Suite à la décision rapidement expédiée du Conseil des Etats sur la modification du droit de l'adoption en Suisse, il est judicieux de se rappeler ce que nous disait notamment Amoris Laetitia sur la question qui fait débat à savoir l'adoption d'un enfant par un couple de parents de même sexe.
Amour de père et de mère
172. « Dès qu’ils naissent, les enfants commencent à recevoir en don, avec la nourriture et les soins, la confirmation des qualités spirituelles de l’amour. Les actes de l’amour passent à travers le don du nom personnel, la transmission du langage, les intentions des regards, les illuminations des sourires. Ils apprennent ainsi que la beauté du lien entre les êtres humains vise notre âme, recherche notre liberté, accepte la diversité de l’autre, le reconnaît et le respecte comme interlocuteur […] et cela est l’amour, qui apporte une étincelle de celui de Dieu ! ».[187] Tout enfant a le droit de recevoir l’amour d’une mère et d’un père, tous deux nécessaires pour sa maturation intégrale et harmonieuse. Comme l’ont dit les Evêques d’Australie, tous deux « contribuent, chacun d’une manière différente, à l’éducation d’un enfant. Respecter la dignité d’un enfant signifie affirmer son besoin ainsi que son droit naturel à une mère et à un père ».[Conférence des Évêques catholiques d’Australie, Lettre past. Don’t Mess with Marriage, 13 (24 novembre 2015), p. 11.] Il ne s’agit pas seulement de l’amour d’un père et d’une mère séparément, mais aussi de l’amour entre eux, perçu comme source de sa propre existence, comme un nid protecteur et comme fondement de la famille. Autrement, l’enfant semble être réduit à une possession capricieuse. Tous deux, homme et femme, père et mère, sont « les coopérateurs de l’amour du Dieu Créateur et comme ses interprètes ».[189] Ils montrent à leurs enfants le visage maternel et le visage paternel du Seigneur. En outre, ensemble, ils enseignent la valeur de la réciprocité, de la rencontre entre des personnes différentes, où chacun apporte sa propre identité et sait aussi recevoir de l’autre. Si pour quelque raison inévitable l’un des deux manque, il est important de chercher une manière de le compenser, en vue de favoriser la maturation adéquate de l’enfant.
173. Le sentiment d’être orphelin qui anime aujourd’hui beaucoup d’enfants et de jeunes est plus profond que nous ne l’imaginons. Aujourd’hui, nous admettons comme très légitime, voire désirable, que les femmes veuillent étudier, travailler, développer leurs capacités et avoir des objectifs personnels. Mais en même temps, nous ne pouvons ignorer le besoin qu’ont les enfants d’une présence maternelle, spécialement au cours des premiers mois de la vie. La réalité est que « la femme se trouve devant l’homme comme mère, sujet de la nouvelle vie humaine qui a été conçue, qui se développe en elle et qui d’elle naît au monde ».[190] L’affaiblissement de la présence maternelle avec ses qualités féminines est un risque grave pour notre monde. J’apprécie le féminisme lorsqu’il ne prétend pas à l’uniformité ni à la négation de la maternité. Car la grandeur de la femme implique tous les droits qui émanent de son inaliénable dignité humaine, mais aussi de son génie féminin, indispensable à la société. Ses capacités spécifiquement féminines – en particulier la maternité – lui accordent aussi des devoirs, parce que le fait qu’elle est femme implique également une mission singulière dans ce monde, que la société doit protéger et préserver pour le bien de tous.[191]
174. En réalité, « les mères sont l’antidote le plus fort à la diffusion de l’individualisme égoïste […]. Ce sont elles qui témoignent de la beauté de la vie ».[192] Sans doute, « une société sans mères serait une société inhumaine, parce que les mères savent témoigner toujours, même dans les pires moments, de la tendresse, du dévouement, de la force morale. Les mères transmettent souvent également le sens le plus profond de la pratique religieuse : [par] les premières prières, [par] les premiers gestes de dévotion qu’un enfant apprend […]. Sans les mères, non seulement il n’y aurait pas de nouveaux fidèles, mais la foi perdrait une bonne partie de sa chaleur simple et profonde. […]. Très chères mamans, merci, merci pour ce que vous êtes dans la famille et pour ce que vous donnez à l’Église et au monde ».[193]
175. La mère, qui protège l’enfant avec affection et compassion, l’aide à éveiller la confiance, à expérimenter que le monde est un lieu bon qui le reçoit, et cela permet de développer une auto-estime qui favorise la capacité d’intimité et l’empathie. La figure paternelle, d’autre part, aide à percevoir les limites de la réalité, et se caractérise plus par l’orientation, par la sortie vers le monde plus vaste et comportant des défis, par l’invitation à l’effort et à la lutte. Un père avec une claire et heureuse identité masculine, qui en retour, dans sa façon de traiter la femme, unit affection et modération, est aussi nécessaire que les soins maternels. Il y a des rôles et des tâches flexibles, qui s’adaptent aux circonstances concrètes de chaque famille, mais la présence claire et bien définie des deux figures, féminine et masculine, crée l’atmosphère la plus propice pour la maturation de l’enfant.
