J’ai préparé un discours, mais les discours sont ennuyeux !
Je le remets au cardinal et il le fera connaître dans le bulletin. Je préfère
répondre un peu à certaines questions. On me suggère de parler assis, comme
cela, je me repose un peu. Une sœur qui est ici, très âgée, est venue en
courant me dire : « Donnez-moi la bénédiction ‘à l’article de la mort’ (in
articulo mortis). – Mais pourquoi, ma sœur ? – Parce que je dois partir en
mission pour ouvrir un monastère… ». Voilà l’esprit de la vie religieuse !
Cette sœur m’a fait réfléchir. Elle est là, âgée, mais elle dit : « Oui, je
suis à l’article de la mort, mais je dois aller renouveler ou fonder un nouveau
couvent », et elle part. Par conséquent, moi aussi j’obéis et je parle assis !
C’est un des témoignages que tu demandais : être toujours en
chemin. Le cheminement dans la vie consacrée est d’aller à la suite de Jésus ;
la vie consacrée en général, et aussi pour les prêtres, c’est d’aller derrière
Jésus, et avec l’envie de travailler pour le Seigneur. Une fois – je fais un
lien avec ce qu’a dit la sœur – un vieux prêtre m’a dit : « Mais pour nous, il
n’y a pas de retraite et quand nous allons en maison de retraite, nous
continuons de travailler par la prière, avec les petites choses que nous
pouvons faire, mais avec le même enthousiasme parce que nous marchons derrière
Jésus ». Le témoignage de marcher sur les routes de Jésus ! C’est pourquoi le
centre de la vie doit être Jésus. Si, au centre de la vie, – j’exagère, mais
cela arrive ailleurs ; à Naples, sûrement pas ! – il y a le fait que je suis
contre l’évêque ou contre tel prêtre, toute ma vie est prise par cette lutte.
Mais cela signifie perdre sa vie. Ne pas avoir de famille, ne pas avoir
d’enfants, ne pas avoir l’amour conjugal, qui est si bon et si beau, pour finir
en se disputant avec son évêque, avec ses frères prêtres, avec les fidèles,
avec une « tête au vinaigre », mais ce n’est pas un témoignage ! Le témoignage,
c’est Jésus, le centre est Jésus. Et quand le centre est Jésus, il y a quand
même ces difficultés, il y en a partout, mais on les aborde autrement. Dans un
couvent, peut-être que je n’aime pas la supérieure, mais si mon centre est la
supérieure que je n’aime pas, mon témoignage ne va pas. Si, au contraire, mon
centre est Jésus, je prie pour cette supérieure que je n’aime pas, je la tolère
et je fais tout pour que les autres supérieurs connaissent la situation. Mais
personne ne m’enlève la joie : la joie d’aller derrière Jésus. Je vois ici les
séminaristes. Je vous dis quelque chose : si vous n’avez pas Jésus au centre,
retardez votre ordination. Si vous n’êtes pas sûrs que Jésus est le centre de
votre vie, attendez un peu plus de temps, pour être sûrs. Parce que sinon, vous
allez commencer un chemin et vous ne savez pas comment cela se terminera.
C’est le premier témoignage : que l’on voit que Jésus est le
centre. Le centre, ce ne sont pas les bavardages ni l’ambition d’avoir tel
poste ou tel autre, ni l’argent – l’argent, je veux en parler après – mais le
centre doit être Jésus. Comment puis-je être sûr d’aller toujours avec Jésus ?
Il y a sa Mère qui nous conduit à lui. Un prêtre, un religieux, une religieuse
qui n’aime pas la Sainte Vierge, qui ne prie pas la Sainte Vierge, je dirais
même qui ne prie pas le chapelet, s’il ne veut pas la Mère, la Mère ne lui
donnera pas son Fils.
Le cardinal m’a offert un livre de saint Alphonse Marie de
Liguori, je ne sais pas si c’est « La gloire de Marie »… Ce que j’aime dans ce
livre, c’est de lire les histoires de la Vierge Marie qu’il y a à la fin de
chaque chapitre : on y voit comment la Vierge Marie nous conduit toujours à
Jésus. Elle est Mère, le cœur de l’être de la Vierge Marie est d’être Mère, de
porter Jésus. Et le père Rupnik, qui fait des peintures et des mosaïques très
belles et très artistiques, m’a offert une icône de la Vierge Marie avec Jésus
devant elle. Jésus et les mains de la Sainte Vierge sont positionnés de telle sorte
que Jésus descend et il tient de sa main le manteau de la Vierge pour ne pas
tomber. C’est elle qui a fait descendre Jésus parmi nous : c’est elle qui nous
donne Jésus. Pour témoigner de Jésus, et pour aller derrière Jésus, une bonne
aide, c’est sa Mère : c’est elle qui nous donne Jésus. C’est un des
témoignages.
Un autre témoignage est l’esprit de pauvreté ; aussi pour
les prêtres qui ne font pas vœu de pauvreté, mais qui doivent avoir l’esprit de
pauvreté. Quand l’affairisme entre dans l’Église, que ce soit chez les prêtre
ou chez les religieux, ce n’est pas beau. Je me souviens d’une grande
religieuse, une femme douée, une grande économe qui faisait bien son métier.
