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dimanche 31 juillet 2022

Que faire en son gîte à moins que l'on ne songe... Homélie du 18e dimanche TO

 


 Nous fêtons saint Ignace de Loyola et prions particulièrement pour le pape François et pour notre vicaire épiscopale l'abbé Jean-Jacques Theurillat qui va retourner faire du ministère dans le vallon de Saint-Imier. Bienvenue à ceux qui reprennent la charge.

31 juillet 2022

dimanche, 18ème Semaine du Temps Ordinaire — Année C


Lectures de la messe
  • Première lecture « Que reste-t-il à l’homme de toute sa peine ? » Qo 1, 2 ; 2, 21-23
  • Psaume D’âge en âge, Seigneur,
    tu as été notre refuge.
    Ps 89 (90), 3-4, 5-6...
  • Deuxième lecture « Recherchez les réalités d’en haut ; c’est là qu’est le Christ » Col 3, 1-5.9-11
  • Évangile « Ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? » Lc 12, 13-21

Introduction

Chers frères et Sœurs, Bonjour à tous, et merci de venir célébrer ce 18e dimanche de l’Année C auprès de Notre-Dame du Vorbourg.

J’espère que vous passez de belles vacances, certains sont revenus de l’étranger ou vont partir incessamment. Que faire en vacances ? Les ministres sont priés de ne pas aller trop loin et d’être atteignables, ceux qui ont une responsabilité collective se reposent un peu et bien évidemment laissent voguer leur imagination et planifient… Quant à nous, nous en profitons habituellement pour faire le point et décrocher. On se repose, on se détend, et même on prie… Le but est de se renouveler pour mieux repartir. Mais dans quelle direction ? Gagner un milliard à la loterie, n'est pas une solution courante, ce n’est pas ce que le Seigneur nous propose ce matin. Il nous demande d’en revenir aux fondamentaux : Comment devenir riche en vue de Dieu ?

Nous prierons donc ce matin pour ceux qui sont en vacances et en reviennent, mais aussi pour notre vicaire épiscopal qui achève son mandat et va en prendre de conséquentes et bien méritées.

Nous penserons à ceux qui sont de service pendant le mois d’août. Les portes du ciel sont toujours ouvertes et un certain nombre de personnes sont parties vers le Seigneur depuis le début de l’été nous les remettons entre ses mains. Ces vacances ont aussi vu des drames, l’un d’eux ma été signalé en par des connaissances en Allemagne hier (un jeune s'est jeté sous un train devant tous les voyageurs à Augsburg*). Nous prions pour tous. 

 * Augsburg est une ville chère au pape François puisqu'elle possède la fameuse image de Notre-Dame qui défait les noeuds.



 Homélie

Chers frères et sœurs,

J’ignore quels échos ont eu en vous ces lectures. Elles ont peut-être un son aussi pénible que celui d’un réveil oublié, d’une sirène de pompiers ou de police en pleine nuit. « Vanité des vanités, disait Qohèleth. Vanité des vanités, tout est vanité ! »

‘Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie.‘

Le Seigneur vient nous réveiller pour nous remettre en mémoire ce qui est important, à savoir le but de notre vie. : « Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu. » Tout ce que tu auras entassé ira à d’autres qui le dépenseront ou au fisc qui en fera bon usage. Nous nous fatiguons sous le soleil pour gagner notre vie, certes, et personne n’échappe à la nécessité de gagner son pain pour vivre, et est aussi invité à collaborer à l’œuvre de la création. Il ne s’agit pas de dévaloriser le travail humain. L’enseignement de l’Église sur ce sujet ne peut être éludé. L’encyclique sur le travail humain de saint Jean-Paul II commence par ces mots : C'est par le travail que l'homme doit se procurer le pain quotidien et contribuer au progrès continuel des sciences et de la technique, et surtout à l'élévation constante, culturelle et morale, de la société dans laquelle il vit en communauté avec ses frères. Celle du Pape François Fratelli Tutti est dans la même ligne. Il plaide pour un monde ouvert qui tient compte des personnes, et est conduit par l’amour, l’amour qui nous met en tension vers la communion universelle.

