montrer à ses serviteurs ce qui doit bientôt advenir » « Oui, je viens bientôt, sans tarder. » C’est un « bientôt » du temps de Dieu. Mais ne nous dit-il pas aussi qu’il veut se laisser découvrir dans un bref temps d’homme. L’urgence de ce bientôt concerne notre courte vie humaine, cependant, la transmission de la foi permet que se construise le corps du Christ dans sa totalité, jusqu’à ce qu’il parvienne à sa perfection… Il est le commencement et la fin, Alpha et Oméga. Par la foi nous touchons Dieu et nous nous laissons aimer par lui, totalement. Dieu aime totalement et sans retenue. La foi et l’espérance disparaîtront lorsque nous le verrons face à face, seul restera cet amour partagé qui nous unira à lui. La foi ouvre les portes de l’amour. Nous avons été créés pour aimer et ici-bas nous apprenons à aimer à la suite du Christ, dans tous ses états, pour que notre voix soit en harmonie avec celle de la Trinité et des anges au dernier jour, pour que résonne une note parfaite, celle de l’amour :  « Celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu ;  celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de lui. Voici comment nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu : lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements. »

Le Seigneur comprend nos lenteurs et nos limites humaines, nos émotions, les conséquences du péché. Il est patient, il est miséricordieux. Il veut faire de nous des instruments de sa miséricorde, ainsi que nous l’a rappelé le pape François : « Ne nous laissons pas voler l’espérance qui vient de la foi dans le Seigneur ressuscité. Il est vrai que nous sommes souvent soumis à rude épreuve, mais la certitude que le Seigneur nous aime ne doit jamais nous quitter. Sa miséricorde s’exprime aussi à travers la proximité, l’affection et le soutien que tant de frères et sœurs manifestent lorsque surviennent les jours de tristesse et d’affliction. Essuyer les larmes est une action concrète qui brise le cercle de la solitude où nous sommes souvent enfermés. »

Que demeurent tournés vers nous les yeux miséricordieux de la Sainte Mère de Dieu. Elle est la première qui nous ouvre le chemin et nous accompagne dans le témoignage de l’amour. Que la Mère de Miséricorde nous rassemble tous à l’abri de son manteau. « Sous l'abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu. Ne méprise pas nos prières quand nous sommes dans l'épreuve, mais de tous les dangers, délivre-nous toujours, Vierge glorieuse et bénie. » Tournons-nous vers Jésus qui est le visage rayonnant de la miséricorde de Dieu. "Ne préférons rien à l’amour du Christ". Amen.

dimanche 17 mars 2024

« L’heure est venue où le Fils de l’Homme doit être glorifié. »

 


Chers Frères et Sœurs, bonjour et bienvenue à tous et à toutes. Nous allons aborder la dernière partie de notre Carême en ce 5ème dimanche et demander au Seigneur de nous préparer à vivre le moment central de l’année liturgique que sera la Semaine Sainte. Elle est à nos portes. Les lectures d’aujourd’hui sont d’un abord difficile. Nous entendrons non pas le bel Évangile de la résurrection de Lazare, mais l’entrée de Jésus à Jérusalem et dans le temple après son retour d’exil d’Ephraim aujourd’hui  et-Taiyibé seule ville chrétienne des Territoires occupés de Palestine, à la frontière du désert. Comprendre ce que nous demande Jésus et le Père, parfois nous avons la grâce de le comprendre tout à coup, mais le plus souvent, cela se fait de manière progressive. On a besoin que nous soit donnée la signification de ce qui paraît être un coup de tonnerre dans nos vies.

Nous fêtons aujourd’hui Saint Patrick, l’Irlande est chère aux jurassiens.


« L’heure est venue où le Fils de l’Homme doit être glorifié. »

Chers Frères et Sœurs,

Comment résonnent en nous ces mots de Jésus ? Des Grecs veulent l’aborder et pour ce faire, ils passent par une médiation, celle de Philippe, dont le nom grec peut nous faire penser qu’il parlait cette langue. Philippe s’adresse à André pour finalement se rendre avec lui auprès de Jésus. Ces Grecs selon ce que dit l’Évangile étaient des craignants Dieu qui ne voulaient pas aller jusqu’à la circoncision. Ils représentent les nations. Ils nous représentent et la réponse de Jésus manifeste que le salut va s’étendre aux nations et dépasser les frontières d’Israël.

Jésus ne paraît pas s’adresser directement à ces Grecs, mais à ses Apôtres. Il annonce sa mort qui va conduire à sa glorification. En même temps, il leur dit que son chemin sera aussi le leur. Pour être disciple de Jésus, il faut devenir comme lui.

Est-ce facile ? Au contraire. Il est lui-même bouleversé : « Mon âme est bouleversée » - « Père sauve-moi de cette heure ! » Nous avons dans notre pensée l’agonie au jardin des Oliviers. Pourtant nous nous souvenons de la manière forte, même violente dont Jésus a rabroué Pierre, tant il avait désiré cette heure ! « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié ». Le mot heure « Ora » employé 26 fois dans l’Évangile de saint Jean, désigne le plus souvent, selon un commentaire, un temps particulièrement favorable dans lequel le salut s’accomplit. Si le salut s’accomplit, il ne s’agit donc pas d’une fin absolue, d’un point final, sans espérance, comme on pourrait le comprendre lorsqu’une situation est désespérée. 