Elle craignait Dieu, mais elle avait le cœur attaché à l’argent et
inconsciemment, elle sélectionnait les personnes en fonction de l’argent
qu’elles avaient. « Je préfère celui-ci, il a beaucoup d’argent ». Elle était
économe d’un collège important et elle a fait de grands travaux, une grande
dame, mais on voyait cette limite qu’elle avait et la dernière humiliation que
cette femme ait eue a été publique. Elle avait soixante-dix ans, plus ou moins,
elle était dans une salle des professeurs, pendant une pause des classes, elle
prenait un café, elle a eu une syncope et elle est tombée. On lui donnait des
gifles pour qu’elle reprenne connaissance mais elle ne se réveillait pas. Un
professeur a dit : « Mais mets-lui un billet de ‘pesos’ et on verra si cela la
fait réagir ». La pauvre, elle était déjà morte, mais c’est la dernière parole
qui a été dite d’elle quand on ne savait pas encore si elle était morte ou pas.
Ce n’est pas un beau témoignage.
Les consacrés – que ce soit des prêtres, des sœurs ou des
religieux – ne doivent jamais être affairistes. Mais l’esprit de pauvreté n’est
pas un esprit de misère. Un prêtre qui n’a pas fait vœu de pauvreté peut avoir
des économies, mais d’une manière honnête et aussi raisonnable. Mais quand il a
cette avidité et qu’il se met dans les affaires… Que de scandales dans l’Église
et quel manque de liberté pour de l’argent : « Cette personne, je devrais lui
dire ses quatre vérités, mais je ne peux pas parce que c’est un grand
bienfaiteur » ! Les grands bienfaiteurs mènent la vie qu’ils veulent et je n’ai
pas la liberté de le leur dire parce que je suis attaché à l’argent qu’ils me
donnent. Vous comprenez que la pauvreté est importante, l’esprit de pauvreté,
comme le dit la première des béatitudes : « Bienheureux les pauvres en esprit
». Comme je l’ai dit, un prêtre peut avoir ses économies, mais pas son cœur là-bas,
et que ce soit des économies raisonnables. Quand il y a de l’argent au milieu,
on fait des différences entre les personnes ; c’est pourquoi je vous demande à
tous d’examiner votre conscience : quelle est ma vie de pauvreté, ce qui me
vient aussi des petites choses ? Et c’est cela le second témoignage.
Le troisième témoignage – et je parle en général ici, pour
les religieux, pour les consacrés et aussi pour les prêtres diocésains – c’est
la miséricorde. Nous avons oublié les œuvres de miséricorde. Je voudrais
demander – je ne le ferai pas, mais j’aurais envie de le faire – demander de
dire quelles sont les œuvres de miséricorde corporelles et celles spirituelles.
Combien d’entre nous les ont oubliées ! Quand vous rentrez chez vous, prenez le
catéchisme et souvenez-vous de ces œuvres de miséricorde qui sont les œuvres
que pratiquent les petites vieilles et les gens simples dans les banlieues,
dans les paroisses, parce que suivre Jésus, marcher derrière Jésus, c’est
simple. Voici un exemple que je donne toujours. Dans les grandes villes, des
villes encore chrétiennes – je pense au diocèse que j’avais avant, mais je
crois qu’au moins à Rome c’est la même chose, à Naples je ne sais pas, mais à
Rome, certainement – il y a des enfants baptisés qui ne savent pas faire le
signe de Croix. Et où est l’œuvre de miséricorde pour leur enseigner dans ce
cas-là ? « Je t’enseigne comment faire le signe de la foi ». C’est seulement un
exemple. Mais il faut reprendre les œuvres de miséricorde, qu’elles soient
corporelles ou spirituelles. Si j’ai, près de chez moi, une personne qui est
malade et que je voudrais aller lui rendre visite, mais mon temps libre
correspond au moment du journal télévisé, et qu’entre le journal télévisé et
faire une œuvre de miséricorde, je choisis le journal télévisé, cela ne va pas.
