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dimanche 25 septembre 2022

Saint Nicolas de Flüe - De la youtse à l'Alléluia

 


25 septembre 2022 - 26ème dimanche du Temps Ordinaire — Année C
Calendrier romain |

Lectures de la messe

    Première lecture « La bande des vautrés n’existera plus » Am 6, 1a.4-7
    Psaume Chante, ô mon âme,
    la louange du Seigneur !
    ou : Alléluia ! Ps 145 (146), 6c.7, ...
    Deuxième lecture « Garde le commandement jusqu’à la Manifestation du Seigneur » 1 Tm 6, 11-16
    Évangile « Tu as reçu le bonheur, et Lazare, le malheur. Maintenant, lui, il tr... Lc

« Voici que nous avons tout quitté pour te suivre :  quelle sera donc notre part ? »

Mes chères sœurs, chers frères et sœurs,

La question de Pierre à Jésus, tous ceux qui veulent suivre le Seigneur de plus près se la posent, mais chacun de nous devrait le faire. Suivre le Seigneur en baptisé et vivre ce baptême, conduit à le laisser entrer chez nous et à lui donner toute la place. Pourquoi donc ?

Saint Nicolas de Flüe est à ce point de vue un signe particulier. Bien qu’il intrigue encore, il est fréquemment regardé comme un personnage folklorique et de légende. Dans l’une de ses visions, il ne mentionne pas le charme de la youtse bernoise, mais une autre musique en rapport avec le mystère trinitaire : Le Pèlerin chanta l'Alléluia. Sa voix était soutenue par les petites orgues de l'univers. Et les trois noms parfaits des personnes divines sortirent et rentrèrent dans le sein de l'unique Alléluia. Quelle belle manière d’exprimer le mystère trinitaire, un Dieu en trois personnes. Quelle invitation à la paix et à vivre dans l’harmonie entre nous et avec elle, surtout.

Nous relisons chaque année à l’occasion de sa fête sa lettre aux bernois, qui est en une sorte de charte pour notre pays. Alléluia, louange à Dieu ! Notre vie commune et personnelle, ne devrait-elle pas être un chant de louange à la Trinité ?  Frère Nicolas nous invite à la Sagesse, cette Sagesse aimée de Dieu, qui déploie sa vigueur d’un bout du monde à l’autre, et gouverne l’univers avec bonté. Ce déploiement trouve son point culminant non pas au Mont Rose et à la Pointe Dufour, au Chasseral ou à notre modeste Raimeux, mais bien dans la Croix de Jésus. Elle n’est pas un but en soi, mais un passage, un lieu, un moyen et un signe de vie.

Ce chemin est difficile, frère Nicolas ne le cache pas : « Vous devez porter la passion de Dieu en votre cœur, car c’est pour l’homme la plus grande consolation à sa dernière heure. »

Il a voulu suivre l’appel du Christ, l’appel du Pèlerin et partir. Il l’a fait avec l’accord de son épouse, Dorothée, à l’âge de 50 ans, le 16 octobre 1467, étant à son époque considéré comme  un vieillard. L’espérance de vie était d’environ 35 ans. Il n’en demeure pas moins que son geste continue d’interpeller.

Même aujourd’hui, alors que le mariage est bien relativisé, le questionnement est présent. Pourquoi Dieu lui a-t-il demandé cela ? C’est un mystère auquel il est bien difficile de donner une réponse, mais nous pouvons tout de même trouver une piste avec la perspective du Royaume et de la Résurrection. Saint Jean-Paul II, qui a beaucoup médité et réfléchi sur le sujet du mariage auquel il avait consacré bon nombre de catéchèses, avait dit lors de l’une d’elles que « Le Royaume des Cieux est certainement l’accomplissement définitif des aspirations de tous les hommes… Il est pour l’homme la plénitude absolue du don de Dieu. », qui n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. 

La résurrection n’est pas une réanimation, mais une autre manière pour l’âme d’animer le corps. C’est un état absolument nouveau de la vie humaine elle-même. Nous serons comme les anges de Dieu. Une fois ressuscités, l’homme et la femme seront en situation de réaliser non seulement une image de la communion divine, mais réaliseront la communion divine en eux. La résurrection achèvera le temps et l’histoire, et donc la génération. Le but de la vie humaine est de préparer à cet accomplissement de la création.