Survient alors un événement extraordinaire. Dans le Temple, le Père parle. Cette théophanie dans l'Evangile de saint Jean prend en quelque sorte la place de la Transfiguration puisqu'elle n'y figure pas. Le contexte ne peut qu’interpeller, puisque Jésus vient d’être acclamé par un grand nombre, c’est ce que nous célébrerons dimanche prochain avec les rameaux. Il est mystérieux que la foule n’entende qu’un coup de tonnerre. Si ce devait être un coup d’éclat pour une prise de pouvoir, le Père se serait exprimé de manière à être compris par tous. Jésus parle pourtant d’une voix « Ce n’est pas pour moi qu’il y a eu cette voix, mais pour vous. ». Or, seuls les Apôtres paraissent l’avoir entendue clairement, eux qui devront annoncer la Bonne Nouvelle.

Tout cela est mystérieux Jésus annonce pourtant bien sa mort infâmante, et par elle une victoire des plus surprenantes. « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »

Jésus est bouleversé en raison de la manière dont il va obtenir cette victoire.

Pourquoi ? Le Seigneur veut conclure une alliance nouvelle avons-nous entendu dans la première lecture. « Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. »

En entendant l’épître aux Hébreux nous sommes nous-mêmes bouleversés par ce qu’elle nous dit de l’angoisse et de la souffrance de Jésus : « Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort. » Mais nous sommes aussi remués par la conclusion : « Il fut exaucé en raison de son grand respect. » Comment peut-il avoir été exaucé sinon par sa résurrection ? Dieu n’a pas été indifférent à l’angoisse et à la souffrance de son Fils, mais il les a laissées advenir.

Qu’est-ce que ce grand respect ? Étant disciples du Seigneur, ce respect nous concerne aussi. Nous avons entendu ce qu’ont entendu les Apôtres et qu’ils nous ont transmis. Ce que Jésus a dit est en soi insupportable  :  « Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive »

Le mot traduit par « respect » dans la traduction liturgique, « le grand respect de Jésus » en raison duquel sa prière est exaucée, ce mot est eulabeias. Il signifie littéralement « soumission » et « crainte ». Il nous interpelle encore plus dans notre contexte. Nous entendons Jésus dans le Temple, le contexte est cultuel. Il est le lieu de la rencontre de Dieu avec son Peuple, le lieu des sacrifices où Jésus accepte d’être lui-même une victime, par amour de son Père et pour nous. Il accepte de faire le don de sa vie, pris par l’angoisse, et il nous demande de le suivre, en acceptant notre condition pour entrer nous-mêmes dans sa résurrection. Cette « soumission » est ma foi difficile. Nous n’en prenons conscience qu’en tremblant, mais touchés par ce qu’il nous a promis et a obtenu pour nous : la grâce. Peut-être pensez-vous qu’il y a exagération de ma part, mais lorsque nous disons le Notre Père, la prière du Seigneur, n’est-ce pas le don de nous-mêmes qu’elle contient et le oui au Père, dans le sien ?  

Tout lui sera soumis et dit le Père dans le Temple : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. » . Alors, il se remettra lui-même entre les mains du Père et tout ce qu’il a reçu. C’est le grand flux de l’amour trinitaire auquel nous participerons.

Nous pouvons nous confier à Notre Dame avec l’antienne qui lui est dédiée en Carême.

Salut, Reine des cieux,

salut, Reine des anges,

salut, tige féconde, salut, porte du ciel !

Par toi la lumière s'est levée sur le monde.

Réjouis-toi, Vierge glorieuse,

belle entre toutes les femmes !

Salut, splendeur radieuse :

implore le Christ pour nous.

Oui ! Qu’il nous dispense sa grâce. Dieu viens à mon aide, Seigneur à notre secours. Amen.


lundi 1 janvier 2024

Sainte Marie Mère de Dieu

 


1 JANVIER 2024  Sainte Marie, Mère de Dieu —

Solennité 

Lectures de la messe

Première lecture« Ils invoqueront mon nom sur les fils d’Israël, et moi, je les bénira...Nb 6, 22-27
Psaume Que Dieu nous prenne en grâce et qu’il nous bénisse !Ps 66 (67), 2-3, 5,...
Deuxième lecture« Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme »Ga 4, 4-7
Évangile« Ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né. Quand fut arri...Lc 2, 16-21

Chers Frères et Sœurs,

 En cette Octave de la Nativité du Seigneur, nous avons eu la chance de réentendre une partie de l’Évangile de Noël et de l’enfance du Christ. Expulsé de Nazareth sur les routes, par la volonté d’Auguste, le Seigneur a trouvé un abri pour l’accueillir à Bethléem. Ce qui nous rappelle que Dieu fait concourir tous les événements de notre vie pour accomplir ses desseins avec nous. Jésus a  surtout croisé pour la première fois  le regard de sa mère. Elle l’a pris pour la première fois dans ses bras et là il se sent vraiment chez lui. Les tout-petits n’apprécient pas nécessairement de se faire balader dans les bras de différentes mamans. Ce ne sont pas les mêmes odeurs, le même confort et le même réconfort. Il y en a de calmes et de tolérants, mais d’autres qui le font savoir.