Le Seigneur a fait de nous des intendants des merveilles qu’il a cachées dans son jardin et des trésors qu’il nous demande de découvrir et de valoriser par notre savoir-faire. Nous ne pouvons qu’être dans l’admiration devant ce qui a pu être découvert dans les 200 dernières années. En deux ou trois manipulations nous avons une foule d’informations à notre disposition, nous entendons les plus beaux concerts, nous pouvons avec quelques francs partir au bout du monde. On peut discuter d’un emploi excessif, mais ne s’agit-il pas d’un bien ? La question est de savoir si toute cette accumulation de données et de richesses au caractère temporaire et éphémère ne nous dissimule pas le premier bien et le principal, la rencontre avec le Seigneur qui durera toujours. Etre perdu dans une sorte de terrier constitué par une bibliothèque qui vous est tombée dessus ou par des téraoctets de données que vous n’arriverez pas à lire et retenir, ni même synthétiser en plusieurs vies humaines, à quoi cela servirait-t-il ? A vivre avec des richesses mal réparties, mal gérées et mal employées, où cela conduit-il ? Il est vrai que nous sommes tous mus par un désir d’amasser parce que nous sommes habités par une peur de manquer inscrite dans nos gènes. Le Seigneur nous invite à conserver une certaine liberté intérieure, en mettant notre confiance en Dieu qui habille les herbes et les fleurs des champs et nourris les oiseaux et les bêtes sauvages. Sommes-nous toujours très courageux ?

Ce temps de vacances et ces lectures m’ont fait revenir à l’esprit une fable de La Fontaine : Le lièvre et les grenouilles : Un Lièvre en son gîte songeait (Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ?) ; Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeait : Cet animal est triste, et la crainte le ronge. « Les gens de naturel peureux Sont, disait-il, bien malheureux : Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite. Jamais un plaisir pur ; toujours assauts divers : Voilà comme je vis : cette crainte maudite M’empêche de dormir, sinon les yeux ouverts…

Nous voilà réduits à l’état de lièvres version  Jean de la Fontaine, et personne n’a la prétention de trop faire exception.

Nous pouvons nous demander ce que signifie « Être riche en vue de Dieu ». Nous ne pouvons nous empêcher de faire un lien avec les béatitudes. Matthieu en a 9. Elles commencent chez lui par : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. » Celui qui a le premier pleinement et le plus parfaitement vécu les béatitudes, n’est-ce pas le Christ lui-même, le Seigneur. Vivre les béatitudes, ne s’agit-il pas de revêtir le Christ. Saint Paul nous le dit : «  Vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau. » Et l’homme nouveau pour se conformer à l’image de son Créateur, se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance. Saint Paul vient nous apporter une lumière qui nous fait sortir de notre terrier… Il s’agit de la lumière du Christ ressuscité qui ne nous attend pas seulement dehors mais qui habite déjà en nous. La voyons-nous avec les yeux du cœur et de la foi ? Le Christ ne vient pas habiter seulement en nous individuellement. Ce que Dieu veut, c’est qu’il soit tout en  en tous, le Christ total. La formule est celle de Saint Paul entendue tout à l’heure. « Il y a le Christ : il est tout, et en tous. »

La résurrection a déjà commencé en nous. En croyant en lui, la  « Vie éternelle » la vraie vie, qui ne peut plus être détruite par rien, ni par personne est déjà en nous.

Le pape François est revenu du Canada vous l’avez entendu dans vos médias. Il s’y est rendu pour tenter de panser des blessures graves infligées à des minorités à une époque où la politique était d’effacer leurs identités. Nous ne comprenons plus du tout aujourd’hui cette position. Chez nous, elle nous rappelle certaines tentatives navrantes et malheureuses au 19ème siècle.  Vous me permettez une brève citation d’une de ses homélies : « Jésus nous guérit et nous console avec l’eau vive de son Esprit. Il nous demande que de nous aussi, du sein de ceux qui croient, « coulent des fleuves d’eau vive » (cf. v. 38). Et nous, savons-nous apaiser la soif des frères et des sœurs ? Alors que nous continuons à demander la consolation à Dieu, savons-nous aussi la donner aux autres ? Combien de fois, nous nous libérons de tant de poids intérieurs, par exemple de ne pas nous sentir aimés et respectés, en commençant à aimer les autres gratuitement ! Dans nos solitudes et nos insatisfactions, Jésus nous pousse à sortir, il nous pousse à donner, il nous pousse à aimer. Et alors je me demande : qu’est-ce que moi je fais pour celui qui a besoin de moi ? »

Il dirait certainement que nous avons besoin de sortir de nos terriers.