Mariage et virginité, célibat pour le Royaume s’éclairent et se complètent mutuellement. « Le mariage nous aide à comprendre, dit saint Jean-Paul II, la continence pour le Royaume et celle-ci projette une lumière particulière  sur le mariage ». La continence et la solitude de fr. Nicolas nous montrent le Royaume. Ce sont des sujets qui bousculent notre société qui a oublié le sens de la croix de Jésus et de la résurrection, de la finalité de notre vie. Nous sommes créés pour accomplir une mission, nous sommes là pour construire le Royaume, pour y entrer et vivre en communion avec le Seigneur. Il sera tout en tous et nous partagerons l’amour de la vie trinitaire qui nous permettra de chanter parfaitement notre Alléluia.

Aujourd’hui, nous sommes encore dans le temps de la création, si bien mise en musique par le chef d’œuvre de Haydn. Nous y participons par notre travail, notre prière et les époux, par le don de la vie. Dieu se cache dans ce jardin de la création, mais parfois comme en frère Nicolas, il se laisse percevoir. Le signe extraordinaire qu’a donné le Seigneur aux contemporains de frère Nicolas, par son jeûne, continue à nous interpeller si nous voulons bien y être attentif. Il n’avait pour nourriture que le corps du Seigneur. Il ne communiait qu’aux principales fêtes, puis tous les mois et se disait réconforté lorsqu’il assistait à la messe et que le prêtre communiait. Saint Hilaire nous a rappelé hier dans son commentaire, que « nous sommes inondés par les dons de l’Esprit Saint » le fleuve de Dieu, regorgeant d’eau, se déverse en nous à partir de cette source de vie qu’est le cœur du Christ, la fontaine de vie. Cette eau de vie nous sommes invités à la transmettre comme celui que nous fêtons aujourd’hui. « Nous avons aussi, disait saint Hilaire, une nourriture apprêtée. Quelle est cette nourriture ? Celle qui nous prépare à la participation de la vie divine, au moyen de la communion au Corps sacré afin de nous établir ensuite dans la communion de ce Corps. » Y a-t-il un témoignage plus parlant que celui de frère Nicolas ?

Nous le prions pour accueillir cette paix qui ne naît pas seulement d’un nécessaire accord entre nous, mais aussi de la foi, vécue dans la charité. « Beaucoup d’hommes ont des doutes au sujet de la foi, et le diable en fait succomber beaucoup à propos de la foi, surtout à propos de la foi. Il ne faut pas douter (des vérités) de la foi, car elle est comme elle est. »  Le pape François rappelle avec insistance qu’il ne s’agit pas de mots à apprendre par cœur, ou de spéculations. Elle doit être vécue. Que le Seigneur nous garde sous sa constante protection et donne à ceux qui nous dirigent la lumière de sa grâce.

 Je conclus avec des éléments d’une vision de frère Nicolas. Le Père vient le remercier d’avoir porté assistance à son Fils… Il dit : « Je ne sais pas que j’aie rendu un service à ton Fils. », de même pour Marie… puis le Seigneur le revêt d’un vêtement aspergé de rouge. Puissions-nous le recevoir nous aussi. Amen.

dimanche 4 septembre 2022

Transforme tes points d'interrogations en amour

 

 4 septembre 2022  - 23ème dimanche du Temps Ordinaire — Année C
 Première lecture « Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ? » Sg 9, 13-18
Psaume D’âge en âge, Seigneur,tu as été notre refuge. Ps 89 (90), 3-4, 5-6...
Deuxième lecture « Accueille-le, non plus comme un esclave, mais comme un frère bien-ai... Phm 9b-10.12-17 

Évangile « Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas êt...

 Introduction

Chers Frères et Sœurs,

Bonjour à tous et merci de venir célébrer ce 23e dimanche du temps ordinaire. Je vais être un peu long dans ma présentation pardon d’avance. Nous constatons que la reprise est bien amorcée avec les bouchons de retour aux ronds-points, mais aussi et surtout des retrouvailles joyeuses et les fêtes de villages. Certains me disent que les retraités sont toujours en vacances, mais je crois que tous ont profité de la pause estivale. Réjouissons-nous pour le positif. Nous avons également eu des départs vers la maison du Père. Nous prierons pour ceux qui ont emporté une partie de nous-mêmes là-haut et nous demanderons au Seigneur la paix pour eux et pour nous. Nous pouvons mentionner dans ce céleste environnement la béatification du pape Jean-Paul Ier. Le miracle reconnu est celui de la guérison inexpliquée, en 2011 à Buenos Aires, d'une fillette de 11 ans qui était mourante. Il a donc bénéficié non seulement de la filière italienne mais aussi de l’argentine.