En cette journée mondiale de la paix nous sentons le paradoxe avec une guerre locale sur la terre d’Israël, une guerre qui n’épargne pas les plus fragiles et les plus petits.

Ce bébé est-il simplement un bébé comme un autre ? Nous pouvons dire aujourd’hui qu’il a « un plus », « un plus » d’importance exprimé dans ce titre très particulier de Marie : Elle est Mère de Dieu. Mère de celui qui est Homme et Dieu.

L’Évangile nous présente Jésus découvert par les bergers. Les bergers appartenaient à la catégorie des plus pauvres et étaient peu considérés en Israël, bien que le roi David en ait été un. Ce sont eux qui le reconnaissent qui l’accueillent et sont accueillis par lui. C’est une cour assez particulière. C’était tout une affaire que cette présentation d’un enfant impérial né dans la pourpre, porphyrogénète dira-t-on à Constantinople et qui valorisait sa mère lui conférant une dignité particulière. Dans uncommentaire du cérémonial de présentation à la cour, on lit que « La fonction primordiale de l’épouse de l’empereur est de lui donner un fils à tel point que le couronnement pour certaines d’entre elles ne s’imposa qu’à la naissance de l’héritier. » Elles n’étaient pas par la suite nécessairement de tendres mères. Les amateurs de figures récentes s’amusent parfois devant la présentation du petit roi de Rome par Napoléon sur le tableau de Rouget. Il n’était plus premier Consul. Aujourd’hui, le Seigneur se présente dans les bras de sa mère, à des pauvres. Sa dignité est d’être petit et pauvre. Bien qu’il soit Dieu et Fils de Dieu. Une de nos rengaines le dit bien : Il est né le divin enfant, une étable est son logement. Notre pauvreté et n’importe quelle pauvreté n’évacue pas le Christ, il s’est fait pauvre, le pauvre, pour nous rejoindre, là où nous sommes, avec sa Mère. C’est une personne réelle, humaine, qui nous rejoint et pas seulement une parole, il est le Verbe, mais le Verbe fait chair, le Verbe incarné.

Il est bon de nous rappeler l’origine de l’expression Mère de Dieu. Elle nous vient d’Éphèse en 431 et nous permet aussi de rejoindre un pays de soleil, Alexandrie, par son patriarche Cyrille :  pendant ce concile, saint Cyrille et de nombreux évêques considèrent, eux, que le terme adéquat pour désigner la Vierge devait être Theotokos, la Mère de Dieu (litt. « Celle qui porta Dieu » ou « Celle qui donna naissance à Dieu »). Cette terminologie permet d’attester que Jésus est bien « une personne de deux natures qui sont unies ». Le titre de « Mère de Dieu » ne signifie pas que Marie aurait existé avant Dieu ou l’aurait créé, mais qu’elle a donné naissance à Jésus qui est pleinement Dieu et pleinement homme. ce mystère est formulé ainsi aujourd’hui : « Celui qu’elle a conçu comme homme, du Saint-Esprit, et qui est devenu vraiment son Fils selon la chair, n’est autre que le Fils éternel du Père, la deuxième Personne de la Sainte Trinité. L’Église confesse que Marie est vraiment Mère de Dieu (Theotokos) (cf. DS 251). » Je vous épargne le terme barbare qui explique ce tour de passe-passe.

Ces formules un peu complexes nous conduisent à l’essentiel, mais ne nous dispensent surtout pas d’aborder ce mystère sous un autre angle. La foi n’est pas une formule, surtout une formule magique, elle doit être vécue pour nous conduire à ce que nous nous souhaitons aujourd’hui, le bonheur et la paix avec Dieu d’abord. Je mentionnerai à cette occasion Maurice Zundel qui a un vrai culte pour la modestie et la petitesse deDieu. Il insiste sur la maternité divine, parce que sous un certain aspect, notre vocation va de pair avec celle de Marie : nous avons précisément la charge d’enfanter Dieu.

