Philippe Néri n'était pas ce qu'on appelle un saint confortable. On le dit patron des humoristes, mais pour se mettre à son école, ses disciples avaient à subir maintes épreuves...
Passons sur l'histoire de la pénitente qu'il envoya plumer une poule à travers Rome, pour les ramasser ensuite, afin de lui faire comprendre les vertus de la discrétion et les conséquences de la médisance.
Le jour de la translation des reliques des saints Maure et
Papia dans son église , en arrivant à la porte que la foule encombrait , il
s'arrêta devant un suisse de la garde du pape, et se mit à caresser sa barbe en
lui disant : « Vous faites honneur aux saints martyrs , c'est très-bien , mon ami
, ayez bon courage ; ce service ne demeurera pas sans fruit. »
Un autre jour, il se fit raser la barbe, seulement d'un côté,
et sortit ensuite dans la ville d'un air triomphant, comme s'il eût fait quelque
chose de glorieux. II lui arriva plus d'une fois de se faire couper les cheveux
et la barbe à la porte de la maison, au milieu d'une foule de curieux. Après
quoi, passant la main sur sa tête et son visage, il parlait de sa bonne mine ,
et donnait des louanges à son perruquier.
Le cardinal Gesualdi , qui lui était fort affectionné,
remarquant la légèreté de son vêtement, au milieu d'un rude hiver , lui donna
sa propre fourrure avec injonction de la porter. Il la porta, en effet, pendant
un mois entier , mais de la manière la plus plaisante ; il s'en allait dans les
rues enveloppé jusqu'au menton , marchant la tête haute , et se regardant de
temps à autre avec une affectation puérile qui faisait beaucoup rire les passants.
Attendait-il quelques visites marquantes, il prenait une
calotte rouge , un petit manteau de même couleur sur sa soutane noire , et des
souliers blancs, et c'était dans ce singulier costume qu'il recevait ses
visiteurs. Il lui arrivait parfois, aux jours de fêtes solennelles , d'arriver
à l'église sa barrette sur le nez et son manteau à l'envers , ou bien les
épaules couvertes d'un vieux camail blanc qu'avait porté le pape saint Pie V.
Un jour de la Nativité de la sainte Vierge, fête qui se célébrait dans son
église avec une grande solennité, il entra dans le choeur où se trouvaient
plusieurs cardinaux, sous ce costume burlesque. Ceux-ci se levèrent par honneur
, et voulurent lui faire prendre place au milieu d'eux. « Non, Messeigneurs,
leur dit-il, mon rang est parmi vos caudataires, » et il s'assit à leurs pieds.
Il avait dans sa chambre un assortiment de lunettes, non
pour son usage, car il ne s'en servait jamais, mais pour éprouver l'humilité de
ses jeunes disciples. On ne voyait alors que des vieillards dont la vue était
usée, recourir à cet instrument. Les jeunes gens ne pouvaient donc l'employer
en public sans se rendre ridicules. Or, c'est à quoi Philippe obligeait les
siens de temps en temps : « Ornez-vous , leur disait-il , le visage de ces lunettes
, et allez dans tel lieu public vous faire admirer. »
Un jeune menuisier, qui se confessait au saint, vint lui
demander la permission de porter un cilice : » Je le veux bien, répondit
celui-ci ; mais à condition que vous le porterez en guise de ceinture
par-dessus vos habits. » La condition fut acceptée. Il se fit faire une large
ceinture de crin, qu'il ne cessa de porter extérieurement pendant les quelques
années qu'il vécut encore.
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