Pour le Jura Pastoral c’est la reprise avec un nouveau tandem de délégués épiscopaux, Marie-Andrée Beuret et Didier Berret. L’orthographe de déléguée épiscopale surprend au premier abord, mais elle est déjà bien utilisée en Romandie. Il faut nous mettre à la page, le 19ème siècle est loin derrière nous et les compétences féminines sont maintenant évidentes pour chacun et chacune. Le titre de sa thèse de 2007 est : « «L’organisation d’une région diocésaine. Questions de droit canonique et de droit ecclésiastique à l’exemple de la région Berne-Jura-Soleure (Saint-Vérène) du diocèse de Bâle.» Elle a aussi une solide expérience pastorale. L’église de Saint-Marcel était bien pleine jeudi 1er septembre, fête de Sainte Vérène. Nous prierons pour notre région diocésaine et aussi pour celui qui est notre vicaire épiscopal, M. l’abbé Georges Schwickerath. Pour rappel notre région diocésaine couvre les cantons de Soleure, Jura et Berne.

Venons-en à un autre plat de résistance, la liturgie. La nouvelle traduction du missel romain est entrée en vigueur. Elle se veut plus proche du latin, et selon mon ressenti, certaines adaptations et traductions de la première version le méritaient, dont un fameux notre vie tombe en ruine… Il restera des insatisfactions, comme pour la traduction des lectionnaires, mais je crois qu’un bon nombre d’entre nous ne verront  pas les prochaines corrections. Nous aurons droit à une liturgie céleste sans point, ni virgule, ni hébreu, grec, ou latin, ni fausse note.

Ne vous inquiétez pas, nous avons la permission de faire des fautes pendant au moins une année, et je doute que nous arrivions à bout de tous les automatismes, en tout cas pour le prêtre, avec 28 ans de sacerdoce, des habitudes se sont prises. Soyons miséricordieux. Vous avez reçu un petit papier très bien fait pour vous aider, même les enfants.

 Homélie 

« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple ».   « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. »

Chers Frères et Sœurs, le Seigneur dans ce chapitre 14 de l’Évangile de sait Luc paraît adopter une position apparemment en contradiction avec celle du chapitre précédent, où il semblait vouloir attirer la grande foule par ses miracles et inviter tous les pauvres au banquet du Royaume. Les exigences qu’il formule sont telles que même le plus grand nombre paraît devoir être rebuté et tenté, comme le jeune homme riche de s’en aller tout triste. « Tout ce que tu as, vends-le donnes-le aux pauvres, puis viens et suis-moi et tu auras la vie éternelle. » Il paraît demander un dépouillement total. Comment s’enrichir en revêtant sa pauvreté, car Lui s’est fait pauvre. Il  est parti sur les routes en laissant son héritage, la maison familiale de Joseph, son travail de charpentier, sa mère, sa famille. Il a scandalisé  son village, au point qu’on l’a pris pour fou et qu’on a voulu le ramener chez lui. Aujourd’hui on l’aurait envoyé chez un psychiatre.