La naissance de Jésus, c’est une intelligence divine qui vient à nous, certes, mais d’abord et surtout l’amour de Dieu qui vient à notre rencontre en son Fils, une personne. Il ne s’agit surtout pas d’une intelligence artificielle qui voudrait nous gouverner et nous soumettre. Il est certes nécessaire de garder l’esprit ouvert aux nouvelles technologies, bien qu’elles nous mettent parfois de mauvaise humeur. Le pape nous rappelle dans son message que : « L’intelligence est l’expression de la dignité que nous a donnée le Créateur qui nous a créés à son image et à sa ressemblance (cf. Gn 1, 26) et nous a permis de répondre à son amour par la liberté et la connaissance. La science et la technologie manifestent de manière particulière cette qualité fondamentalement relationnelle de l’intelligence humaine : elles sont des produits extraordinaires de son potentiel créatif. » L'intelligence artificielle doit donc être comprise comme une galaxie de réalités différentes et nous ne pouvons pas supposer a priori que son développement contribuera de manière bénéfique à l'avenir de l'humanité et à la paix entre les peuples. Un tel résultat positif ne sera possible que si des valeurs humaines fondamentales telles que « l’inclusion, la transparence, la sécurité, l’équité, la confidentialité et la fiabilité » sont respectées.

Ayant un peu la fibre exploratrice, je tiens peut-être cela de mon père, je me suis amusé à poser une question à une intelligence artificielle ChatGPT. Elle répond presque comme un ecclésiastique : Que va faire l’Église en 2024 ? « En tant qu'intelligence artificielle, je n'ai pas la capacité de prédire l'avenir ni de fournir des informations spécifiques sur les actions ou les décisions que l'Église catholique pourrait entreprendre en 2024 ou à tout autre moment ultérieur. Les actions de l'Église catholique dépendent de divers facteurs, notamment des enseignements religieux, des événements mondiaux, des préoccupations sociales, des questions éthiques et morales contemporaines, ainsi que des dirigeants ecclésiastiques en place et de leurs interprétations des principes catholiques. »

Je crois que cela suffit. Sainte Marie Mère de Dieu, prie pour nous pécheurs. Amen.

 

dimanche 31 décembre 2023

Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph




 Homélie :

Chers frères et sœurs.

Les 3 lectures ainsi que le psaume qui nous sont proposés par la liturgie d’aujourd’hui à l’occasion de la solennité de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph, ont une perspective bien particulière. Abram, « père élevé » ou Abraham « père d’une multitude de nations»  y est mentionné à 12 reprises. On y trouve heureusement une femme Sara, princesse ainsi qu’Isaac « Rire » et Jacob « celui qui supplante ». Restons-en là pour les significations. Moïse est encore mentionné dans l’Évangile ainsi que deux anciens, Anne et Syméon. Le contexte invite à méditer sur l’attente dans la foi de la venue du Messie. Celle d’Abraham est mise en valeur mais la foi de Sara n’est pas oubliée grâce à l’épître aux Hébreux. Elle nous fait penser à Élisabeth. Nous penserions presque à une sorte de galerie d’ancêtres, le regard tourné vers les plus jeunes ou plutôt le dernier né de la famille qui rentre à la maison après sa naissance. Quel trésor en particulier pour la maman. C’est toujours une joie que celle de croiser de jeunes parents portant leur enfant au sortir de la maternité. 

A Noël fréquemment on sort quelques vieilles histoires ou rengaines pour se mettre dans l’ambiance en régressant un peu. Ça fait du bien. En parcourant un des contes de Mon Moulin, de Daudet, pas les 3 messes basses, par hasard j’ai lu l’histoire d’un enfant qui avait une tête en or, or qu’au final il dilapida en totalité… Il était si beau ce moulin avec ses grandes ailes sur le chemin des vacances. Il est d’autres ailes, celles de la foi, qui nous permettent avec le vent de l’Esprit de transformer en or spirituel, et en pain de Dieu, en vie éternelle, les circonstances de notre vie.

La foi en la promesse de Dieu sous-tend nos lectures.  Elle est un trésor d’une autre nature. Sont justes, ceux qui attendaient la délivrance d’Israël, ceux qui forment ainsi une nouvelle famille.  Cette même foi va permettre à Anne et Syméon de reconnaître le Christ, le Messie du Seigneur. Une toute petite famille pauvre, dans le brouhaha du temple ! Qui d’autre que l’Esprit aurait pu la distinguer et révéler son identité ? Qu’est-ce qui aurait pu différencier ce bébé des autres ? Pour une maman, son bébé est normalement le plus beau du monde, et presque le seul au monde, parce que c’est le sien. Surtout s’il s’agit de son premier-né. Saint Luc nous présente Joseph et Marie accomplissant symboliquement dans le temple le rite du rachat. L’annonce de la conception de Jean avait eu lieu dans le temple. Dans l’Évangile il n’est pas mentionné qu’il soit rentré, alors que fils de prêtre il aurait du y officier. Voilà que le Seigneur, lui-même, tout petit enfant y entre avec sa famille... Il vient, lui, racheter non seulement son peuple, mais tous les hommes. Ce rachat, vous vous en souvenez est une tradition qui remonte à la libération d’Egypte et à la dixième plaie où les premiers-nés d’Israël avaient été épargnés. Luc se contente du symbole et fait remonter immédiatement la Sainte Famille en Galilée. Saint Matthieu, par contre fera accomplir en vrai à la Sainte Famille, tout le voyage en Égypte ainsi que le retour en Galilée, à Nazareth. 

