L'arbre creux
Lectures du 11e Dimanche du Temps Ordinaire A
PREMIÈRE LECTURE «Vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation
sainte »
DEUXIÈME LECTURE « Si nous avons été réconciliés par la mort du Fils,
à plus forte raison serons-nous sauvés en recevant sa vie»
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains
5,6-11
ÉVANGILE « Jésus appela ses douze disciples et les envoya en mission »
* Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 9,36 -10,8
Frères et Sœurs,
Nous sommes arrivés presque au terme des grandes
célébrations qui suivent d’une certaine manière Pâques et le temps pascal. Il
nous restera encore le Sacré-Cœur de Jésus vendredi prochain.
Le Seigneur appelle aujourd’hui douze de ses disciples et il
leur donne un nouveau nom, celui d’Apôtres.
Le disciple, c’est en quelque sorte l’élève ou l’apprenti.
Lorsqu’ils deviennent apôtres, les disciples franchissent une étape
supplémentaire. Jésus les appelle par un nouveau nom et il leur donne une
mission, une sorte de mandat.
Le nom d’apôtre vient d’un mot grec qui signifie messager,
envoyé, ambassadeur. Ce n’est pas un hasard si nous le retrouvons après
l’énoncé du nom des douze. Ces douze, Jésus les envoya en mission.
Envoyé, c’est le même mot qu’apôtre en grec.
En fin ou en période d’examens, l’analogie en version
simplifiée nous autoriserait à dire qu’ils ont reçu leur diplôme, mais Jésus à
la différence de Platon n’avait heureusement pas d’Académie, jardins et domaine
où le philosophe enseignait. (Parenthèse : le nom d’Académie vient d’un
héros mythologique grec).
Vers qui Jésus envoie-t-il ces Apôtres ? « Ne prenez
pas le chemin qui mène vers les nations païennes et n’entrez dans aucune ville
des Samaritains. Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël. »
Nous avons entendu le soin que Dieu avait pris d’Israël au
désert. Il l’avait fait sortir d’Egypte, et arraché à la main de Pharaon ;
il l’a nourri, lui a donné à boire, il l’a enseigné et maintenant le voilà qui
veut conclure une Alliance avec lui. Pourtant ce Peuple a la nuque raide, ne
veut rien entendre, ni comprendre, comme nous le lisons dans les Ecritures. Aux
commandements donnés ils seront bien souvent infidèles. Mais Dieu ne cessera
pas d’aimer ce Peuple qui est son Peuple, au point de lui envoyer son propre
Fils.
Sa mission nous l’avons perçue dans la deuxième lecture :
Le Christ est mort pour nous, il est mort pour eux alors que nous étions encore
pécheurs… Il veut faire de tous les peuples son Peuple.
Cet amour est encore plus grand, maintenant que nous avons
été justifiés par la mort du Christ : « À plus forte raison,
maintenant que le sang du Christ nous a fait devenir des justes, serons-nous
sauvés par lui de la colère de Dieu… Si nous avons été réconciliés avec Dieu
par la mort de son Fils alors que nous étions ses ennemis, à plus forte raison,
maintenant que nous sommes réconciliés, serons-nous sauvés en ayant part à sa
vie. » La colère de Dieu et du Christ était un thème fréquent chez Léon
Bloy, une sorte de prophète incantatoire, dont c’est le centenaire de la mort
cette année. Toutes ses menaces et celles de Notre-Dame à La Sallette n’y ont
rien fait. L’homme prit par le mal, veut aller au bout de sa cruauté. La
miséricorde de Dieu est cependant sans repentance. Nous ne pouvons une fois de
plus que le remarquer et nous en émerveiller en lisant saint Paul et notre
histoire récente.
Le fait que le Seigneur envoie ses Apôtres vers les brebis
perdues de la maison d’Israël, ne devrait-il pas, sans vouloir être par trop
pessimiste, nous interpeller, n’est-ce pas aussi une piste sur les chemins de
la Nouvelle Evangélisation ? La mission paraît en effet restreinte. Jésus ne leur dit
pas de se rendre par toute la terre comme nous l’avons chanté au début de la
célébration. Ils le feront par la suite, mais nous pourrions nous demander si
le Seigneur ne veut pas nous inviter aujourd’hui à nous consacrer à la mission
chez nous ou près de chez nous, vers nos brebis perdues de la maison d’Israël.
Nous avons toujours des désirs d’universalité et de vastes
horizons dans notre Jura, comme celui de porter notre bonne nouvelle au loin. Les
grandes idées et les idées bien établies sur tout et sur tous ne manquent pas.
Mais certains jours, n’avons-nous pas l’impression de
découvrir que le vieil et grand-arbre que nous sommes est devenu creux et
qu’il menace de s’abattre. Il n’y a plus qu’une partie périphérique vivante et
en bonne santé. Comment la revitaliser ? Pardonnez cet exemple de
botanique à la Saint Paul. Dans la nature ce serait impossible. André Frossard
dans sa lettre mordante aux évêques (le parti de Dieu) avait eu l’audace
singulière d’avancer ceci : « L'un de vous, mes pères, nous a dit
un jour qu'il y avait, certes, moins de fidèles dans les églises, mais qu'ils
étaient de meilleure qualité. Somme toute, moins les chrétiens sont nombreux,
plus ils progressent. Quand il n'y en aura plus du tout, ils seront parfaits. »
Dieu ait son âme (bien sûr !). Et pour lui donner un joyeux démenti qu’il
apprécierait… ne pourrions-nous pas nous intéresser à ceux qui sont les plus
proches de nous ? En vertu de notre baptême et de notre confirmation, nous
avons reçu le mandat d’aller annoncer la Bonne Nouvelle.
Si nous hésitons toujours à faire usage de notre diplôme, le
pape nous donnait déjà une recette au début de son pontificat : « La
première motivation pour évangéliser est l’amour de Jésus que nous avons reçu,
l’expérience d’être sauvés par lui qui nous pousse à l’aimer toujours plus.
Mais, quel est cet amour qui ne ressent pas la nécessité de parler de l’être
aimé, de le montrer, de le faire connaître ? Si nous ne ressentons pas
l’intense désir de le communiquer, il est nécessaire de prendre le temps de lui
demander dans la prière qu’il vienne nous séduire. »
Marie, étoile de la nouvelle Evangélisation,
« Obtiens-nous maintenant une nouvelle ardeur de ressuscités pour porter à
tous l’Évangile de la vie qui triomphe de la mort. Donne-nous la sainte audace
de chercher de nouvelles voies pour que parvienne à tous le don de la beauté
qui ne se ternit pas. Amen. »
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