Le contexte de notre Évangile, ce « tout en tous » de l’épître et Qohèleth nous permettent de rappeler la formule mariale de la devise de saint Jean-Paul II Totus tuus qu’il a mentionnée dans son testament ‘Je suis tout à toi et tout ce qui est à moi est à toi. Je te reçois dans tout ce qui est à moi. Prête-moi ton cœur, Marie’ . Prête-le moi pour accueillir Jésus, le Christ, ton enfant. Amen.

 

dimanche 17 juillet 2022

Marie a choisi la meilleure part

 


 

17 juillet 2022

16ème dimanche du Temps Ordinaire — Année C

Lectures de la messe
  • Première lecture « Mon seigneur, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur » Gn 18, 1-10a
  • Psaume Seigneur, qui séjournera sous ta tente ? Ps 14 (15), 2-3a, 3...
  • Deuxième lecture « Le mystère qui était caché depuis toujours mais qui maintenant a été... Col 1, 24-28
  • Évangile « Marthe le reçut. Marie a choisi la meilleure part » Lc

Chers frères et sœurs, chers amis,

Vous avez entendu des lectures qui vous ont certainement émus, en tout cas elles m’émeuvent pour divers motifs. L’Évangile est fréquemment et habituellement présenté comme une illustration de la primauté de la vie contemplative sur la vie active. Marthe rend service, elle se démène pour rendre service à Jésus, pour l’accueillir. Marthe fait comme nous le faisons en accueillant nos hôtes. Le jurassien étant habituellement de nature très accueillante, il perçoit immédiatement de quoi il s’agit pour se plier en quatre lorsqu’il reçoit un ami, un hôte et pas seulement un hôte de marque. Il met les petits plats dans les grands. Cette expression du XIXe siècle signifie que l'on engage des frais ou que l'on fait de gros efforts pour plaire à quelqu'un. Dans la langue française, un "petit plat" est en général de la nourriture cuisinée avec soin ; et les "grands plats" ne sont autres que de la vaisselle luxueuse. Très naturellement, en parlant de vaisselle luxueuse, nous pensons au calice et à la patène du prêtre et au ciboire. Nous voulons manifester ainsi notre désir de bien accueillir le Seigneur. Même François d’Assise voulait qu’il en soit ainsi par amour pour lui.

Les Franc-Montagnards sont paraît-il bien contents de recevoir plus  d’hôtes depuis la problématique Covid, du côté de Saint-Ursanne c’est pareil, eh bien ! Tant mieux pour eux ! Ils offrent un bon service d’accueil.

Il s’agit tout de même du Seigneur qui vient chez Marthe, Marie et Lazare ! Dans quel contexte le fait-il ? Le Chapitre 10 de saint Luc est merveilleux, relisez-le si vous en avez le temps pendant ces vacances. Nous l’avons entendu cette semaine, avec la parabole du bon samaritain, mais aussi avec Jésus qui est navré de voir que tous les miracles qu’il a faits ne sont considérés que sous l’angle utilitaire. Les gens n’ont pas voulu aller jusqu’au bout alors qu’il fallait écouter la parole annoncée par les 72 disciples que Jésus a envoyé proclamer la Bonne Nouvelle, se laisser transformer par elle pour devenir semblables à Jésus. Ce nombre de 72 symbolisait des fils de Noé dont auraient été issues toutes les nations de la terre après le déluge. Quelles courageuses mères que celles-là ! Saint Augustin le mentionne. Mais on fait aussi un rapprochement avec les 72 savants qui avaient été rassemblés pour traduire de l’hébreu en grec, la célèbre Bible des septante. Elle avait servi ensuite aux Apôtres et aux premiers Pères de l’Église pour annoncer la Bonne Nouvelle aux nations.

Ce qui est toutefois éminemment intéressant, en tout cas pour moi, c’est que cette venue de Jésus chez ces hôtes survient à la fin d’un chapitre qui exprime l’importance de l’accueil, de la Bonne Nouvelle. C’est Jésus qui est annoncé aux nations, Jésus qui est reçu chez elles. Ne pas recevoir les pauvres, ne pas s’en occuper, et ne pas accueillir la Bonne Nouvelle, c’est ne pas recevoir Jésus et même devenir semblable à ces villes envers lesquelles il a prononcé une malédiction. Les gens ont voulu en quelque sorte bénéficier de ses miracles, en profiter, on le comprend sous un certain angle. Qui n’apprécie pas surtout d’être guéri, lorsqu’il a bien mal. Mais ils n’ont pas voulu l’accueillir, lui, et changer de vie. Que nous demande Jésus ? Il nous demande d’être comme lui, doux et humble de cœur, accueillants et miséricordieux attentifs envers ceux que nous trouvons sur le bord du chemin, comme le Bon Samaritain. Je me permets d’ajouter et aussi de croire que la vie éternelle existe ! N’est-ce pas un problème contemporain  grave que celui de cet oubli?