« L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui. » C’est à Nazareth, dans le cadre de son village et de sa famille, que Jésus dans son humanité va apprendre à confectionner le pain de vie, à l’écoute de Joseph et de Marie, et de la voix de son Père. Ceux qui ont jeté un coup d’œil à KTO on vu une partie de la retransmission à Nazareth, dans la maison de Joseph.

La famille est le lieu privilégié qui nous est donné pour naître, grandir et devenir capables de remplir toute notre mission. Nous y recevons les moyens pour un jour entrer dans la vie qui ne finit pas. Il est passionnant, pour moi en tout cas, de se pencher sur certains auteurs contemporains, pas nécessairement chrétiens qui nous parlent de l’importance des parents dans la construction intérieure de l’enfant. De la maman qui l’accueille et du père qui l’aide à construire sa propre personnalité. Ils soulignent aussi l’aide primordiale de la maman pour que l’enfant ait une image positive de son père. C’est passionnant de voir l’importance de l’amour d’une maman pour toute sa famille. Jésus a voulu naître dans une vraie famille et y grandir pour accomplir sa mission. 

C’est par lui et par notre foi en lui que la Bonne Nouvelle de notre réconciliation avec son Père  peut être annoncée et vécue, que nous pouvons transformer ce qui nous est donné de vivre, en pain de vie et en or spirituel. D’un seul homme, touché par la mort et ressuscité  parce qu’il est Dieu, « a pu naître une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, une multitude innombrable. »


Source

Nos familles sont touchées de tout temps par les fractures, les blessures, les brisures et les difficultés de toutes sortes. Que de bricolages nous impose la vie. Nous le ressentons particulièrement en ce temps de Noël. En lisant un ouvrage récent, j’y ai retrouvé une image parlante. Il existe au Japon un art de la poterie appelé le Kintsugi qui consiste à rassembler les morceaux d’un vase brisé, en porcelaine avec une soudure en or. Les effets sont spectaculaires et remarquables. Je crois que l’illustration est suffisamment parlante par elle-même, pour nous rappeler ce que peut l’or de la charité. 

Dans ce contexte, pour essayer de comprendre ce qu’a essayé d’entreprendre récemment le pape François et qui est diversement accueilli, je crois qu’il serait bon de relire son exhortation apostolique post-synodale sur la famille. Elle commence par ces mots : La joie de l’amour qui est vécue dans les familles est aussi la joie de l’Église. 

Nous pouvons conclure par la prière du pape à la Sainte Famille : Prière à la Sainte Famille 


Jésus, Marie et Joseph

en vous, nous contemplons la splendeur de l’amour vrai,

en toute confiance nous nous adressons à vous.

Sainte Famille de Nazareth,

fais aussi de nos familles

un lieu de communion et un cénacle de prière,

d’authentiques écoles de l’Évangile

et de petites Églises domestiques.

Sainte Famille de Nazareth,

que plus jamais il n’y ait dans les familles

des scènes de violence, d’isolement et de division ;

que celui qui a été blessé ou scandalisé

soit, bientôt, consolé et guéri. 

Sainte Famille de Nazareth,

fais prendre conscience à tous

du caractère sacré et inviolable de la famille,

de sa beauté dans le projet de Dieu.

Jésus, Marie et Joseph,

Écoutez, exaucez notre prière

Amen !


dimanche 3 décembre 2023

1er Dimanche de l'Avent

 



3 DÉCEMBRE 2023

 dimanche, 1ère Semaine de l'Avent — Année B

Dimanche prochain  

Lectures de la messe

Homélie

« Veillez ! »

Chers Frères et Sœurs,

Durant tout le mois de Novembre nous avons été invités à vivre dans la vigilance le retour annoncé du Seigneur à la fin des temps. A nouveau la liturgie nous demande de veiller ! Veiller, c’est une attitude qui traverse toute l’Écriture. Pouvons-nous y parvenir seuls ? Au jardin des oliviers les Apôtres n’y étaient pas arrivés, même une heure.

Une veille imposée est une torture particulièrement odieuse et insupportable. Il vous suffit de jeter un coup d’œil sur la toile. La méthode ne date pas d’aujourd’hui. Dans un répertoire plus léger, lorsque le sommeil nous surprend, nous pensons peut-être au Cantique des Cantiques : « Je dors mais mon coeur veille... C'est la voix de mon bien-aimé ! Il frappe : " Ouvre-moi, ma soeur, mon amie, ma colombe, mon immaculée. »

Laisser son cœur veiller, n'est-ce pas la solution que nous pouvons apporter à cette invitation du Seigneur ? Comment soigner son cœur, comment lui permettre de veiller ?  La règle de Saint Benoît commence par ces mots : « Écoute ô mon fils, les préceptes de ton Maître, prête-moi l’oreille de ton cœur. » Il se réfère au livre des Proverbes (chapitre 4), qui se poursuit ainsi : « 21 ne les perds pas de vue, garde-les au profond de ton cœur : 22 pour qui les trouve, ils sont la vie, la guérison de son être de chair. Le passage se conclut : 23 Par-dessus tout, veille sur ton cœur, c’est de lui que jaillit la vie. »

Dans le répertoire des analogies, j’ai lu et entendu, que les mamans ont une sorte de 6ème sens pour percevoir quand les bébés commencent à s’agiter, avant la grande alerte bruyante dans la nuit et elles les tranquillisent pour qu’ils puissent se rendormir et ne pas réveiller toute la maison. Voilà aussi un exemple de cœur qui veille et de patience, merci aux mamans. Autre question, n’est-ce pas un nouveau-né qui doit nous réveiller ?