Pourquoi est-il parti ? D’où est-il parti vraiment ? « Lui qui est de condition divine, n’a pas revendiqué jalousement son droit d’être traité comme l'égal de Dieu. Mais il s'est dépouillé lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix ! ». C’est ce qu’on appelle la Kénose, un mot qui signifie « vider », « se dépouiller de soi-même ». Ce terme exprime le fait que le Fils s’est dépouillé d’attributs de sa divinité pour devenir l’un de nous. Dans quel but ? Nous amener à entrer un jour avec lui dans la maison du Père pour participer à la vie trinitaire. Maurice Zundel, mentionne une objection de Nietzsche  à l’existence de Dieu:  « S’il y avait des dieux, comment supporterais-je de n’être pas Dieu ? » Cette objection redoutable trouve sa réponse dans la personne de Jésus. La pauvreté est aussi le reflet d’un des aspects du mystère trinitaire, où chacune des personnes divines se vide d’elle-même et se donne. Je vous cite Maurice Zundel, cela vaut mieux qu’un plagiat : «  La vie de Dieu est une vie trinitaire : autrement dit, Dieu n’a prise sur son être et sur son acte qu’en le communiquant. Dieu ne se regarde pas. En Dieu, la connaissance, c’est le regard… Le Père n’a rien d’autre que d’être tout donné à ce Fils, qui n’a rien d’autre que d’être donné à ce Père et ensemble, ils ne possèdent pas l’amour, ils le donnent, ils le communiquent dans une aspiration vivante vers le Saint-Esprit, qui est, une respiration vivante vers le Père et le Fils. En sorte qu’en Dieu, tout est éternellement donné, communiqué, dépouillé dans une pauvreté tellement absolue, qu’il faut dire que Dieu n’a rien, qu’il ne peut rien avoir, qu’il ne peut rien posséder, que la divinité n’est à personne, car elle n’est au Père que dans son élan vers le Fils et au Fils dans son élan vers le Père, et à l’Esprit saint dans cette respiration d’amour vers le Père et le Fils. »

Le but de ce dépouillement qui est un don de soi, est de participer au banquet dans le Royaume, pour devenir comme le Christ. Saint Catherine de Sienne aimait comparer les prêtres à d’autres Christ. Mais cette comparaison s’étend à chacun de nous que nous soyons prêtres, consacrés, laïques mariés ou célibataires, chacun dans son état de vie.

La problématique des abus mise en lumière ces dernières années, nous rappelle que les services en Église, ne peuvent autoriser ceux qui détiennent une autorité d’en abuser, même seulement spirituellement en prenant la place de Dieu dans les cœurs. Nous ne sommes que des intendants et non des maîtres tout-puissants.

Comment y parvenir, comment connaître ces chemins qui peuvent nous conduire au Royaume, si personne ne nous les indique et ne nous montre le chemin. Le livre de la Sagesse nous a déjà donné une indication. « Ce qui est dans les cieux, qui donc l’a découvert ? Et qui aurait connu ta volonté, si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit Saint ? » Cet Esprit nous a été donné à chacun.

Le Pape François a entamé un cycle de catéchèse sur le discernement. Comment découvrir la manière dont le Seigneur m’invite à le suivre, quel est son appel pour moi ? C’est tout un questionnement qui nous rappelle que rien n’est jamais totalement acquis, même dans les ascensions mystiques. Quels chemins veut-il encore nous faire suivre ? S’agit-il d’une suite de points d’interrogations et seulement d’obscurité ? Jean de la Croix parle de nuit obscure. Une image m’est venue hier, lorsque j’ai un point d’interrogation devant moi, pourquoi, d’une certaine manière ne pas le mettre en miroir, le retourner. Cela nous donne quasiment un cœur, avec une larme qui se transforme en perle. La réponse à l’obscurité se trouve dans l’amour et le don de soi à Dieu. Ce don se poursuit jusqu’au bout. A ce point de vue, la lettre de Saint Paul à Philémon est touchante. Lui, le grand Saint Paul, le vaillant combattant, le prédicateur infatigable, se retrouve, vieux, âgé et prisonnier. Il a continué de prêcher et a amené au Christ ce jeune esclave en fuite, Onésime dont le nom signifie utile. Il lui aurait été bien utile. Je pense qu’en communauté, les anciennes et les malades apprécient les services que rendent les plus jeunes. Saint Paul renvoie Onésime à Philémon en lui demandant de l’accueillir comme un frère qu’il est devenu dans le Christ. Paul se dépouille et demande à Philémon et Onésime de se reconnaître comme des frères dans le Christ, dans la charité et l’amour mutuel. Elle est notre règle première et prioritaire. « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous aimés ». « Aime ton prochain comme toi-même ». Notre évêque nous a demandé de vivre ce commandement du Seigneur avec le nouveau type de service des délégués épiscopaux qu’il a mis en place pour le Jura Pastoral. Cela commence par la bienveillance et l’écoute mutuelle.

Ayant fait la semaine passée, un passage à Pavie au tombeau de Saint Augustin, nous pouvons conclure avec lui : « Aime et fais ce que tu veux. » Que nous puissions dire un jour avec Marie : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur. »  Amen.