176. On dit que notre société est une ‘‘société sans pères’’. Dans la culture occidentale, la figure du père serait symboliquement absente, écartée, aurait disparu. Même la virilité semblerait remise en question. Il s’est produit une confusion compréhensible, car « dans un premier temps, cela a été perçu comme une libération : libération du père autoritaire, du père comme représentant de la loi qui s’impose de l’extérieur, du père comme censeur du bonheur de ses enfants et obstacle à l’émancipation et à l’autonomie des jeunes. Parfois, dans certains foyers régnait autrefois l’autoritarisme, dans certains cas même l’abus ».[194] Mais « comme c’est souvent le cas, on est passé d’un extrême à l’autre. Le problème de nos jours ne semble plus tant être la présence envahissante des pères que leur absence, leur disparition. Les pères sont parfois si concentrés sur eux-mêmes et sur leur propre travail et parfois sur leur propre réalisation individuelle qu’ils en oublient même la famille. Et ils laissent les enfants et les jeunes seuls ».[195] La présence paternelle, et par conséquent son autorité, est affectée aussi par le temps toujours plus important qu’on consacre aux moyens de communication et à la technologie du divertissement. En outre, aujourd’hui, l’autorité est objet de soupçon et les adultes sont cruellement remis en cause. Ils abandonnent eux-mêmes les certitudes et pour cela ne donnent pas d’orientations sûres et bien fondées à leurs enfants. Il n’est pas sain que les rôles soient permutés entre parents et enfants, ce qui porte préjudice au processus normal de maturation que les enfants ont besoin de suivre et leur refuse un amour capable de les orienter qui les aide à mûrir.[196]
177. Dieu place le père dans la famille pour que, par les caractéristiques précieuses de sa masculinité, « il soit proche de son épouse, pour tout partager, les joies et les douleurs, les fatigues et les espérances. Et qu’il soit proche de ses enfants dans leur croissance : lorsqu’ils jouent et lorsqu’ils s’appliquent, lorsqu’ils sont insouciants et lorsqu’ils sont angoissés, lorsqu’ils s’expriment et lorsqu’ils sont taciturnes, lorsqu’ils osent et lorsqu’ils ont peur, lorsqu’ils commettent un faux pas et lorsqu’ils retrouvent leur chemin ; un père présent, toujours. Dire présent n’est pas la même chose que dire contrôleur ! Parce que les pères qui contrôlent trop anéantissent leurs enfants ».[197] Certains parents se sentent inutiles ou superflus, mais la vérité est que « les enfants ont besoin de trouver un père qui les attende lorsqu’ils reviennent de leurs erreurs. Ils feront tout pour ne pas l’admettre, pour ne pas le faire voir, mais ils en ont besoin ».[198] Il n’est pas bon que les enfants soient sans parents et qu’ainsi ils cessent prématurément d’être enfants.
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