En matière spirituelle, les lampes qui nous sont données dans notre obscurité pour traverser la nuit sont au nombre de deux : Veillez et priez nous dit le Seigneur. Notre portier intérieur, notre cœur est-il apte à attendre et à entendre, à prévoir et à prévenir la venue de celui qui va venir ?

Où trouver la lumière ? Les Mages scrutaient depuis longtemps le ciel dans l’attente de l’étoile. Scrutons-nous le ciel de notre cœur ? N’y voyons-nous que l’obscurité produite par l’hypertrophie de notre moi, sans percevoir aucune lumière? Notre cœur est fait pour aimer. Il attend de voir se révéler notre Seigneur Jésus-Christ. Et que faut-il faire ? encore et toujours veiller et prier.

Jésus va venir pauvre parmi les pauvres, un enfant exilé, mais un enfant aimé dans une petite famille aimante.

Vous savez certainement que notre pape François a eu un accroc de santé avec ses pauvres poumons. Il a du être mis sous antibiotique. Mais son message à la Conférence des États parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, la Cop 28, a tout de même été publié. Il y manifeste son attention pour les enfants. Ils vont être un peu les rois des fêtes de Noël qui s’annoncent avec les expositions de crèches, et la fête de Saint Nicolas cette semaine. Nous nous réjouissons avec eux, mais le pape François mentionne les enfants pauvres dans un passage de son message :

« Les tentatives de faire retomber la responsabilité sur les nombreux pauvres et sur le nombre de naissances sont particulièrement frappantes. Ce sont des tabous auxquels il faut absolument mettre fin. Ce n’est pas la faute des pauvres puisque près de la moitié du monde la plus pauvre n’est responsable que de 10 % à peine des émissions polluantes, alors que l’écart entre les quelques riches et les nombreux démunis n’a jamais été aussi abyssal. »

Être éveillés et prier. Le sommeil intérieur vient du fait de toujours tourner autour de nous-mêmes et de rester bloqués, enfermés dans sa propre vie avec ses problèmes, ses joies et ses douleurs, mais tourner toujours autour de nous-mêmes, dit ailleurs le pape François. Et cela fatigue, cela ennuie, cela ferme à l’espérance. C’est là que se trouve la racine de la torpeur et de la paresse dont parle l’Evangile. Quand la solitude nous surprend-elle ? Un exemple nous est donné par Saint Charles de Foucauld. Il s’était fait cette réflexion en revenant sur sa jeunesse : « J'étais dans la nuit. Je ne voyais plus Dieu ni les hommes : Il n’y avait plus que moi. » Il avait ensuite fait du service militaire où il avait dilapidé son million, à la manière du jeune homme de la parabole, notamment avec une actrice. Puis il avait trouvé la lumière.

L’Avent nous invite à la vigilance, en regardant hors de nous-mêmes, en élargissant notre esprit et notre cœur pour nous ouvrir aux nécessités de nos frères et au désir d’un monde nouveau. Vers ceux qui souffrent de la faim, de l’injustice, de la guerre de la pauvreté, de toutes les faiblesses humaines, des solitudes des pauvres, des faibles, des abandonnés, nous avons des pistes de lumière à trouver. La venue de Jésus doit apporter chaleur et réconfort. L’Avent est un temps pour cette préparation.

Que la prière soit présente, bien sûr par la méditation des Écritures et l’oraison.  Nous faisons tous les efforts possibles pour créer une atmosphère positive destinée à vivre une lumineuse et belle fête de Noël. Ce n’est pas facile. Prier n’est-ce pas la première manière d’apprêter notre étable intérieur pour accueillir celui qui va venir.  Nous avons le bonheur de célébrer aussi cette semaine, l’Immaculée Conception vous ai-je dit. Prions-la pour conclure : Tu es la Toute Belle, ô Marie ! En toi se trouve la joie parfaite de la vie bienheureuse avec Dieu.  Fais que nous ne perdions pas le sens de notre chemin sur la terre : que la douce lumière de la foi éclaire nos journées, que la force consolante de l’espérance oriente nos pas, que la chaleur contagieuse de l’amour anime notre cœur, que nos yeux à tous restent bien fixés là, en Dieu, où se trouve la vraie joie. Sainte Mère du rédempteur, porte du ciel toujours ouverte, étoile de la mer, viens au secours du peuple qui tombe et qui cherche à se relever. Tu as enfanté, ô merveille, celui qui t’a créée. Tu demeures toujours vierge, accueille le salut de l’ange Gabriel et prends pitié de nous, pécheurs. Amen.


dimanche 26 novembre 2023

Le Christ Roi de l'Univers

 


Mais Oui! des brebis à corne!


