Introduction
Chers Frères et Sœurs, nous célébrons aujourd’hui la Solennité de la Toussaint, nous fêtons les vivants et non les morts… Nous sommes partagés à l’image du spectacle qu’offrait la nature devant chez moi ce matin : le soleil qui perçait le brouillard. Il y a cette image et l’immense parterre des saints sur les représentations des jugements derniers du Moyen-Age. J’aime beaucoup me relire certains passages de la Divine Comédie de Dante dont la tombe est à Ravenne. Paolo Rumiz place dans son bouquin, Le fil sans fin, le début de son voyage près de Nursie dévastée par un tremblement de terre. C’est le lieu de naissance de Saint Benoît. La Sainteté est un état de communion avec Dieu. Il veut être tout en tous. Tous ensemble, réjouissons-nous donc dans le Seigneur, célébrons ce jour de fête en l’honneur de tous les saints avec les anges.
Le tableau de l’Apocalypse nous parle
toujours. Ce ne sont pas que les saints du commencement de l’Eglise qui nous impressionnent,
ni même ceux d’hier. Saint Jean-Paul II avait fait un grand nombre de canonisations
pour montrer que les saints sont ceux d’aujourd’hui. (Le pape Léon vient de
proclamer saint John Henry Newmann co-patron de l’éducation pour accompagner
ceux qui le serons demain). Nous n’allons pas nous attarder à ce qu’elle sera
effectivement et quand elle se produira. Cela nous échappe, mais il y en aura
bien une. Aujourd’hui on nous parle d’un zéro absolu, et le perpétuel retour n’est
plus trop à la mode, le cycle des
renaissances aussi.
Ce qu’il y a d’intéressant avec
l’âge de la retraite active est que le questionnement des fins dernières interpelle plus et que
notre curiosité en est aiguisée. Les notions oubliées de la Somme Théologique
de Saint Thomas, au détour d’une page, nous réveillent : Exitus :
nous sommes sortis dans l’existence. Reditus : nous sommes appelés à
retourner à Dieu. N’est-ce pas notre parcours et celui de la création ? C’est
le plan de sa Somme de théologie qui lui était venu à l’Esprit. (Aujourd’hui
saint John-Henry Newmann devient co-patron de l’éducation, pour quelle
révolution ?)
Toutes les explications sur la
fin des temps et l’Apocalypse ne sont pas bonnes. Mais elles nous aident à nous
approcher d’un mystère prenant. La sottise humaine vient réveiller un souvenir
de la 2ème bombe atomique qui avait éclatée un 6 août, détruisant la
communauté chrétienne de Nagazaki. Elle nous a valu le témoignage du médecin
japonais Takashi Nagai. Relisez les cloches de Nagasaki.
La foule immense que nul ne peut
dénombrer, une marée humaine dépasse les grands rassemblements de toutes sortes
que l’on peut voir aujourd’hui. Dieu sera tout en tous. C’est cela qui nous
interpelle le plus aujourd’hui. Qu’aura-t-elle de si particulier ? Quelle
sera la musique qui va les rassembler ? Pour me distraire, n’étant pas
musicien, je me suis demandé si cette musique serait une gamme nonatonique, à
neuf tons, un pour chacune des béatitudes, avec un extraordinaire accord pour
manifester la joie, en utilisant les grandes orgues de l’univers. L’expression
est de Saint Nicolas de Flüe : « Réjouissez-vous, soyez dans
l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! » Mais
voilà, ce n’est pas du grégorien. Il paraît que c’est une gamme de Blues. Il
est vrai qu’il existe une messe Jazz très en vogue. Quelle sera la musique
céleste ?
Le Dieu Saint, lui que nous
acclamons avec les anges après la Préface, nous communiquera sa sainteté.
Qu’est-ce que donc que la sainteté de Dieu ? Personne ne peut la
définir exactement, parce qu’aucun de nous ne la connaît et n’est entré en totale
communion avec Lui, sinon celui qui est sorti de Lui. Il est apparu sous un
aspect si fragile en revêtant notre humanité, en souffrant et en mourant que
nous restons perplexe. Il est ressuscité, mais nous avançons dans l’obscurité
de la foi. Il nous a donné les neuf clés de son mystère avec les neuf
béatitudes et le passe-partout de l’Amour.