À propos de journal télévisé, je reviens à l’esprit de
pauvreté. Dans le diocèse que j’avais avant, il y avait un collège tenu par des
sœurs, un bon collège, elles travaillaient beaucoup. Dans la maison où elles
habitaient à l’intérieur du collège, il y avait une partie qui était
l’appartement des sœurs ; la maison où elles habitaient était un peu vieille et
il était nécessaire de la refaire, et elles l’on bien refaite, trop bien et
luxueuse : elles ont mis dans chaque salle une télévision. À l’heure du journal
télévisé, tu ne trouvais pas une sœur dans le collège… Ce sont les choses qui
nous poussent vers l’esprit du monde et ici, voici l’autre chose que je
voudrais dire : le danger de la mondanité. Vivre de façon mondaine. Vivre avec
l’esprit du monde que Jésus ne voulait pas ! Pensez à la prière sacerdotale de
Jésus quand il priait le Père : « Je ne prie pas pour que tu les retires du
monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais » (Jn 17,15). La mondanité va
contre le témoignage, tandis que l’esprit de prière est un témoignage qui se
voit : on voit qui sont l’homme et la femme consacrés qui prient, de même que
celui qui prie formellement, mais pas avec son cœur. Ce sont des témoignages
que les gens voient. Tu as parlé du manque de vocations, mais le témoignage est
une des choses qui attirent les vocations : « Je veux être comme ce prêtre, je
veux être comme cette sœur ». Le témoignage de vie. Une vie commode, une vie
mondaine ne nous aide pas. Le vicaire pour le clergé a souligné le problème, le
fait – je l’appelle problème – de la fraternité sacerdotale. C’est valable
aussi pour la vie consacrée. La vie, qu’elle soit de communauté dans la vie
consacrée ou au presbytère, dans la vie de diocèse qui est le charisme propre
des prêtres diocésains, au presbytère autour de l’évêque. Vivre cette «
fraternité » n’est pas facile, ni dans un couvent, dans la vie consacrée, ni au
presbytère. Le diable nous tente toujours avec des jalousies, des envies, des
luttes internes, des antipathies, des sympathies, toutes ces choses qui ne nous
aident pas à créer une vraie fraternité et ainsi nous donnons un témoignage de
division entre nous.
Pour moi, le signe qu’il n’y a pas de fraternité, que ce
soit dans le presbytère ou dans les communautés religieuses, c’est quand il y a
des commérages. Et je me permets d’employer cette expression : le terrorisme
des commérages, parce que celui qui s’adonne au commérage est un terroriste qui
lance une bombe et qui détruit en restant dehors. Si au moins il faisait le
kamikaze ! En revanche, il détruit les autres. Les commérages détruisent et
sont le signe qu’il n’y a pas de fraternité. Quand on rencontre un prêtre qui a
des points de vue différents, parce qu’il doit y avoir des différences, c’est
normal, c’est chrétien, mais ces différences doivent se manifester en ayant le
courage de les dire en face. Si j’ai quelque chose à dire à l’évêque, je vais
voir l’évêque et je peux aussi lui dire : « Mais vous êtes antipathique », et
l’évêque doit avoir le courage de ne pas se venger. C’est cela la fraternité !
Ou quand tu as quelque chose contre une personne et au lieu d’aller le lui
dire, tu le dis à quelqu’un d’autre. Il y a des problèmes dans la vie
religieuse comme dans la vie sacerdotale, qu’il faut aborder, mais seulement en
tête à tête. Si ce n’est pas possible – parce que parfois ce n’est pas possible
– tu le dis à quelqu’un d’autre qui peut faire l’intermédiaire. Mais on ne peut
pas parler contre quelqu’un parce que les commérages sont un terrorisme de la
fraternité diocésaine, de la fraternité sacerdotale, des communautés
religieuses.
Et puis, à propos de témoignages, la joie. La joie de ma vie
est pleine, la joie d’avoir fait le bon choix, la joie parce que je vois tous
les jours que le Seigneur m’est fidèle. La joie est de voir que le Seigneur est
toujours fidèle. Quand je ne suis pas fidèle au Seigneur, je vais au sacrement
de la réconciliation. Les consacrés ou les prêtres ennuyeux, avec de l’amertume
dans le cœur, tristes, ont quelque chose qui ne va pas et il faut qu’ils
aillent voir un bon conseiller spirituel, un ami, pour lui dire : « Je ne sais
pas ce qui se passe dans ma vie ». Quand il n’y a pas la joie, il y a quelque
chose qui ne va pas. Le flair dont parlait l’archevêque aujourd’hui, nous dit
qu’il manque quelque chose. Sans joie, tu n’attires pas au Seigneur et à
l’Évangile.
Voilà les témoignages. Je voudrais finir avec trois choses.
Premièrement, l’adoration. « Tu pries ? – Oui, je prie. Je demande, je rends
grâce, je loue le Seigneur. – Mais tu adores le Seigneur ? » Nous avons perdu
le sens de l’adoration de Dieu : il faut reprendre l’adoration de Dieu.
Deuxièmement : Tu ne peux pas aimer Jésus sans aimer son épouse. L’amour de
l’Église. Nous avons connu beaucoup de prêtres qui aimaient l’Église et cela se
voyait qu’ils l’aimaient. Troisièmement, et c’est important, le zèle
apostolique, c’est-à-dire la mission. L’amour de l’Église te pousse à la faire
connaître, à sortir de toi-même pour sortir prêcher la Révélation de Jésus,
mais il te pousse aussi à sortir de toi-même pour aller à l’autre
transcendance, c’est-à-dire à l’adoration. Dans le contexte de la mission, je
crois que l’Église doit cheminer un peu plus, se convertir un peu plus, parce
que l’Église n’est pas une ONG, mais c’est l’épouse du Christ qui a le plus
grand trésor : Jésus. Et sa mission, sa raison d’exister, c’est justement cela
: évangéliser, c’est-à-dire apporter Jésus. Adoration, amour de l’Église et
mission. C’est ce qui m’est venu spontanément.
Traduction de Zenit, Constance Roques
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