26 NOVEMBRE 2023

 Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l'Univers — Année A - Solennité

 Lectures de la messe

Première lecture« Toi, mon troupeau, voici que je vais juger entre brebis et brebis »Ez 34, 11-12.15-17

PsaumeLe Seigneur est mon berger :

rien ne saurait me manquer.Ps 22 (23), 1-2ab, 2...

Deuxième lecture« Il remettra le pouvoir royal à Dieu le Père, et ainsi, Dieu sera tou...1 Co 15, 20-26.28

Évangile« Il siégera sur son trône de gloire et séparera les hommes les uns de...Mt 25, 31-46

Intro

Chers frères et sœurs, 

Bienvenue à tous et à toutes pour célébrer le Christ-Roi de l’Univers. Cette célébration nous rappelle que nous sommes à la fin de l’année liturgique et que bientôt commence le temps de l’Avent.

Cette fête avait été instituée par le pape Pie XI en 1925, pour essayer de mettre en valeur une forme de royauté sociale du Christ.  Avec la réforme liturgique du Concile, elle a été placée en ce dimanche, pour signifier de manière plus liturgique le retour du Christ à la fin des temps. Ce dimanche est en même temps la 38ème journée mondiale de la jeunesse. Nous prions avec eux et pour eux. Il nous faut aussi demander pardon pour les scandales qui sont encore apparus ces jours. Nous espérons que toute la société se réforme également en profondeur. Le but est d’accueillir le mystère du Christ et le salut qu’il veut offrir au dernier jour à tous les hommes. 

Préparons-nous à célébrer le mystère de l’Eucharistie en reconnaissant que nous avons péché.

Homélie

Chers Frères et Sœurs,

 L’année liturgique arrive à son terme et s’achève sur le jugement dernier de Saint Matthieu avec le retour du Christ. Nous avions hier à l’office des lectures son annonce par le prophète Zacharie et sa description de la venue du Seigneur : « 04 Ses pieds se poseront, ce jour-là, sur le mont des Oliviers qui est en face de Jérusalem, à l’orient. Et le mont des Oliviers se fendra par le milieu, d’est en ouest ; il deviendra une immense vallée. Une moitié de la montagne reculera vers le nord, et l’autre vers le sud. » La mémoire chrétienne conserve le récit de l’Ascension de Jésus au Mont des Oliviers. Nous attendons tous son retour.

Il est extrêmement difficile aujourd’hui de douter que notre univers aura une fin, près du  zéro absolu. Mais le jugement, le retour du Christ est encore de l’ordre de la foi.

Le jugement, lors de ce retour, va s’opérer sur le critère des béatitudes et des œuvres de miséricordes. L’image est impressionnante. Il sera accompagné de la résurrection et nos corps seront semblables à celui du Christ. Cela constitue une différence d’avec les conceptions prédominantes aujourd’hui. N’est-ce pas la résurrection chrétienne qui respecte le plus notre nature humaine ? Le Christ est mort et ressuscité, avec un vrai corps glorieux et une âme. Ce compagnon, cette partie de notre oui et de nos non, pourrait-on y renoncer, comme s’il ne s’agissait que d’une enveloppe temporaire ? Mon corps, n’est-ce pas aussi moi ? Je me suis demandé au fil de mes lectures : Pourquoi est-ce qu’après une expérience de mort imminente, l’âme retournait dans son corps ? Ne serait-ce pas parce qu’elle et lui sont intimement liés ? Notre nature humaine ne peut renier cette unité. Le Christ ressuscité est vrai Dieu et vrai Homme, ayant un corps et une âme. Il veut nous ressusciter tout entier, comme lui. Pourquoi dire non ? Pourquoi ne pas respecter le cheminement d’autrui, de ceux qui nous ont tant appris sur ces questions ? Sachant que tout et tous convergent vers le Christ.

Les scénarios catastrophes des films d’aujourd’hui meublent notre imaginaire. Je vous avoue à en regarder des passages de temps à autres, de m’interroger sur cette propension, cette attirance, ce désir de mort qui habite nos sociétés, alors que le Seigneur nous appelle à la vie. Il veut nous attirer vers le haut, vers lui, vers la joie. Le Fils de l’homme apparaît dans la gloire. « Père, glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie » Il est glorifié nous dit l’Écriture, lorsqu’il est mis en croix et qu’il donne sa vie pour nous. Sur le Mont Thabor, Moïse et Élie parlaient avec lui de sa montée à Jérusalem. Il s’agit maintenant de la Gloire eschatologique. Il se présente à nous en tant que Dieu, et le discernement va s’opérer sur le déroulement de sa vie humaine, la gloire de la croix, sur la manière dont nous aurons vécu les béatitudes et pratiqué les œuvres de miséricorde. Sur la manière dont nous aurons aimé, sur notre témoignage de vie, sur la manière dont nous aurons aimé notre Père.