Le catéchisme renvoie la sainteté
à la définition de Dieu , laquelle renvoie à la Trinité, c’est dire la témérité
qu’il y a à dire quelque chose d’elle.
La sainteté de Dieu, selon le
Catéchisme, est sa perfection absolue, sa transcendance, sa pureté d’amour et
de vérité, qui le distingue de toute créature.
« Il est totalement autre,
parfaitement pur, sans ombre de mal, et plein d’amour. »
Dieu seul est saint par essence,
mais il sanctifie ceux qui s’unissent à lui. Nous sommes appelés à le
rencontrer et à vivre avec lui et en lui pour toujours et lui en nous. Douter
de son amour et de sa faculté de nous transformer, c’est douter de sa
toute-puissance. Il est vrai qu’il y met une limite, notre volonté.
La sainteté de Dieu est le foyer
inaccessible de son mystère éternel ! Sa manifestation est ce qu’on
appelle sa gloire.
« L’Église, à laquelle tous sont
appelés dans le Christ Jésus, et dans laquelle, par la grâce de Dieu, nous
acquérons la sainteté, a été fondée par le Christ pour être une communion de
vie, de charité et de vérité. » Il met sa gloire en nous, dans ce que nous
vivons. Il ne s’agit pas des couronnes du Louvre, mais de la manière dont nous
vivons les béatitudes. Nous nous sentons petits devant lui, mais il s’est fait
encore plus petit pour nous et devant nous. Il vient en nous pour nous rendre
semblables à lui. « Dieu appelle chacun à la sainteté : “Soyez saints, car moi,
je suis saint” (Lv 19,2). ».
C’est en raison de cette
petitesse de Dieu que nous le regardons avec confiance. Sans lui, nous ne
pouvons rien faire. La mythologie grecque raconte qu’une femme, Sémélé, avait
demandé à Zeus de lui montrer sa gloire. Elle en brûla… Dieu qui se communique
à nous, c’est l’inverse, il nous aime et nous transforme par l’amour qu’il nous
porte, en se faisant plus petit que nous. Devant les difficultés de la vie et
celles que nous provoquent d’autres personnes, nous nous sentons parfois comme
paralysés, devant une sorte de mur. Seul le Seigneur est assez petit et assez
puissant pour en venir à bout, pour ouvrir la porte de tous les cœurs y compris du nôtre.
Le scepticisme ambiant, en forme
de haussement d’épaules, nous interpelle quant à une rencontre possible avec
Dieu. Maintenant on se laisse un peu plus fréquemment interroger par ce qu’on
appelle les états de mort imminente. J’ai lu il y a quelques jours un médecin
de Lourdes, le Dr Patrick Theillier. Il a écrit trois livres sur ce sujet, et dit
que Sainte Thérèse de Jésus en avait eu un à l’âge de 23 ans. On avait ouvert
sa tombe, coulé de la cire sur ses paupières. Il s’agit peut-être d’une
approche, mais ce n’est pas encore la rencontre. Même après avoir lu le Livre
des Demeures, on n’y est pas encore arrivé, cela ne suffit pas ! Lisez
cependant les livres de saints et des biographies de saints. Ils sont notre
famille de là-haut avec ceux que nous avons connus et aimés, pas toujours
assez.
Aujourd’hui est proclamé docteur de
l’Eglise le cardinal Newman qui osa donner la priorité à sa conscience. Si vous
en avez l’occasion essayez de vous renseigner sur sa vie. Je voudrais achever
avec lui. Il faisait des sermons de 30 à 40 minutes qu’on se pressait pour
écouter… Il insistait sur le fait qu’on ne pouvait se limiter en matière
religieuse au seul raisonnement. Il parlait d’assentiment. La foi, aussi grande
soit-elle, tout au plus « ne produit que le héros », mais
« c’est l’amour seul qui fait le saint ». Pourquoi ? Parce que c’est
l’Esprit Saint, présent en nous, qui nous rend saints.
Soyons témoins de l’espérance qui
nous habite, soyons-le pour nous et pour tous ceux que nous portons dans notre
cœur. Quels sont ceux que nous aimerions revoir ? Nous pourrions y en
ajouter quelques autres chaque jour pour nous habituer à changer nous-mêmes, à
devenir comme Dieu et à manifester notre confiance en lui et en sa
Toute-Puissance.
Marie Mère de l’Eglise, Mère de
tous les saints, priez pour nous. Amen.