La clef du message est bien entendu celle de l’amour. Marie accueille avec tout son amour cette parole qui la transforme, et son messager !  Que ferons-nous dans le Royaume, sinon parler avec le Seigneur, l’aimer, l’écouter, admirer ce qui se passe en lui et peut-être participer à son action. Qui n’aimerait percevoir toute la création depuis le commencement, être champion en physique, chimie, connaître toutes les partitions des cœurs des anges. Quelle merveilles à Saint-Maurice hier soir pour le concert de clôture de la semaine romande de musique sacrée. Ce qui sera le plus important et le plus passionnant, sera de connaître le mystère de la vie divine, aimer le Seigneur et aimer comme Dieu aime.

La première lecture, nous avons présenté l’image de ces trois anges que reçoit Abraham aux chêne de Mambré : Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Dès qu’il les vit, il courut à leur rencontre depuis l’entrée de la tente et se prosterna jusqu’à terre.

Il fait préparer par Sara le veau gras, du fromage blanc, du lait, des galettes qui sont donc non levées et peuvent nous faire penser, pourquoi pas,  à la sortie d’Égypte. C’est un accueil princier qu’il leur réserve. On dit fréquemment qu’il est  de cette qualité chez les orientaux. Cet accueil  a pour récompense une promesse faite à la vieille Sara, celle d’enfanter un fils. Elle commencera par rire. Comme on n’est apparemment  pas toujours sympathique envers les dames dans la Bible, on a essayé d’expliquer qu’Abraham avait aussi ri, mais de joie, et qu’il avait cru, alors que Rebecca avait ri en public avec ses proches, mais n’avait pas cru et avait ri de moquerie. Mais c’était bien la naissance d’Isaac qui avait été annoncée.

Les trois messagers, les trois hommes ou les trois anges, si vous préférez, symbolisent la sainte Trinité pour l’Église ancienne. Nous sommes tous très fâchés par la conduite de la guerre en Ukraine et les dirigeants russes aujourd’hui. Pourtant, nous ne pouvons pas oublier l’icône de la sainte Trinité d’Andreï Roublev  142 cm sur 114 à la galerie Tretiakov. Je l’avais vue lorsque c’était encore possible, il y a une dizaine d’années. Comment tant de beauté peut-elle être ensevelie sous les horreurs d’aujourd’hui ? Comment la faire réapparaître et surtout redécouvrir ce mystère qui nous habite, Dieu en nous ? C’est par l’écoute de la parole et le don de l’Eucharistie, le Christ que nous écoutons, que nous recevons et qui nous transforme. Il est figuré sous la forme d’un agneau devant ces 3 personnages. Dieu se réjouit de notre retour comme le père du fils prodigue avec son veau gras, il veut nous accueillir comme Abraham et mieux encore.

Pourquoi accorder tant d’importance à ce mystère, sinon parce qu’il est central dans la connaissance de Dieu. Il est un constant mouvement d’amour et de don de soi à l’autre et aux autres. Dieu veut aussi se donner à nous. Si Dieu n’était pas don, il serait immobile, totalement distant de nous. « Il apparaît immédiatement que s’il n’était pas Trinité, Dieu serait impensable, dit Maurice Zundel, car s’il n’était pas d’une certaine manière une (pluralité relative), une pluralité de relations, celles du Père, du Fils et de l’Esprit, il n’y aurait pas en lui l’Autre à qui se donner. Il ne pourrait que tourner autour de soi, se repaître de lui-même, se louer lui-même, s’admirer lui-même dans un narcissisme épouvantable et monstrueux. Déjà sous cet aspect, la Trinité nous délivre d’un épouvantable cauchemar; car si Dieu n’était pas charité, il n’y aurait plus aucun rapport entre la sainteté humaine et la sainteté divine. » Il se donne en son Fils et nous invite à l’accueillir, à nous donner et à nous laisser transformer par lui.

Merveille aussi que l’épître de saint Paul : « Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons chacun en toute sagesse, afin de l’amener à sa perfection dans le Christ. »

Comment ne pas conclure avec Marie, qui non seulement n’a pas ri en entendant la Bonne Nouvelle de l’ange, mais l’a accueilli et a exulté de joie. Amen.