S’agit-il d’un film catastrophe ? « Dieu aime tous les hommes et veut que tous les hommes soient sauvés, il veut qu’aucun ne se perde ». Il le veut non seulement en raison de son amour personnel pour chacun de nous, mais parce que son Fils a donné sa vie pour nous. Il coupe court à toute protestation d’injustice, y compris de notre part. Son amour dépasse celui d’une mère pour ses enfants. Il n’est limité que par notre refus d’aimer, par notre refus de pardonner et d’être comme Lui. « J’ai dit : vous êtes des dieux ». Etre des dieux, veut dire aimer comme Dieu nous aime. Le refus du pardon conduit à un endurcissement du cœur, il empêche Dieu d’y rentrer.

Pourquoi illustrer notre problématique avec l’image de ces brebis et de ces petits boucs ? Il est possible que soient en cause les cornes des seconds. Les cornes avaient diverses significations quant à leur symbole. Il y en avait de béliers et de boucs bien sûr, ce qui me permet chaque année de rappeler qu’il y a également certaines variétés de brebis à cornes. J’en ai vu de l’oberland grison, mais paraît-il dans les Pyrénées il n’en manque pas, ni en Écosse. Quant au Jura, c’est un sujet plus délicat, mais nos brebis ont du caractère. Il y aurait peut-être intérêt pour un équilibre à effectuer un croisement avec la variété grisonne. Qui sait ?

Passons la plaisanterie, pour nous rappeler que les cornes symbolisaient la force et la résistance. On les utilisait pour appeler à la guerre, mais aussi à la conversion, avec le fameux shofar du Yom-Kippour, du grand pardon. Ces cornes de bélier rappellent celles du bélier du sacrifice d’Abraham pris dans les buissons. Il avait annoncé il avait aussi provoqué la chute des murs de Jéricho. C’étaient des cornes qui étaient figurées aux 4 coins de l’autel dans le temple, manifestant la puissance de Dieu. La corne est un signe de notre volonté de puissance, mais aussi de le toute-puissance de l’amour de Dieu.

Une image m’est venue au cours de la prédication. Au temps de ma jeunesse, voici près de 40 ans, ayant participé à un pèlerinage en Terre Sainte, j’avais vu un troupeau qui avançait à la suite de son berger en direction de Jéricho. Curieusement, ils étaient regroupés par couleur, les blancs et les noirs. N’est-ce pas une image qui illustre le fait que tout concourt à notre vie et à notre bonheur, à notre joie, ce qui est bon et mauvais en nous, nos oui et nos non. Au sortir du Carmel, un troupeau s’y trouvait dans un champ voisin. Toutes les couleurs étaient mélangées. Encore une image de ce qui se passe dans nos cœurs.

Encore un élément pour nous inviter à l’espérance. Nous espérons que tous les hommes soient sauvés, nous aussi et peut-être nous d’abord. Nous pensons au fameux bouc émissaire de René Girard, envoyé au désert portant le péché d’Israël. Pour nous, il s’agit de toute évidence d’une référence au Christ, qui a pris sur lui les péchés du monde, notre refus. Comment alors faire taire en nous l’espérance, car le Juge c’est lui qui a tout pris sur lui.

« Le Christ est notre joie ». Je ne puis m’empêcher de me rappeler Mgr Otto Wüst, dont la devise était «  Au service de votre joie. » Il serait bon de nous le rappeler. Il est la porte de notre joie. Il respecte notre liberté, mais comment lui dire non ?

Pourquoi rappeler la joie, sinon en raison du message adressé par le pape François aux jeunes et intitulé : « Joyeux dans l’espérance » (cf. Rm 12, 12)

Il demande aux jeunes d’allumer le Flambeau de l’espérance, en citant Charles Péguy. Ce poète et écrivain nous invite à respecter le cheminement de chacun. J’ai découvert il y a quelques temps que le cher et grand Jacques Maritain, dans sa jeunesse, un de mes auteurs préférés, ainsi qu’un bénédictin de Solesmes en exil, avaient voulu lui faire presser le pas vers un retour effectif total à l’Église, qui incluait la renonciation de son épouse incroyante, selon les conceptions de l’époque. Il ne l’avait pas fait. Nous nous souvenons des conditions de sa mort. Il avait prié la Vierge peu avant. Le fait qu’il soit mentionné par le pape François invite encore plus au respect.

Nous terminons avec un passage du message du pape aux jeunes : Chers jeunes, n'ayez pas peur de partager avec les autres l'espérance et la joie du Christ ressuscité ! L'étincelle qui s'est allumée en vous, entretenez-la, mais en même temps donnez-la : vous constaterez qu'elle grandira ! Nous ne pouvons pas garder l’espérance chrétienne pour nous, comme un beau sentiment, parce qu'elle est destinée à tout le monde. Soyez particulièrement proches de vos amis qui peuvent sourire en apparence mais qui pleurent à l'intérieur, pauvres en espérance.

Confions toute notre vie à Marie, Mère de l'Espérance. Elle nous apprend à porter en nous Jésus, notre joie et notre espérance, et à le donner aux autres . Amen.